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17 La diversité biologique agricole au Sénégal: Etat des Ressources Génétiques Animales - Ministère de l'Agriculture et de l'Hydraulique, Institut Sénégalais de Recherches Agricoles


I. CARACTERISTIQUES GENERALES DE L'ELEVAGE

Le Sénégal est situé à l'extrémité Ouest du continent africain sur une superficie de 196 720 km². Le climat est de type sahélo-soudanien avec une pluviométrie variant du Nord au Sud de 200 mm à 1200 mm.

La population du Sénégal était estimée en 2000, à 9,5 millions d'habitants avec un taux de croissance annuel de 2,6 %. L'essentiel de cette population est concentrée dans les régions de Dakar (22 %), Thiès (14 %) et Kaolack (12 %). La population citadine ne cesse de croître au détriment de la campagne. Cette urbanisation rapide est passée de 23 % en 1960 à 47,4 % en 2000.

L'élevage occupe une place appréciable dans l'économie nationale, puisqu'il représente environ 35 % de la valeur ajoutée du secteur agricole et qu'il participe pour 7,5 % à la formation du PIB national. Les effectifs de cheptel sont présentés au tableau 1.

Tableau 1: Population animale

Espèces

Effectifs (1000)

Bovins

2.900

Moutons

4.400

Chèvres

3.700

Chameaux

4

Chevaux

440

Anes

370

Porcs

200

Poules

24.000

Source: Sénégal, Pré-recensement de l'Agriculture, 1997-1998. Direction de l'Elevage

La production nationale de viande (carcasse et abats) est estimée à environ 100.000 tonnes qui sont presque exclusivement destinées au marché intérieur. Les importations de viande sont assez faibles (720 tonnes). Du fait de l'augmentation de la population humaine et la faiblesse de la productivité des systèmes d'élevage, la consommation annuelle per capita a fortement baissé au cours des trois dernières décennies durant lesquelles elle est passée de 20 kg/hab. en 1970 à 11,7 kg actuellement.

La consommation de lait a également régressé après la dévaluation du FCFA en 1994, passant de 40 litres/hab. et par an en 1993 à 25 litres aujourd'hui. La production nationale de lait, estimée à 110 millions de litres par année, participe pour environ 50 % aux besoins de la consommation intérieure. Les importations de produits laitiers couvrent le reste des besoins et représentent une facture d'environ 35 milliards de FCFA, en 2000.

Les productions avicoles sont encore dominées par le système traditionnel, du fait de sa large expansion en milieu rural. Toutefois l'aviculture moderne s'est considérablement développée au cours de la dernière décennie principalement en périphérie des grands centres urbains et totaliserait actuellement quelques 5 millions de sujets.

L'essentiel de la production nationale en viande et en lait provient du système extensif qui subit depuis plusieurs années, les effets de la sécheresse, de la dégradation de l'environnement et de la pression agricole sur les terres de pâturage. Le croît de l'offre en produits animaux ne permet pas de couvrir le taux d'augmentation de la demande liée au croît démographique et à l'urbanisation. Ainsi, il est noté une diminution progressive de la consommation par habitant de lait et de viande.

1.1 Les principaux systèmes de production

Au niveau des différentes espèces animales domestiques exploitées pour l'alimentation et l'agriculture, les systèmes de production de type extensif utilisant très peu d'intrants constituent les modes de production dominants (tableau 2). Ces systèmes qui se sont façonnés au fil du temps reposent sur l'élevage de races animales qui sont adaptées aux conditions du milieu.

Tableau 2: Distribution des systèmes de production animale (%)

Espèces

Faible niveau d'intrants

Niveau moyen d'intrants

Haut niveau d'intrants

Total [%]

Bovins

80

19

1

100

Moutons

70

27

3

100

Chèvres

95

5


100

Chevaux

50

48

2

100

Anes

100



100

Porcs

80

20


100

Poules

65

10

25

100

Les systèmes de production existant traditionnellement dans les différentes zones agro-écologiques ont dû s'adapter aux nouvelles conditions du milieu (réduction des parcours naturels, diminution de la pluviométrie, demande urbaine plus importante et plus exigeante). Les programmes/projets de développement de l'élevage ont permis pour certaines espèces, l'émergence de systèmes de production plus intensifiés utilisant de nouvelles races ou souches (aviculture semi-industrielle, production laitière intensive et semi-intensive).

