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CHAPITRE 4
POLITIQUES INFLUANT SUR LES INCITATIONS À LA PRODUCTION (Cont.)

4.3.5 Politiques d'aide alimentaire

Un sous-ensemble de la politique commerciale concerne l'aide alimentaire. Ce type d'aide a soulevé des critiques sous prétexte qu'il démotive les producteurs nationaux. À long terme, le pays bénéficiaire risque de tirer davantage profit d'une aide financière, dont les fonds permettent aux familles pauvres d'acheter leurs besoins alimentaires sur le marché national, plutôt que d'une aide alimentaire. Shlomo Reutlinger a avancé des arguments convaincants en faveur de l'aide financière par rapport à l'aide alimentaire:

Pour parler crûment, l'aide alimentaire est le produit d'une ère où l'on attendait du gouvernement, dans les pays industrialisés comme ceux en développement, qu'il intervienne à grande échelle dans la production et la commercialisation des denrées alimentaires. … La remise en cause la plus radicale de la notion que l'aide alimentaire est préférable à tout autre type d'aide provient de l'idée maintenant largement acceptée que la pauvreté est la cause première de la faim et de la malnutrition, et non pas l'offre alimentaire ou les mauvaises performances des marchés alimentaires. … Si la cause de la faim n'est pas le manque de denrées alimentaires sur le marché, le choix entre aide alimentaire et aide financière ne doit relever que des calculs d'efficacité…
Les gens auraient pu se procurer des aliments mieux adaptés à leurs besoins et en plus grande quantité, si on leur avait donné l'argent pour les acheter sur les marchés locaux. En plus, il est reconnu de plus en plus largement que les denrées alimentaires ne suffisent pas à empêcher la malnutrition. De fait, l'aide alimentaire constitue un gaspillage quand ses bénéficiaires doivent convertir la nourriture en argent (parce que, dans certaines situations de crise, la seule aide fournie est alimentaire)34.

Néanmoins, du moment que l'aide alimentaire existe, sa composante “don” constitue toujours un gain économique net pour le pays bénéficiaire, si bien que le principal défi est de parvenir à l'utiliser pour renforcer la production nationale et les systèmes de commercialisation. Cette préoccupation et une approche constructive des réponses à y apporter ont été décrites pour le Mozambique:

… de grandes quantités de maïs jaune à bas prix [importé] peuvent limiter le marché urbain du maïs blanc produit localement et avoir des effets néfastes sur les producteurs du Mozambique … l'instabilité des prix du maïs jaune, due aux arrivées irrégulières de l'aide alimentaire, a gagné le marché du maïs blanc … la gestion de l'aide commerciale et alimentaire d'urgence a engendré des rentes substantielles pour ses destinataires avant la sécheresse en Afrique du sud et des pertes importantes pendant au moins un an après. De toute évidence, ces conditions ne sont pas favorables au développement d'un système de production et de commercialisation efficace dans le pays.
Sur une note plus positive, l'accent mis par le programme d'aide alimentaire à partir de 1992 sur la création de conditions de commercialisation concurrentielles pour l'aide alimentaire a facilité le développement du système de commercialisation informel et d'une industrie du blutage à petite échelle. Tous deux jouent maintenant un rôle clé de liaison entre les producteurs et les consommateurs du Mozambique et fournissent à ces derniers des produits du maïs à des prix abordables. Il s'agit d'un exemple important de la manière dont l'aide alimentaire peut contribuer au développement des marchés et d'un accomplissement majeur du programme d'aide alimentaire du Mozambique35.

Au delà d'affecter les revenus de l'aide alimentaire à des usages plus constructifs de ce type, il ne faut pas exempter de droits de douane les produits importés dans le cadre de programmes d'aide alimentaire, comme mentionné plus haut, afin de ne pas dissuader les agriculteurs nationaux de produire.

Les avantages et les inconvénients de l'aide alimentaire ont été évalués par l'ODI, qui a tenté de résumer le consensus en formation à ce sujet. L'ODI commence par effectuer une distinction de base:

On appelle assistance alimentaire toute intervention visant à soulager la faim engendrée par des problèmes chroniques ou des crises momentanées. Il peut s'agir de fourniture directe de denrées alimentaires, par exemple pour l'administration de suppléments alimentaires, ou pour des projets vivres-contre-travail. Elle peut également prendre la forme d'interventions financières, par exemple pour soutenir des subventions aux denrées alimentaires ou des programmes de stabilisation des prix. Elle peut être financée pour une grande part en interne, comme en Inde, ou être prise en charge par une aide alimentaire et financière internationale, comme au Bangladesh ou en Éthiopie.
L'aide alimentaire est une aide en nature, utilisée soit comme soutien de l'assistance alimentaire, soit pour financer le développement de manière plus générale: soutien de la balance des paiements par substitution aux importations commerciales, ou soutien budgétaire par le biais de fonds compensatoires générés par le revenu des ventes. Les transferts au titre de l'aide alimentaire doivent respecter les critères du Comité d'aide au développement (CAD) concernant l'Aide publique au développement (APD) - dons ou prêts ayant une composante don de 25 pour cent minimum36.

L'ODI procède ensuite à la synthèse de recherches consacrées à l'aide alimentaire, qui montrent qu'il faut en repenser le rôle et en planifier l'utilisation dans un contexte plus large:

Les secours alimentaires d'urgence jouent un rôle clair et crucial pour sauver des vies et limiter le stress nutritionnel dans les crises aiguës causées par les conflits ou les catastrophes naturelles. Cependant, les exemples où son impact a été mesuré sérieusement sont rares, ceux qui témoignent de son inefficacité sont nombreux, et il en existe de secours dispensés trop tard et de manière trop rigide, qui ont gêné le redressement des économies locales touchées par la catastrophe naturelle.
L'aide alimentaire de développement s'est avérée un instrument relativement inefficace de lutte contre la pauvreté et d'amélioration de l'état nutritionnel et sanitaire des populations vulnérables, dans les années 90. L'aide alimentaire par programme, fournie pour être vendue par les gouvernements, est un instrument particulièrement grossier pour parvenir à ces fins. On manque de preuves solides de l'impact des projets sur aide alimentaire, qui fournissent les denrées directement, en raison du mauvais suivi de leurs performances, en particulier concernant l'efficacité de leur ciblage et leurs conséquences sur le développement des ressources humaines.
Laide alimentaire financière constitue, dans la plupart des cas, un outil plus efficace pour financer des activités telles que les repas scolaires ou les projets vivres-contre-travail, ou soutenir la balance des paiements ou le budget, en vue du développement global de la sécurité alimentaire. D'où le déclin massif de l'aide alimentaire par programme et le lent déclin des activités de développement du Programme alimentaire mondial (PAM).
Les succès de l'aide alimentaire pour limiter les conséquences des catastrophes naturelles et des conflits indiquent qu'elle a toujours un rôle à jouer en matière de secours et de redressement après une situation de crise, bien qu'avec une considérable marge d'amélioration de ses performances. Elle peut également être utile pour une assistance ciblée à des personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë dans un contexte de mauvais fonctionnement de marchés fragiles et de graves faiblesses institutionnelles. Cependant, elle ne s'est avérée ni effective ni efficace pour soutenir les stratégies de lutte contre la pauvreté en général.
Les conclusions sont claires. La faim demeure un problème important, qui nécessite un ensemble exhaustif de mesures d'assistance alimentaire, conçu et mis en œuvre nationalement et avec le soutien international. L'aide alimentaire a un rôle positif mais limité à jouer dans cette tâche, surtout dans les situations de crise. Il faut la planifier et la gérer dans le contexte plus large de l'assistance alimentaire. Malheureusement, les règles et les dispositions institutionnelles actuelles continuent à traiter l'aide alimentaire comme un cas à part37.

4.4 POLITIQUE DE TAUX DE CHANGE

4.4.1 Rôle du taux de change

Dans de très nombreux pays, il est arrivé un moment où la politique de taux de change s'est trouvée au centre des discussions. Au milieu d'analyses et de débats parfois complexes, il est facile de perdre de vue le fait que le taux de change n'est qu'un prix de plus: le prix des devises étrangères. Il est plus correct de parler d'une famille de taux de change, un pour la devise de chaque partenaire commercial, mais, en général, les analyses et les recommandations simplifient les choses et traitent le concept du taux de change38.

Le taux de change d'un pays reflète son offre et sa demande en devises étrangères. L'offre provient surtout des exportations et des entrées de capitaux et la demande de la nécessité d'importer des biens et des services. Souvent, les spéculations sur la future balance des paiements du pays entrent dans le calcul du taux à chaque moment. Dans la plupart des cas, le taux de change réagit aussi au taux d'inflation national pour la raison suivante: une augmentation des prix nationaux supérieure aux augmentations de prix chez les partenaires commerciaux rend les exportations d'un pays moins compétitives et ses importations plus attractives. Par conséquent, toutes choses égales par ailleurs, elle diminue l'offre future de devises étrangères par rapport à la demande et tend donc à déprécier le taux de change (il faudra davantage d'unités de devise nationale par unité de devise étrangère). «Dans la plupart des pays [à régimes de taux de change flexible], le taux de change officiel est modifié fréquemment en fonction de … la différence entre les taux d'inflation intérieur et extérieur»39.

En ce sens très simple, si l'on fait abstraction des flux de capitaux, un taux de change libre tend à bouger dans le temps en fonction du différentiel entre inflation intérieure et extérieure, ce qui maintient la «parité de pouvoir d'achat» entre le pays et ses partenaires commerciaux. Il s'agit d'une tendance à long terme, qui peut être affectée de considérables variations à court terme, surtout en réponse aux fluctuations des flux de capitaux.

Puisqu'une dépréciation du taux de change renchérit les importations, les mouvements du taux de change alimentent à leur tour l'inflation nationale. Cependant, les hausses de l'inflation dues au taux de change sont souvent inférieures en pourcentage à la dépréciation elle-même (en général 50 à 70 pour cent de la dépréciation). C'est pourquoi, si l'inflation est maîtrisée par une politique budgétaire et monétaire saine, les mouvements du taux de change et du taux d'inflation diminuent et finissent par cesser, avec pour résultat la stabilité des prix.

