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PRINCIPES POUR L’ANALYSE DES RISQUES LIÉS AUX ALIMENTS DÉRIVÉS DES BIOTECHNOLOGIES MODERNES

CAC/GL 44-2003

SECTION 1 - INTRODUCTION

1. Pour de nombreux aliments, le niveau de sécurité sanitaire généralement accepté par la société reflète l’historique de leur consommation sûre par l’homme. Il est reconnu que dans la plupart des cas, les connaissances requises pour gérer les risques associés aux aliments ont été acquises au cours de leur longue histoire d’usage. Les aliments sont généralement considérés sains pour autant qu’ils aient fait l’objet de soins particuliers durant le développement, la production primaire, la transformation, l’entreposage, la manutention et la préparation.

2. Les dangers associés aux aliments sont soumis au processus de l’analyse des risques de la Commission du Codex Alimentarius pour évaluer des risques potentiels et, si nécessaire, pour développer des approches en vue de gérer ces risques. La conduite de l’analyse des risques est guidée par les décisions générales de la Commission du Codex Alimentarius[1] ainsi que par les Principes de travail pour l’analyse des risques[2] du Codex.

3. Alors que l’analyse des risques est utilisée depuis longtemps pour les risques chimiques (ex: résidus de pesticides, contaminants, additifs alimentaires, et auxiliaires technologiques) et qu’elle l’est de plus en plus pour les dangers microbiologiques et les facteurs nutritionnels, les principes n’ont pas été élaborés spécifiquement pour les aliments entiers.

4. L’approche de l’analyse des risques peut, en termes généraux, être appliquée aux aliments, y compris ceux qui sont dérivés des biotechnologies modernes. Il est toutefois reconnu que cette approche doit être modifiée quand elle est appliquée à un aliment entier plutôt qu’à un danger bien précis qui pourrait être présent dans l’aliment.

5. Les principes présentés dans le présent document doivent être lus en conjonction avec les Principes de travail du Codex pour l’analyse des risques, dont ces principes sont complémentaires.

6. Le cas échéant, les résultats d’une évaluation de risques appliqués par d’autres autorités réglementaires peuvent être utilisés pour aider à l’analyse des risques et éviter une répétition du travail.

SECTION 2 - CHAMP D’APPLICATION ET DÉFINITIONS

7. L’objectif de ces principes est de fournir un cadre pour l’application de l’analyse des risques en matière de sécurité sanitaire et de nutrition des aliments dérivés des biotechnologies modernes. Ce document n’aborde pas l’environnement, les aspects éthiques, moraux et socio-économiques de la recherche, le développement, la production et la commercialisation de ces aliments[3].

8. Les définitions ci-dessous s’appliquent à ces principes:

«Biotechnologie moderne» s'entend par l’application:

(i) de techniques de manipulation in vitro des acides nucléiques, y compris la recombinaison de l'acide désoxyribonucléique (ADN) et l'introduction directe d'acides nucléiques dans des cellules ou organites, ou

(ii) de la fusion cellulaire d'organismes n'appartenant pas à une même famille taxonomique, qui surmontent les barrières naturelles de la physiologie de la reproduction ou de la recombinaison et qui ne sont pas des techniques utilisées pour la reproduction et la sélection de type classique[4].

«Produit traditionnel de référence» signifie un organisme/variété apparenté, ses composants et/ou produits, pour lesquels il existe une expérience bien établie de la sécurité sanitaire basée sur son utilisation courante en tant qu’aliment.[5]

SECTION 3 - PRINCIPES

9. Le processus de l’analyse des risques pour les aliments dérivés des biotechnologies modernes devrait être compatible avec les Principes de travail pour l’analyse des risques du Codex.

ÉVALUATION DES RISQUES

10. L’évaluation des risques comporte une évaluation de la sécurité sanitaire, qui vise à déterminer si un danger, d’ordre nutritionnel ou tout autre problème de sécurité sanitaire est présent, et dans l’affirmative, à collecter des informations sur sa nature et sa gravité. L’évaluation de la sécurité sanitaire devrait inclure une comparaison entre l’aliment dérivé des biotechnologies modernes et le produit traditionnel de référence, en mettant l’accent sur la détermination des similitudes et des différences. Si un danger nouveau ou modifié, nutritionnel ou un autre problème de sécurité sanitaire était identifié par l’évaluation des risques, les risques qui y sont associés devraient être caractérisés pour déterminer sa pertinence pour la santé humaine.

