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2. RAPPORT ET SYNTHÈSE DES PRÉSENTATIONS


2.1 Ouverture de l’atelier

Monsieur Grimur Valdimarsson, Directeur, Division des industries de la pêche, FAO, a souhaité la bienvenue aux participants à l’atelier. Il a énoncé le thème de la réunion: même si jadis la FAO avait aidé les pêcheurs à pêcher davantage, désormais l’accent portait sur l’aide à donner aux pays pour qu’ils réduisent l’effort de pêche. La surexploitation est devenue un problème prédominant et les débarquements des 10 espèces les plus intéressantes commercialement ont baissé de 45 pour cent en raison de la surpêche. La réduction de l’effort est un enjeu difficile. L’approche la plus prometteuse consiste dans la mise en place d’un système de limitation des droits conjugué à leur taxation. C’est pour ce dernier aspect que l’atelier sur les réformes fiscales dans le secteur des pêches peut susciter le plus d’intérêt.

Monsieur Tim Bostock, coordinateur SIFAR, a souligné que l’un des principaux résultats attendus de cet atelier résidait dans les débats qui auraient lieu entre les participants, sur ce thème important mais relativement nouveau.

L’ordre du jour provisoire a été adopté par la réunion. Mme Nancy Gitonga, Directeur des pêches, Kenya, a été élue à l’unanimité présidente pour la première journée de l’atelier (la présidence est ensuite passée à M. Yugraj Yadava, Directeur, Programme du golfe du Bengale, pour les deuxième et troisième journées). La présidente a commencé par demander aux participants de se présenter rapidement et, ensuite, à l’animateur, M. Stephen Cunningham, Institut du développement durable et des ressources aquatiques (IDDRA), de décrire les objectifs de l’atelier.

Monsieur Cunningham a commencé par une brève présentation sur l’importance de la rente halieutique, à la fois comme force motrice économique menant à la surexploitation dans les pêcheries sans gestion ou mal gérées, et comme source potentielle d’avantages économiques dans les pêcheries sous gestion rationnelle. Il a également souligné le rôle clé que jouent les conditions d’accès, où l’accès libre et gratuit aux ressources halieutiques est largement reconnu comme étant le principal problème.

Il a ensuite décrit les objectifs de l’atelier. Ce dernier a réuni des participants ayant eu un large éventail d’expériences et son but principal était de faire de ces expériences la toile de fond d’un échange d’idées sur les thèmes suivants:

Dans le cadre de la gestion de la pêche, on pourrait s’attendre à ce que le système fiscal ait diverses fonctions, y compris:

En vue de faciliter l’échange souhaité d’expériences et d’idées, les sessions de l’atelier ont été articulées en une série de phases. Les participants ont décrit la situation régnant dans chaque pays représenté à la réunion. Les débats se sont ensuite organisés autour de trois thèmes présentés et approfondis par des sous-groupes thématiques:

1. Comment définir le jeu de mécanismes fiscaux et établir les niveaux corrects?
2. Que faire de la rente halieutique?
3. Comment gérer la réforme fiscale et négocier les accords de pêche?

Chaque sous-groupe thématique a ensuite présenté un bref rapport à la plénière. Les débats se sont poursuivis avec trois autres groupes représentant le niveau régional dont les objectifs étaient les suivants:

Les trois groupes étaient composés comme suit:

Chaque sous-groupe régional faisait rapport à la plénière et sur la base de ses déclarations une série de recommandations étaient formulées et adoptées par la réunion.

2.2 Présentations par les participants

Les documents sur lesquels se fondaient les présentations sont compris dans un supplément à ce rapport. Cette section ne se propose pas de donner un résumé de chaque document mais simplement de mettre en évidence les questions soulevées, tant dans les documents que dans les débats qui ont suivi.

M. Peter Manning[2]

Monsieur Manning a examiné dans sa présentation les répercussions fiscales de la rente halieutique, notamment en ce qui concerne la pêcherie du merlu en Namibie.

Il a commencé par souligner que l’objectif central de la réforme fiscale était de comprendre la valeur des stocks de poisson. L’élément clé consiste dans le calcul des rentes halieutiques mais, pour de nombreuses raisons, cette tâche n’est guère aisée.

Il a expliqué que la Namibie représente un cas quelque peu particulier car elle ne possède pas de secteur artisanal, de même qu'autrefois elle n’avait pas de population côtière en raison du désert hyper-aride qui occupait ses régions côtières. Le système de gestion se fonde sur les prises totales autorisées (PTA), des quotas étant assignés aux détenteurs de droits. Ces quotas sont soumis à une taxation et à d’autres impôts.

En principe, les impôts sont moins élevés pour les pêcheurs nationaux que pour les étrangers, mais, en pratique, cette distinction est difficile à appliquer car les entreprises utilisent souvent une combinaison de comptes et de lois comptables et commerciales qui aboutit à leur inclusion dans la tranche des coûts les plus faibles.

Cependant, la Namibie dégage suffisamment de rentes pour couvrir entièrement les coûts de gestion, y compris le contrôle, la surveillance et la recherche, et pour faire une contribution nette au trésor public.

Dans la pêcherie du merlu, la rente halieutique qui va encore à l’industrie est estimée à quelque 53,8 millions de dollars EU; ce chiffre est au net de la rente déjà perçue par le gouvernement et de la rente potentielle dissipée autrement.

Une des politiques d’utilisation de la rente, qui serait autrement allée au secteur de la pêche, vise à créer des emplois à terre en imposant aux bateaux transportant le poisson frais des impôts sur les quotas inférieurs à ceux des chalutiers congélateurs. Il convient toutefois de noter que ces derniers produisent normalement en mer du poisson congelé de haute valeur si bien que les rentes ne servent pas à favoriser l’emploi. D’où la question de savoir comment utiliser au mieux ces rentes: faut-il créer des emplois liés à la pêche ou faudrait-il examiner la question dans un contexte élargi, et peut-être destiner les rentes à la création d’emplois ailleurs que dans l’économie?

M. Chérif Ould Toueileb[3], Mauritanie

La Mauritanie a une zone économique exclusive (ZEE) de quelque 234 000 kilomètres carrés. Elle possède aussi la plus grande aire marine protégée d’Afrique qui représente 60 pour cent de la zone côtière. La pêche est une activité économique très importante. Les prises potentielles varient entre 1,5 et 1,7 million de tonnes. Les captures actuelles s’établissent à environ 600 000 tonnes, dont 90 pour cent viennent du secteur industriel. Le secteur de la pêche représente près de 10 pour cent du produit intérieur brut (PIB) et crée environ 40 pour cent de recettes en devises (les captures sont presque entièrement exportées).

