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CHAPITRE 9
STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE:
PROCESSUS ET STRUCTURE (Cont.)

9.3.2 Institutions et capital humain

Le raisonnement économique suggère que l'on peut organiser des ensembles de réforme de politique autour du concept de la correction des dysfonctionnements du marché. Le concept de dysfonctionnement du marché est complémentaire du cadre incitations-ressources-accès des agriculteurs, puisque l'effort d'amélioration dans chacun de ces domaines nécessite de corriger les imperfections du marché correspondantes. Dans de nombreux cas, les politiques et les programmes conçus pour améliorer les incitations et corriger les dysfonctionnements du marché passent par le renforcement des institutions. Par exemple, l'amélioration de l'accès au crédit des petits producteurs et la réduction au moins en partie des taux d'intérêt qu'ils paient, nécessitent souvent la mise en place de nouveaux types d'institutions de crédit rural privé et des changements des réglementations financières. De même, un effort d'amélioration de l'accès aux terres pourra nécessiter une législation qui définisse plus clairement les droits de propriété ou établisse de nouvelles règles du jeu en matière de régime foncier. Habituellement, il requiert également le renforcement des cadastres locaux et parfois de nouveaux mécanismes de financement des achats de terre ainsi qu'une amélioration du marché de location des terres. Les systèmes de fourniture de technologie agricole sont en train de subir des changements institutionnels profonds dans l'ensemble du monde en développement, comme discuté au chapitre 8.

Une évaluation de l'expérience chinoise du développement agricole a souligné l'importance des incitations et du développement institutionnel:
La structure des incitations détermine le résultat économique. Les institutions - les règles du jeu économique - structurent les incitations. Les systèmes politiques ont fortement tendance à élaborer des institutions qui n'incitent que faiblement à la productivité agricole. La première action de la révolution économique chinoise a été d'instaurer le régime de responsabilité des ménages agricoles et de réduire (lentement) le rôle des grandes entreprises d'État. Il s'agissait clairement d'une importante innovation, qui a conduit à une augmentation de la productivité. L'enseignement est le suivant: mettre d'aplomb les institutions qui établissent le lien entre les actions et leurs conséquences. Ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît. (Extrait de James D. Shaffer et Simei Wen, The Transformation from Low-Income Agricultural Economies, dans: G. H. Peters et D. D. Hedley, éd., Agricultural Competitiveness: Market Forces and Policy Choice, Comptes rendus de la deuxième Conférence internationale des économistes agricoles, Dartmouth Publishing Co. Ltd, Aldershot, 1995, p. 203).

Dans la plupart des cas, la stratégie agricole d'un pays en développement est incomplète si elle n'étudie pas le rôle du capital humain, qui y mérite une place à part entière, distincte des autres ressources de base. Comme l'a écrit Theodore Schultz:

Les facteurs de production décisifs pour l'amélioration du bien-être des populations pauvres ne sont pas l'espace, l'énergie et les terres cultivables; ce sont l'amélioration de la qualité de la population et les progrès du savoir27.

La faible alphabétisation des agriculteurs et leur ignorance des concepts élémentaires de la comptabilité des coûts et de la gestion d'une entreprise constituent un obstacle majeur à l'amélioration technologique de nombreux secteurs agricoles. Une stratégie se doit d'étudier ce type de problème, ainsi que les mesures susceptibles d'augmenter la scolarisation dans les régions rurales et le nombre d'agriculteurs sachant lire, écrire et compter. Le gouvernement mexicain, par exemple, a récemment jugé les problèmes de capital humain suffisamment graves pour lancer un programme d'allocations aux familles rurales basé sur la fréquentation de l'école par leurs enfants.

Des données empiriques relatives à la relation entre alphabétisation et productivité agricole ont été réunies pour plusieurs pays en développement. Thomas Pinckney a analysé des résultats d'enquêtes pour étudier l'impact de l'éducation sur la productivité dans les villages producteurs de café du Kenya et de Tanzanie. Il a constaté que:

Les résultats pour les deux sites sont frappants… À autres intrants constants, la production est de 30% supérieure quand les chefs d'exploitations agricoles savent ajouter et soustraire des nombres à deux chiffres et lire et comprendre des paragraphes simples28.

En résumé, le capital humain est le facteur stratégique le plus important pour le développement agricole, à mesure que de nouvelles technologies apparaissent, que le marché demande des produits de meilleure qualité et plus salubres, et que les exigences des consommateurs en termes de qualité et de moment de la livraison se modifient. Dans le monde entier, il devient de plus en plus essentiel d'apprendre comment accéder en continu à l'information et comment l'assimiler. Du coup, les institutions et politiques qui facilitent cet accès jouent un rôle de plus en plus capital, mais souvent les ministères de l'agriculture tardent à reconnaître l'importance des questions de qualité – une importance qui vaut pour toutes les catégories d'agriculteurs.

Dans les pays où la terre est rare, un autre indicateur à surveiller est le rapport terres/main d'œuvre dans l'agriculture. Aux premiers stades du développement, quand les taux de fertilité sont élevés, la taille moyenne des exploitations risque de décliner si l'on n'ouvre pas de nouvelles terres à la culture. Et la création de terres arables supplémentaires risque de se faire aux dépens des forêts. Lors de l'élaboration d'un cadre stratégique, l'analyse des tendances démographiques, y compris le taux d'exode rural, peut aider utilement à déterminer si le taux de croissance de la population rurale ralentit et, dans ce cas, dans combien de temps il est susceptible de commencer à décliner en termes absolus et d'inverser la tendance à une fragmentation accrue des exploitations ou à des incursions supplémentaires dans les régions de forêts ou les terres marginales.

La logique d'amélioration des incitations et l'accent sur le développement des ressources humaines pointent dans la même direction, celle du développement des institutions. Les institutions font partie intégrante de la dotation en capital humain et social d'un pays. Quasiment tous les points stratégiques fondamentaux ont une dimension institutionnelle. Comme le dit James Bonnen:

Clairement, une nation incapable à long terme de créer des institutions et d'améliorer le capital humain n'aura jamais une agriculture hautement productive et industrialisée. Tout aussi clairement, la création d'institutions et l'accumulation de capital humain à long terme doivent aller au-delà de la mise en place d'établissements de recherche et d'enseignement. Le développement du capital physique et d'intrants conventionnels est nécessaire pour la protection, la récupération et le développement du sol et de l'eau, pour le crédit à long, moyen et court termes, pour le réseau routier, pour le service postal et éventuellement les communications électroniques dans les régions rurales, ainsi que pour la mise en place d'institutions commerciales modernes…29

D'autres auteurs ont exprimé comme suit le rôle des institutions dans l'économie:

On peut considérer les institutions comme des dispositions prises par les agents économiques pour tenter de diminuer l'incertitude dans le domaine des échanges et de la propriété (North, 199030). Des droits de propriété flous favorisent les comportements opportunistes de capture de bénéfices résiduels à l'intérieur et à l'extérieur des entreprises (Milgrom et Roberts, 199231). Ce type de droits de propriété incomplets se traduit par des coûts de transaction élevés et l'incertitude. C'est pourquoi, en définissant les règles du jeu, les dispositions institutionnelles constituent des tentatives de réduction de l'incertitude dans les échanges et de baisse des coûts de transaction32.

Dans une économie rurale, la portée du développement institutionnel va au-delà de la réduction de l'incertitude et des coûts de transaction. Dans de nombreux cas, au moins pour certains groupes d'agriculteurs, cela facilite l'accès, totalement absent auparavant, à un marché ou à un service. Dans ce cas, on peut dire que les coûts de transaction passent de l'infini à un niveau fini et mieux gérable. Plus fondamentalement encore, des institutions solides ouvrent aux paysans les portes des connaissances nouvelles, et leur permettent de conclure des accords fiables pour la livraison future des intrants et des produits et pour les paiements à date ultérieure. Si toutes les transactions et règlements doivent se faire sur une base instantanée, le développement ne peut guère viser plus loin que le marché villageois.