1.2. Rôle et fonctions des ressources génétiques animales

L'élevage joue un rôle important dans l'alimentation des populations par la fourniture de lait et de viande et dans la production agricole par l'apport de fumier et de force de traction. Il joue également un rôle d'épargne pour le financement de la production agricole (achat de semences et d'autres intrants agricoles) et a une fonction sociale en maintenant et en renforçant les liens de parenté et de clans (prêts et dons d'animaux). Enfin, l'élevage contribue à la génération de devises à travers l'exportation de produits comme les cuirs et peaux. Le tableau 3 présente les produits animaux fournis par les différentes espèces exploitées.

Tableau 3: Principales productions animales primaires

Espèces

Viande (t)

Lait (t)

Oeufs ('000)

Peaux (No.)

1990

2000

1990

2000

1990

2000

1990

2000

Bovins

43.200

52.600

98.600

105.000



341.000

384.000

Moutons

15.900

29.700

11.600

14.800



810.000

1.035.000

Chèvres



10.800

15.100



895.000

1.250.000

Chameaux

60

60







Chevaux

70

27







Porcs

2.800

6.700







Poules

7.700

30.300



120.000

250.000



En dehors des produits alimentaires (lait et viande), les animaux offrent différentes utilisations:

force de traction dans les travaux champêtres et le transport: les équidés sont les plus utilisés. Les bovins de trait sont estimés à 150.000 têtes avec 96 % des effectifs localisés dans la moitié Sud du pays: régions de Kaolack, Fatick, Tambacounda et Kolda (Ministère de l'Agricole, 1999);

production de fumier: les déjections des animaux sont recyclées au niveau des champs de culture;

épargne: les animaux jouent un rôle d'épargne très important pour les pasteurs et les agro-pasteurs;

rôle social: les animaux permettent à travers les dons et prêts de maintenir et développer les liens entre les membres d'une même communauté et de communautés différentes (échanges céréales et animaux au niveau du Djoloff entre Wolofs et Peuls).

1.3 Les contraintes des systèmes d'élevage

1.3.1 Les contraintes sanitaires

Bien que certaines maladies aient été éradiquées (peste bovine) ou soient en voie de l'être (péri-pneumonie contagieuse bovine), les maladies infectieuses et les parasitoses restent toujours une préoccupation. Pour les bovins, des maladies nouvelles ou en progression (dermatose nodulaire et fièvre aphteuse) sont signalées depuis quelques années. En outre la Fièvre de la Vallée du Rift est en recrudescence dans la Vallée du Fleuve et a été signalée récemment dans la zone du barrage de l'Anambé (région de Kolda). Au niveau des porcins, la peste porcine africaine constitue une contrainte sanitaire majeure qui induit un manque à gagner certain et réduit les opportunités d'amélioration génétique. Pour les équidés, la peste équine, reste toujours une menace pour les chevaux. L'aviculture traditionnelle est encore très limitée par la présence de la maladie de Newcastle.

L'intensification des productions animales devra tenir compte du degré de prévalence des maladies animales dans les différentes zones agro-écologiques. En particulier, l'amélioration génétique par l'introduction de gènes exotiques ne devrait être envisagée que dans les systèmes de production pouvant assurer une certaine maîtrise du contrôle de ces affections.

1.3.2. Les contraintes alimentaires

Elles sont de plusieurs ordres:

Anarchie dans l'utilisation des pâturages et des points d'eau: elle est apparue à la suite de la Loi sur le Domaine National qui a fortement affaibli l'autorité des groupes sociaux et ethniques anciens sur la gestion traditionnelle des terroirs;

Compétition entre l'agriculture et l'élevage: l'extension continue des zones cultivées liée au croît démographique humain, engendre une concurrence grandissante entre l'agriculture et l'élevage; les meilleures zones de pâturages sont mises en cultures, laissant au bétail les zones marginales. Cela entraîne des modifications dans les mouvements de transhumance et se traduit par la persistance de situations conflictuelles entre agriculteurs et pasteurs;

Répartition et mise en valeur inégales des ressources hydrauliques pastorales: elles peuvent engendrer soit une sous-utilisation de certaines zones pastorales riches, mais inexploitables faute de points d'eau, soit un surpâturage à la périphérie de forages mal gérés;

Utilisation peu optimale des résidus de récolte et des sous-produits agro-industriels: une grande partie des résidus de récolte est exploitée directement par les animaux au niveau des champs ce qui engendre des pertes liées au piétinement. L'accès aux sous-produits agro-industriels est dans la plupart des cas difficile du fait de leur disponibilité au niveau des zones pastorales ou de leur coût élevé.