Monsieur Toueileb a expliqué que l’extraction de la rente halieutique a longtemps joué un rôle important pour le gouvernement. Depuis les années 1980, 20 à 25 pour cent des revenus du gouvernement central ont été financés à partir des rentes halieutiques. Il a présenté un tableau montrant que la structure de cette rente a évolué au fil du temps. Dans les années 1980 et au début des années 90, en Mauritanie les taxes sur l’exportation étaient établies moyennant un système de monopsone de l’Etat. Ce système a été radicalement modifié vers 1993 pour être remplacé par un système de licences. Le système ne s’est pas avéré aussi efficace que l’ancien du point de vue du prélèvement de la rente, si bien que les contributions des pêcheurs nationaux ont fortement diminué. La rente est obtenue désormais principalement par le biais d’accords de pêche, notamment au travers de l’accord avec l’Union européenne (UE).

Monsieur Toueileb a souligné que même si la Mauritanie souhaitait continuer à appliquer le principe de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) concernant le partage des occasions de pêche entre pêcheurs locaux et pêcheurs étrangers, le gouvernement cherchait maintenant à promouvoir les sociétés mixtes pour conserver autant que faire se peut la rente dans le pays.

Le principal problème auquel se heurte la gestion de la pêche était la faiblesse institutionnelle, et en particulier le besoin de formation pour développer les capacités humaines. Il faut aussi contrôler l’effort de pêche, contrôle que la Mauritanie a commencé à exercer par la formulation et la réalisation d’une série de plans de gestion de la pêche. Les mesures fiscales font partie intégrante de ces plans.

M. Keizire Boaz Blackie et M. Godfrey Bahiigwa, Ouganda[4]

Messieurs Blackie et Bahigwa ont décrit la situation de l’Ouganda. Ils ont souligné la difficulté d’obtenir des données fondées sur le secteur de la pêche dont la contribution au PIB était estimée à 2,4 pour cent, mais que des estimations plus récentes ont établie à 12 pour cent. Le secteur emploie un million de personnes environ (4 pour cent de la population). Les exportations de poisson se sont accrues, passant de moins de 1 pour cent du total en 1990 (1,4 million de dollars EU) à 17 pour cent en 2002 (80,9 millions de dollars EU), chiffre qui n’est dépassé que par celui des exportations de café. Le poisson est une source bon marché de protéines animales, notamment pour les pauvres, et le secteur joue un rôle important dans la croissance économique et la réduction de la pauvreté.

Etant donné l’importance du secteur, le gouvernement élabore progressivement sa politique halieutique et une stratégie nationale a été publiée en 2002. Les pêches occupent aussi une place importante dans le plan d’action national d’éradication de la pauvreté.

Le problème de l’accès libre et gratuit a été reconnu et une approche fondée sur la cogestion est actuellement promue pour le résoudre. D’importantes innovations institutionnelles sont en cours dans le secteur des pêches avec la mise en place au niveau micro d’un réseau de 500-700 unités de gestion de plage (UGP) à l’échelon communautaire. Au niveau moyen, ces unités peuvent coopérer et former de grandes associations lacustres, comme celles des lacs George et Kyoga. Au niveau macro, le Département des ressources halieutiques se transforme en un Office national des pêches.

Le gouvernement central et local cherche à extraire des rente du secteur des pêches, le premier par le biais essentiellement de taxes d’exportation sur le secteur de la transformation, et le deuxième par la taxation des licences de pêche. Au niveau national, il est proposé d’imposer une taxe de 3 pour cent sur les exportations de poisson pour appuyer les fonctions nationales de gestion des pêches.

Au niveau local, le pays reconnaît la nécessité de réinvestir les rentes et la législation des UGP conférera aux communautés le pouvoir de les prélever et de les utiliser. Les UGP pourront participer aux adjudications pour la collecte des taxes aux points de débarquement.

Mme Nancy Gitonga[5], Kenya

L’objectif actuel du secteur des pêches est d’accroître la production durable de poisson, afin d’améliorer les revenus des pêcheurs et des pisciculteurs, d’atténuer la pauvreté, de réduire le chômage et de renforcer la sécurité alimentaire aux niveaux tant du ménage que national. L’élaboration des politiques et leur mise en œuvre relèvent du nouveau Ministère du développement de l’élevage et des pêches.

Le secteur des pêches joue une rôle important du point de vue social - la pêche est un mode de vie pour les communautés de pêcheurs - et économique - en contribuant à l’économie par la création d’emplois, la génération de revenus et les recettes en devises. En outre, les ressources halieutiques sont une source de loisirs grâce aux activités récréatives comme la pêche sportive et la pêche à la ligne, qui promeuvent le tourisme au Kenya.

La pêche en eau douce occupe une place très importante dans le secteur des pêches, le lac Victoria étant à l’heure actuelle le siège de quelque 90 pour cent des débarquements. L’espèce dominante est la perche du Nil mais la quantité débarquée diminue. Le gouvernement s’efforce de gérer de façon plus performante la pêche dans les lacs, tout en développant le secteur marin.

Le Kenya a une ZEE marine de quelque 230 000 kilomètres carrés. La plupart des prises viennent des petits fonds côtiers et la pêche est le fait principalement des artisans pêcheurs qui utilisent des bateaux et engins simples.

En haute mer, les grands thons, les marlins et les requins pélagiques sont pêchés par des exploitants étrangers sans participation locale. Le Kenya serait disposé à négocier des droits de pêche avec les pays pratiquant la pêche hauturière dans sa ZEE conformément aux dispositions de l’UNCLOS mais, avant d’entamer de telles négociations, il souhaiterait mieux connaître l’ampleur de ses stocks et obtenir des avis sur la forme et la teneur d’un accord de pêche éventuel qui contraindrait les pays pêchant en haute mer à établir des liens officiels avec lui.

Le gouvernement vise à améliorer l’infrastructure de pêche par la création de fabriques de glace, la modernisation des points de débarquement, la construction de routes résistant aux intempéries jusqu’aux points de débarquement, la mise en place de laboratoires de contrôle de la qualité du poisson et la fourniture de services comme l’électricité et la télécommunication aux points de débarquement.

La commercialisation des produits de la pêche souffre de l’application injuste d’obstacles commerciaux non tarifaires comme les mesures sanitaires et phytosanitaires imposées par les pays importateurs. Il faut donc créer une capacité permettant de participer efficacement à ces mesures et appliquer les normes internationales de qualité et salubrité du poisson pour maintenir sa part du marché.

La stratégie de reprise économique récemment mise au point vise la réalisation de la richesse et la création d’emplois pour la période 2003-2007. Le gouvernement élabore un code d’investissement pour réunir les incitations à l’investissement, la protection et le cadre institutionnel en une seule législation. La stratégie inclut dans le plan d’action des initiatives de réduction de la pauvreté qui mettent l’accent sur le développement durable de l’énorme potentiel du sous-secteur des pêches.