Il est important de noter cette chaîne de causalité économique élémentaire: la politique budgétaire et monétaire détermine le taux d'inflation, lequel, à son tour, joue un rôle important dans le niveau du taux de change (compte non-tenu pour le moment des flux de capitaux et des mouvements des prix internationaux). Cependant, les mouvements du taux de change générant des effets temporaires inverses, qui viennent s'ajouter au taux d'inflation, les gouvernements à la recherche de stabilité sont parfois tentés de figer la valeur du taux de change ou d'en restreindre les mouvements afin de faire baisser le taux d'inflation à court terme. Dans de nombreux pays en développement, cette politique est populaire auprès des classes moyennes urbaines, principaux acheteurs d'articles de consommation durables importés. Elle va cependant à l'encontre du sens de la chaîne de causalité et est donc difficile à maintenir. Elle sape la compétitivité des exportations du pays et met ses producteurs en mauvaise posture concurrentielle vis-à-vis des importations sur le marché national. Dans un régime de taux de change fixe, les augmentations des coûts et des prix nationaux sont transmises en proportions inchangées aux prix des exportations exprimés en devises étrangères et donc les exportations perdent leur compétitivité sur les marchés étrangers. De ce fait, un taux de change qui demeure fixe en dépit de l'inflation nationale ou ne bouge pas suffisamment pour maintenir la parité de pouvoir d'achat, peut devenir impossible à maintenir et faire exploser une politique, comme on l'a vu en décembre 1994 avec le peso mexicain.

Quand la dépréciation du taux de change est inférieure au différentiel entre les taux d'inflation intérieur et extérieur, on parle d' appréciation du taux de change réel. Ceci peut se produire pour des raisons économiques naturelles, par exemple, lorsqu'un pays dispose d'une source importante et permanente d'entrées de devises étrangères plus ou moins insensible au taux d'inflation national. La découverte de gisements importants de gaz ou de pétrole constitue un exemple classique de cette situation. Les entrées de devises étrangères qui en découlent «soutiennent» le taux de change au sens où elles l'empêchent de se déprécier, quel que soit le taux d'inflation national. Cependant, l'inflation intérieure (qui augmente les coûts des producteurs) combinée à un taux de change stable (qui assure la stabilité des prix à l'exportation en devise nationale), c'est-à-dire surévalué en termes réels, sape en général la compétitivité de l'agriculture et des industries nationales, plus sensibles aux prix. Observé pour la première fois lorsque les Pays-Bas ont découvert des gisements de gaz naturel dans les années 50, ce phénomène économique a été baptisé depuis «syndrome hollandais» (dutch disease) par allusion à ses effets débilitants sur les autres secteurs de l'économie.

Ces gains exceptionnels de devises étrangères peuvent prendre d'autres formes, telles que les transferts de fonds des travailleurs dans le cas du Salavador, ou pour le Guyana les exportations subventionnées de sucre et de riz à l'Union européenne dans le cadre des dispositions du Protocole ACP et de la Convention de Lomé. Ce phénomène soulève des difficultés particulières pour les responsables, car il les contraint à trouver le moyen de compenser les dommages causés à d'autres secteurs par le boom du principal secteur exportateur. Après que le Nigéria ait commencé à exporter du pétrole à relativement grande échelle, il est passé du statut de gros exportateur net de produits agricoles à celui de gros importateur net avec un renversement de la balance des paiements agricole de plus de 1,5 milliard de dollars entre 1970 et 1980.

La meilleure réponse au syndrome hollandais est celle du gouvernement du Kazakhstan - achat de devises étrangères investies dans un fonds fiduciaire à long terme pour le développement économique et social, ce qui crée une pression de sens inverse à court et moyen termes sur le taux de change.

Une politique qui tente de maintenir le taux de change à un niveau artificiellement surévalué, et qui l'empêche de se déprécier à son niveau de parité de pouvoir d'achat, par exemple en augmentant les taux d'intérêt pour attirer les capitaux étrangers à court terme ou en rationnant l'accès aux devises étrangères, a des conséquences analogues pour l'agriculture: celle-ci devient moins compétitive sur les marchés à l'exportation et par rapport aux produits importés40. Ce type de distorsion, devenu très fréquent dans les années 80 et 90, est à l'origine du biais anti-agricole induit par les politiques des pays en développement. Sur un échantillon de 18 pays à faibles revenus, la Banque mondiale a constaté que cette distorsion du taux de change, combinée à d'autres sources de distorsion comme des droits de douane plus élevés pour les produits industriels que pour les produits agricoles, ou comme la taxation des exportations agricoles, équivaut à une «taxe» nette (du fait de la baisse des prix réels) de 7 pour cent sur l'agriculture concurrente des importations, et à une taxe nette de 35 à 40 pour cent sur l'agriculture exportatrice41. La même étude a observé que les pays qui pratiquaient la plus forte discrimination à l'encontre de l'agriculture par leur politique, connaissaient la croissance d'ensemble la plus faible.

L'appréciation des taux de change réels a persisté jusqu'aux années 90 et, dans certains cas, a passé la barre de ce siècle. Sur un échantillon de huit pays étudiés au cours de la dernière décennie, Valdés a trouvé que la politique de taux de change constituait la cause principale du déclin des prix réels à la production42. Fondamentalement, c'est ainsi que l'agriculture est pénalisée par l'appréciation des taux de change réels: elle entraîne la chute des prix réels à la production. Cette chute a été mesurée à environ 50 pour cent en Estonie depuis que le taux de change a été fixé par rapport au mark allemand entre juin 1992 et fin 1996, et à 40 pour cent en El Salvador pendant les années 80.

Le maintien de taux de change surévalués a une incidence de premier plan, car il constitue, en fait, une taxe à l'exportation et une subvention des importations. Cet instrument, dont le coût d'utilisation est très élevé, a été employé pour stabiliser et plafonner les prix intérieurs des produits vivriers destinés aux consommateurs urbains, au détriment de l'offre nationale de produits agricoles concurrents des importations et aptes à l'exportation, et souvent alors même que faisait rage, à l'échelle nationale, une inflation mal maîtrisée, et parfois exacerbée par les politiques économiques. On observe donc, à long terme, des effets dommageables pour la sécurité alimentaire, et cela pour plusieurs raisons: l'évolution des goûts et des préférences des consommateurs urbains qui ne tiennent pas compte des prix internationaux réels, de même que l'augmentation des revenus urbains, contribuent à maintenir, voire à augmenter, le niveau des importations alimentaires; le pouvoir d'achat nécessaire à ces importations a été entamé par les entraves imposées à l'expansion de l'agriculture et des exportations de produits alimentaires, lesquelles représentent, pour de nombreux pays à faible revenu, la principale source de recettes d'exportation; … la surévaluation accrue du taux de change est liée à une croissance ralentie du PIB. (FAO, La situation de l'alimentation et de l'agriculture 1996, Rome, 1996, p. 294).

Ainsi, le taux de change est l'élément d'une politique qui a la plus forte influence sur les prix relatifs d'une économie et il pèse souvent beaucoup plus lourd sur les prix agricoles réels que les autres types d'intervention sur les prix, parce que l'agriculture est typiquement le secteur le plus exposé à l'influence du commerce extérieur: presque tous ses produits sont exportés ou importables, ou bien sont de proches substituts, en production ou en consommation, de produits exportables ou importables. De ce fait, les prix agricoles sont déterminés pour une large part par ceux des marchés internationaux et par le filtre à travers lequel ceux-ci pénètrent dans l'économie nationale, c'est-à-dire le taux de change. En revanche, les secteurs des infrastructures et des services produisent essentiellement des produits qui ne sont, ni importés, ni exportés, si bien que leurs prix intérieurs peuvent suivre l'inflation, tandis que ceux de l'agriculture sont contenus par les influences extérieures et par l'appréciation du taux de change. C'est pour cette raison que le taux de change détermine les prix relatifs de l'économie43.

4.4.2 Politique de taux de change favorable au développement agricole

Compte tenu des difficultés d'une politique d'ouverture commerciale (voir plus haut), l'une des méthodes les plus efficaces pour lutter contre la pression des agriculteurs en faveur de restrictions des importations est de maintenir l'équilibre du taux de change en terme de parité de pouvoir d'achat, parce que les producteurs connaissent parfaitement le prix des importations qui concurrencent leurs produits, et qu'un taux de change surévalué rend moins coûteuses en unités monétaires nationales. La surévaluation du taux de change complique la mise en œuvre d'une politique de libéralisation du commerce agricole et industriel. Il est donc très important de coordonner politique commerciale et politique du taux de change, et particulièrement leurs calendriers respectifs d'application44. Cette leçon ressort clairement d'une étude rigoureuse des expériences de réforme économique en Nouvelle Zélande et au Chili:

Le problème le plus fondamental de la réforme au Chili et en Nouvelle Zélande est que l'agriculture, composée largement de biens échangeables, est extrêmement sensible aux variations des politiques commerciales et macroéconomiques. Les principales conditions résident dans une politique budgétaire et une gestion du taux de change saines. Le niveau et la stabilité du taux de change réel dans ces deux pays ont joué un rôle stratégique. Une appréciation réelle de la monnaie n'est pas favorable à la stimulation de la production agricole et peut créer une résistance considérable des lobbies agricoles à la libéralisation des échanges commerciaux, ainsi que de fortes pressions à bénéficier d'un traitement spécial après la mise en œuvre des réformes majeures45.

Le cas de la dévaluation du franc CFA en 1994 illustre les effets du taux de change sur l'agriculture et sur la croissance de l'ensemble de l'économie. La FAO a établi que:

en dépit de problèmes de gestion sociale et économique provoqués par l'effet immédiat de cette opération sur les prix … la dévaluation a donné une forte impulsion aux recettes d'exportation et a beaucoup aidé à réduire les déficits extérieurs … Les exportateurs de produits agricoles ont beaucoup gagné à cette dévaluation … Ainsi, l'activité économique de la Côte d'lvoire, enlisée dans la récession depuis le milieu des années 80, a progressé de près de 2 pour cent en 1994 et devrait augmenter encore de 5 pour cent en 1995, principalement grâce au dynamisme des exportations. … La croissance économique devrait s'accélérer aussi au Sénégal, pour atteindre 3,5 pour cent en 1995 (contre 1,8 pour cent en 1994) grâce en grande partie aux exportations d'arachide …46

Le facteur déterminant de la réponse de ces économies à la dévaluation a été la mesure dans laquelle les nouveaux prix à l'exportation ont été répercutés aux producteurs. Dans de nombreux cas, le gouvernement a contrôlé les prix et n'a répercuté qu'une partie de leur augmentation:

dans le bassin arachidier … le gouvernement a augmenté les prix à la production de l'arachide à deux reprises: une augmentation combinée de 71 pour cent au dessus des niveaux antérieurs à la dévaluation, mais inférieure aux 10 pour cent d'augmentation de la valeur en francs CFA du prix mondial. Pour les sous-secteurs à forte intervention des pouvoirs publics, la répercussion partielle de l'augmentation du prix à l'exportation a été une stratégie fréquente des gouvernements du Sahel après la dévaluation. … le Mali a connu une hausse de rentabilité de son riz irrigué, dont le prix à la production a été autorisé à augmenter plus vite que le coût des intrants. … Dans la zone cotonnière du Mali, le revenu réel de la production agricole (coton, maïs, sorgho) a augmenté de 14 pour cent pour la zone soudanaise sud et de 20 pour cent pour la zone guinéenne nord au cours des deux années qui ont suivi la dévaluation… Ceci résultait d'une hausse des prix du maïs et de la décision du gouvernement de «faire passer» aux producteurs la hausse des prix du coton résultant de la dévaluation47.