1.3.3 Les contraintes organisationnelles et institutionnelles

Au niveau organisationnel, il y a plusieurs structures autour desquelles, les éleveurs se regroupent. Ces structures répondent à trois modèles: les coopératives, les groupements d'intérêt économique (GIE) et les maisons des éleveurs. Malgré leur nombre, la plupart des organisations des éleveurs souffrent d'une faiblesse dans les capacités d'organisation, de conception et de négociation.

Sur le plan du financement du sous-secteur de l'élevage, on note une faiblesse des crédits alloués. Le volume des investissements consacrés à l'élevage ne représente en moyenne que 3 % des investissements consacrés au secteur agricole. Pour les crédits bancaires, les professionnels de l'élevage n'ont réellement commencé à en bénéficier qu'avec la naissance des GIE d'éleveurs vers la fin des années 1980. Le système de crédit est resté très longtemps inadapté au contexte de l'élevage.

La plupart des infrastructures d'élevage ont été mises en place pendant la période coloniale. Depuis lors, aucun investissement significatif n'a été fait dans le sous-secteur. Les installations de transformation des produits animaux comme les abattoirs sont vétustes. Les forages pastoraux datent des années 1950; ils tombent fréquemment en panne et la prise en charge de leur entretien reste problématique, bien que leur gestion ait été déléguée aux communautés locales.

1.4. Etat de la diversité génétique des ressources animales

Les ressources génétiques animales sont dans une large mesure dominées par les races adaptées localement ou natives. Mises à part les poules, les races exotiques sont peu nombreuses en termes d'effectifs. Le nombre de races par espèce est présenté au tableau 4.

Tableau 4: Diversité des Races (Nombre de Races)

Espèces

Nombre de races

Total actuel

En danger

Largement utilisée

L

E

L

E

L

E

Bovins

3

5

0

1

3

0

Moutons

4

2

0

0

4

2

Chèvres

2

1


1

2

0

Chameaux

1

0

0

0

1


Chevaux

4

3

1

0

3


Anes

1

0

0

0

1


Porcs

1

1

0

1

1


Poules

1

11

0

0

1

11

L = Adaptées localement ou Native; E = Exotique (d'introduction récente et constamment importée).

Les races en danger sont celles avec un nombre total de femelles et de mâles en reproduction inférieur, respectivement à 1.000 et 20; ou si la taille de la population est inférieure à 1.200 et en diminution. Les espèces locales présentes ne sont pas pour le moment menacées. Elles fournissent l'essentiel des produits animaux. Le tableau 5 présente les effectifs pour les différentes races animales.

Tableau 5: Estimation des effectifs des principales races d'espèces animales domestiques

Espèces

Races

Effectifs

Bovins

Gobra

1.200.000

Ndama

1.000.000

Djakoré

600.000

Montbéliards

200

Jerseyaise

500

Holstein

200

Ovins

Peul Peul

3.200.000

Djallonké

1.200.000

Caprins

Chèvre du Sahel

2.500.000

Djallonké

1.300.000

Poules

Poule locale

18.000.000

Souches exotiques

6.000.000

Chevaux

Chevaux de race locale

440.000

Chevaux de sang

200

Avec l'augmentation de la demande en produits animaux, les politiques et stratégies mises en œuvre pour y répondre (recherche de races à haut potentiel de production sans tenir compte des conditions du milieu d'exploitation), pourraient à terme entraîner une marginalisation et une dilution des races locales et leur fragilisation pouvant déboucher sur des risques réels de disparition des races localement adaptées.

Les connaissances sur les ressources zoogénétiques sont inégales suivant les espèces. Les bovins, ovins et caprins constituent les espèces locales les plus étudiées et sur lesquelles des tentatives d'amélioration génétique ont été entreprises.

II. L'UTILISATION ET LE DEVELOPPEMENT DES RGA

2.1. Contribution des RGA à la production alimentaire et agricole

Les différentes espèces animales exploitées fournissent différents produits alimentaires (lait, viande) et services (force de traction pour le transport et les travaux agricoles, fumier, récréation, etc.). Chaque espèce animale fournit en général différents produits et services d'importance inégale. Nous ne disposons pas d'études précises portant sur l'évaluation des valeurs économiques de ces différents produits et services. Le tableau 6 présente des estimations des contributions relatives des différentes espèces aux produits et services fournis par les RGA.