La réforme des politiques est également promue dans le sous-secteur par la mise au point d’un plan-cadre détaillé de la pêche. Le Kenya voudrait faire partie d’accords promouvant la collaboration régionale plus étroite dans la gestion et la régulation des ressources halieutiques transfrontières. Il souhaite aussi encourager la croissance des institutions de micro-financement pour fournir des crédits au sous-secteur, et entend introduire des réformes fiscales concernant le coût de l’exploitation des ressources halieutiques, et la transformation, la conservation et l’exportation des produits. Il souhaite également mobiliser suffisamment de ressources financières pour accélérer le développement de la pêche par l’intermédiaire de la recherche et du transfert de technologie.

M. Hassan El Filali et M. Hachim El Ayoubi[6], Maroc

L’industrie de la pêche est un secteur important de l’économie, contribuant pour quelque 2,5 pour cent au PIB et représentant un milliard de dollars EU en exportations (environ 15 pour cent des exportations totales).

Les débarquements de poisson s’élèvent à un million de tonnes par an et sont dominés, en termes de poids, par les petits poissons pélagiques, notamment les sardines qui représentent près de 70 pour cent du total. En termes de valeur, les céphalopodes, et en particulier les poulpes, figurent parmi les espèces les plus importantes.

Le secteur de la pêche comprend trois segments principaux: industriel, côtier et artisanal. Ensemble ces trois segments créent environ 113 000 emplois. A terre, le pays possède quelque 360 usines de transformation, produisant du poisson congelé, en boîte et conservé, ainsi que de la farine et de l’huile de poisson. Ces usines fournissent des emplois à environ 38 000 personnes. Il est estimé que 250 000 emplois supplémentaires proviennent indirectement de la pêche.

Ayant appliqué ce que l’on pourrait appeler un modèle classique de développement de la pêche (accroissement de la production en vue d’augmenter les revenus, la sécurité alimentaire et les exportations, en particulier), le Maroc a récemment adopté une nouvelle vision du développement de la pêche. Elle est centrée sur la gestion durable de la ressource et l’identification du rôle approprié pour le secteur dans le développement national. Le cadre juridique et réglementaire est donc en cours de rénovation et se propose l’objectif de gérer la pêche en tenant compte du concept de la rente.

Le cadre fiscal comprend les taxes, droits ou impôts sur l’investissement, l’exploitation des ressources et les activités de pêche. Dans chaque cas on a recours à un grand nombre de mécanismes fiscaux.

La situation fiscale actuelle se heurte à de nombreuses difficultés. En premier lieu, les considérations budgétaires à court terme tendent à dominer plutôt que la gestion de la pêche. Deuxièmement, un grand nombre de taxes et d’organisations sont en jeu. Troisièmement, certaines taxes et certains droits sont très élevés par rapport au niveau du service offert. Enfin, des questions sont soulevées quant à l’équité du système.

M. Ndiaga Gueye[7], Sénégal

Le secteur des pêches fait partie intégrante de l’économie du pays, représentant 2,5 pour cent du PIB et 37 pour cent de la valeur des exportations, et employant quelque 17 pour cent de la population active. Le poisson joue aussi un rôle vital dans la sécurité alimentaire, fournissant environ 75 pour cent des protéines animales.

La production totale s’est accrue considérablement, passant de 50 000 tonnes en 1965 à plus de 350 000 tonnes en 2002, mais de nombreuses ressources, notamment le plus précieuses, sont désormais entièrement exploitées ou surexploitées.

On observe un certain nombre de problèmes concernant le secteur, y compris le besoin d’une gestion durable des ressources halieutiques, l’amélioration de la gouvernance sectorielle, l’accroissement de la valeur de la ressource, et une communication plus étroite entre les acteurs du secteur.

Au plan des politiques, le programme actuel remonte au forum national tenu en novembre 2000, qui a permis l’identification des priorités. La principale consiste à établir un cadre pour la régulation de l’accès, qui permettrait de renforcer les actions de développement. Dans ce contexte, les cadres institutionnels, réglementaires et juridiques sont en cours de révision.

Le gouvernement a élaboré une stratégie sectorielle qui poursuit six objectifs clés: assurer la durabilité et la viabilité économique de la pêche, satisfaire la demande locale de poisson, moderniser le segment artisanal, accroître la valeur ajoutée des produits de la pêche, mettre en place un système de financement performant pour les activités des secteurs public et privé et renforcer la coopération bilatérale, régionale et internationale.

Une série d’activités sont entreprises pour réaliser ces objectifs. Au niveau de la gestion de la pêche, la priorité a été donnée à la régulation de l’accès par l’élaboration de plans de gestion de la pêche. Un part importante de ces plans concerne la mise en place d’un environnement institutionnel et économique plus approprié, y compris l’établissement de mesures fiscales conformes aux nouveaux buts de la politique sectorielle.

Mme Josie Tamate[8], Organisme des pêches du Forum

Mme Josie Tamate a présenté la situation dans la région du Pacifique dont s’occupe l’Organisme des pêches du Forum (OPF). L’Organisme a été institué en 1979 à la suite de l’adoption de la Convention sur le droit de la mer. Il se compose de 17 membres - 16 Etats indépendants et un territoire - et consiste en un comité et un secrétariat. Il est financé par les contributions de ses membres. Toutes les décisions sont prises par consensus ou par l’adhésion des deux tiers des membres votant. Aucune disposition ne prévoit des mesures disciplinaires à l’encontre de membres ne respectant pas les règles et procédures convenues au niveau régional.

La pêche au thon dans le Pacifique centre et ouest est l’une des plus importantes et productives du monde. Les prises débarquées s’élèvent à environ un million de tonnes par an, et ont une valeur monétaire de près de 2 milliards de dollars EU. Les principales flottilles étrangères appartiennent aux Etats-Unis, au Japon, à la Corée, à Taïwan, Province de Chine, et aux Philippines. Une flottille locale qui va en s’agrandissant (membres de l’OPF) a été notée ces dernières années.

Les eaux productives de la région se situent entre 10° de latitude N et 10° de latitude S, où se trouvent plus de 50 pour cent des membres de l’OPF. Ceux situés dans cette zone productive ont pu imposer des droits plus élevés aux pays pêchant en haute mer. Ces pays se sont aussi constitués en un sous-groupe dans le cadre de l’OPF appelé Parties à l’accord de Nauru (groupe PAN).

Les ressources en thon revêtent une grande importance pour les pays insulaires du Pacifique/membres de l’OPF, et représentent près du tiers de toutes leurs exportations. Les pêcheries apportent une contribution notable au développement économique, assurant des emplois à près de 20-40 000 personnes et générant un revenu en droits d’accès de quelque 60 millions de dollars EU par an pour les membres de l’OPF.