Conséquence de ces politiques, le secteur agricole malien est l'un de ceux qui a connu la plus forte croissance en Afrique depuis 1994. D'autres pays de la région ont également tiré profit de la dévaluation. Selon le New York Times Service de mars 1996, en Côte d'Ivoire la «dévaluation du [franc CFA] a donné à l'économie un nouveau mordant compétitif». Le même article du New York Times citait un industriel de l'agro-alimentaire ivoirien, Laurent Basque, sur ce sujet: «Maintenant nous sommes en pleine expansion et nous nous attaquons à de nouveaux marchés. La dévaluation nous a permis de nous développer, et cela vaut pour la plupart des exportateurs». Au Mexique, après l'ajustement du taux de change en 1994, une fédération nationale d'agriculteurs a publié une déclaration publique s'engageant solennellement à ne jamais laisser se reproduire une surévaluation du taux de change48.

Un enseignement de l'expérience du franc CFA est que, puisqu'une dévaluation du taux de change réel a des effets presque entièrement positifs sur l'agriculture, il est important de ne pas les diluer ou les annuler en contrôlant les prix à la production, au risque de limiter leur réaction à la dévaluation.

Puisque la politique de taux de change est un sujet potentiellement épineux, il est important de souligner qu'un pays ne peut pas, à long terme, «chercher sa croissance dans la dévaluation». Face à des dévaluations artificielles visant à améliorer la compétitivité internationale du pays, la réaction des partenaires commerciaux aura pour effet net l'absence de gains pour tous les intéressés et une augmentation généralisée de l'inflation. La conclusion à tirer ici est que contrôler artificiellement le taux de change dans le sens inverse, c'est-à-dire le surévaluer d'une manière non-durable, a des conséquences négatives graves sur le développement de l'agriculture. Si l'écart par rapport au taux de change d'équilibre est corrigé suffisamment tôt, l'ordre de grandeur de l'ajustement requis, et donc le choc pour les consommateurs, est moindre et les avantages pour le développement agricole sont plus grands.

Les conséquences économiques négatives d'une surévaluation du taux de change sont en fait plus générales encore. Comme le dit T.L. Vollrath, «la surévaluation du taux de change … abaisse la rentabilité de l'agriculture, pénalise les exportations, suscite la fuite des capitaux, fait chuter les recettes en devises étrangères, décourage l'épargne nationale, évince les investissements productifs et engendre des restrictions sur les importations qui orientent les ressources vers des activités improductives de capture de rente»49. En bref, on ne surestimera jamais trop l'importance d'une politique de taux de change adéquate pour le développement économique, et pas seulement pour le secteur agricole. «Une dépréciation réelle importante de la roupie, due à des dévaluations nominales, a constitué un facteur clé des excellentes performances économiques de l'Inde pendant les années 90»50.

Les caisses d'émission (currency boards), qui, non seulement fixent le taux de change par rapport à une monnaie de réserve internationale, mais aussi déterminent la politique monétaire en fixant les règles de l'offre monétaire, constituent un cas particulier de politiques de taux de change51. La Bulgarie, l'Estonie, Hong Kong, Djibouti et, jusqu'au début 2002, l'Argentine ont adopté cette approche de politique macroéconomique au cours de la décennie écoulée. Dans le cadre d'une caisse d'émission, la politique monétaire perd de fait tout pouvoir et disparaît en pratique52. L'avantage notable de ce système est qu'il assure indubitablement la stabilité des prix, même s'il faut parfois attendre plusieurs années (cas de l'Estonie). La garantie inhérente au système de parvenir tôt ou tard à la stabilité des prix contrecarre la tendance habituelle des taux de change surévalués à encourager les fuites de capitaux. De fait, les caisses d'émission se sont avérées capables de stimuler les entrées de capitaux, au moins à court terme.

Leur inconvénient est leur rigidité: les ajustements économiques ne pouvant se produire que sur les taux d'intérêt et le marché du travail, ils peuvent se solder par un très fort taux de chômage. Le système nécessitant une solidité exceptionnelle des banques, il existe donc un risque accru de défaillance des banques pendant les premières années de sa mise en œuvre (voir l'exemple de l'Estonie) et en cas de crise. La rigidité du système possède le dangereux pouvoir potentiel de transformer une récession en dépression, comme cela a été le cas en Argentine. Ce pays a vu son taux de chômage grimper à 18 pour cent pendant les années qui ont suivi l'introduction de la caisse d'émission pour atteindre des niveaux explosifs au début de cette décennie, ce qui a conduit à l'abandon du système. L'absence de discipline budgétaire aux niveaux national et provincial a été une cause majeure de l'effondrement de la caisse d'émission argentine, mais le résultat observé ne fait que renforcer l'argument qu'un tel système peut devenir une camisole de force dans les cas de chocs économiques et de tensions.

Avec une caisse d'émission, la préoccupation opérationnelle la plus importante du point de vue de l'agriculture est de ne pas fixer le taux de change à un niveau trop élevé (surévaluation), parce qu'il subsiste presque toujours une quantité considérable d'inflation résiduelle à éliminer du système avant que les prix se stabilisent. Si le taux de change est fixe, plusieurs années d'inflation, même à un taux annuel décroissant, peuvent entraîner une appréciation sensible du taux de change réel. Bien évidemment, cela fait chuter les prix agricoles réels. La même recommandation s'applique aux économies qui se dollarisent ou qui adoptent une autre grande monnaie: il faut prendre garde que le taux de conversion ne pénalise les producteurs nationaux, agricoles comme industriels53.

L'importance pour les secteurs productifs d'une fixation adéquate des taux de change a été soulignée par Sebastian Edwards:

L'adoption d'un programme de stabilisation basé sur le taux de change, où le taux de change nominal est, soit bloqué, soit ajusté à un rythme prédéterminé, plus lent que l'inflation existante, présente un grave danger de surévaluation majeure. Cela peut même se produire si le déficit budgétaire est totalement maîtrisé … Cela suggère donc que, lorsque le blocage du taux de change fait partie du programme de lutte contre l'inflation, son point de départ doit être une sous-évaluation … (Sebastian Edwards, Stabilization and Liberalization Policies in Eastern Europe: Lessons from Latin America, document de travail IPF4, Institute for Policy Reform, Washington, D.C., 1991, p. 42).

Dans le cas de l'Estonie, la Banque d'Estonie a estimé que, entre juin 1992, date de blocage du taux de change, et juin 1996, l'inflation cumulée a dépassé 450 pour cent54 et le taux de change réel s'est apprécié de 268 pour cent. C'est la principale raison pour laquelle les prix agricoles réels ont chuté d'environ 50 pour cent pendant cette période, après avoir décliné substantiellement pendant la période précédente suite à l'élimination du contrôle des prix de l'ère soviétique. Les conséquences en ont été de multiples faillites d'entreprises agricoles, l'abandon des terres cultivées et l'aggravation de la pauvreté rurale55.

Cette expérience permet de tirer un autre enseignement: il ne faut pas mettre en œuvre une caisse d'émission quand l'inflation est encore très forte. En Estonie, elle a été d'environ 1000 pour cent pour toute l'année 1992. Les caisses d'émission sont peut-être efficaces pour faire baisser l'inflation à partir de niveaux modérés et l'y maintenir, mais leur application en période de forte inflation entraîne une forte appréciation du taux de change réel, avec des conséquences très néfastes sur les prix réels agricoles56.

4.5 POLITIQUE BUDGÉTAIRE ET PRIX AGRICOLES57

La politique de dépenses budgétaires peut agir sur les prix agricoles à la production en fournissant des éléments clés d'infrastructure: installations portuaires améliorant l'accès aux marchés à l'exportation, centres de collecte et entrepôts de stockage renforçant l'accès aux marchés intérieurs, routes rurales réduisant le coût du transport au marché, irrigation permettant de produire pendant la saison sèche ou dans les régions arides, mise à disposition de nouvelles variétés de cultures augmentant les rendements, etc. Les investissements de cette nature influent sur les prix en augmentant l'offre mise sur le marché. Parfois, ils augmentent les prix à la production en permettant aux agriculteurs d'accéder à de nouveaux marchés et en réduisant les coûts de commercialisation. Particulièrent dans le cas de produits difficiles à importer ou exporter, ils tendent à réduire les prix à plus long terme en augmentant l'offre sur le marché intérieur.

Un effet direct et immédiat sur les prix résulte de politiques particulières telles que la taxation des produits et la réglementation des prix des monopoles parastataux en vue de recettes budgétaires. Taxer les cultures d'exportation est une pratique courante, en partie parce que c'est un manière aisée de collecter des ressources fiscales dans les pays où les systèmes d'impôt sur le revenu sont mal développés, mais aussi parce que l'on croit que cela n'a guère de répercussions sur les niveaux de production. Au cours des dernières décennies, l'Argentine était fameuse pour sa politique de taxation du bœuf, qui a réduit les prix et les revenus des éleveurs58. La République dominicaine a taxé son secteur du sucre et d'autres cultures de plantation. De nombreux pays ont mis en œuvre des politiques de taxation similaires.