Tableau 6: Importance relative des espèces dans les produits et services fournis par les animaux (%)

Espèces

Lait

Viande

Œufs

Peaux

Fumier

Traction

Récréation

Fuel

Bovins

80

45


60

75

10


100

Moutons

10

15


20

10




Chèvres

10

10


20

8




Chevaux





2

60

100


Anes






30



Porcs


5







Poules


25

100


5













Total

100

100

100

100

100

100

100

100

On peut noter que la production alimentaire est faite avec les ruminants et la volaille. Pour ces espèces, en particulier pour les ruminants, les races locales élevées dans les systèmes de production de type extensif offrent l'essentiel de la production.

2.2 Les stratégies d'amélioration génétique

Elles portent sur la sélection et le croisement qui fait généralement recours à des races exotiques.

2.2.1 La sélection en race pure

Les programmes de sélection ont été initiées dès le début des années 1960's sur le zébu Gobra et durant les années 1970 sur le taurin Ndama. Au niveau des ovins, des programmes de sélection ont porté sur les races Peul Peul, Touabire et Djallonké. Ces activités de sélection sont effectuées à partir d'un noyau d'animaux élevés en station au niveau des centres de recherches zootechniques de Dahra et de Kolda.

Au niveau des bovins, il s'agit d'une sélection massale basée sur les performances de croissance (poids à âge type). Un nouveau schéma a été conçu. Il intègre les troupeaux villageois dans le dispositif de sélection dans le cadre d'un système à noyau ouvert. Les critères de sélection des femelles incluent maintenant la production de lait.

Au niveau des ovins, comme chez les bovins, c'est la sélection massale basée sur les performances de croissance qui a été utilisée. Une attention a été également donnée aux caractères extérieurs comme la couleur de la robe (faveur pour les robes à dominante blanche) et la présence des cornes pour répondre aux exigences des populations pour les fêtes religieuses comme la Tabaski.

Ces programmes ont dû être arrêtés du fait que les géniteurs qui étaient produits devenaient de moins en moins concurrentiels par rapport aux béliers produits chez certains éleveurs qui opéraient des croisements avec des races de grand format comme le Bali Bali ou le Ladume.

2.2.2 Les croisements

Le petit format des races locales et la faiblesse de leur productivité par rapport aux données publiées sur les races tempérées, ainsi que le faible impact des programmes de sélection en race pure ont conduit les décideurs à souvent considérer le croisement comme la stratégie à privilégier en matière d'amélioration génétique pour augmenter rapidement les productions animales et changer les modes d'élevage. Ainsi, presque chez toutes les espèces animales, il y a eu des tentatives et des essais d'introduction de gènes exotiques.

Au niveau des bovins: il y a eu l'introduction des zébus indo-pakistanais (Sahiwal, Red Sindhi et Guzérat) pour le croisement avec le zébu Gobra pour en améliorer les performances laitières et bouchères durant les années 1960 et 1970. Récemment des essais d'insémination artificielle avec de la semence de races laitières (Montbéliard, Holstein et Brune des Alpes) sont effectués au niveau de projets de développement de l'élevage.

Au niveau des ovins, des tentatives d'introduction de races Lacaune, Sardi et Causnarde pour des croisements ont eu lieu, mais n'ont pas pu être poursuivies. Pour les caprins, la chèvre rousse de Maradi a été introduite pour améliorer les qualités de la peau de la chèvre sahélienne locale.

Au niveau des équidés, un programme d'insémination artificielle de semences de chevaux de sang (arabe, anglais et anglo-arabe) pour produire des produits destinés aux courses hippiques existe depuis plusieurs décennies.

Au niveau de la volaille, des programmes d'introduction de coqs ''raceurs'' sont initiés par les projets étatiques ou par des ONG en vue d'améliorer les performances de l'aviculture traditionnelle.

Mis à part les bovins et les équins, les tentatives d'introduction de gènes exotiques au niveau du cheptel local n'ont pas pu aboutir aux résultats attendus et ont été pour la plupart arrêtées. Les produits issus des croisements n'ont pas présenté des niveaux de production supérieurs à celui des animaux locaux mis dans les mêmes conditions d'élevage. En outre, la question de l'adaptation des produits s'est posée face aux conditions d'élevage difficiles (mode de conduite extensive, rareté des ressources alimentaires et de l'eau pour l'abreuvement, prévalence de maladies endémiques, etc.).