Les droits d’accès sont normalement versés en une seule somme au début de la période de validité de la licence. Ils dépendent du niveau des captures, du prix du thon et du taux de rentabilité. Les droits d’accès pour les senneurs vont de 10 000 à plus de 100 000 dollars l’an. Des frais additionnels sont imposés lorsque le bateau fait escale dans un port d’un membre de l’OPF. Les droits pour les palangriers varient normalement entre 5 000 et 20 000 dollars EU. Les bateaux basés dans les eaux des membres de l’OPF paient moins pour l’octroi de licences mais doivent payer des taxes d’exportation et d’autres. Une nouvelle méthode de taxation de l’accès et des licences est à l’étude; elle consisterait dans le versement d’une seule somme minimale plus un paiement supplémentaire à la fin de la période de licence. L’approche adopté actuellement par les membres de l’OPF n’est pas liée directement à la rente halieutique, mais elle pourrait subir des modifications dans un proche avenir; en effet des projets et études sont en cours pour mesurer la rente et les moyens d’accroître le revenu dégagé de la pêche. Il faudra promouvoir des mécanismes de transparence pour l’octroi des licences de pêche dans la région.

Un certain nombre de mécanismes ont été appliqués pour mettre en œuvre et surveiller les accords d’accès. Ils comprennent l’Arrangement de Palaos pour la gestion de la pêche à la senne coulissante dans le Pacifique centre et ouest, les Termes et conditions minimaux harmonisés, le Système de surveillance des bateaux et le Traité de Nioué de coopération dans la surveillance de la pêche.

La Convention sur le thon du Pacifique centre et ouest a été adoptée en septembre 2000 après six ans de négociations entre les principaux pays pêchant en haute mer et les Etats côtiers de la région. Cette convention introduit un nouvel élément dans la pêche au thon qui laisse prévoir un renforcement des programmes de conservation du thon. Elle envisage de nouvelles possibilités pour les membres de l’OPF de tirer des avantages accrus de leurs ressources. Le principal enjeu pour les membres de l’OPF consistera dans le maintien de la coopération et de l’unité régionale.

M. Jonathan Manieva[9], Papouasie-Nouvelle-Guinée

Il est estimé que les ressources halieutiques marines du pays pourraient produire des débarquements annuels durables de quelque 500 000 tonnes d’une valeur de 600 millions de dollars EU. La valeur marchande des captures de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) enregistrée actuellement n’est que de 100 à 200 millions de dollars, en raison d’une part de la difficulté d’obtenir la valeur réelle des pêches artisanales et, d’autre part, des variations annuelles du prix du poisson. Il existe d’énormes possibilités d’accroître la valeur économique et les rendements de ces pêcheries au profit de la PNG par une meilleure gestion et des programmes de développement.

La politique halieutique est déterminée par le Ministère des pêches et appliquée par l’Office national des pêches (ONP). Le principal objectif a été de garantir que les pêcheries et autres ressources aquatiques vivantes soient exploitées de façon durable; par la loi sur la pêche de 2000 le gouvernement est tenu d’assurer la conservation et l’utilisation optimale des ressources marines dans la ZEE.

L’approche adoptée pour réaliser ces objectifs a consisté dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de plans de gestion de la pêche pour chaque pêcherie particulière. Ces plans établissent les règlements d’accès aux ressources halieutiques. L’octroi de licences annuelles a représenté un élément clé de cette approche.

L’ONP est une entreprise semi-étatique, financée de façon autonome et gouvernée par un comité de 10 personnes comprenant des représentants du gouvernement, de l’industrie de la pêche, de propriétaires des ressources et d’organisations non gouvernementales. Elle tire le gros de ses revenus des droits d’accès imposés aux activités des pays pratiquant la pêche hauturière. Parmi d’autres sources figurent les droits de licence obligatoires, l’aide d’organismes de donateurs et les amendes infligées pour les activités illégales au titre de la loi sur la gestion de la pêche de 1998.

Le revenu obtenu sert à financer les opérations de l’ONP et tout excédent est déclaré comme dividende et versé au gouvernement. Cette autonomie a permis à l’ONP de mobiliser les ressources financières nécessaires pour remplir ses fonctions, contrairement à la structure précédente où le budget opérationnel et les plans financiers étaient soumis à l’approbation du Ministère des finances pendant le processus de répartition annuelle du budget national.

Depuis son établissement en 2000, il est estimé que l’ONP a réalisé ses objectifs aux plans de la génération de revenu et de la mise en œuvre des politiques et plans de gestion établis.

La pêche commerciale de loin la plus importante sous l’angle des prises et de la valeur économique est la pêche au thon. Les prises varient normalement entre 100 et 150 000 tonnes l’an mais il est estimé que cette ressource peut supporter des captures annuelles bien supérieures, de l’ordre de 250 à 300 000 tonnes avec une valeur marchande potentielle de 250 millions de dollars, en fonction du prix du produit. La PNG reconnaît le besoin d’une approche régionale pour la gestion du thon et est signataire d’un grand nombre d’accords de pêche bilatéraux, régionaux et multilatéraux.

Jadis, l’accès aux ressources de thon pour les bateaux étrangers s’établissait principalement sur la base du paiement de droits de licence. Toutefois, certains permis d’accès aux pêcheries ont été octroyés à des conditions de faveur contre la réalisation d’investissements à terre, et il est envisagé de poursuivre cette politique à l’avenir. Un part croissante des prises est maintenant le fait de bateaux nationaux et de bateaux étrangers basés localement, et une grande partie des captures nationales est transformée à terre.

A l’heure actuelle l’accès est évalué à plus de 10 millions de dollars EU par an, y compris les droits et taxes, les dépenses encourues pendant les escales, etc., et il est lié de façon croissante à l’engagement de réaliser des investissements à terre, de préférence sous la forme de la transformation à la valeur ajoutée du poisson en vue de son exportation.

M. Yugraj Yadava[10], Programme du golfe du Bengale/Inde

Monsieur Yadava a présenté la situation du golfe du Bengale et en particulier de l’Inde. Le secteur de la pêche revêt une grande importance socioéconomique en Inde où il est considéré comme un stimulateur puissant du revenu et de l’emploi. Pour plus de six millions de pêcheurs et de pisciculteurs, le poisson est un moyen de subsistance. Les principaux objectifs du plan quinquennal en cours (s’achevant en 2007) sont l’augmentation de la production et de la productivité, l’accroissement des exportations, la génération d’emplois et l’amélioration du bien-être et de la situation économique des communautés de pêcheurs.

L’Inde possède une très vaste ZEE qui s’étend sur plus de 200 millions de kilomètres carrés, et une récolte potentielle estimée à près de 4 millions de tonnes. La flottille de pêche maritime nationale est, dans une très large mesure, de caractère artisanal et comprend quelque 226 000 bateaux traditionnels dont environ 45 000 sont motorisés. Elle a aussi 53 000 bateaux mécanisés et 170 grands navires de pêche (plus de 21 mètres de longueur).