Cependant, les taxes sélectives sur les produits déforment les incitations de la même manière que l'hétérogénéité tarifaire: elles se traduisent par des taux de protection économique différents selon les produits, ce qui rompt le lien entre les prix relatifs (c'est-à-dire entre produits) intérieurs et les prix relatifs extérieurs. La taxation implicite introduite par les barèmes de prix des monopoles parastataux, qui a le même effet, a été très répandue. À Haïti dans les années 80, les organismes parastataux ont acheté aux producteurs à des prix artificiellement bas et vendu aux consommateurs à des prix gonflés, afin de générer des recettes budgétaires supplémentaires59. En République dominicaine, l'office public de commercialisation et transformation a taxé implicitement les huiles végétales par le biais de faibles prix à la production afin de financer les subventions sur les céréales importées, ce qui a également déprimé les prix à la production des céréales60.

Quand la capacité de collecte fiscale est faible, les taxes sur les produits apparaissent comme une option commode d'un point de vue administratif, en particulier pour des exportations traditionnelles qui sont transformées et vendues dans relativement peu d'endroits. Outre la facilité de collecte fiscale, trois autres arguments sont parfois avancés pour défendre ce type de pratiques:

  1. La réactivité à court terme de la production des cultures traditionnellement destinées à l'exportation (l'élasticité de leur offre) est considérée comme très faible.

  2. Les producteurs tirent des produits faisant l'objet de contingentements internationaux des rentes (profits supérieurs à la normale), qu'il est possible de transférer au secteur public par le biais des taxes, sans réduire l'offre.

  3. Souvent, l'agriculture contribue moins aux recettes budgétaires que le secteur urbain et les taxes sur les produits permettent donc de compenser le manque à gagner fiscal.

Chacune à son tour, ces affirmations sont discutées ci-après. Le premier argument oublie que la réactivité de l'offre à long terme des produits agricoles, y compris les cultures de plantation, est loin d'être négligeable. En fait, l'élasticité de l'offre à long terme est souvent beaucoup plus proche de 1,0 que de zéro, ce qui suggère que la production augmente ou diminue à peu près dans la même proportion que les prix61. Une seconde faiblesse de cet argument est que les prix relatifs ont des conséquences sur la répartition intersectorielle du bien-être économique. En d'autres termes, même en l'absence de réactivité de l'offre aux prix, la taxation des exportations agricoles réduit les revenus de l'agriculture par rapport à ceux d'autres secteurs. Compte tenu de la plus grande pauvreté des ménages ruraux par rapport aux ménages urbains dans la plupart des pays, ce type de taxe est régressif.

Le second argument - l'offre de produits sujets à des accords internationaux de contingentement est fixe - est valable dans certains cas et dans une plage limitée de variations de prix, mais n'est pas généralement vrai. En El Salvador, la protection économique négative du café, qui a atteint la valeur extrême de -67 pour cent en 198762, a fortement réduit la production de cette denrée. En 1975, le Honduras et l'El Salvador ont exporté à peu près les mêmes quantités de café (du même type), mais en 1988, les exportations de café d'El Salvador ne représentaient plus qu'environ un quart de celles du Honduras (cette tendance était sans rapport avec la guerre, car les régions productrices de café n'étaient en général pas la cible des armées en présence). Résultat, les contingents de café du Honduras ont été renégociés à la hausse et ceux d'El Salvador à la baisse. On peut donc dire que les contingentements ne déterminent pas nécessairement les quantités fournies, et ne sont pas immuables.

Concernant le transfert des rentes économiques au secteur public, de nombreux producteurs de cultures de plantation sont des petits exploitants: producteurs de café au Honduras, en El Salvador et dans le sud du Mexique, récolteurs de palmiers à huile sauvages au Nigéria, producteurs de bananes de l'est des Caraïbes, producteurs de bananes des Antilles et producteurs de bananes sous contrat au Honduras, pour ne mentionner que quelques exemples: si bien que les transferts hors du secteur des rentes supposées se font souvent aux dépens de ménages relativement pauvres. À la suite d'une chute prolongée du prix du sucre (autre culture contingentée sur le plan international), de nombreuses sucreries ont fermé en République dominicaine, au Pérou, au Panama et dans d'autres pays. Si l'élément rente avait été important dans le prix, son déclin n'aurait pas entraîné ces fermetures.

Le troisième argument - l'agriculture ne paie pas la part d'impôts qui lui revient - est parfois correct, mais il faut l'évaluer dans un contexte où les mécanismes directs et indirects de formation des prix se traduisent souvent par une taxation implicite de l'agriculture. Si collecter davantage de revenu fiscal sur l'agriculture est un objectif national, il est important de garder à l'esprit que un impôt sur les facteurs primaires de production (terres, main d'œuvre, capital) ou sur le revenu, qui représente le rendement conjoint de tous les facteurs, ne déforme par les décisions d'allocation des ressources aux différents produits. C'est pourquoi, du point de vue de l'efficacité économique, il est préférable de taxer les facteurs primaires plutôt que les produits.

Il est donc clair que ces justifications traditionnelles de la taxation des produits agricoles manquent de fondement. En dehors de la préoccupation élémentaire soulevée par la ponction fiscale, ce type de taxe nuit à l'efficacité économique du secteur et donc à ses perspectives de croissance, et tend à renforcer l'inégalité de répartition des revenus entre les villes et les campagnes. Comme discuté dans le chapitre 5 du présent volume, dans de nombreux cas la forme de taxation la mieux adaptée à l'agriculture est une taxe foncière.

4.6 OPTIONS DE POLITIQUE MACROÉCONOMIQUE POUR L'AGRICULTURE

Au cours des cinq dernières décennies, la politique économique des pays en développement a généralement comporté un biais prononcé à l'encontre de l'agriculture. T.L. Vollrath, citant le travail de R. Bautista et A. Valdés, a rapporté que «les politiques commerciales et macroéconomiques, ainsi que les politiques de prix sectorielles appliquées dans les pays en développement depuis le début des années 50, ont créé des situations discriminatoires. Celles-ci ont pénalisé d'abord la production de biens destinés au commerce international, puis, dans ce secteur, ceux qui entraient en concurrence avec les importations; dans le domaine des exportations, ces politiques ont pénalisé les produits agricoles au profit des articles manufacturés et, dans le secteur agricole, les produits d'exportation au profit des cultures vivrières»63. Par ailleurs, «l'expérience empirique montre que la croissance agricole a eu un impact plus prononcé sur l'augmentation des revenus des pays en développement que la croissance du secteur non-agricole. La raison de cette différence d'impact tient à ce que les pays en développement se focalisant sur le développement agricole ont connu une croissance de revenu sur une plus large base et des augmentations de la demande pour des biens produits nationalement… »64.

L'Inde constituait un exemple classique de ces politiques discriminatoires à l'encontre de l'agriculture. Après le lancement des réformes de politique de 1991, cette discrimination devint le sujet d'un vaste débat. La situation, représentative du contexte macroéconomique de nombreux pays aujourd'hui, était la suivante avant les dévaluations réelles de la roupie:

En outre, «… La forte subvention des intrants agricoles … [n'a pas suffi] à compenser l'effet négatif du bas prix administré des produits agricoles, de la discrimination dont pâtissait l'agriculture du fait de la surévaluation de la monnaie et du coût des intrants fabriqués par une industrie trop protégée»65.

Le cas de Madagascar illustre parfaitement comment l'agriculture peut se trouver prise dans l'étau de politiques contradictoires. Un processus de réformes de libéralisation commencé dans les années 80 s'est arrêté en 1991 et 1992 dans un climat d'agitation sociale avec un retour à des restrictions sur les devises étrangères et à des surtaxes sur les importations. Par la suite, «les tentatives de lutte contre l'inflation - elle-même alimentée dans une considérable mesure par des prêts préférentiels (et non-performants) consentis aux entreprises agricoles publiques - a conduit à la poursuite de la taxation des exportations agricoles, à la surévaluation du taux de change et à des tentatives de maintien de prix bas pour les matières premières agricoles destinées aux industriels agro-alimentaires nationaux»66.

C'est parfois l'échelonnement des réformes de politique, par ailleurs bien intentionnées, qui a eu des effets pernicieux sur l'agriculture, comme l'illustre la libéralisation des marchés du blé et des intrants au Kazakhstan:

Le Kazakhstan a mis fin à l'achat des céréales par le secteur public en 1995, mais le prix des intrants agricoles tels que le carburant et les engrais avait été libéralisé dès 1993. À cause de cet écart, le secteur des céréales a subi un grave choc commercial pendant deux ans. … Les producteurs étant contraints d'acheter les intrants aux prix du marché alors que leur production était payée à des prix inférieurs au marché, ils se sont couverts de dettes en honorant les commandes de blé de l'État. De fait, de nombreux producteurs du Kazakhstan croulent toujours sous les dettes. Cet exemple montre que, même si les effets finaux des politiques de libéralisation peuvent être positifs, il est crucial de bien réfléchir à l'échelonnement de leur mise en œuvre67.

La discrimination dont la politique fait preuve à l'égard de l'agriculture peut commencer à diminuer à mesure que les responsables prennent conscience de ces problèmes, mais le mouvement ne va pas toujours vers l'avant et de nombreux pays continuent à autoriser la surévaluation du taux de change et à n'annuler que partiellement les contrôles sur les marchés des intrants et des produits agricoles.

Dans ces conditions, et vu l'importance du secteur pour le développement économique, la conception des politiques macroéconomiques doit prendre en compte explicitement leurs effets sur l'agriculture. Les principales options macroéconomiques concernant l'agriculture, et leurs composantes élémentaires, sont décrites dans les paragraphes suivants. Chacune de ces cinq options fournit au moins quelques mesures d'incitation au développement agricole ou d'autres types de mesures visant à le promouvoir et utilise différents types ou combinaisons d'instruments.

1) Politique macroéconomique d'encouragement de la croissance des secteurs productifs. Principal instrument: taux de change. Cette option consiste à éliminer, ou à éviter, une surévaluation du taux de change. Ramener une monnaie surévaluée à un niveau d'équilibre entraînera une hausse de l'inflation pendant une courte durée mais l'inflation peut disparaître au fil du temps si les politiques budgétaires et monétaires demeurent saines. Cette option est en cohérence avec l'objectif de stabilité du taux de change. Néanmoins, il faut la mettre en œuvre graduellement par le biais de la politique budgétaire et monétaire plutôt qu'en fixant le taux de change ou en influant sur son niveau par des moyens indirects, tels que le rationnement des devises étrangères ou des taux d'intérêt artificiellement élevés visant à attirer l'entrée de capitaux à court terme. Cette option peut également s'appeler maintien de la compétitivité internationale du pays. Elle présente l'avantage d'encourager l'agriculture sans dépenses publiques supplémentaires. Elle est également associée à une baisse des taux d'intérêt réels, par rapport au scénario de surévaluation du taux de change, et elle favorise le développement industriel tout autant que la croissance agricole. Si les choix de la politique macroéconomique excluent cette option, il faut se tourner vers l'une des quatre autres présentées ci-dessous afin de stimuler le développement agricole.