2.2.3 Les structures impliquées dans l'amélioration génétique

En dehors des éleveurs, les structures impliquées dans la conception et la mise en œuvre des programmes d'amélioration génétique sont:

L'Etat: intervient à travers les services de vulgarisation, de recherche, d'enseignement, dans la conception, le financement, le conseil, le suivi et l'évaluation des programmes.

Le secteur privé: intervient dans la fourniture de services en insémination artificielle, en santé animale et en alimentation.

Les ONG: interviennent souvent dans le domaine de l'aviculture rurale ou de l'élevage des petits ruminants. Leurs actions portent sur la fourniture de géniteurs ou de coqs raceurs et l'appui à l'amélioration des conditions d'élevage (habitat, santé, alimentation).

Les organisations d'éleveurs interviennent très peu dans les programmes d'amélioration génétique. Ce sont plutôt les éleveurs individuellement qui sont impliqués. Cette absence des organisations de producteurs fait que la plupart des programmes initiés ont connu des difficultés pour continuer après la fin des projets dans lesquels ils étaient menés. La faiblesse du niveau d'organisation des éleveurs fait qu'il serait difficile d'assurer une continuité à des actions d'amélioration génétique en dehors du cadre d'un projet de développement.

2.2.4. Difficultés rencontrées pour l'amélioration génétique

Les lacunes et difficultés rencontrées par les programmes d'amélioration génétique peuvent être résumées comme suit:

Manque d'implication des principaux acteurs que sont les éleveurs dans la réflexion, l'exécution et le suivi des programmes d'amélioration génétique;

Absence d'une stratégie claire d'amélioration génétique;

Manque de continuité dans les actions initiées;

Insuffisance dans la mise en place des conditions préalables;

Faible niveau d'organisation et de professionnalisation des producteurs;

Faible niveau des infrastructures;

Insuffisance des ressources humaines qualifiées pour la gestion de programmes d'amélioration génétique;

Bien qu'une loi sur l'amélioration génétique soit votée, les décrets d'application ne sont pas encore pris.

III. EVOLUTION DE LA DEMANDE FUTURE ET SON IMPACT SUR LA DEFINITION DES POLITIQUES ET SUR LES RGA

3.1. Evolution de la demande future en produits animaux

Les politiques d'élevage menées au Sénégal ont été toujours axées sur l'intensification des productions animales. Les actions, visant à améliorer les facteurs de production ont été parfois accompagnées par des tentatives d'amélioration du patrimoine génétique du cheptel.

Toutefois, il est constaté que, malgré les efforts déployés dans le sens de l'intensification de l'élevage, les systèmes de production restent encore dominés par un mode extensif. Les introductions de races étrangères en élevage en race pure ou pour des croisements, sont toujours concentrées dans certaines niches comme les Niayes (élevages avicoles et laitiers intensifs) ou dans des ranches (race Guzérats de la Société EMAP à Doli).

Les programmes de sélection sur les races locales bovines et ovines, n'ont pas donné les résultats escomptés. Pour les bovins, le programme est mis en veilleuse en attendant de pouvoir mettre en place une nouvelle stratégie basée sur les systèmes à noyau ouvert. Pour les ovins, il a été abandonné.

L'accroissement de la population humaine et l'urbanisation ont entraîné une augmentation de la demande en lait et viande. Pour la viande, mise à part la volaille, la production nationale est fournie par les races locales ou par des importations d'animaux venant des pays limitrophes comme c'est le cas pour les moutons à l'occasion des fêtes de Tabaski.

Pour la volaille, l'aviculture industrielle qui utilise des souches exotiques produit près du tiers de la production de viande de volaille. L'augmentation constatée dans la contribution de la volaille à l'offre nationale de viande entre 1990 et 2000 (de 11 à 25 %) est en grande partie due au développement de l'aviculture industrielle. On devrait s'attendre dans les années à venir à un renforcement de ce secteur dont les possibilités de développement sont encore importantes.

Pour la viande de ruminants, les systèmes extensifs resteront encore dominants dans les années à venir. Les races locales mieux adaptées dans ces conditions d'élevage, continueront de fournir l'essentiel de la production. Il est bon de noter que les races locales présentent des aptitudes bouchères appréciables et répondent de manière efficiente à l'engraissement.