La production totale de poisson se situe actuellement à environ 6 millions de tonnes, dont 50 pour cent environ vont à la pêche maritime et 50 pour cent à la pêche continentale, bien que cette dernière s’accroisse beaucoup plus rapidement (6 pour cent par an) que l’autre (2 pour cent). L’accès aux pêcheries maritimes reste libre et ouvert, ce qui fait que l’accroissement de la demande (et, partant, des prix) a entraîné une augmentation du nombre de pêcheurs et de l’efficacité de leurs activités. Le nombre de pêcheurs actifs, qui avoisinait 200 000 au début des années 1960, avait dépassé le million en 1997.

Les exportations de poisson s’élèvent à plus d’un milliard de dollars EU par an. Leur développement est le résultat de la multiplication des installations à terre, notamment les usines de congélation et les conserveries.

Bien qu’il soit largement reconnu que les pêcheries doivent être gérées, les problèmes sont notables. La croissance économique générale en Inde tend à être inférieure le long des côtes par rapport au reste du pays. Le secteur des pêches, à l’intérieur, est confronté à des problèmes de surcapacité, de sous-emploi et de faibles gains par habitant, et extérieurement au manque d’occupations de rechange, à la mobilité saisonnière conjuguée à la faible mobilité de la main-d’œuvre vers d’autres secteurs, au bas niveau d’alphabétisation et à une situation relativement grave d’endettement.

Le défi consiste à élaborer, dans ce cadre, une politique à long terme permettant l’exploitation équilibrée et durable du secteur de la pêche maritime.

M. Herminio Lima Tembe[11], Mozambique

Les prises totales sont estimées à 112 000 tonnes dont 90 000 tonnes viennent de la pêche artisanale. Elles comprennent les crevettes côtières (10 000 tonnes), les crevettes d’eaux profondes (1 500 tonnes), les crabes (5 700 tonnes) et les poissons (94 800 tonnes). La valeur de la production de poisson s’élève à quelque 132 millions de dollars EU.

Les exportations de poisson se situent à environ 20 000 tonnes et sont évaluées à 96,5 millions de dollars EU. Les principaux marchés d’exportation sont les Etats-Unis (62 pour cent), l’Afrique du Sud (13 pour cent), l’Asie (12 pour cent) et le Zimbabwe (8 pour cent).

Les recettes extraites des droits de licences et des taxes s’élèvent à près de 3,8 millions de dollars EU.

Le plan-cadre de la pêche, adopté en 1994, établit un budget estimé à 5,1 millions de dollars EU pour les dépenses périodiques de l’administration des pêches. Ce chiffre devait correspondre à 2,5 pour cent de la valeur de la production halieutique qui, d’après les prévisions, aurait atteint 182,2 millions de dollars EU en 2000 et 209,3 millions en 2005. Au cours des trois dernières années, le budget du secteur public a varié entre 1,5 et 2,7 millions de dollars EU, soit 1,15 et 2,5 pour cent de la valeur de la production halieutique en 2001 et 2003 respectivement. L’aide financière internationale a généré des fonds d’investissement supplémentaires pour le développement de la pêche et le soutien institutionnel. Cette assistance est passée de 6,8 à 13,5 millions de dollars EU au cours de la même période.

Les rentes disponibles pour le gouvernement et dégagées des activités de pêche sont clairement assignées, 40 pour cent allant au Ministère des finances, 50 pour cent au Fonds d’investissement pour la pêche, qui fournit des crédits aux pêcheurs et permet le renforcement des capacités, et 10 pour cent au Ministère des pêches.

Avant 1990, le Mozambique avait conclu un accord de pêche avec l’ex-Union soviétique et la Communauté européenne. Avec l’approbation de la loi sur la pêche en 1990, la politique et le cadre institutionnel n’étaient plus compatibles avec ces accords de pêche. A part le thon et les autres grands migrateurs qui peuvent être pêchés dans la ZEE du Mozambique, les stocks de poisson des eaux territoriales étaient réservés aux flottilles nationales.

Un nouvel accord sur la pêche, conclu avec l’Union européenne et conforme aux politiques en vigueur concernant les droits d’accès, et à la législation nationale, est sur le point d’être mis en œuvre à partir de janvier 2004. Cet accord devrait être avantageux car il procurera des recettes supplémentaires qui serviront à répondre aux besoins financiers du secteur, y compris des fonds pour renforcer la gestion de la pêche et la création de capacités institutionnelles. Il devrait aussi promouvoir la surveillance et le contrôle des flottilles de thoniers, tout en prévenant les conflits avec les flottilles nationales concernant les espèces cibles et les zones de pêche. Il accroîtra l’utilisation économique des stocks sous-exploités et pourrait contribuer à améliorer l’utilisation du poisson débarqué à travers la transformation à terre.

M. Abdourahim Bah[12], Guinée

La pêche est l’un des secteurs économiques les plus importants. La production annuelle est évaluée à quelque 100 000 tonnes, fournissant 75 pour cent des protéines animales. Il est estimé que le secteur fournit des emplois directs à environ 9 000 personnes et indirects à 200 000 autres. La vente de licences rapporte de 20 à 25 milliards de francs guinéens de revenu par an.

Le but de la politique halieutique est d’accroître au maximum les avantages économiques et sociaux que le pays peut tirer de ses ressources en poisson. Les objectifs spécifiques concernent la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, l’intégration du secteur dans l’économie nationale, la création d’emplois, une forte augmentation des recettes du gouvernement, et le maintien de l’équilibre entre la ressource et l’environnement.

Pour réaliser ces objectifs, le gouvernement a élaboré une politique sectorielle destinée à contrôler les niveaux d’exploitation pour assurer la durabilité de la pêche et des revenus. Les principales activités comprennent l’évaluation de la ressource, le contrôle et la surveillance, le développement de l’infrastructure (notamment au plan de la qualité) et le renforcement de la capacité du Ministère des pêches et de l’aquaculture.

Les mesures de gestion de la pêche visent à conserver les ressources halieutiques et leurs habitats, à réduire le conflit entre les artisans pêcheurs et les pêcheurs industriels, à diminuer les rebuts et à améliorer la manutention après capture. Du point de vue socioéconomique, des mesures sont aussi prises pour développer la capacité nationale de pêche, accroître la valeur ajoutée à terre, créer des emplois, augmenter les revenus du gouvernement et réduire la pauvreté en améliorant le niveau de vie de la population.

L’accès à la ressource est contrôlé par les licences. Le chalutage est interdit jusqu’à 10 milles de la côte. La pêche par paire, à la senne coulissante et à la senne de plage est aussi défendue. La capacité des bateaux a été limitée à 1 000 de jauge brute pour les bateaux démersaux et à 2 600 pour les pélagiques. Le gouvernement impose aux entreprises de pêche de débarquer en Guinée. Le contrôle et la surveillance ont été renforcés le long des côtes. Cependant, un certain nombre de facteurs structurels limitent actuellement l’efficacité de ces mesures, y compris la faiblesse relative du contrôle et de la surveillance, ainsi que de la recherche.