9.3.3 Dimensions de cohérence de la stratégie

Une autre dimension d'intégration de la stratégie est celle de la cohérence entre les diverses politiques et de leur complémentarité, autrement dit leur cohérence intra-sectorielle. Comme déjà dit, assurer un accès adéquat aux terres cultivables peut nécessiter d'améliorer les institutions financières et, dans certains cas, de créer de nouveaux programmes et institutions tels que des fonds fonciers. La régularisation du régime foncier, quant à elle, peut constituer une condition préalable à la mise en œuvre d'autres politiques et programmes. Par exemple, pour mener un programme de transferts aux petits agriculteurs, il est indispensable d'enregistrer leurs titres de propriétés d'une manière ou d'une autre. L'existence de services financiers ruraux adéquats constitue une autre condition indispensable à de nombreux programmes de transferts de technologie. En matière de production et de commercialisation des récoltes, pour mettre en œuvre un programme de certificats de dépôts de céréales (nantissement sur récolte), une condition préalable est l'élaboration et la diffusion de normes de qualité agréées pour les céréales. La liste des exemples pourrait s'allonger, mais il est évident qu'il faut satisfaire à ces exigences de cohérence pour que les recommandations d'une stratégie puissent être mises en pratique.

Lorsque que l'on traite du secteur agricole au sens large, d'autres exigences de cohérence apparaissent. Dans plusieurs pays d'Amérique latine, la législation foncière existante est incompatible avec une gestion durable des forêts nationales. Au Panama, pour ne citer qu'un exemple, une famille rurale ne peut pas espérer obtenir de droits fonciers sur des terres appartenant à l'État tant que celles-ci sont plantées de forêts. En revanche, si la famille abat les arbres et les remplace par des cultures annuelles, la loi de réforme agricole l'autorise à acquérir un titre provisoire sur les terres, qui peut même finir par être transformé en titre de pleine propriété33. On peut trouver d'autres connexions fortes entre les politiques agricole et de l'environnement rural et entre les politiques agricole et de gestion de l'eau.

En dépit de l'importance de la cohérence entre politiques agricole et de gestion des ressources naturelles, il ne faut pas céder à la tentation, caractéristique de certains modes d'élaboration des stratégies, de décider de manière centralisée des types de cultures à pratiquer pour chaque catégorie de sols. Au final, les agriculteurs sont mieux placés que les pouvoirs publics pour faire ces choix. Il pourra arriver que la culture pratiquée dans une région donnée arrive en seconde, troisième ou même quatrième position en termes de résultats pour le sol concerné, parce que les cultures les mieux adaptées sont pratiquées ailleurs sur des sols encore meilleurs, et que leur production dans ces régions suffit aux besoins du marché. En matière de production et de commercialisation nationale et internationale, la loi de l'avantage comparatif exerce une influence prépondérante. Ce que les planificateurs peuvent faire en matière d'adéquation des sols et des cultures, c'est d'organiser des ateliers et des formations afin d'informer les agriculteurs d'une région donnée sur les cultures alternatives possibles, et sur la manière de cultiver et commercialiser ces autres variétés.

La dimension inter-sectorielle est tout aussi indispensable pour la cohérence que la dimension intra-sectorielle. Comme expliqué au chapitre 4, les politiques macro-économiques figurent en général parmi les principaux déterminants de la croissance agricole. Il est impossible de présenter une stratégie pour le secteur qui ne tienne pas compte de cette relation. La politique macro-économique a des effets si tentaculaires qu'il n'est pas exagéré de dire qu'elle influe fortement sur la nature de la société. On pense parfois qu'il n'existe qu'un seul jeu «correct» de politiques macro-économiques mais, en général, ce n'est pas le cas. Pour ne mentionner que trois exemples, le contenu de la politique de recettes et dépenses fiscales, le type de politique de taux de change, et la vitesse de réduction du taux d'inflation, peuvent varier. Une stratégie agricole élaborée récemment pour l'El Salvador soulignait que la forte dépendance envers les transferts de fonds des émigrés, et la politique leur permettant de revaloriser le taux de change réel, créaient une économie et une société dépendantes des secteurs des services et de l'industrie de transformation en sous-traitance. L'agriculture et l'industrie manufacturière per se perdaient en permanence de l'importance. Cette stratégie quantifiait également le coût pour la société de l'intensification annuelle de l'exode rural liée au biais défavorable du taux de change à l'égard des secteurs productifs, et proposait des alternatives macro-économiques susceptibles de corriger ce biais et d'encourager la croissance de l'agriculture et de l'industrie manufacturière34.

La Banque mondiale a émis le commentaire suivant sur la relation entre politiques macro-économique et sectorielle:

En agriculture, il ne faut pas dissocier les réformes de politiques sectorielles spécifiques des réformes des politiques économiques globales et des stratégies de développement qui génèrent des biais forts à l'encontre de la production et des exportations agricoles. … de nombreux pays en développement ont fait montre de pratiques discriminatoires à l'égard de l'agriculture en protégeant fortement l'industrie et en adoptant des politiques macro-économiques et de taux de change inadaptées. … Le lien entre politiques sectorielles et politiques macro-économiques est en général si puissant qu'il est préférable de mener les réformes agricoles en conjonction avec les réformes des politiques économiques globales.

La priorité première de l'agriculture est d'éviter que les politiques macro-économiques ou sectorielles ne dépriment artificiellement la rentabilité de l'exploitation35.

La stratégie agricole peut se trouver contrainte de proposer des alternatives viables à la stratégie macro-économique, si elles ne font pas déjà partie du débat public. Elle doit aussi présenter clairement les interdépendances entre politiques macro-économiques et sectorielles, ainsi qu'entre politiques macro-économiques et perspectives de développement du secteur. Néanmoins, bien que la stratégie doive inclure les liens entre politiques macro-économiques et sectorielles et une analyse approfondie du potentiel de l'agriculture et des politiques susceptibles de contribuer à sa concrétisation, il est également important de ne pas adopter une attitude partisane, plus favorable à l'agriculture qu'au reste de l'économie. Si les politiques macro-économiques et commerciales ont fait décliner les prix agricoles réels, il peut s'avérer judicieux d'instituer de nouvelles politiques pour inverser la tendance, mais il serait également important de débattre de mesures susceptibles de compenser les effets de l'augmentation des prix des denrées alimentaires sur les populations pauvres des villes. D'un point de vue intersectoriel, le principe directeur devrait être autant d'éviter les politiques défavorables à l'agriculture, que de faire de l'agriculture le garde-chiourme du reste de l'économie36. Gale Johnson a exprimé cette idée dans les termes suivants:

L'agriculture a beaucoup à apporter au développement économique, mais il faut la traiter comme les autres secteurs pour que cette contribution se concrétise37.

Heureusement, de nombreux types de politiques encouragent le développement agricole sans porter préjudice à d'autres secteurs, comme le montre l'ensemble du présent volume.

Le système des mesures d'incitation sectorielles constitue un canal efficace pour intégrer des considérations macro-économiques à l'analyse de l'économie agricole. Les mesures d'incitation nette à la production sont le résultat de nombreuses politiques: impôts, droits de douane, remises à l'exportation, contrôles commerciaux et transferts budgétaires, en plus du taux de change. Parfois, l'incidence nette de ces politiques est inégale au sein du secteur. Au Nicaragua, par exemple, on a souligné récemment que le sous-secteur du café, important pour les gains en devises étrangères et les revenus des petits exploitants, avait été taxé plus lourdement que d'autres sous-secteurs de l'économie, ce qui décourageait son développement. Un exercice stratégique utile dans une situation de ce type peut être d'analyser d'autres combinaisons possibles d'instruments fiscaux et tarifaires qui généreraient la même quantité de revenus avec moins de distorsions. Un exercice plus complet consisterait à procéder à l'analyse conjointe de l'incidence de tous les instruments de politique du secteur et à l'identification d'autres combinaisons susceptibles de conduire à un taux uniforme de protection effective pour tous les produits.