C'est dans le domaine de la production laitière où les stratégies définies au Sénégal vont faire recours à l'importation de races laitières exotiques ou au croisement entre les races locales avec des races laitières. L'importation d'animaux laitiers et leur exploitation en race pure seront limitées dans certaines niches et pour certains types d'opérateurs compte tenu des exigences liées à ce mode de production intensif (importants capitaux à investir, races peu adaptées et nécessitant un environnement approprié et une technicité particulière). Par contre, l'introduction non organisée de gènes exotiques dans les élevages par le biais de l'insémination artificielle, peut avoir comme conséquence, la réduction des capacités d'adaptation des animaux pouvant même conduire à une baisse de la productivité.

Au niveau des équidés, dans la zone sylvo-pastorale, le cheval pourrait devenir un puissant moyen d'amélioration des revenus et par conséquent un instrument de lutte contre la pauvreté. En effet, la production et la vente de poulains demi-sang anglais a entraîné la formation de revenus monétaires importants ayant permis de faire participer les ruraux aux circuits commerciaux d'échange de biens et de services. Cette situation a favorisé la demande, par les éleveurs du bassin arachidier, de Ourossogui et de la région de Thiès, de création de centres de reproduction pour faire du cheval une spéculation agricole très rentable. A terme, cette tendance vise à produire et à exporter vers les pays de la sous-région des chevaux améliorés.

Pour les porcins, l'élevage en divagation a contribué à un métissage accru de la population locale avec la race Large-White source d'une probable réduction de la diversité génétique. Cette situation, ajoutée à une dilution de la race locale, pourrait créer les conditions du passage de la peste porcine africaine du stade d'enzootie à celui d'épizootie.

3.2. Orientations politiques et stratégies de développement de l'élevage

Une lettre de politique de développement de l'élevage (LPDE) a été élaborée en juillet 1999 sur la base du document "Plan d'action de l'élevage 1998-2003", dont elle reprend les objectifs et les orientations stratégiques.

Les objectifs globaux du sous-secteur de l'élevage ont été définis comme suit dans la LPDE:

Accroître de façon soutenue les productions animales en vue de contribuer de manière spécifique à la réalisation de l'objectif de sécurité alimentaire;

Améliorer le revenu des producteurs en élevage et lutter contre la pauvreté;

Préserver les ressources naturelles.

Ces objectifs sont cohérents avec les défis à relever à moyen terme et impliquent une amélioration significative de la compétitivité du secteur élevage, avec toutes les implications que cela suppose (investissement privé, professionnalisation des acteurs...).

Les objectifs spécifiques inscrits dans la LPDE portent sur les éléments suivants:

Augmentation de la production globale de viande de 100.000 tonnes en 1997 à 144.600 tonnes en 2003 de façon à porter la consommation actuelle de 11,5 kg/habitant et par an à 14 kg;

Accroissement de la consommation d'œufs de 22 unités per capita à 30 unités en l'an 2003;

Réduction de la facture laitière et augmentation de la consommation de lait de 27 litres par habitant et par an en 1997 à 35 litres en 2003;

Croissance de la production de miel (de 200 tonnes à 1.000 tonnes) et de cire (de 50 à 150 tonnes);

Développement de la filière équine grâce à l'amélioration génétique des races locales.

Les accroissements prévus de consommation impliquent:

Une augmentation de la production nationale à un rythme élevé et soutenu (+6,3 % par an pour la viande, + 4,6 % par an pour le lait, +6,3 % par an pour les oeufs).

Une capacité financière des consommateurs à acheter ces aliments considérés comme étant de "luxe". Or la situation actuelle montre qu'environ 30 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Un effort en matière d'éducation nutritionnelle, notamment en faveur de l'amélioration de la ration des enfants par une incorporation plus importante de protéines d'origine animale à prix modéré (oeufs, lait).

Pour atteindre ces objectifs, le Ministère de l'Elevage a fixé les orientations stratégiques suivantes:

Rendre les différentes filières animales plus compétitives, plus productives et plus diversifiées;

Développer l'initiative privée et renforcer la professionnalisation des producteurs et leurs organisations socioprofessionnelles;

Adapter l'environnement financier aux besoins des producteurs privés qui investissent pour l'intensification de l'élevage;

Assurer la qualité des services fournis par l'Etat;

Assurer une gestion saine des ressources naturelles pour un développement durable.

Ces orientations stratégiques qui s'articulent autour de l'intensification, de la diversification et de la durabilité des systèmes de production, impliquent que, dans leur traduction en actions de développement, les aspects liés à une gestion des RGA constitueront une composante importante.