2) Politique favorisant les substituts aux importations agricoles. Principal instrument: système tarifaire. Cette option peut comprendre jusqu'à quatre éléments ou n'importe quel sous-ensemble de ces éléments: a) uniformisation tarifaire maximum des produits, y compris suppression des exemptions de droits de douane; b) stabilité tarifaire dans le temps, à l'exception de leur diminution progressive programmée; c) application de surtaxes tarifaires aux produits confrontés à des prix subventionnés sur les marchés internationaux et aux cultures de base des ruraux pauvres, comme discuté plus haut; et d) application d'un système de fourchettes de prix à quelques produits relativement homogènes, tels que les céréales et le lait en poudre. Dans la plupart des cas, la mise en œuvre de ces politiques améliorerait les taux de protection effectifs des substituts aux importations dans l'agriculture. Le principal danger à éviter est le protectionnisme engendré par des droits de douane trop élevés, qui empêcherait le secteur de devenir compétitif sur le marché international et pénaliserait sensiblement les consommateurs, sans servir à stimuler la croissance.

Cette politique aurait clairement des effets bénéfiques sur les soldes budgétaires. Son principal inconvénient est qu'elle constitue une discrimination à l'égard des produits destinés à l'exportation, qui, en agriculture, génèrent en général davantage d'emplois et de revenu par hectare que les produits destinés au marché intérieur. Si cette option est retenue, il faut clairement stipuler qu'elle est temporaire et ne dure qu'aussi longtemps que le taux de change demeure surévalué et que les marchés internationaux sont déformés par les subventions pratiquées par les nations exportatrices. Il existe ici un autre danger, bien sûr: une fois les droits de douane en place, leur suppression ou leur réduction significative risque de s'avérer difficile. De ce fait, il peut être important de lier les droits de douane à un programme d'investissements dans des améliorations de productivité pour les produits protégés et de limiter explicitement la durée du programme à 10 ou 15 ans, par exemple.

3) Politique encourageant les exportations et les substituts à l'importation dans l'agriculture. Principal instrument: droits de douane et dépenses publiques. Similaire à la précédente par ailleurs, cette option instituerait des subventions à l'exportation de niveau égal aux droits de douane sur les importations, dans la mesure permise par les accords de l'OMC. Dans les pays en développement, les importations étant presque invariablement supérieures aux exportations, les revenus des droits de douane pourraient financer les subventions à l'exportation. Cette option éliminerait la principale faiblesse de la précédente - la discrimination à l'égard des exportations - et pourrait favoriser la croissance de tous les produits, pourvu que les niveaux de protection demeurent modestes. Des niveaux de protection élevés se traduiraient par des pertes d'efficacité. Comme l'option précédente, celle-ci devrait être considérée comme une compensation provisoire des aberrations de la politique de taux de change et des marchés internationaux. D'un autre côté, l'existence du syndrome hollandais, comme dans le cas du Nigéria, nécessiterait une correction par la mise en œuvre de ce type de politique sur le long terme.

4) Compensation budgétaire des coûts de la politique macroéconomique. Principal instrument: dépenses publiques. Cette option compense les effets négatifs du taux de change sur les incitations agricoles par le biais d'un mécanisme de paiements directs aux producteurs, en fonction de la superficie cultivée. Les paiements étant effectués à un facteur primaire de production, ils ne déforment pas les prix relatifs, contrairement aux deux options précédentes. Cette approche a été adoptée dans l'Union européenne (plan McSharry), ainsi qu'au Mexique, où on l'appelle PROCAMPO, juste avant l'adhésion de ce pays à l'ALENA. Elle a été adoptée en Estonie et discutée dans d'autres pays. Au Mexique, les paiements étaient de 100 dollars l'hectare pour des cultures spécifiées. Les producteurs demeuraient néanmoins libres de changer la composition des cultures après avoir été acceptés dans le programme. On s'est aperçu que les effets distributifs du programme de paiements directs étaient plus équitables que la réforme agraire et que le programme de prix garantis68.

En dehors de son coût budgétaire, la principale réserve soulevée par ce type de programme tient à ses exigences en capacités administratives et la nécessité de mettre en place de strictes procédures de gestion et de contrôle pour éviter les abus. La forme optimale de ce programme consiste à l'étendre à tous les producteurs, quels que soient leurs systèmes de culture, afin que sa conception n'influe pas sur le choix des variétés cultivées. Des variantes possibles pourraient inclure une réduction du montant par hectare pour les grandes exploitations et l'obligation de respecter des consignes environnementales spécifiées pour pouvoir y participer. Cependant, cette dernière variante renforcerait la complexité administrative et il faudrait donc la planifier avec soin69.

La mise en œuvre du programme nécessiterait de répondre à la question de son mode de financement. S'il remplace un régime de soutien des prix, il pourrait bénéficier des ressources antérieurement consacrées à ce dernier. Si ce n'est pas le cas, mais que le taux de change soit devenu surévalué, cela justifierait en principe de lever un impôt spécial sur les secteurs des services, qui seraient les bénéficiaires d'une politique de taux de change de cette nature.

5) Réformes institutionnelles et structurelles de l'agriculture. Principaux instruments: lois, réglementations, décrets exécutoires, dépenses publiques. Cette option de réforme structurelle de l'agriculture doit être considérée comme un complément aux quatre options précédentes et non pas comme un substitut. Elle recouvre les investissements d'infrastructure dans le secteur, ainsi que l'amélioration des dispositifs du régime foncier, du système financier rural, du système de génération et transfert de technologies et d'autres aspects structurels du secteur. Si les options précédentes visaient à créer des mesures d'incitation à la croissance de l'agriculture, celle-ci tente d'encourager la croissance du secteur en améliorant directement l'efficacité de la production, de la commercialisation et des services d'appui à l'agriculture. Pour une part, les programmes relevant de cette politique cherchent à réduire ce que l'on pourrait appeler la distance économique entre les producteurs et les marchés et les institutions dont ils dépendent. En langage économique, il s'agit d'une approche visant à réduire les coûts de transaction sur les marchés des produits et des facteurs. Il faut souligner que ces coûts sont presque toujours plus élevés pour les agriculteurs pauvres, et parfois surtout pour les agricultrices. Une politique visant à placer ces producteurs sur la voie d'une croissance autonome mettrait précisément en avant les mesures requises pour réduire la distance économique entre eux et les marchés et institutions ruraux.

Ces cinq options veulent aider à clarifier le vaste panorama des politiques macroéconomiques en rapport avec le développement agricole. Quelles que soient les options ou les combinaisons d'options choisies, il sera très important de les accompagner d'un jeu approprié de politiques sectorielles - en fait, de développer jusqu'au bout l'option № 5 pour améliorer la productivité des agriculteurs et l'efficacité des institutions. Le reste du présent chapitre et les chapitres 5 à 8 du présent volume sont consacrés aux problèmes soulevés par les politiques sectorielles.

Pour conclure cette section, il faut souligner que les réformes macroéconomiques ne sont pas nécessairement néfastes pour le secteur agricole. En fait, les programmes d'ajustement structurel, qui éliminent souvent la surévaluation existante du taux de change au lieu de l'exagérer, améliorent normalement les perspectives de croissance du secteur. Le présent auteur a analysé les mécanismes de réaction de l'agriculture aux mesures d'ajustement dans une étude précédente, dont l'une des conclusions était que «il est vraisemblable que l'agriculture profite d'un programme d'ajustement structurel type»70, principalement en raison du déplacement des prix relatifs en faveur du secteur. D'autres auteurs sont parvenus aux mêmes conclusions, par exemple Patrick Guillaumont pour l'Afrique subsaharienne. Tout en notant les incohérences de mise en œuvre susceptibles d'en diluer les avantages pour le secteur, il a observé que «les politiques d'ajustement structurel sont théoriquement favorables au développement agricole puisqu'elles visent à améliorer l'incitation par les prix et la productivité»71.

4.7 POLITIQUES SECTORIELLES QUI INFLUENCENT LES PRIX AGRICOLES

4.7.1 Contrôle des prix

Si les principaux instruments de la politique de prix agricoles se situent au niveau macroéconomique, certaines politiques sectorielles peuvent également influer sur les prix réels à la production. L'instrument le plus évident est celui des prix administrés ou contrôle direct des prix. Bien qu'il ait été utilisé dans de nombreux pays, et surtout pour les prix alimentaires, la mise en œuvre des réformes de politique entraîne son abandon progressif.

Le problème fondamental posé par les programmes de prix administrés, c'est l'impossibilité pour un organisme centralisé d'évaluer en permanence et avec précision l'équilibre de l'offre et de la demande. Par conséquent, la plupart du temps on constate un excédent d'offre ou un excès de demande pour le produit bénéficiant du prix administré. L'excédent d'offre peut signifier qu'en réalité les producteurs recevront moins que l'équivalent producteur du prix administré, ou que le gouvernement accumulera des stocks coûteux du produit. Il se peut aussi que les consommateurs payent moins cher en passant par les filières informelles. L'excès de demande se traduit par des queues, le syndrome classique des déficits. Il faut se rappeler que les prix ont pour rôle fondamental d'équilibrer l'offre et la demande, ce qui nécessite leur flexibilité.

Lorsque les prix sont fixes, le seul élément du mécanisme de marché susceptible de varier étant la quantité, les chocs subis par le système (instabilité des récoltes, par exemple, ou déclin de la demande globale de l'économie) sont convertis en fluctuations de quantités, ce qui aggrave les problèmes occasionnels d'excédents et de déficits.

Un autre problème posé par cette politique est la nécessité de contrôler les échanges commerciaux pour que les prix demeurent fixes. Un type d'intervention sur le marché en génère un autre. C'est pourquoi les importations ne parviennent souvent pas à compenser les déficits temporaires, car, en général, les gouvernements ne réagissent pas assez vite pour modifier les contrôles commerciaux compte tenu des délais nécessaires pour faire venir les importations. Par ailleurs, les tentatives pour contourner les excédents et les déficits engendrés par les contrôles de prix peuvent conduire au marché noir et à la corruption.