Le temps constitue une autre dimension de base des documents de planification. Il peut être utile d'élaborer des projections de l'évolution possible du secteur afin de faire apparaître son potentiel en matière de génération de revenus, d'emplois, de devises étrangères, etc. Cependant, des projections de ce type ne peuvent avoir qu'un rôle illustratif, et il est difficile d'en lier avec rigueur les variations à des réformes de politique, bien qu'on le tente parfois dans un but pédagogique. Le rôle essentiel d'une stratégie est de présenter une vision du secteur valable à moyen terme, sans nécessairement tenter de prévoir les dates auxquelles les recommandations généreront leurs effets. Dans ce contexte, moyen terme signifie au moins cinq ans, sachant qu'en général la durée est de dix à quinze ans. Définir clairement la priorité des actions de politique est plus utile qu'émettre des prévisions quant à l'effet futur des réformes période par période.

…. les modèles eux-mêmes ne peuvent pas apporter de réponse. Ceci est particulièrement vrai quand on tente de leur intégrer la réaction de la politique elle-même à l'évolution de l'environnement économique. … Les modèles de politique endogènes de ce type peuvent éventuellement révéler en partie les facteurs historiques qui ont motivé les changements de politique, mais ils indiquent rarement le moment où les degrés de liberté de l'initiative de politique sont sur le point d'augmenter (Peter C. Timmer, The Agricultural Transformation, dans: Carl K. Eicher et John M. Staatz, éd., International Agricultural Development, 3èmeédition, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1998, p. 132).

Enfin, l'axe unificateur majeur de la stratégie est l'ensemble des buts ou objectifs des politiques, ainsi que les sous-objectifs opérationnels et les moyens pour les atteindre. Le chapitre 2 avance que le but le plus général est le revenu rural réel et, au sein de cette catégorie, le revenu réel des ruraux pauvres. L'accent stratégique placé sur les ruraux pauvres se justifie aussi bien au plan national que sectoriel, puisque, dans la plupart des pays en développement, la pauvreté, dont l'extrême pauvreté, se trouve pour l'essentiel dans les régions rurales. Pour l'Afrique par exemple, on a remarqué que:

Globalement, les données sur les ménages indiquent que si un pourcentage élevé de la population urbaine vit mal, la situation est pire pour la population rurale38.

Rosamund Naylor et Walter Falcon ont conclu de leur étude des tendances de la pauvreté et de la démographie dans le monde en développement que, en dépit de la poursuite de l'exode rural:

… les pauvres des régions rurales continueront à être plus nombreux que leurs homologues urbains pendant une bonne partie du 21ème siècle, même s'ils sont moins visibles ou se font moins entendre politiquement39.

Mettre l'accent sur le revenu, c'est déboucher directement sur les objectifs subsidiaires d'augmentation de la productivité et, dans de nombreux cas, d'amélioration des prix relatifs à la production.

Il faut souligner qu'une structure d'objectifs visant le revenu rural et le revenu des pauvres n'inclut pas la stabilisation des prix alimentaires comme objectif primordial, bien que celle-ci ait sa place au panthéon des objectifs secondaires. Certains analystes acceptent presque par réflexe la stabilisation des prix comme l'un des buts les plus importants de la politique. Peter Timmer, par exemple, dans un texte lumineux par ailleurs, suggère que «la stabilité des prix alimentaires» est un but essentiel parce qu'elle renforce la sécurité alimentaire et attire davantage d'investissements dans l'agriculture40.

Les preuves empiriques et théoriques des méfaits des fluctuations de prix sont encore floues. Comme l'a souligné Stephen Jones:

… il n'existe aucun consensus reposant sur une base sûre quant à la signification, et au mode de définition et de mesure, du coût de la variabilité des prix pour les producteurs alimentaires et les consommateurs. La modélisation micro-économique de l'impact de l'absence de marchés d'assurance sur les prix a suggéré que les avantages, en termes d'efficacité allocative, de la stabilisation des prix générée par des politiques de stocks tampons conventionnels risquent d'être faibles par rapport à l'impact de ces politiques sur la distribution des revenus et à leurs coûts d'intervention. D'un autre côté, cette approche a été critiquée parce qu'elle négligeait l'impact dynamique de l'instabilité des prix sur l'investissement, ainsi que l'effet en retour de l'instabilité des prix alimentaires sur la macroéconomie…41

Il est indubitable que des fluctuations extrêmes et fréquentes des prix alimentaires portent préjudice à la sécurité alimentaire et aux perspectives d'investissements, mais il convient de placer le but de stabilisation des prix dans un contexte adéquat. La première objection à une acceptation inconditionnelle de ce but est: la stabilité des prix à quel niveau? Des prix alimentaires toujours bas (par rapport aux autres prix de l'économie) sapent la sécurité alimentaire et les possibilités d'investissement. Si les mesures théoriques et empiriques du bien-être économique (fonctions d'utilité) dépendent de l'espérance mathématique du revenu de l'exploitation et de sa variance42, et il a été prouvé que les agriculteurs n'aiment pas prendre de risques, la plupart d'entre eux accepteraient un degré de variabilité plus important en échange d'un prix moyen du produit beaucoup plus élevé. La seconde objection principale est que les prix alimentaires doivent connaître, dans une certaine mesure, des fluctuations saisonnières pour attirer les investissements dans les installations de commercialisation et de stockage. Sans ce type d'investissements, les fluctuations de prix tendent à devenir encore plus extrêmes en cas de chocs externes.

Une troisième objection est que mettre indûment l'accent sur la stabilité des prix alimentaires peut conduire à recommander des configurations de politique provoquant des distorsions dans l'économie, et qui se sont avérées peu judicieuses du point de vue de la gouvernance dans de nombreux pays, telles que, par exemple, les prix de soutien des cultures et autres types d'interventions sur les prix43. Enfin, il arrive souvent que les responsables nationaux utilisent le but de stabilité des prix alimentaires comme argument pour empêcher les augmentations nécessaires des prix réels à la production.

Comme l'exprime l'un des World Development Reports de la Banque mondiale:

On s'attend à une variation plus importante du prix des marchandises agricoles que du prix des produits industriels et ce, pour trois raisons: les marchés agricoles sont vulnérables aux changements climatiques, la réactivité de l'offre et de la demande aux changements de prix est en général moindre pour les produits agricoles que pour les marchés industriels et la production de la plupart des cultures est nécessairement saisonnière. … La variabilité du prix des marchandises agricoles explique pourquoi les gouvernements des pays en développement adoptent souvent des programmes de stabilisation des prix pour protéger les agriculteurs contre les fortes chutes de prix et les consommateurs contre les fortes hausses. Quand une stabilité des prix accrue se traduit par une stabilité accrue des revenus, les agriculteurs tirent profit de la réduction des risques. Ces bénéfices, cependant, sont extrêmement difficiles à estimer en pratique. … on peut exagérer les bénéfices de la stabilisation. Les agriculteurs, par exemple, peuvent avoir davantage à perdre qu'à gagner si ce sont des variations de rendement et de production qui font fluctuer les revenus - des prix stables risquent alors de déstabiliser ces derniers… Par ailleurs, les agriculteurs, les consommateurs, les négociants et les utilisateurs industriels peuvent réduire les risques auxquels ils sont confrontés en diversifiant leurs activités, en utilisant les marchés financiers, en stockant les produits et en partageant les risques par le biais de contrats d'achat et de vente.

La stabilisation est une tâche particulièrement complexe pour un gouvernement et ses coûts peuvent être très élevés44.

Il est possible de tempérer les fluctuations de prix extrêmes en démantelant les barrières commerciales. Là encore, la Banque mondiale a commenté45:

Il faudrait accorder une plus haute priorité à la modération des objectifs de stabilisation et [de prix] à la production, à la mise en place d'un régime de politique publique stable et fiable, et à l'encouragement des activités du secteur privé.