IV. ETAT DES CAPACITES NATIONALES A GERER LES RESSOURCES GENETIQUES ANIMALES

Si dans le domaine de l'élevage, le pays dispose de ressources humaines adéquates pour le développement des productions animales, les questions relatives à la gestion des ressources génétiques en vue de leur conservation et d'utilisation durables ne sont pas souvent intégrées dans les politiques et stratégies. Ceci se reflète dans les curricula des institutions de formation.

En termes de connaissances sur les ressources animales et les modes d'exploitation, un certain nombre d'acquis existent au niveau des bovins, ovins, caprins, et du poulet. Les autres espèces ont été très peu étudiées. Pour les espèces bovines, ovines et caprines, des caractérisations phénotypiques ont été effectuées au niveau des différents systèmes de production. Des études de caractérisation génétiques sont également effectuées en collaboration avec l'ILRI. Les principaux systèmes de production existants dans le pays ont également fait l'objet de description et de caractérisation.

Les institutions impliquées dans la génération des connaissances sur les ressources et leur gestion sont:

4.1. Les Institutions de Formation

Différentes structures de formation existent pour différents niveaux allant de techniciens de base à cadre de conception (ingénieurs et docteurs):

Les Instituts universitaires: L'Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine Vétérinaire de Dakar (EISMV) forme des Docteurs Vétérinaires avec un curriculum centré sur la santé et les productions animales;

Les Facultés des Sciences des Universités Cheikh Anta Diop-Dakar et Gaston Berger -Saint Louis qui forment des étudiants à divers niveaux de spécialisation en biologie;

L'Ecole Nationale Supérieure d'Agronomie de Thiès (ENSA) qui est une structure de formation d'ingénieurs agronomes avec des spécialités en économie rurale, productions forestières, végétales et animales;

L'Ecole Nationale des Cadres Ruraux de Bambey qui forme des techniciens supérieurs dans différentes spécialités liées au développement rural;

L'Ecole des Agents Techniques d'Elevage dont les élèves sortent avec le diplôme de techniciens ordinaires en élevage.

D'autres structures interviennent dans la formation d'agents du développement rural dans les domaines de la planification, de l'aménagement du territoire, de l'économie familiale, etc. (Ecole Nationale d'Economie Appliquée, Ecole Nationale des Monitrices Rurales).

4.2. Les Institutions de Recherche

Différentes institutions interviennent dans la recherche agricole. Dans le domaine des productions et santé animales, l'Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA) au niveau du Laboratoire National d'Elevage et de Recherches Vétérinaires (LNERV) et des Centres de Recherche Zootechnique (CRZ) de Dahra et de Kolda mènent des recherches.

Le LNERV dispose de laboratoires spécialisés en bactériologie, virologie, parasitologie, chimie et nutrition animale. Les CRZ de Kolda et de Dahra disposent d'infrastructures et d'un cheptel pour les expérimentations zootechniques (production de lait, viande, cultures fourragères, reproduction, croisement, etc.). Au niveau de ces centres, des noyaux de sélection de bovins et d'ovins de races locales sont maintenus depuis plusieurs décennies. En outre, le LNERV abrite une unité de productions de vaccins (24 types) pour différentes maladies des espèces animales domestiques.

Les Instituts universitaires tels que l'EISMV et l'ENSA, en plus de leurs activités de formation mènent des opérations de recherche en santé et productions animales. Ces institutions disposent également de laboratoires de nutrition, parasitologie, microbiologie, hygiène et industrie des denrées alimentaires d'origine animale, pharmacie et toxicologie, biochimie, physiologie, etc.

4.3. Les Organisations de Producteurs

Différentes organisations des producteurs existent à travers le pays. Ces organisations peuvent être d'une assise locale, régionale ou nationale. On peut citer parmi celles-ci:

Les Maisons des Eleveurs (MDE) qui sont des structures régionales avec des démembrements au niveau départemental et local.

Le Conseil National de Concertation des Ruraux (CNCR) qui est une structure faîtière composée de fédérations nationales de producteurs agricoles parmi lesquelles: la Fédération Nationale des GIE d'Eleveurs et la Fédération Nationale des Coopératives d'Eleveurs.

Ces structures associatives d'éleveurs manquent pour la plupart des capacités organisationnelles et techniques devant leur permettre d'être une force de négociation avec leurs différents partenaires.

4.4. Les structures nationales d'appui-conseil au monde rural et ONG

La Direction de l'Elevage, l'Agence Nationale pour le Conseil Agricole et Rural (ANCAR), les sociétés régionales de développement rural et différents projets et ONG participent à la vulgarisation de technologies pour améliorer les modes de production. En outre, ils jouent un rôle d'appui-conseil en matière d'organisation.