Du point de vue fiscal, le fait le plus saillant a été la tentative de mettre en place une flottille nationale par l’offre d’incitations, c’est-à-dire en réduisant les droits de licence, aux bateaux affrétés à changer de pavillon et battre celui de la Guinée. Malheureusement, le programme s’est soldé par un échec, avec des conséquences défavorables pour les éléments socioéconomiques du système (droits allant au trésor, emplois, industrialisation). Les deux tiers environ du niveau normal des droits ont été perdus au cours du programme, et l’exploitation de la ressource s’est accrue en raison des dérogations accordées à ces navires au plan des autorisations de pêche. En ce qui concerne l’avenir, le gouvernement demeure convaincu de la nécessité de créer une capacité de pêche nationale, afin d’établir des usines nationales de transformation, et d’ajouter de la valeur aux produits de la pêche avant leur exportation. On met donc à l’essai une nouvelle approche qui prévoit l’encouragement à constituer des sociétés mixtes temporaires qui bénéficient de diverses dispositions dans le code d’investissement. Il est prévu que cette approche aboutira à une augmentation de la rentabilité, à un contrôle et une surveillance améliorés, à une meilleure conservation de la ressource, à des impacts socioéconomiques accrus et à un système fiscal plus rationnel qui ne dépend pas uniquement des droits de licence.

Débat sur les présentations des pays

Des débats animés ont fait suite à chaque présentation. La présente section esquisse les principaux thèmes soulevés pendant les différentes sessions de questions et réponses. Certains de ces thèmes ont été approfondis lors des groupes de discussion thématiques et/ou régionaux.

La question de savoir si les rentes halieutiques devraient servir à promouvoir l’emploi dans le secteur de la pêche lui-même a suscité un vif intérêt. Un grand nombre de points de vue ont été exprimés. Dans l’ensemble, tout en reconnaissant l’attraction politique potentielle d’un emploi accru dans le secteur de la pêche, les participants ont estimé qu’il fallait examiner la question dans une optique élargie, afin d’assurer la prise des bonnes décisions économiques. Il ne suffisait pas de se concentrer sur l’emploi dans le secteur.

Liée au thème de la génération d’emplois se présentait la question de la façon d’utiliser la richesse potentielle dégagée de la pêche pour réduire la pauvreté. Le grand problème de la pêche consiste dans le fait que la richesse et le revenu tendent à contribuer à leur propre destruction par la surexploitation. La question qui se pose est de savoir comment générer la richesse et le revenu sur une base durable et assurer qu’ils sont distribués équitablement. Il n’existe pas de solution universelle à ce problème mais les débats ont fait ressortir le besoin de trouver un équilibre entre les objectifs macroéconomiques et sectoriels, et de déterminer la manière dont le secteur de la pêche peut contribuer au mieux à la réalisation des objectifs macroéconomiques, comme la réduction de la pauvreté et l’emploi.

Un besoin clé est la nécessité de contrôler la capacité. La plupart, mais pas la totalité, des pêcheries examinées par les participants présentent des signes de surexploitation si bien que la question du contrôle de leur capacité est cruciale. On a également souligné l’importance de relier les solutions aux caractéristiques de la pêcherie et de concevoir un cadre institutionnel réalisable.

L’importance des droits d’usage a été largement reconnue. Une question difficile concernait le meilleur moyen de déterminer les taxes à appliquer. Bien que les participants n’aient pas su proposer de solutions à cette question, il est tout de même ressorti que les revenus extraits actuellement par les gouvernements sont normalement bien au-dessous des rentes potentielles. Le reste pourrait être capitalisé dans le prix des droits d’usage, même si ce cas ne se présente que rarement si bien que la part non extraite de la rente continue d’encourager la surcapacité.

La question de la transférabilité des droits d’usage a été aussi examinée. Il a été conclu que si en théorie on peut décider ou non de rendre ces droits transférables, en pratique dans de nombreux cas, la transférabilité tend à devenir une situation de fait, indépendamment de la situation de droit.

La question du partage des ressources entre pêcheurs locaux et étrangers a également fait l’objet d’un débat. Si certains participants estimaient que les pêcheurs locaux devraient être favorisés, d’autres ont argué que la gestion de la pêche avait pour priorité principale le contrôle du niveau général de l’effort de pêche. La distinction entre éléments locaux et étrangers devenait dès lors une question politico-économique, portant essentiellement sur les objectifs économiques du gouvernement et le rapport entre la pêche et eux.

Il a été conclu que là où existaient des accords de pêche, il fallait les gérer comme partie intégrante de l'ensemble du système de gestion de la pêche. En ce qui concerne la négociation des accords de pêche, on a souligné les avantages de la coopération régionale, de même que le besoin de maintenir la cohésion entre les partenaires régionaux. Si l’on décidait de révoquer un accord, il fallait considérer avec beaucoup d’attention les accords qui suivraient.

L’accent a été mis sur l’importance de mesures de contrôle et de surveillance appropriés. Dans de nombreux cas, les pays ont octroyé des licences sans savoir en quoi consistait la capture. On a reconnu l’importance de mettre en place des systèmes d’information sur la pêche, afin d’adapter l’effort de pêche aux ressources disponibles. Les programmes d’observateurs sont mis en place de façon croissante.

2.3 Discussions des groupes thématiques

Les participants ont formé trois groupes thématiques. Ils ont estimé que les discussions revêtaient un grand intérêt mais se sont plaints du manque temps pour traiter de façon approfondie tous les thèmes inscrits à l’ordre du jour.

Groupe 1

Le premier groupe s’est concentré sur la question de l’établissement d’un jeu correct de mécanismes fiscaux et la manière d’en fixer le niveau approprié. Les participants ont conclu que, s’il est vrai que chaque pêcherie devrait être examinée individuellement, le jeu correct et le niveau approprié des mécanisme fiscaux devaient être conformes à une série de questions clés, notamment:

La question des objectifs de la pêche a été longuement débattue par le groupe en réponse à la demande: comment éviter les conflits entre objectifs pour assurer la cohérence des politiques. Le groupe a présenté une liste d’objectifs possibles (et communs), y compris les suivants:

On a reconnu les possibilités de conflits entre ces objectifs. Le groupe a conclu qu’ils devaient être compatibles avec les connaissances et les priorités politiques, et que la prise de conscience croissante de l’importance de clarifier les objectifs politiques est une tâche ardue. Pour ce faire, les participants ont estimé qu’il fallait éduquer les responsables des politiques et les administrateurs. Il a aussi été estimé qu’il serait utile de quantifier les objectifs.