9.4 ORIENTATIONS DE CONTENU D'UNE STRATÉGIE AGRICOLE

Le choix des dimensions d'intégration d'une stratégie et l'élaboration de prescriptions spécifiques de politique dépendent tous deux fortement de la situation de chaque pays et de l'époque historique dans laquelle la stratégie est formulée. Cependant, on peut se demander s'il existe des consignes universelles pour choisir les orientations de base d'une stratégie, et si l'expérience internationale à ce jour n'a pas fourni d'enseignements généraux applicables au contenu spécifique d'une stratégie. La réponse est que certaines consignes très générales ont en effet émergé - elles sont présentées dans ce qui suit. Néanmoins, il faut souligner avant tout qu'une stratégie réussie est un document pragmatique, qui cherche à résoudre des problèmes, et que des règles simples telles que «libéraliser les marchés», «diversifier la production» ou «investir dans la productivité» ne sont pas suffisamment précises pour guider comme il convient l'élaboration d'une stratégie réalisable. Elles n'indiquent pas quels instruments de politique permettraient de concrétiser ces orientations.

En tout pays, l'objectif d'une stratégie est de générer une croissance durable qui soit largement partagée, mais pour produire une stratégie efficace il faut mobiliser la créativité qui permettra de trouver, en réponse à des problèmes bien identifiés, des solutions pratiques et détaillées qui soient viables dans leur contexte. Une vision large et des prescriptions générales ne suffiront pas, et il faudra être spécifique en termes de politiques et d'échelonnement. (Par exemple, on a signalé au chapitre 4 ci-dessus que, dans les pays d'Asie centrale, la politique de libéralisation des marchés d'intrants avant celle des marchés de produits a eu des conséquences désastreuses pour les revenus paysans).

Une évaluation de plusieurs cas d'ajustement et de transformation agricoles réussis en Afrique et en Amérique latine a ainsi abouti aux conclusions suivantes relatives à la spécificité des recommandations de politique:

dans une large mesure, la réussite tient aux menues réalités du processus de transition. Les faits suggèrent que la réussite d'une transition passe davantage par une grande attention aux détails - tels que le choix des mots dans les textes de lois, l'identification de «niches» commerciales pour des produits spécifiques afin d'améliorer la coordination entre l'offre et la demande en termes de qualité, de forme et de délai de livraison, et divers types de dispositifs et de contrats commerciaux - que par une stratégie plutôt simpliste de «privatisation» ou de «priorité aux exportations»… Les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats sont ceux qui, non seulement ont appliqué …. des principes sains, mais aussi qui ont trouvé des mécanismes de prix et des mécanismes institutionnels novateurs pour les appliquer 46.

9.4.1 Enseignements des modèles à long terme du développement agricole

Comme mentionné au chapitre 1, si les premières théories sur le rôle de l'agriculture dans le développement économique étaient exprimées en termes très globaux, elles tentaient néanmoins de tirer des conclusions applicables de l'observation des schémas internationaux. L'une de ces écoles de pensée était le «modèle dualiste», dans lequel le secteur industriel devait se comporter en moteur de la croissance et s'alimenter sur les ressources de l'agriculture 47. Cependant, les recommandations stratégiques basées sur ce modèle s'appuient sur une interprétation erronée, du point de vue de la politique, du fait que la part de l'agriculture dans le PIB diminue inexorablement au fil du temps. Une partie de la Loi de Engel - l'élasticité de la demande agrégée de produits alimentaires est inférieure à l'unité – explique à elle seule cette tendance. Contrairement aux prédictions des premières théories de la croissance, négliger le développement agricole a déprimé le taux de croissance global des économies. En outre, on a constaté une association positive claire entre croissance agricole et croissance du PIB total, comme souligné au chapitre 1.

Comme le dit sans ambages Hans Binswanger:

Il est plus que temps de déclarer en faillite l'idée que le développement urbain peut résoudre la pauvreté rurale48.

John Mellor et Bruce Johnston 49ont tenté de dériver pour la politique les implications d'une théorie plus globale du développement agricole. D'accord avec d'autres modèles des débuts qu'un rôle primordial de l'agriculture est, entre autres, la libération de facteurs productifs au profit de l'industrie, ils ont également affirmé que, pour réussir, une stratégie de croissance agricole doit viser les petits exploitants et que les pouvoirs publics doivent jouer un rôle clé par le biais de l'investissement dans le capital humain, l'innovation technique et l'organisation des agriculteurs. Tout en insistant fortement sur le rôle du gouvernement, ils ont laissé sous silence des points importants tels que les mesures d'incitation à la production, les droits de propriété et la nécessité de corriger les imperfections du marché, et leurs prescriptions sont demeurées très générales50.

Timmer a tenté de ramener les théories globales plus près du domaine des décisions de politique en observant que ni l'approche de Mellor-Johnston, ni celle du laissez-faire centrée sur les villes, ne fournissent une orientation adéquate à la formulation de la politique agricole et qu'il faut au contraire «des interventions soigneusement conçues sur les prix fixés par les marchés, mais ne pas laisser la bride sur le cou aux marchés ni s'efforcer d'atteindre les objectifs par le biais d'activités directes du gouvernement» 51. Il a reconnu les «coûts d'analyse élevés» de cette «politique de prix et de commercialisation», mais sans mentionner les problèmes de gouvernance souvent associés à de nombreux types d'interventions sur les prix, ni les autres inconvénients liés au contrôle direct des prix, discutés au chapitre 4.

Comme on l'a démontré au chapitre 4, l'expérience a fait pencher la balance du côté de la réduction des interventions gouvernementales sur les marchés des produits52. Il est plus productif d'orienter les efforts et les priorités sur l'amélioration du fonctionnement des marchés de facteurs dans l'agriculture, en particulier la formation (capital humain), mais aussi les terres, l'eau, le crédit et la technologie - cette dernière constituant une autre dimension du capital humain. C'est pourquoi les quatre chapitres les plus détaillés des présentes Consignes traitent des problèmes de la politique dans ces quatre domaines. Concernant la formation, traitée dans le chapitre 8, Gale Johnson a soulevé les points suivants:

Les capacités des gouvernements à intervenir sont légion, sauf dans un domaine. Les pouvoirs publics ont rarement, pour ne pas dire jamais, adopté de politiques ou de programmes visant à alléger les coûts de l'ajustement agricole à mesure que l'économie se développe. … Les gouvernements des pays en développement doivent tirer les enseignements des échecs des politiques agricoles des pays industrialisés. Un rôle majeur de l'action gouvernementale est d'aider les agriculteurs et les ruraux à s'ajuster à la diminution des opportunités d'emploi dans l'agriculture. Cela signifie faire porter l'accent moins sur les marchés de marchandises, où les gouvernements se plaisent à intervenir, et davantage sur les marchés de facteurs afin d'en améliorer l'efficacité. Bien que le bien-être des agriculteurs dépende beaucoup plus du fonctionnement du marché du travail que de celui des marchés de produits, les gouvernements négligent les activités adaptées à ces marchés, telles qu'information et éducation. … l'éducation est gravement négligée en régions rurales. … La réponse à ceux qui craignent qu'aider le processus d'ajustement des exploitations inondera les villes est très simple. Si l'on fait des campagnes un endroit attrayant où vivre et travailler, grâce à des investissements dans l'infrastructure rurale (écoles, routes, électricité, communications), il n'y aura plus à craindre un afflux de population vers les villes53.

Le «modèle historique» de Vernon Ruttan et Yujiro Hayami est l'un des plus riches du genre pour la politique. Il souligne le rôle fondamental de l'innovation technique dans le développement agricole et indique également que la nature de l'innovation est fortement influencée par les prix des facteurs relatifs et par les prix réels de la production agricole. Dans un article publié pour la première fois en 1980, Ruttan a expliqué que l'évolution technique de l'agriculture est devenue le facteur le plus important pour déterminer les possibilités de croissance agricole:

Avant ce siècle, presque toutes les augmentations de production alimentaire provenaient de la mise en culture de nouvelles terres… À la fin de ce siècle, la quasi totalité de l'augmentation de la production alimentaire mondiale viendra d'une augmentation des rendements - d'une production accrue à l'hectare54.