Il est intéressant de noter que les prix administrés favorisent presque toujours les consommateurs plutôt que les producteurs, surtout pour les denrées de base telles que les céréales, les produits laitiers et les huiles de cuisine.

En dehors de ces problèmes, pour l'essentiel opérationnels, les contrôles de prix présentent une difficulté plus fondamentale: il est quasiment certain qu'ils débouchent sur une mauvaise allocation des ressources, c'est-à-dire un sous-ou un sur-investissement dans la production des marchandises assujetties aux contrôles. Non seulement le prix du marché équilibre l'offre et la demande, mais si le commerce extérieur n'est pas non plus soumis à des restrictions, il encourage aussi un niveau d'offre correspondant à l'avantage comparatif du pays. On avance parfois le contre-argument que l'existence d'oligopoles et de monopoles dans la transformation alimentaire nécessite d'imposer des contrôles de prix, mais rien n'assure que les prix administrés se rapprocheront mieux des résultats d'un marché concurrentiel, surtout s'ils sont soumis à des influences politiques. Comme on le verra ci-dessous, la politique dispose d'autres moyens pour résoudre le problème des monopoles et des oligopoles.

Pour toutes ces raisons, les contrôles de prix aggravent souvent les déficits de l'offre et ne permettent pas, à long terme, de maîtriser l'inflation. Une étude de la transition des économies planifiées à l'économie de marché en Europe de l'est a conclu: «la libéralisation des prix se traduit souvent par une inflation inférieure à ce qu'elle serait sous une politique de poursuite du contrôle des prix»72.

La Zambie, le Pérou et plusieurs autres pays ont mis en pratique à certains moments une variante des prix administrés: la tarification pan-territoriale. Ce type de politique tente d'uniformiser le prix d'une marchandise dans toutes les régions du pays par décret administratif. Ce prix est illusoire, car il gomme la réalité des coûts de transport et de commercialisation engendrés par le déplacement des marchandises des régions excédentaires vers les régions déficitaires. Ces coûts n'étant pas recouvrés par les variations de prix du produit selon les endroits, ils sont payés par quelqu'un d'autre: le gouvernement, les producteurs ou les consommateurs. Si le gouvernement paie, il prend généralement le contrôle du processus de commercialisation, une tâche qu'il n'est pas qualifié pour accomplir efficacement. Si les coûts sont répercutés aux producteurs ou aux consommateurs par le biais du niveau de prix défini, les producteurs sont en général les seuls à payer, ce qui les dissuade de produire. D'un autre côté, un prix fixé à un niveau artificiellement élevé dans les principales régions productrices risque d'entraîner un excédent. Souvent, l'exportation de cet excédent représente un coût pour les finances publiques puisque le prix à la production est probablement plus élevé que le prix international équivalent, après prise en compte des marges de transport et de commercialisation.

L'un des défis majeurs du développement agricole est de favoriser le développement d'un système de commercialisation privé efficace. Nier que cette activité a un coût légitime empêche de relever le défi.

4.7.2 Prix de soutien à la production

Les prix de soutien, ou prix garantis, ont été eux aussi largement utilisés. Ce sont les cousins des prix contrôlés: ils tentent de contrôler les prix à la baisse seulement, sans imposer de restrictions à la hausse. Ils souffrent des mêmes limites conceptuelles et pratiques que les prix administrés. En outre, les prix de soutien coûtent cher aux finances publiques car, en général, ils sont conçus pour faire passer le prix à la production au-dessus du prix d'équilibre, tout en maintenant les prix à la consommation à un niveau égal ou inférieur à celui du marché. Le gouvernement paie alors la différence ou la marge inverse de commercialisation.

Le réseau des points de collecte et de stockage que les pouvoirs publics se sentent obligés de construire et de faire fonctionner pour gérer leur politique de prix de soutien à la production constitue une autre source de dépenses budgétaires. Fréquemment, leur mauvaise gestion alourdit le coût de la politique pour le gouvernement. En Chine, par exemple, à l'issue d'une revue de la politique gouvernementale en 1998:

On a reproché aux silos de céréales: i) leur lenteur à modifier les mécanismes de gestion; ii) leurs sureffectifs, iii) leur mauvaise gestion; et iv) le détournement de fonds destinés aux achats de céréales à d'autres usages73.

Au Honduras, on s'est aperçu que les silos appartenant à l'État n'ont fonctionné qu'à 10 pour cent de leur capacité en moyenne pendant de nombreuses années74. En El Salvador, les silos publics sont demeurés vides pendant plusieurs années avant d'être fermés.

En dépit de ces dépenses budgétaires, les fonds manquent souvent pour respecter l'engagement d'acheter la récolte au prix garanti, surtout pendant les années de récoltes abondantes. De ce fait, au moment où les agriculteurs ont le plus besoin de prix garantis, les pouvoirs publics ne sont souvent pas en mesure de les honorer. En Russie «au 31 décembre 1995, sur les 8,6 millions de tonnes de céréales que devait écouler le gouvernement fédéral, seul un million avait été acheté. Au 1er février 1996, 1,6 million seulement de la [quantité] planifiée avait été acheté… On a invoqué l'absence de financement budgétaire de l'achat pour expliquer cet écart»75.

Un autre défaut fréquent de ces politiques est que les agriculteurs plus fortunés sont les mieux placés pour profiter des prix garantis, car ils peuvent acheminer leur récolte par camion aux points de collecte ou s'assurer d'une autre manière un traitement de faveur. Le chapitre 3 rend compte de données statistiques attestant d'une forte discrimination de cette nature, dans le cas du Honduras.

Déterminer le niveau des prix de soutien pose un problème conceptuel de base. Même si l'on admet qu'ils n'ont pas pour but de constituer des prix d'équilibre, où doivent-ils se situer? En pratique, on tente souvent de les fixer de manière à couvrir le coût de production estimé de la culture concernée, et de les augmenter d'une année sur l'autre en fonction de la hausse des coûts. Mais ceci revient à récompenser l'inefficacité.

Outre ce grave problème, on peut se poser la question: les coûts de production de qui? Après tout, dans la réalité la courbe de l'offre est composée de plusieurs milliers de points, chacun représentant un agriculteur et/ou une technique de production différents. Le prix de soutien doit-il être égal au coût moyen de production, au coût marginal ou à un autre coût? Le fixer au coût marginal semble également favoriser l'inefficacité et créer une rente pour tous les producteurs, sauf le moins efficace d'entre eux. Et dans le monde réel hétérogène des exploitations et de leurs dotations en ressources, il peut être difficile de calculer un coût moyen avec précision.

Pour toutes ces raisons, de l'Amérique latine au Moyen-Orient en passant par l'Afrique subsaharienne, les prix garantis ne sont plus en faveur dans un nombre croissant de pays. Ils ont résisté plus longtemps en Europe orientale et occidentale, ainsi qu'en Asie méridionale et orientale, peut-être en raison des longues traditions d'administration publique de ces pays qui en ont rendu la mise en œuvre plus efficace. Néanmoins, les objections conceptuelles à ces mécanismes sont tout aussi valables dans les contextes asiatique et européen, où ils font actuellement l'objet aussi d'un réexamen. Pour augmenter les prix à la production à un moindre coût pour le gouvernement, il vaut mieux supprimer les exemptions tarifaires sur les importations de denrées alimentaires, ce qui assoit le taux de change à un niveau d'équilibre. On pourrait donc dire que le lemme d'une réforme de politique agricole est: passer d'une économie agricole contrôlée, mais pénalisée, à une économie agricole libre, mais protégée. Au Honduras au début des années 90, les taux de protection effectifs des agriculteurs ont augmenté après les réformes des systèmes tarifaires et du taux de change, alors même qu'on libérait les échanges commerciaux et qu'on démantelait les prix garantis.

Les arguments qui précèdent militent fortement contre le recours à des prix de soutien à la production. Cependant, dans certains cas les responsables peuvent, soit ne pas être convaincus, soit penser qu'ils ne peuvent revenir sur leur engagement à ce type de politique, au moins à court terme. Si c'est le cas, nous suggérons deux consignes importantes:

Une étude de Frank Ellis, Piyadasa Senanayake et Marisol Smith, qui compare les expériences très différentes du Sri Lanka et de l'Indonésie, souligne l'importance du respect de ces deux consignes:

Cet article décrit le système d'interventions sur le marché alimentaire au Sri Lanka et pose la question de savoir si les organismes publics chargés du commerce du riz et du blé contribuent utilement à la sécurité alimentaire et à la stabilité des prix alimentaires. L'analyse de séries temporelles des prix sur le marché du riz suggère que le système de commercialisation du riz privé est compétitif et efficace…. Il n'y a pas de raison d'en déduire que la distribution intérieure de la farine de blé ne pourrait pas être confiée avec la même efficacité à des organismes du secteur privé… Il est intéressant de comparer le cas du Sri Lanka à celui de l'Indonésie. … Dans le cas de l'Indonésie, la définition annuelle d'un prix plancher avant les décisions de plantation, sa défense efficace au plus fort de la récolte par un organisme d'achat actif, Bulog, la stabilité des niveaux annuels d'approvisionnement par Bulog (4 à 6 pour cent de la récolte) et la réticence historique du gouvernement à importer du riz ont fait que l'approche du prix plancher a été jugée la plus efficace et moins coûteuse pour stabiliser les prix intérieurs. Au Sri Lanka, en revanche, la définition erratique et intermittente du [prix de soutien], la grande variabilité des niveaux d'approvisionnement de PMB [l'organisme d'achat de l'État], la détérioration de l'infrastructure de PMB et l'utilisation flexible des importations de riz ou de blé pour maintenir l'équilibre des marchés des aliments de base ont fait du [soutien du prix du paddy] un instrument de politique redondant77.

4.7.3 Réserves stratégiques et libéralisation du marché des céréales

Les réserves stratégiques, presque toujours de céréales, sont une réponse à la préoccupation qui animait déjà les empereurs romains, comme mentionné au début du présent chapitre, à savoir les risques de pénurie alimentaire en cas de graves sécheresses ou d'autres événements inattendus. Clairement, aucun gouvernement ne souhaite prendre ce risque, d'où la tendance à stocker des réserves stratégiques. La pression à accumuler des réserves stratégiques peut être forte pour les produits relativement rares sur les marchés internationaux tels que le maïs blanc, le manioc ou certaines variétés de haricots.