Les participants ont reconnu que tous les pays n’accordaient pas la même priorité aux objectifs. De ce fait, l’établissement d’objectifs adaptés est essentiellement une question politique et ne peut être réglé par des mesures techniques. Toutefois, les mesures techniques peuvent, et doivent, être utilisées pour relier les valeurs ou d’autres quantités à tout objectif pertinent, et pour définir les compromis qui sont inévitables lorsqu’un objectif est choisi plutôt qu’un autre. Cela contribuera à rendre le processus politique plus transparent et mieux axé sur les connaissances.

En examinant la question: «Quel est le jeu correct de mécanismes qui répond aux critères fondamentaux d’efficacité économique, faisabilité administrative et équilibre entre les objectifs économiques et environnementaux?», le groupe a noté que les moyens de gestion disponibles pourraient être présentés de différentes façons. L’objectif global est d’assurer que le niveau de l’effort et de la capacité de pêche est compatible avec les occasions de capture disponibles. En principe, cet équilibre est réalisable par la réduction de l’efficacité de pêche ou en limitant l’activité de pêche en soi (ou une combinaison des deux). La réglementation technique traditionnelle pourrait entrer dans la première catégorie. L’autre catégorie est présentée dans le tableau ci-dessous.

Le tableau montre que les mesures fiscales pourraient jouer un rôle important dans la gestion. Les mécanismes (moyens de gestion) pourraient avoir une capacité différente d’orienter le système vers le changement: l’un pourrait le guider vers une situation où les objectifs sont réalisés alors qu’un autre serait plus adapté à maintenir la situation préférée. La question clé, notamment dans le dernier cas, est le contrôle de la rente halieutique. Le maintien de la rente dans le secteur de la pêche pourrait compromettre une situation viable de production de cette rente. A cet égard, les mécanismes fiscaux pourraient servir de méthode de gestion visant à restreindre l’effort de pêche tout en étant un moyen d’extraction de la rente.

Une question pratique qui se pose est la difficulté apparente d’introduire des systèmes axés sur les taxes. Toutefois, bien que la taxation pourrait s’avérer difficile à imposer dans une situation d’absence de rente halieutique (au point d’équilibre de l’accès libre), il pourrait se présenter des cas où elle serait plus susceptible de rencontrer l’agrément des pêcheurs et de leurs organisations, comme la hausse marquée de la demande de poisson. En établissant une taxe égale au changement supposé de prix, la rente liée à la nouvelle situation pourrait être prélevée, à condition qu’existent les mécanismes institutionnels appropriés. Cela exige un comportement opportuniste de la part des autorités prélevant la rente, qui pourrait être difficile à réaliser si l’approche adoptée est axée sur des codes de taxes inhérents à la loi.


Contrôle des apports

Contrôle des réalisations

Direct

A:

· Limitation d’entrée
· Fermeture de la période de pêche
·(Fermeture de la zone)

C:

· Gestion traditionnelle des quotas
· Systèmes de QIT
· Autres systèmes de quotas

Indirect

B:

· Droits d’accès
· Autres taxes frappant l’effort de pêche

D:

· Taxation de la production
· Taxation des exportations
· Autres taxes sur les prises

Groupe 2

Le deuxième groupe s’est concentré sur la question de la destination de la rente halieutique. Il a commencé par examiner les objectifs généraux qui pourraient être réalisés grâce aux ressources générées, notamment les suivants:

Le groupe a identifié certaines questions recouvrant divers domaines, en particulier la réforme institutionnelle et la gestion fiscale. Dans le premier cas, il a été noté que tant le Kenya que le Mozambique avaient créé des Ministères des pêches distincts, et que l’Ouganda envisage la création d’un Office national des pêches qui serait une organisation paraétatique semi-autonome. Ces changements sont complétés au niveau local par l’introduction de systèmes de cogestion.

L’approche type de la gestion des matières fiscales prévoit que la rente aille directement au Trésor du gouvernement central avec des allocations au secteur des pêches réalisées par le biais de procédures budgétaires normales du gouvernement. Cette approche a souvent eu le résultat de priver les administrations des pêches de ressources, bien qu’il y ait des signes d’amélioration, le gouvernement prenant conscience de l’importance d’une gestion plus performante de la pêche. En Ouganda, comme élément de réforme, on discute l’idée de transférer à l’Office national des pêches l’autorisation de percevoir directement le revenu à destiner à la gestion des pêches. Au Mozambique, il est clairement établi que la part de revenu généré par la pêche va aux différents ministères.

Le groupe a suggéré que les ressources dégagées des activités de pêche pourrait servir à améliorer l’infrastructure matérielle des communautés de pêche. Ces améliorations comprendraient les routes, l’électricité pour les chambres froides et pour la réduction des déchets ainsi que la construction et la gestion de points de débarquement. Parmi les activités liées plus directement à la pêche figureraient la création de mécanismes de crédit appropriés et le financement des programmes de contrôle et surveillance.

Ce groupe a conclu que, en dernière analyse, c’est la gestion durable de la pêche qui est le facteur important car sans elle il n’y aurait ni croissance économique, ni réduction de la pauvreté, ni moyens d’existence viables, ni communautés stables.

Groupe 3

Le troisième groupe a examiné la question de la gestion du processus de réforme fiscale et de la négociation des accords de pêche. Il est parvenu aux conclusions suivantes:

1. Les accords de pêche et les paiements qui en dérivent sont une importante source de revenus pour le gouvernement en termes de soutien budgétaire.

2. Il ressortirait que, lors de la négociation des accords de pêche, les besoins budgétaires et les facteurs politiques revêtent plus d’importance que les informations scientifiques.

3. Une bonne préparation s’impose avant la négociation des accords. Un pays doit avoir un programme comprenant tous les objectifs visés. Il faudra tenir compte de l’historique de la pêche et de l’état des stocks de poisson dans la zone, du respect des normes internationales démontré dans le passé par les bateaux, et des politiques et objectifs nationaux.

4. Il importe d’élaborer un ensemble clair de directives pour la négociation des accords.

5. Il faut renforcer la capacité nationale de surveiller, contrôler et appliquer les normes établies dans les accords. Souvent les Etats côtiers ne sont pas en mesure de le faire.

6. Il faudrait une meilleure gestion et coordination du processus de réforme.

7. La consultation devrait être élargie, afin que le grand public puisse se faire une idée de l’importance de la ressource et éprouver à son égard un sentiment de propriété. Les avantages découlant de la pêche peuvent avoir, et ont, une influence sur les autres secteurs, comme la construction de routes et d’écoles.

8. Il est des bénéficiaires directs et indirects de la pêche. Une négociation correcte et transparente des accords et du processus de réforme renforcera les bénéfices et minimisera l’impact défavorable de la réforme. Le processus de réforme, s’il est réalisé correctement, ne produirait pas de vrais perdants ni de grands bénéficiaires.