Ensemble, Ruttan et Hayami ont posé l'hypothèse suivante: Le fait que l'innovation conduise à exploiter moins ou davantage de terres dépend de manière cruciale des prix relatifs de la terre et d'autres intrants:

Il existe des preuves claires que l'on peut développer des technologies visant à faciliter la substitution de facteurs relativement abondants (donc bon marché) à des facteurs relativement rares (donc chers) de l'économie. Dans des économies comme celles du Japon et de Taiwan, les contraintes imposées au développement agricole par une offre de terre inélastique ont été contrebalancées par le développement de cultures à fort rendement conçues pour faciliter la substitution d'engrais à la terre. Dans des pays tels que les États-Unis d'Amérique, le Canada et l'Australie, les obstacles liés à une offre de main d'œuvre inélastique ont été contrebalancés par des progrès techniques qui ont substitué la traction animale et mécanique à la main d'œuvre55.

Ruttan et Hayami ajoutent que l'innovation est également influencée par des facteurs autres que les prix des facteurs relatifs et soulignent le rôle des institutions. Historiquement, l'évolution technique permettant d'économiser de la main d'œuvre (par exemple, la mécanisation) a plutôt été du ressort du secteur privé, alors que l'innovation entraînant une économie de terres (par exemple, variétés à haut rendement) a plutôt été du ressort du secteur public. Cette répartition des tâches est liée au fait que les bénéfices de la mécanisation peuvent être internalisés, c'est-à-dire capturés par la société produisant la machine, ce qui n'est en général pas vrai pour les bénéfices des innovations biologiques. Il est possible de reproduire largement de nouvelles variétés végétales et de copier de nouvelles techniques de culture. Ces auteurs avancent que l'orientation de la recherche publique est également endogène dans une certaine mesure, puisque l'attribution des fonds publics à la recherche tend à répondre à des contraintes perçues du secteur, et que les scientifiques de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée collaborent souvent à la résolution des problèmes du monde réel.

Selon eux, l'innovation institutionnelle répond en partie aux mêmes influences. Créer des institutions de secteur public pour la recherche agricole…

représente l'exemple d'une innovation institutionnelle dans le secteur public conçue pour concrétiser les gains potentiels, pour la société, d'avancées de la technologie agricole. … Il est improbable que des changements institutionnels s'avèrent viables si les bénéfices pour la société n'en dépassent pas les coûts. En créant de nouvelles opportunités rentables d'innovations institutionnelles, les changements des prix du marché et des opportunités technologiques introduisent un déséquilibre dans les dispositifs institutionnels existants56.

Des éléments tels que les salaires des chercheurs en agriculture comptent pour beaucoup. Ruttan et Hayami soulignent (p. 169) que «la réactivité de la recherche publique et des programmes de vulgarisation à la demande des agriculteurs est souvent à son maximum quand le système de recherche agricole est très décentralisé» et insistent sur la flexibilité du rôle du secteur public dans la recherche et l'innovation institutionnelle en général:

Des opportunités rentables, cependant, ne conduisent pas nécessairement à des innovations institutionnelles immédiates. En général, les gains et les pertes du changement technique et institutionnel ne sont pas répartis de manière neutre. Souvent des intérêts catégoriels qui risquent de perdre au change résistent au changement. La mesure dans laquelle on peut mobiliser le comportement de groupe pour atteindre des intérêts collectifs communs est limitée. … le processus de transformation institutionnelle en réponse à des opportunités techniques et économiques implique en général du temps, un élément de stress politique et social et, dans certains cas, la perturbation de l'ordre social et politique. Au final, la croissance économique dépend de la flexibilité et de l'efficacité de la société à se transformer en réaction à des opportunités techniques et économiques (1998, p. 172).

L'une des implications clés du travail de Ruttan-Hayami est que l'innovation doit respecter les dotations en ressources relatives du pays pour contribuer efficacement au développement agricole. Une conclusion concomitante de leurs investigations est que des politiques de prix inadaptées, qui réduisent la rentabilité agricole et donc le prix du foncier, risquent d'envoyer les mauvais signaux de changement technologique et d'encourager les innovations permettant d'économiser de la main d'œuvre (mécanisation), alors que la main d'œuvre est abondante et que la terre est rare. Ce résultat pervers peut également être la conséquence de politiques tarifaires et financières qui subventionnent de fait le capital sous forme de machines.

Une autre implication de politique est que l'innovation institutionnelle étant pilotée en partie par les mesures d'incitation et la rentabilité, de faibles incitations dans le secteur peuvent créer un cercle vicieux: la croissance agricole est lente du fait des faibles incitations, mais le manque d'incitations peut également signifier que les innovations requises pour accélérer la croissance du secteur ont peu de chances de se produire. Là encore, l'El Salvador fournit un exemple. L'un des obstacles à l'amélioration de l'enseignement agricole dans le pays a été l'absence de perspectives attractives dans l'agriculture pour les jeunes qui choisissent leurs futures carrières, du fait du déclin brutal et continu des prix agricoles réels dû à la surévaluation du taux de change réel57.

Pour tenter de sortir de ce cercle vicieux, la politique agricole publique doit insister fortement sur la création et l'entretien d'une capacité de recherche et de vulgarisation agricoles et l'orienter dans des directions en cohérence avec l'avantage comparatif du pays. Comme l'expriment Ruttan et Hayami:

Si le modèle du développement induit est valable - s'il existe d'autres voies de changement technique et de croissance de la productivité dans les pays en développement - la question de savoir comment organiser et gérer le développement des ressources scientifiques et techniques, et leur affectation, devient le facteur le plus critique du processus de développement agricole. Il ne suffit pas de construire de nouvelles stations de recherche agricole. Dans de nombreux pays en développement, les installations de recherche ne fonctionnent pas au maximum de leur capacité parce que leur personnel est composé de chercheurs à la formation scientifique et technique limitée, parce que le soutien financier, logistique et administratif est inadapté, parce qu'elles sont à l'écart des grands courants de l'innovation scientifique et technique et parce que l'on ne parvient pas à élaborer une stratégie de recherche qui lie l'activité de recherche à la valeur économique potentielle du nouveau savoir qu'elle a pour but de générer (1996, p. 173).

Ruttan et Hayami soulignent également le rôle de politiques sectorielles et macro-économiques complémentaires, surtout celles influant sur les prix:

L'un des plus importants … domaines d'investissement public est la modernisation du système de commercialisation par la création des liaisons d'information et de communication requises pour le bon fonctionnement des marchés de facteurs et de produits. … Un élément important du développement d'un système de commercialisation plus efficace est l'élimination des rigidités et des distorsions résultant de la politique du gouvernement lui-même - y compris le maintien de monnaies surévaluées, de taux d'intérêt artificiellement bas et de prix des facteurs et des produits défavorables à l'agriculture… (pages 173–174).

9.4.2 Orientations stratégiques pour l'agriculture

Les expériences internationales, complétées par des analyses historiques de la croissance agricole, fournissent un riche réservoir de leçons sur le développement agricole, qui portent à la fois sur les variables économiques, ou facteurs de croissance, à améliorer et sur les approches du développement ou modes de renforcement de ces facteurs de croissance. Le premier aspect stratégique concerne la nature des conditions ou des facteurs à renforcer pour améliorer les performances de la croissance agricole et le second, la manière dont ces conditions sont renforcées. La «manière», c'est-à-dire les approches retenues, détermine pour une grande part l'influence exercée par les politiques sur les facteurs de croissance. Ces deux aspects d'une stratégie agricole sont étudiés successivement.