4.5. Le Secteur Privé

Les structures privées spécialisées dans la distribution des intrants et dans la fournitures de services comme les vétérinaires privés jouent également un rôle dans la couverture sanitaire du cheptel.

V. IDENTIFICATION DES PRIORITES POUR LA CONSERVATION ET L'UTILISATION DES RGA

La conservation et l'utilisation des ressources génétiques animales supposent à court, moyen et long termes la mise en oeuvre des actions suivantes:

L'élaboration d'un cadre global pour l'utilisation et la conservation des races locales: l'importance du rôle des RGA locales dans l'amélioration des productions animales et agricoles n'est pas souvent suffisamment mise en exergue dans les politiques et stratégies de développement de l'élevage, bien qu'elles contribuent aujourd'hui à plus de 95 % de l'offre nationale en viande et en lait. L'utilisation durable des RGA qui constitue une garantie pour leur conservation doit être inscrite dans les stratégies de développement des productions animales.

La définition de programmes d'amélioration génétique (sélection et croisement) tenant compte des systèmes de production en place et des demandes en produits animaux: le milieu de production en vigueur et son évolution en fonction des changements dans les méthodes de conduite des RGA doivent guider le choix des stratégies d'amélioration génétique. La réponse à la demande en produits animaux devra constituer l'objectif visé par le programme.

Le renforcement des capacités des techniciens en matière de gestion des RGA: personnel qualifié pour la conduite de programme d'amélioration génétique; contrôle et évaluation des performances, évaluation génétique, utilisation des outils de diffusion des gènes (insémination artificielle, transfert d'embryons). Les aspects liés au concept de conservation devront également être pris en compte dans les programmes de formation des techniciens.

Le renforcement des capacités des producteurs: appui à la re-dynamisation des organisations de producteurs à travers la sensibilisation et la formation sur les aspects techniques liées à la conservation et à l'utilisation durable des RGA et au lobbying et à la plaidoirie pour les RGA.

Résultats des discussions:

Les succès et contraintes spécifiques au Sénégal analysés par les participants pendant l'atelier ont été les suivants:

SUCCES

  • Cadre politique et institutionnel:

- Un cadre législatif assez fourni réglementant nombreux aspects du secteur agricole et de l'élevage;

- Bon dispositif institutionnel et administratif;

- Options stratégiques claires; a-t-on les moyens?

  • Rôle des ONG:

- Renforcement des capacités des acteurs non gouvernementaux (ONG);

- Recherche participative en agriculture, élevage, foresterie (ONG);

- Régénération du capital semencier (ONG);

- Contribution des ONG dans l'agro-biodiversité;

  • Gestion de l'agro-biodiversité:

- Existence d'un arsenal juridique pour l'introduction et le commerce des semences;

- Existence des comités nationaux sur les ressources phytogénétiques et les ressources zoo-génétiques;

- Effort pour résoudre les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent (commerce des semences animales);

- Existence de plusieurs institutions impliquées dans la gestion des ressources génétiques;

- Création de cadres de concertation de la société civile pour le développement durable (ONG);

- Lutte contre la désertification (CCD);

- Préservation de la biodiversité (ONG);

CONTRAINTES

  • Problèmes de gestion de l'agro-biodiversité

- Insuffisance des stratégies d'amélioration et de conservation des ressources naturelles;

- Perte de diversité animale locale au profit de la diversité exotique;

- Non maîtrise du flux de gènes aux frontières ou défaut d'application des textes réglementaires;

- Absence de l'influence réciproque de l'agriculture et de l'élevage dans la CDB;

- Absence des ressources halieutiques dans la CDB;

- Manque de banque de gènes;

- Erosion de la diversité animale locale par une introduction excessive des ressources étrangères;

- Les variétés améliorées prennent le pas sur les variétés traditionnelles;

- Abandon des variétés traditionnelles à qui revient la charge de la conservation des variétés traditionnelles?

- Absence d'une appréciation des initiatives paysannes ou communautaires en conservation de la biodiversité;

- Faible niveau d'utilisation des ressources génétiques locales dans l'objectif de la sécurité alimentaire et de la protection de l'environnement;

- Sous utilisation des races locales animales;

- Faiblesse d'implication des producteurs dans les programmes d'amélioration génétique (animale).


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