9. Il faut une volonté politique pour étayer les changements, si un accord ne se conclut pas ou est annulé à la fin de sa durée. Et ce, pour atténuer les conséquences budgétaires du manque de revenus. Si l’on décide d’interrompre un accord de pêche, cette interruption exigera une planification attentive.

10. Il est essentiel de mettre l’accent sur la durabilité pendant le processus de réforme fiscale et la négociation des accords de pêche.

11. Le groupe est également parvenu à la conclusion qu’en définitive tout dépend des pratiques de gestion durable de la pêche.

2.4 Discussions des groupes régionaux

Pour identifier les priorités nationales et régionales, les participants ont formé trois groupes fondés sur les pays.

Groupe 1: Maroc, Mauritanie, Sénégal, Guinée

Le groupe a débattu des questions soulevées durant l’atelier dans une perspective régionale.

En ce qui concerne les mesures fiscales, il est parvenu aux conclusions suivantes:

A cet égard, le groupe formule les recommandations suivantes:

En ce qui concerne l’utilisation du revenu généré par les rentes halieutiques, le groupe a conclu que ce revenu devrait être versé au Trésor national pour contribuer au développement du pays. Toutefois, il importe d’assurer que les politiques halieutiques (gestion et développement) figurent parmi les priorités du gouvernement, et que des ressources adéquates soient affectées à leur réalisation.

En ce qui concerne les accords de pêche, le groupe a conclu que pour assurer la gestion durable de la ressource, il était nécessaire de créer des mécanismes d’allocation individuels et intégrés qui tiennent compte du potentiel de pêche dans chaque pays.

Le groupe a formulé les recommandations générales suivantes concernant le suivi à donner à l’atelier:

Groupe 2: Ouganda, Kenya, Mozambique

Le groupe a noté que des instruments similaires sont appliqués dans toute la région. A l’heure actuelle, les ressources tendent à passer au travers du Trésor national, mais le groupe a conclu que, dans le passé, les pêches n’avaient pas obtenu un budget approprié par rapport aux ressources affectées aux autres départements. C’est pourquoi il a recommandé la mise à la disposition de la gestion des pêches d’un pourcentage des rentes halieutiques.

Les accords et les capacités institutionnels sont actuellement faibles et le groupe a identifié le besoin de:

Pour renforcer la coopération régionale, il importe de mettre en place la Commission de l’océan Indien du sud-ouest. Cela permettra:

Il est également important de renforcer l’Organisation des pêches du lac Victoria pour améliorer la gestion des ressources partagées dans cette zone.

Le groupe a laissé entendre que le meilleur chemin à suivre était l’instauration d’un dialogue. Pour ce faire, il a aussi proposé l’organisation d’un atelier régional. Il a suggéré de tenir une réunion de suivi d’ici un an pour passer en revue les progrès accomplis dans ce domaine nouveau et complexe, qui a des répercussions politiques à de nombreux échelons du gouvernement. Il faudra obtenir l’engagement de tous les ministères concernés afin que le plan national puisse être mis au point et approuvé.

Groupe 3: OPF, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Programme du golfe du Bengale/Inde

Après avoir identifié les priorités thématiques sur une base régionale, ce groupe a conclu que:

La principale question qui se pose est la façon de gérer la pêche: avec le capital existant et/ou de nouveaux capitaux. Pour réaliser cet objectif il faut:

En ce qui concerne les possibilités de coopération, le groupe a conclu que les principales exigences étaient les suivantes:

En termes de mécanismes d’amélioration des mesures fiscales, le groupe a estimé qu’il serait utile d’organiser et tenir:

Pour conclure, le groupe a recommandé de fournir une assistance à:

2.5 Commentaires des observateurs de l’atelier

Les observateurs présents à l’atelier ont été invités à exprimer et formuler des commentaires généraux sur l’atelier et à suggérer des idées pour le suivi.

L’Unité de soutien pour la recherche internationale sur la pêche et l’agriculture (SIFAR) a offert de favoriser la poursuite du dialogue sur les réformes fiscales dans le secteur de la pêche en établissant à la FAO une liste de serveurs, qui pourrait fournir la plate-forme virtuelle nécessaire à l’échange d’idées.

L’EuropAid-Co-operation Office (AIDCO) de la Commission européenne (CE) a accueilli avec satisfaction l’occasion de participer à l’atelier et en a tiré beaucoup d’enseignements. La CE est disposée à appuyer la mise en œuvre de certaines des initiatives proposées, comme la constitution de réseaux régionaux et d’unités nationales d’analyse des politiques et de soutien technique. Ces mesures sont également compatibles avec les objectifs de Cotonou.

Le DFID (Royaume-Uni) appuie les travaux sur la cohérence des politiques pour le développement de la pêche avec le Comité des pêches de l’OCDE. Il a été signalé que les thèmes de l’atelier seraient incorporés à ce programme, et que ses résultats seraient aussi présentés à un atelier sur les réformes fiscales environnementales tenu en Allemagne les 24 et 25 novembre 2003 à Berlin.

La FAO a remercié les participants pour les excellents débats et a souligné que la pêche peut créer la richesse, mais que la rente est facilement dissipée par la surcapacité et l’excès d’effort. Les réformes fiscales visent à créer des incitations à agir correctement et à gérer les ressources halieutiques de manière durable.

L’Inde, au nom des participants, a remercié les organisateurs et a souligné que pendant les années 1990, la FAO a joué un rôle pionnier dans la promotion de la pêche durable et responsable, et que maintenant ces idées englobent aussi les réformes fiscales. Comme l’a observé Mahatma Gandhi «il y a suffisamment de ressources dans le monde pour satisfaire les besoins de tous sauf leur avidité».


[2] En l’absence du représentant du Gouvernement de la Namibie, Peter Manning (coordinateur, Etude de faisabilité ACP Fish II 2002-2003) a été chargé de cette présentation sur la base d’une étude qu’il avait entreprise en 2002 sur la pêcherie du merlu en Namibie.
[3] Directeur des études et de l’aménagement des ressources halieutiques, Ministère des pêches, Mauritanie.
[4] Respectivement, Economiste principal, Département des ressources halieutiques, Ministère de l’agriculture, de l’industrie de l’élevage et des pêches, et Chercheur universitaire, Centre de recherche sur les politiques économiques, Université de Makerere, Ouganda.
[5] Directeur des pêches, Kenya.
[6] Ministère des pêches, Maroc.
[7] Directeur des pêches maritimes, Sénégal.
[8] Economiste de projet, Organisme des pêches du Forum.
[9] Coordinateur pour les industries, Office national des pêches, Papouasie-Nouvelle-Guinée.
[10] Directeur, Programme du golfe du Bengale, Chennai, Inde.
[11] Directeur de l’économie, Ministère des pêches, Mozambique.
[12] Directeur des pêches maritimes, Guinée.

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