La production agricole n'est qu'un des éléments d'une chaîne d'activités reliées entre elles, allant de l'offre d'intrants et du développement de technologies, en passant par la production, jusqu'à la gestion après récolte, la mise en marché et la transformation. Par conséquent, l'agriculture ne peut prospérer sans établir des relations solides avec les marchés, national comme international, et les marchés à leur tour sont toujours plus exigeants en termes de qualité des produits et des conditions de la livraison. Le rôle des marchés s'avère tout aussi primordial pour les petites exploitations qu'il l'est pour les grandes. Le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) a montré que l'essentiel de la production destinée aux marchés spécialisés de l'agriculture bio provient des petites exploitations, en partie du fait de leur abondante dotation en travail familial par hectare, et en partie parce qu'elles sont moins susceptibles d'avoir déjà commencé à utiliser intensivement les intrants chimiques dans leurs méthodes de production58.

Qui dit marchés dit prix. La politique peut jouer un rôle indirect, mais un rôle clé, en facilitant l'accès aux marchés, et les marchés jouent un rôle plus direct en influençant les prix perçus par les paysans. Pour que ceux-ci puissent réagir aux opportunités des marchés et aux incitations des prix, ils doivent accroître leur capital sous ses diverses formes: capital humain, tel que l'éducation et les connaissances technologiques, capital social, c'est-à-dire une organisation efficace des agriculteurs et de leurs communautés, capital institutionnel et capital physique. Ainsi, au sens le plus large, les deux facteurs les plus importants pour générer la croissance agricole, et sans lesquels il n'y a guère de perspectives de croissance, sont les conditions de marchés et de prix, et un capital productif suffisant. Au sein de ce dernier, le capital humain est le plus essentiel pour améliorer les perspectives de développement.

En ce qui concerne les conditions de prix, pendant trop longtemps les mesures d'incitation à la production agricole ont été considérées secondaires ou, pire encore, comme des choses à supprimer pour le bien du consommateur. Comme l'ont montré la discussion du chapitre 4 et d'autres parties de cet ouvrage, des prix à la production réels adéquats constituent un impératif pour la croissance de l'agriculture et la lutte contre la pauvreté rurale. Cette conclusion est aussi largement reconnue qu'oubliée, par exemple au profit de l'importation de denrées alimentaires bon marché ou de la manipulation du mécanisme de taux de change pour abaisser le coût des importations. En termes de lutte contre la pauvreté, des prix à la production réels plus élevés génèrent des gains qui dépassent de loin le fardeau de prix alimentaires élevés pour les consommateurs, dont l'impact, en tous cas, peut être amorti par des subventions ciblées.

De même, la politique agricole a souvent ignoré l'importance, sur les marchés, de la qualité du produit. Celle-ci joue un rôle central non seulement sur les marchés bio, mais de plus en plus sur tous les marchés. Comme on l'a vu au chapitre 4, la qualité comporte trois dimensions principales: les conditions phytosanitaires, c'est-à-dire l'absence de maladies et d'infestation des plantes; les conditions de salubrité alimentaire, c'est-à-dire surtout l'absence de résidus chimiques; et les préférences des consommateurs, qui se reflètent dans la saveur du produit, son calibre, sa forme, sa couleur, son homogénéité, et son aptitude aux préparations culinaires. Peu de pays en développement ont un cadre institutionnel et de politiques propre à faciliter l'obtention des niveaux souhaitables de qualité des produits agricoles.

La forme la plus importante de capital, le capital humain, va de l'alphabétisation à l'acquisition de meilleures technologies de production et de compétences en commercialisation. Elle recouvre également le capital social, qui, au niveau local, est l'aptitude des individus à travailler ensemble, au sein de diverses associations, pour surmonter les obstacles à leur accès aux marchés d'intrants et de produits. Le capital institutionnel se réfère aux capacités institutionnelles de fournir des facteurs tels que le financement de la production, la sécurité de tenure des terres, le développement continu de la technologie agricole. Le capital physique est également essentiel, surtout l'accès aux terres agricoles et les dotations d'infrastructure dans les régions clés.

Si l'on se place du point de vue de la politique, on peut voir comme suit ces facteurs de croissance - conditions des marchés, capital humain, capital social, capital institutionnel, et capital physique - en guise de résumé des discussions des chapitres précédents sous forme d'un aide-mémoire des questions principales d'une stratégie agricole.

9.4.2.1 Développement des marchés et politiques de prix pour une croissance agricole

On pense parfois à tort qu'ouvrir le régime commercial signifie obligatoirement réduire la protection effective accordée à l'agriculture. Ce n'est pas nécessairement le cas, surtout si l'ouverture s'accompagne de mesures de dérégulation du secteur agricole, d'élimination des exemptions tarifaires injustifiées, ou de réduction des droits de douane industriels. C'est le type d'ouverture de l'économie agricole qui a été promulgué au Honduras au début des années 1990 (parallèlement à l'introduction de fourchettes de prix pour modérer les fluctuations internationales des prix). Le slogan de ces réformes, formulé pour la première fois par Julio Paz, est devenu «passer d'une agriculture contrôlée, mais non protégée, à une agriculture non contrôlée, mais protégée». Avant les réformes, le taux de protection effectif du secteur était en moyenne nul, et même négatif pour certains produits, contrairement au taux de protection industriel qui était en moyenne de 100%. Après les réformes, dont une dévaluation du taux de change réel, la protection effective de l'agriculture est passée à des niveaux modestement positifs et la production du secteur a réagi avec vigueur.

9.4.2.2 Politiques de capital humain pour la croissance agricole

9.4.2.3 Politiques de capital physique pour la croissance agricole

La sophistication de l'agriculture ne s'arrête plus, même au niveau des petits exploitants. Un nombre toujours croissant de producteurs est confronté aux exigences de qualité du produit, les demandes d'accès à une information sur les marchés et sur les technologies se multiplient, y compris savoir comment réagir à l'information toujours nouvelle. L'agriculture n'est plus perçue comme une question de production simplement, mais comme un processus complet qui s'étend du développement des technologies à la consolidation des liens avec le marché. Devant ces nouvelles lignes de force, il devient sans cesse plus urgent de décentraliser les services publics afin de les rendre plus utiles aux producteurs, comme on l'a vu. Le paysan est au centre des stratégies réussies de développement agricole:

… dans ces temps de mondialisation, il devient plus clair que jamais que c'est le producteur, et non le gouvernement, qui est le moteur du développement durable. De ce point de vue, les contributions les plus utiles par lesquelles une politique peut guider l'agriculture vers la croissance durable sont:

En même temps, on ne peut ignorer l'importance de politiques macroéconomiques favorables. Cela a été souligné dans un récent rapport de la Banque mondiale, en référence cette fois-ci à l'expérience de l'Amérique latine et des Caraïbes dans les années 1990:

La libéralisation des marchés a aggravé la situation des petits exploitants en réduisant leur niveau de protection à un moment où les prix internationaux [agricoles] étaient, sauf en 1996, à leur plus bas historique (par exemple, pour le maïs, le blé, le café) alors que de nombreux producteurs de produits de substitution aux importations n'étaient pas compétitifs sur leurs marchés urbains nationaux (et ne le sont toujours pas)62.

9.4.3 Approches des politiques de développement agricole

La manière même dont les politiques agricoles sont conçues, formulées et exécutées détermine en grande partie leurs résultats. Par exemple, l'approche centralisée pratiquée par les économies planifiées vis-à-vis des facteurs de croissance évoqués plus haut, depuis les systèmes de vulgarisation agricole jusqu'à la redistribution des terres,s'est avérée inefficace. À cet égard, l'expérience a dégagé cinq approches clés pour assurer l'efficacité des réformes de politique:

Pour rendre les prescriptions de politique d'une stratégie aussi concrètes que possible, on peut les accompagner de recommandations de réforme législative, le cas échéant. Sans spécificité des propositions, les réformes qui finiront par être approuvées risquent d'être très différentes de ce que propose la stratégie. De la même manière, l'absence de spécificité réduit la dynamique du processus de réforme et donc augmente le risque que les propositions restent lettre morte.