Les réserves stratégiques sont toutefois coûteuses. Outre les coûts de stockage dans le temps, les finances publiques doivent couvrir la différence entre a) le prix d'achat majoré des coûts de manutention; et b) le prix de vente, puisque les céréales sont souvent vendues en dessous de leur coût intégral. La gestion du programme et les pertes pendant le stockage constituent d'autres coûts. En particulier, le stockage des haricots pendant de longues périodes les rend si durs qu'ils sont difficiles à utiliser. Enfin, les interventions des gouvernements sur les marchés engendrent un coût d'efficacité économique, quand les achats sont effectués pour la réserve et quand il faut sortir des stocks de la réserve. L'un des composants de ce coût est de décourager le développement de systèmes de commercialisation modernes dans le secteur privé. La question se pose donc de savoir si le but déclaré ne pourrait pas être atteint de manière différente et moins coûteuse.

Les tentatives pour renforcer la participation du secteur privé au commerce des denrées alimentaires peuvent se heurter aux forts préjugés des cercles bureaucratiques à l'encontre du secteur privé. Comme l'a souligné Joseph Ntangsi pour le Cameroun:

… il existe depuis longtemps un préjugé défavorable à l'encontre du secteur privé, en particulier chez les fonctionnaires, qui considèrent les commerçants privés comme inorganisés et inefficaces (puisqu'ils fonctionnent en nombreuses petites unités) ou comme des personnages peu scrupuleux qui exploitent les citoyens ordinaires (Joseph Ntgansi, Agricultural Policy and Structural Adjustment in Cameroon, dans: G. H. Peters et B. F. Stanton, éd., 1992, p. 267).

Dans le même temps:

Le manque d'efficacité de la commercialisation par l'État est tout aussi évident pour les denrées alimentaires que pour les intrants: dans les deux cas, les coûts de commercialisation sont plus élevés que pour les commerçants privés et, dans le cas des intrants, les agriculteurs ont dû faire face au problème supplémentaire des retards de livraison (op. cit., p. 272).

Le fait de constituer une réserve stratégique signifie que l'on doute de la capacité du marché à empêcher l'apparition de déficits extrêmes. L'expérience a pourtant montré que les marchés satisfont en général mieux les besoins des populations que les gouvernements. Une étude de John Mellor et Sarah Gavian a fait apparaître que, dans le monde, mises à part les guerres, les famines sont davantage la conséquence de politiques mal orientées que de catastrophes naturelles78. En principe, dans un régime de libre échange, le secteur privé réagit aux signaux de déficits imminents et, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les quantités disponibles sur le marché international ont toujours été suffisantes. Que les denrées alimentaires n'aient pas toujours été disponibles dans les quantités requises et au moment opportun est en partie imputable à la faiblesse des systèmes de distribution et la persistance d'interventions gouvernementales sur les marchés alimentaires tend à bloquer le développement de ces systèmes79.

Si le bien-fondé de ces remarques est largement reconnu, comme dit plus haut, le secteur privé des pays à bas revenus n'est pas toujours préparé à reprendre immédiatement les fonctions de commercialisation et de stockage. Les capitaux et le savoir-faire requis sont parfois insuffisants. Mais surtout, les chefs d'entreprise risquent de ne pas être convaincus que le gouvernement ne cherchera pas un jour à réinvestir le terrain. Dans le cas du Nicaragua, par exemple, on a observé que: «Le secteur privé n'a pas suffisamment comblé le vide laissé par l'État»80. Un phénomène similaire s'est révélé à l'occasion d'un programme de réforme économique au Malawi: «Les marchands n'ont pas remplacé [la société de commercialisation parastatale] sur les marchés abandonnés à la suite de la restructuration des activités économiques… Cette situation a eu des effets négatifs sur l'accès aux intrants et aux marchés dans les régions les plus isolées»81.

Cependant, le secteur privé n'est pas toujours lent à réagir. En Somalie, «Avant la réforme du milieu des années 80, les producteurs étaient contraints de livrer l'intégralité de leur production excédentaire à la Société de développement agricole … à des prix très inférieurs aux prix du marché parallèle … la production semble avoir réagi avec vigueur à l'abolition de ces contrôles et à la légalisation du commerce et du stockage privé. Ceci s'est accompagné d'une réaction vigoureuse de la part du secteur commercial privé»82.

En outre, les mêmes auteurs soulignent que «au cours des cinq dernières années, la réaction des négociants privés à la libéralisation du marché alimentaire a fait l'objet de nombreuses études dans plusieurs pays [d'Afrique orientale et australe]. Le résultat global de la plupart d'entre elles est que les négociants privés ont réagi avec davantage de succès que les pessimistes ne l'imaginaient à l'élargissement des opportunités commerciales résultant de l'assouplissement des restrictions légales sur leurs activités et de la réduction du rôle des organismes de commercialisation parastataux» (op. cit., p. 404). Néanmoins, la réaction du secteur privé de ces pays n'a pas toujours été totalement adéquate: «Dans la plupart des pays de la région, les activités commerciales du secteur privé n'ont reçu qu'un soutien limité des autorités, même après la libéralisation. Cela a empêché le secteur privé de réagir aux opportunités d'un environnement libéralisé. Il est donc urgent de trouver des moyens efficaces pour aider le secteur à se développer et encourager la concurrence en son sein» (op. cit., p. 406).

Lorsque le secteur privé ne comble pas rapidement le vide laissé par la disparition des programmes de commercialisation gouvernementaux, les responsables peuvent se trouver confrontés à un choix difficile: laisser les déficits s'amplifier, avec une augmentation marquée des prix alimentaires ou du coût des intrants, jusqu'à ce que le secteur privé réagisse en important les quantités de denrées alimentaires nécessaires, ou conserver une réserve stratégique au cas d'une urgence de cette nature et importer éventuellement des denrées alimentaires sur le compte du budget public lorsque les prix commencent à monter. Cette dernière politique retardera sûrement le développement du rôle du secteur privé dans la commercialisation des denrées alimentaires, mais l'autre alternative risque de se traduire par de réelles difficultés à court terme pour la population, au moins pour les pauvres des villes.

Ce dilemme est essentiellement un problème de transition. Il s'agit davantage d'une question de tactique plutôt que de stratégie à long terme, ce qui ne le rend pas moins difficile. Chaque pays doit trouver une solution dans son contexte économique et historique, mais il se peut que le respect de deux principes soit à même de contribuer à l'élaboration d'une approche adaptée: a) échelonner convenablement la mise en place des réformes de politique; et b) assurer la clarté et la transparence absolues des règles d'intervention du secteur public pendant la période de transition83. Par exemple, un échelonnement convenable de mise en place des réformes consiste à instaurer un programme d'assistance alimentaire au profit des urbains pauvres avant de confier au secteur privé l'entière responsabilité de gestion de la filière de commercialisation des denrées alimentaires. L'exemple du Kazakhstan mentionné précédemment illustre la nécessité de libéraliser les marchés de la production agricole avant ou en même temps que la libéralisation du marché des intrants. De la même manière, un changement fondamental d'une telle ampleur doit être précédé par une vaste campagne de sensibilisation des chefs d'entreprises privées à la nature des nouvelles politiques et au rôle que l'on attend d'eux, sous la forme d'ateliers, de groupes de travail, de publications dans les médias et d'autres méthodes.

Pour assurer la clarté et la transparence des règles régissant les interventions publiques en période de transition vers une économie de marché, il est important de ne déstocker les céréales d'une réserve stratégique que lorsque, par exemple, l'augmentation de leur prix réel d'un mois sur l'autre dépasse un pourcentage spécifié. Il faudrait diffuser largement cette règle. Afin d'éviter tout favoritisme et de perturber le moins possible le prix du marché, il faudrait effectuer les achats destinés à la réserve par petits lots, dans des ventes aux enchères ouvertes aux producteurs et autres vendeurs, à différents endroits du pays. Enfin, une mesure parallèle consisterait à réduire progressivement et de manière programmée la taille de la réserve stratégique jusqu'à sa complète disparition.

Alternativement, il est possible de répondre aux préoccupations des responsables en matière de prix alimentaires par la création d'une réserve financière pour la sécurité alimentaire au lieu d'une réserve physique de céréales. La réserve financière servirait à importer des céréales dans des conditions spécifiées d'augmentation des prix réels, toujours dans le respect des principes de clarté et de transparence. Avantage pour le gouvernement, une réserve financière coûte moins cher qu'une réserve physique: il n'y a pas de pertes, pas de coûts de gestion et elle rapporte des intérêts. La réserve financière doit être vue elle aussi comme une mesure transitoire, en attendant que le secteur privé ait démontré clairement sa capacité à bien gérer le commerce des céréales, mais elle pourrait bien s'avérer l'alternative la moins coûteuse.

Enfin, lorsque l'on envisage dans toutes ses dimensions la mise en place d'un système adéquat de commercialisation par le secteur privé, des subventions transitoires aux activités de commercialisation pour les aider à passer du système étatique à un système privé se justifient. Ces subventions peuvent prendre la forme d'une privatisation des installations de stockage de l'État à des conditions de faveur (pourvu que ne se créent pas ainsi des monopoles privés), et peut-être d'un recours à des lignes temporaires de réescompte du crédit, afin de soutenir les investissements en biens d'équipement de stockage et de commercialisation privés. Ce type d'assistance doit s'accompagner de la formation des agents de commercialisation du secteur privé.

34 Shlomo Reutlinger, Viewpoint: from ‘food aid’ to ‘aid for food’: into the 21stcentury, Food Policy, vol. 24, № 1, février 1999, pages 7, 12–13, avec l'autorisation de Elsevier.

35 David Tschirley, Cynthia Donovan et Michael T. Weber, Food aid and food markets: lessons from Mozambique, Food Policy, vol. 21, № 2, mai 1996, pages 205–206, avec l'autorisation de Elsevier.

36 Overseas Development Institute, Reforming Food Aid: Time To Grasp the Nettle?, ODI Briefing Paper, Londres, janvier 2000, pages 1 et 2, avec l'autorisation de l'ODI.

37 Op. cit., p. 2, publié avec l'autorisation de l'ODI.

38 Les analyses quantitatives ont recours à la moyenne de l'ensemble des taux de change du pays pondérée par les volumes commerciaux respectifs.

39 Peter J. Montiel et Jonathan D. Ostry, Targeting the Real Exchange Rate in Developing Countries, Finance and Development, Banque mondiale et Fonds monétaire International, mars 1993, p. 38.