Il est clair qu'on ne peut limiter une stratégie agricole aux problèmes relevant d'une conception étroite de la politique agricole. Comme l'a dit Robert Thompson:

La politique macro-économique, la politique commerciale, la politique de marché de facteurs et la politique d'investissements publics (surtout dans l'enseignement, la recherche et l'infrastructure) peuvent avoir un impact plus fort sur le développement agricole qu'une politique sectorielle au sens étroit66.

La conception et l'exécution d'une réforme de politique sont des tâches exigeantes de toute façon, mais, pour citer Vernon Ruttan, «il est impératif que les pays pauvres conçoivent et appliquent des stratégies de développement agricole plus efficaces que par le passé»67.

9.5 DÉVELOPPEMENT RURAL ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

L'étendue du problème de la pauvreté rurale dans le monde en développement est bien connue, comme l'illustre la remarque de Naylor et Falcon citée ci-dessus sur le fait que les ruraux pauvres continueront à être beaucoup plus nombreux que les pauvres urbains bien avant dans le nouveau siècle. En Amérique latine et aux Caraïbes, par exemple, la pauvreté rurale s'est aggravée entre 1986 et 1996, à la fois en proportion et en chiffres absolus. Et bien que l'on prévoie un déclin de la proportion des ruraux pauvres dans la population totale de cette région au cours des vingt années à venir, le nombre absolu de ruraux pauvres ne changera guère 68. Des situations similaires prévalent en Afrique et dans de vastes parties de l'Asie.

Dans le même temps, les programmes de développement rural tels que conçus jusqu'à présent se sont étiolés:

On … admet qu'il y a un déclin de l'importance du développement rural dans les ordres du jour nationaux, et que le portefeuille de prêts de la Banque mondiale pour les activités de développement rural est en baisse, en dépit de l'importance stratégique du développement rural et de son potentiel à réduire fortement la pauvreté69.

Dans une certaine mesure, il est possible de remplacer les vastes programmes de développement rural par une série d'initiatives spécifiques en faveur de l'agriculture, telles que la réforme foncière assistée par le marché ou les fonds fonciers (chapitre 5), une meilleure gestion des réseaux d'irrigation (chapitre 6) et la participation des collectivités à la recherche et à la vulgarisation agricoles (chapitre 8). Cependant, il est toujours utile de coordonner les politiques et programmes agissant dans le cadre spatial du monde rural. Le développement rural peut devenir une autre dimension d'intégration de la stratégie agricole et, en même temps, déployer les prescriptions de la politique au-delà de ce secteur. Il va sans dire que, dans les régions rurales, les liens entre activités agricoles et non agricoles sont forts, et que ces dernières constituent des sources d'emploi et de revenu importantes pour les familles rurales:

… il faut intégrer les problèmes de développement rural à la politique agricole. … Seule la création d'emplois peut résoudre le problème de la pauvreté rurale. Dans de nombreux pays, la politique de développement rural se limite à la politique agricole; cependant, aucun pays n'a jamais résolu le problème de la pauvreté rurale exclusivement au niveau de l'exploitation agricole70.

Outre les bénéfices directs de la création d'emplois non agricoles dans les régions rurales, la prise en compte d'opportunités d'emploi en dehors de l'exploitation pour les petits exploitants - la mesure du coût d'opportunité de leur temps - peut jouer un rôle crucial dans la conception de technologies de production agricole acceptables par eux. On reconnaît de plus en plus qu'il faut une vision intégrée du mode de fonctionnement du ménage rural, y compris la division traditionnelle du travail en fonction des genres, pour formuler des approches réalistes du développement rural71.

La stratégie estonienne déjà mentionnée est, de fait, une stratégie de développement rural. L'un de ses principaux chapitres traite des problèmes sociaux ruraux et des politiques économiques concernant les ruraux pauvres. Le très faible niveau de vie des anciens membres des fermes collectives, surtout des personnes âgées, auxquels ne restaient comme seuls biens productifs que de minuscules parcelles de ménage, posait un problème préoccupant. La stratégie a donc recommandé d'enregistrer, sans frais, les droits de propriété des familles concernées sur ces parcelles, et d'élargir les prestations de retraite aux membres des anciennes exploitations collectives. Ce chapitre traitait également des problèmes de prise en charge des enfants des régions rurales dont les parents travaillent et recommandait, parmi de nombreuses autres mesures, la mise en place de zones de développement industriel spéciales dans toutes les régions rurales du pays, une recommandation qui a depuis été appliquée. Ces quelques exemples illustrent la pertinence des questions non agricoles pour une stratégie agricole.

La présente étude n'a pas pour vocation de réaliser la synthèse de la littérature traitant du développement rural, ou le trésor d'expérience en ce domaine d'organisations comme la FAO. En revanche, elle propose des observations sur les expériences de développement rural et les problèmes conceptuels soulevés et explore le lien entre les politiques de développement agricole et le développement rural. Elle résume les orientations sous-jacentes aux nouvelles démarches de développement rural, et propose un cadre conceptuel préliminaire permettant d'orienter l'allocation des ressources dans le développement rural.

27 Theodore W. Schultz, Investing in People, dans: C. K. Eicher et J. M. Staatz, 1998, p. 329 [souligné dans l'original].

28 Thomas C. Pinckney, Does Education Increase Agricultural Productivity in Africa?, dans Roger Rose, Carolyn Tanner et Margot A. Bellamy, éd., Issues in Agricultural Competitiveness: Markets and Policies, IAAE Occasional Paper № 7, Association internationale des économistes agronomiques et Dartmouth Publishing Company Limited, 1997, p. 346.

29 James T. Bonnen, U.S. Agricultural Development: Transforming Human Capital, Technology, and Institutions, dans: Bruce F. Johnston, Cassio Luiselli, Celso Cartas C. et Roger D. Norton, éd., U.S.-Mexico Relations: Agricultural and Rural Development, Stanford University Press, Stanford, Californie, 1987, p. 299.

30 Douglas C. North, Institutions and a Transactions-Cost Theory of Exchange, dans J. E. Alt et K. A. Shepsle, éd., Perspective on a Positive Political Economy, Cambridge University Press, Cambridge, 1990.

31 P. Milgrom et J. Roberts, Economics, Organization and Management, Prentice-Hall, Londres, 1992.

32 John C. Beghin et Marcel Fafchamps, Constitutions, Institutions and the Political Economy of Farm Policies: What Empirical Content?, dans: G. H. Peters et Douglas D. Hedley, éd., 1995, p. 288.

33 Ce type de contradiction et d'autres obstacles légaux au développement rural durable du Panama ont été étudiés par Roger D. Norton, Obstáculos jurídicos e institucionales al desarrollo sostenible del Darién, Panama, avril 1998 (étude réalisée pour la Banque interaméricaine de développement).

34 Roger D. Norton et Amy L. Angel, La Agricultura Salvadoreña: Políticas Económicas para un Macro Sector, FUSADES, El Salvador, 1999.

35 Banque mondiale, World Development Report 1986, Washington, D. C., 1986, pages 149–150.

36 Comme le formule la stratégie estonienne: «… les politiques s'efforceront de faire que l'agriculture ne soit pas un parasite du reste de l'économie et qu'elle ne soit pas exploitée par les autres secteurs de l'économie», FAO et Estonian Agricultural University, Estonia: Long-term Strategy for Sustainable Development of the Agriculture, Tartu, Estonie, 1997, p. 9.

37 D. Gale Johnson, Role of agriculture in economic development revisited, Agricultural Economics, vol. 8, №4, juin 1993, p. 421.

38 Kevin Cleaver, Rural Development, Poverty Reduction and Environmental Growth in Sub-Saharan Africa, Findings, № 92, Banque mondiale, Washington, D. C., août 1997.

39 Rosamund L. Naylor et Walter P. Falcon, Is the focus of poverty changing?, Food Policy, vol. 20, № 6, décembre 1995, p. 517.

40 Peter C. Timmer, The Macroeconomics of Food and Agriculture, dans C. K. Eicher et J. M. Staatz, éd., 1998, pages 204–206. On peut citer d'autres exemples de la pratique consistant à invoquer la stabilisation des prix alimentaires comme but principal d'une politique. Par exemple: «Le soutien de la politique et des institutions pour stabiliser les prix des produits primaires présentant un intérêt spécial pour les pays en développement, surtout en Afrique subsaharienne, doit être lancé et mis en oeuvre avec fermeté», extrait de: D. J. Shaw, Conference Report: Development economics and policy: a conference to celebrate the 85th birthday of H. W. Singer, Food Policy, vol. 21, № 6, décembre 1996, p. 562.

41 Stephen Jones, Food market reform: the changing role of the state, Food Policy, vol. 20, n. 6, décembre 1995, p. 556.

42 R. R. Officer et A. N. Halter ont rendu compte d'un travail refondateur en matière de mesure empirique des fonctions d'utilité des agriculteurs, Utility analysis in a practical setting, American Journal of Agricultural Economics, vol. 55, 1968, pages 257–277.

43 Par exemple: « … un office public de commercialisation peut mettre en oeuvre une politique de stabilisation des prix qui nécessite une intervention active des pouvoirs publics pour défendre un prix plancher pour les agriculteurs et un prix plafond pour les consommateurs - rôle particulièrement utile pour un organisme gouvernemental en réduisant les écarts de prix saisonniers extrêmes et inattendus» (extrait de C. Peter Timmer, Walter P. Falcon et Scott R. Pearson, Food Policy Analysis, publié pour la Banque mondiale par The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1983, p. 209).

44 Banque mondiale, 1986 pages 87–88 [souligné par nous].

45 Op. cit., p. 90.

46 Frédéric Martin, Sylvain Larivière et John M. Staatz, Success Stories of Adjustment: Results and Lessons from Africa and Latin America, dans: G. H. Peters et Douglas D. Hedley, éd. , Agricultural Competitiveness: Market Forces and Policy Choice, Comptes rendus de la 22ème Conférence internationale des économistes agricoles, Dartmouth Publishing Company Limited, 1995, p. 233 [souligné par nous].

47 On trouve un des meilleurs exemples de l'approche de l'économie dualiste dans John C. H. Fei et Gustav Ranis, Development of the Labor Surplus Economy: Theory and Policy, Irwin Publishing Company, Homewood, Illinois, 1964.

48 H. Binswanger, 1998, p. 290.

49 Bruce F. Johnston et John W. Mellor, The role of agriculture in economic development, American Economic Review, vol. 51, 1961, pages 566–593 et John W. Mellor et Bruce F. Johnston, The world food equation: interrelations among development, employment and food consumption, Journal of Economic Literature, vol. 22, 1984, pages 531–574.

50 On trouvera un résumé utile de ce modèle conceptuel et d'autres modèles globaux chez C. P. Timmer, The Agricultural Transformation, dans C. K. Eicher et J. M Staatz (éd.), 1998, pages 113–135.

51 Op. cit., p. 132. Voir aussi l'ouvrage de Timmer intitulé Getting Prices Right: The Scope and Limits of Agricultural Price Policy, Cornell University Press, 1986.

52 Cette affirmation ne cherche pas à sous-estimer la valeur de politiques soigneusement conçues dans des domaines tels que normes de produits, systèmes d'informations sur les marchés, certificats de dépôt de céréales, et programmes de soutien des exportations tels que des subventions pour l'expédition expérimentale à l'étranger de nouvelles gammes de produits à l'exportation.

53 D. Gale Johnson, 1995, p. 19 [souligné par nous].

54 Vernon W. Ruttan, Models of Agricultural Development, réimprimé dans C. K. Eicher et J. M. Staatz, 1998, p. 155.

55 Vernon W. Ruttan et Yujiro Hayami, Induced Innovation Model of Agricultural Development, dans: C. K. Eicher et J. M. Staatz, éd., 1998, pages 163–164.

56 Op. cit., p. 172.

57 R. D. Norton, Perspectivas y opciones para la Escuela Nacional de Agricultura ‘Roberto Quiñónez’, rapport préparé pour le ministère de l'Agriculture et de l'élevage, El Salvador, 1988.

58 Octavio Damiani, Small Farmers and Organic Agriculture: Lessons Learned from Latin America, Office of Evaluation and Studies, FIDA, Rome, 2002.

59 «Le régime de change, de commerce et de taxation ne doit pas exercer une discrimination à l'égard de l'agriculture, mais la taxer légèrement, de préférence avec la même progressivité et les mêmes instruments qui s'appliquent à l'économie urbaine» (Hans Binswanger, 1998, p. 298).

60 «Il faut des investissements publics dans l'éducation, l'électrification rurale, la vulgarisation agricole, les transports, l'infrastructure de communication et d'autres domaines générant des externalités parce que le marché commercial n'est pas à même de fournir ces services cruciaux» (Thomas L. Vollrath, The role of agriculture and its prerequisites in economic development, Food Policy, vol. 19, № 5, octobre 1994, p. 475).

61 Roger D. Norton, Critical Issues Facing Agriculture on the Eve of the 21stCentury, dans IICA, Towards the Formation of an Inter-American Strategy for Agriculture, San José, Costa Rica, 2000, p. 312.

62 Banque mondiale, Mars 2001, p. 16 [traduction].

63 «Trop souvent, les politiques gouvernementales créent elles-mêmes des distorsions. La tarification des biens publics, tels que l'eau, en fournit un exemple. Il se peut que l'eau soit fournie aux agriculteurs à bas prix ou même gratuitement, puis gaspillée ensuite…» (T. L. Vollrath, 1994, p. 476).

64 «Il faut mettre en place un système viable de droits de propriété, ainsi qu'un système juridique et un pouvoir judiciaire efficaces pour en assurer le respect» (ibid.).

65 Ce thème est souligné par de nombreux auteurs, les premiers étant peut-être Mellor et Johnston dans l'ouvrage cité plus haut. Binswanger (1998, p. 298) a exprimé cet argument en ces termes: «Une stratégie qui encourage une économie ouverte et l'emploi intensif et s'intéresse aux petits agriculteurs est à la fois efficace du point de vue économique et la plus susceptible de réduire la pauvreté, urbaine comme rurale».

66 Robert L. Thompson, Public policy for sustainable agriculture and rural equity, Food Policy, vol. 23, № 1, février 1998, p. 2.

67 V. W. Ruttan, 1998, p. 155.

68 Banque mondiale, Plan de Acción para el Desarrollo Rural en América Latina y el Caribe, Resumen del Informe, projet de document présenté à la City of Knowledge, Panama, mars 2001, p. 13.

69 Banque mondiale, mars 2001, p. 3.

70 R. L. Thomson, 1998, p. 4. À ce sujet, voir également T. Reardon, K. Stamoulis, M. E. Cruz, Al Jalisca et J. Berdegué, Les revenus ruraux non agricoles dans les pays en développement, chapitre spécial dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1998, FAO, Rome, 1998.

71 Les effets de distribution de l'emploi rural non-agricole varient beaucoup selon les pays, principalement en fonction de la disponibilité des terres cultivables. Par exemple, «En Égypte, les pauvres (ceux du quintile le plus bas) tirent près de 60% de leur revenu per capita d'activités non agricoles, contre20% en Jordanie. Ainsi, le revenu non agricole diminue l'inégalité en Égypte et l'augmente en Jordanie». Extrait de: Richard H. Adams, Jr., Nonfarm Income, Inequality, and Poverty in Rural Egypt and Jordan, document de travail № 2572 (résumé), Banque mondiale, Washington, D. C., 28 mars 2001, pages 1–2.


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