40 En outre, des taux d'intérêt réels élevés infligent des dommages économiques disproportionnés à l'agriculture, compte tenu de son intensité capitalistique relativement élevée et de son besoin de financement spécifique dû au long délai entre l'investissement de préparation de la culture et sa récolte: «l'agriculture … est plus sensible que les secteurs non-agricoles aux changements des taux d'intérêt… » (Y. Mundlak, 1997, p. 19).

41 Anne O. Krueger, Maurice Schiff et Alberto Valdés, Agricultural incentives in developing countries: measuring the effect of sectoral and economy-wide policies, The World Bank Economic Review, vol. 2, №3, septembre 1988, p. 266. Voir également le résumé de ces résultats et d'ultérieurs approfondissements de certains des thèmes dans Maurice Schiff et Alberto Valdés, The Plundering of Agriculture in Developing Countries, Banque mondiale, Washington, D.C., 1992. La même étude a trouvé que les pays qui pratiquaient la politique la plus discriminatoire à l'encontre de l'agriculture étaient ceux dont le taux de croissance était le plus lent.

42 Alberto Valdés, Surveillance of Agricultural Price and Trade Policy in Latin America during Major Policy Reforms, Banque mondiale, Discussion paper № 349, Washington, D.C., 1996.

43 On trouvera une plus ample discussion et d'autres exemples relatifs au taux de change et aux prix relatifs dans Roger D. Norton, Integration of Food and Agricultural Policy with Macroeconomic Policy: Methodological Considerations in a Latin American Perspective, Études FAO - Développement économique et social, № 111, Rome, 1992.

44 Il s'agit là de l'un des principaux messages de l'étude Liberalizing Foreign Trade in Developing Countries: The lessons of Experience, par Demetrios Papageorgiou, Armeane M. Chocksi et Michael Michaely, Banque mondiale, Washington, D.C., 1990.

45 Alberto Valdés, Mix and sequencing of economywide and agricultural reform: Chile and New Zealand, Agricultural Economics, vol. 8, № 4, juin 1993, p. 307.

46 FAO, La situation de l'alimentation et de l'agriculture 1995, Rome, 1995, p. 79.

47 T. Reardon, V. Kelly, E. Crawford, B. Diagana, J. Dioné, K. Savadogo et D. Boughton, Promoting sustainable intensification and productivity growth in Sahel agriculture, Food Policy, vol. 22, № 4, août 1997, pages 320–321, avec l'autorisation de Elsevier. À noter que le Mali a tenté de contrôler de nombreux prix dans la foulée de la dévaluation, mais a rapidement abandonné cette politique.

48 Les exemples de l'effet du taux de change sur l'agriculture abondent. Dans le cas de l'Équateur, une étude sur modèle a conclu que «la politique macroéconomique, à travers le taux de change, a causé en grande mesure le déclin de la part de l'agriculture dans l'économie, observé entre 1971 et 1981». (Extrait de: Grant M. Scobie et Veronica Jardine, Macroeconomic Policy, the Real Exchange Rate and Agricultural Growth: The Case of Ecuador, intervention à la Annual Conference of the Australian Agricultural Economics Society (branche néo-zélandaise), Blenheim, juillet 1988, p. 12.,

49 Thomas L. Vollrath, The role of agriculture in economic development: a vision for foreign development assistance, Food Policy, vol. 19, № 5, octobre 1994, p. 476.

50 D. Rodrik, 2001, p. 94.

51 On trouvera une explication approfondie des caisses d'émission par leurs tenants dans Steve H. Hanke et Kurt Schuler, Currency Boards for Developing Countries: A Handbook, Sector Study № 9, International Center for Economic Growth, San Francisco, Californie, 1994.

52 La caisse d'émission argentine a autorisé des exceptions à cette règle: par exemple, la Banque centrale a obtenu le droit d'augmenter les liquidités du système bancaire après la dévaluation du peso mexicain en 1994.

53 La décision de convertir les marks est-allemands en marks ouest-allemands au taux de 1:1 a rendu de nombreuses sociétés est-allemandes non-compétitives et coûté pendant plus de dix ans aux contribuables ouest-allemands de très fortes compensations sous la forme d'assurance chômage et d'autres subventions au bénéfice de l'Est.

54 Un autre facteur expliquant la poursuite de l'inflation estonienne a été la rapide accumulation de réserves en monnaies étrangères qui, dans le cadre du système de «currency board», se sont automatiquement traduites par une augmentation de l'offre monétaire.

55 Ministère de l'agriculture, Estonie, National strategy for sustainable agricultural development, Tallinn, 1997, chapitre 2.

56 Dans ce cas, si l'industrie n'est pas protégée par des politiques commerciales et tarifaires, ses prix réels souffrent quasiment autant que ceux de l'agriculture.

57 Cette section est adaptée de R. D. Norton, 1992.

58 Adolfo Sturzenegger avec Wylian Otrera, Trade, Exchange Rate, and Agricultural Pricing Policies in Argentina, World Bank Comparative Studies, Banque mondiale, Washington, D.C., 1990.

59 Roger D. Norton, Haitian Agriculture: Domestic Resource Costs and Pricing and Fiscal Structures, préparé pour le Latin American and Caribbean Regional Office de la Banque mondiale, Washington, D.C., 1984.

60 Consejo Nacional de Agricultura, Alternativas para una nueva política de intervención de los precios: el caso de INESPRE, chapitre 1 dans Compendio de estudios sobre políticas agropecuarias en República Dominicana, 1985–1988, Tomo I, Santo Domingo, République dominicaine, 1990.

61 On trouvera des résumés des preuves statistiques des élasticités de l'offre dans: a) Hossein Askari et J. T. Cummings, Agricultural Supply Response: A Survey of the Econometric Evidence, Praeger Publishers, New York, 1976; b) Shida Rastegari Henneberry, A Review of Agricultural Supply Responses for International Policy Models, préparé pour le USAID Policy Analysis Project, Department of Agricultural Economics, Oklahoma State University, Stillwater, Oklahoma, 1986; et c) Isabelle Tsakok, Agricultural Price Policy, A Practitioner's Guide to Partial Equilibrium Analysis, Cornell University Press, Ithaca, New York, 1990.

62 Calcul de Mauricio González Orellana de la Fondation salvadorienne pour le développement économique et social (FUSADES).

63 Thomas L. Vollrath, 1994, p. 474. Cette citation figure dans FAO, La situation de l'alimentation et de l'agriculture 1995, Rome, 1995, pages 56–57.

64 Op. cit., p. 469.

65 FAO, La situation de l'alimentation et de l'agriculture 1995, Rome, 1995, pages 120–21.

66 Bruce L. Gardner, Policy Reform in Agriculture: An Assessment of the Results in Eight Countries, Department of Agriculture and Resource Economics, University of Maryland, Baltimore, 1996, p. 8.

67 F. Goletti et P. Chabot, 2000, p. 670.

68 Ces résultats ont été rapportés dans: Ramón Valdivia Alcalá, Jaime A. Matus Gardea, Miguel A. Martínez Damián et María de J. Santiago Cruz, Análisis comparativo de la distribución de la tierra y apoyos directos al productor: estudio de casos, Políticas Agrícolas, volume IV, №3, 2000, pages 93–127.

69 John Baffes et Jacob Meerman expriment leur scepticisme quant aux capacités administratives des pays en développement pour ce type de programme dans leur étude, From Prices to Incomes: Agricultural Subsidization without Protection?, Policy Research Working Paper №1776, Banque mondiale, Washington, D.C., juin 1997. Si la plupart des points évoqués dans ce document sont pertinents, on peut contester sa vision négative des effets du soutien direct sur les perspectives de croissance du secteur.

70 R. D. Norton, Agricultural Issues in Structural Adjustment Programs, FAO Economic and Social Development Paper № 66, Rome, 1987, p. 42.

71 Patrick Guillaumont, Adjustment Policy and Agricultural Development, dans: G. H. Peters et B. F. Stanton, éd., Sustainable Agricultural Development: The Role of International Cooperation, Comptes rendus de la 21ème Conférence internationale des économistes agricoles, Association internationale des économistes agronomiques, Dartmouth Publishing Company, Aldershot, Royaume-Uni, 1992, p. 221.

72 Martha de Melo, Cevdet Denizer et Alan Gelb, Patterns of transition from plan to market, The World Bank Economic Review, vol. 10, № 3, septembre 1996, p. 397.

73 Organisation de coopération et de développement économiques, 1999, p. 134.

74 Secretaría de recursos naturales, Programa nacional de reactivación agrícola: desarrollo compartido en el agro, La nueva política de comercialización de granos básicos, Tegucigalpa, Honduras, mai 1991.

75 OCDE, Agricultural Policies, Markets and Trade in Transition Economies: Monitoring and Evaluation, 1996, Paris, 1996.

76 Jan Tinbergen, On the Theory of Economic Policy, Amsterdam, 1952.

77 Frank Ellis, Piyadasa Senanayake et Marisol Smith, Food price policy in Sri Lanka, Food Policy, vol. 22, № 1, février 1997, p. 95, avec l'autorisation de Elsevier.

78 John Mellor et Sarah Gavian, Famine: causes, prevention and relief, Science, vol. 235 (4788), 1987, pages 539–545.

79 La malnutrition chronique, par opposition aux déficits alimentaires temporaires, est davantage fonction de la faiblesse des niveaux de revenu que de la rareté physique des denrées alimentaires. Ce sujet est abordé dans la suite du présent chapitre.

80 Max Spoor, Liberalization of grain markets in Nicaragua, Food Policy, vol. 20, № 2, avril 1995, p. 99.

81 Katundu M. Mtawali, Trade, price and market reform in Malawi: current status, proposals and constraints, Food Policy, vol. 18, № 4, août 1993, p. 306, avec l'autorisation de Elsevier.

82 Jonathan Beynon, Stephen Jones et Shujie Yao, Market reform and private trade in Eastern and Southern Africa, Food Policy, vol. 17, № 6, décembre 1992, pages 401, 404 et 406, avec l'autorisation de Elsevier.

83 À partir de l'expérience de la Tanzanie, on s'est aperçu que «La réussite de la mise en œuvre de la libéralisation du [marché des céréales] exige une politique claire et cohérente de la part du gouvernement, la réforme des services financiers, la vente de la capacité de stockage inutilisée au secteur privé … » (Jonathan Coulter et Peter Golob, Cereal marketing liberalization in Tanzania, Food Policy, vol. 17, № 6, décembre 1992, p. 420).


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