11. Une évaluation de la sécurité sanitaire est caractérisée par une évaluation d’un aliment entier ou de l’un de ses composants, par rapport au produit traditionnel de référence en:

A) prenant en compte à la fois les effets souhaités et les effets inattendus;

B) identifiant des dangers nouveaux ou modifiés;

C) identifiant des modifications pertinentes pour la santé humaine concernant les éléments nutritifs essentiels.

12. Une évaluation de la sécurité sanitaire avant la mise sur le marché devrait être entreprise, en suivant une approche structurée et intégrée, et effectuée sur la base du cas par cas. Les données et informations, basées sur une science solide, obtenues en utilisant des méthodes appropriées et analysées suivant des techniques statistiques appropriées, devraient être d’une qualité et, le cas échéant, d’une quantité qui puissent résister à une revue scientifique critique.

13. L’évaluation des risques devrait s’appliquer à tous les aspects pertinents des aliments dérivés des biotechnologies modernes. L’approche de l’évaluation des risques pour ces aliments est basée sur l’examen des informations et données multidisciplinaires reposant sur des éléments scientifiques, en tenant compte des facteurs mentionnés dans les lignes directrices jointes[6].

14. Les données scientifiques pour l’évaluation des risques sont généralement obtenues auprès de sources diverses, telles que l’obtenteur du produit, la littérature scientifique, des informations techniques générales, des scientifiques indépendants, des organismes réglementaires, des organes internationaux et autres parties intéressées. Les données devraient être évaluées en utilisant des méthodes scientifiques appropriées d’analyse des risques.

15. L’évaluation des risques doit tenir compte de toutes les données scientifiques disponibles et informations provenant de différentes procédures analytiques, à condition que ces procédures soient scientifiquement solides et que les paramètres mesurés soient comparables.

GESTION DES RISQUES

16. Les mesures de gestion des risques pour les aliments dérivés des biotechnologies modernes devraient êtres proportionnelles aux risques, basées sur les résultats de l’évaluation des risques et tenir compte, le cas échéant, d’autres facteurs légitimes conformément aux dispositions générales de la Commission du Codex Alimentarius[7] ainsi qu’aux Principes de travail pour l’analyse des risques du Codex.

17. Il devrait être reconnu que différentes mesures de gestion des risques peuvent être capables d’assurer le même degré de protection du consommateur en ce qui concerne la gestion des risques associés à la sécurité sanitaire et aux impacts nutritionnels sur la santé humaine, et seraient par conséquent équivalentes.

18. Les gestionnaires des risques devraient prendre en compte les incertitudes identifiées dans l’évaluation des risques et mettre en place des mesures appropriées pour gérer ces incertitudes.

19. Les mesures de gestion des risques peuvent inclure, le cas échéant, l’étiquetage des aliments[8], les conditions pour l’approbation de commercialisation et la surveillance après la mise sur le marché.

20. La surveillance après la mise sur le marché peut être une mesure appropriée de gestion des risques dans des circonstances spécifiques. Sa nécessité et son utilité devraient être examinées au cas par cas, durant l’évaluation des risques et la possibilité d'application pratique devrait être examinée durant la gestion des risques. La surveillance après la mise sur le marché devrait être entreprise dans le but de:

A) vérifier les conclusions au sujet de l’absence ou de l’éventuelle survenue, de l’impact et de l’importance d’effets potentiels sur la santé du consommateur; et

B) surveiller les changements dans les niveaux d'ingestion des nutriments, associés à l’introduction d’aliments susceptibles de modifier significativement le statut nutritionnel, afin d’établir leur impact sur la santé humaine.

21. Des outils spécifiques peuvent être nécessaires pour faciliter la mise en œuvre et l’application des mesures des gestion des risques. Ces outils peuvent comprendre des méthodes analytiques appropriées, des matériels de référence, et la traçabilité des produits[9] dans le but de faciliter le retrait du marché quand un risque pour la santé humaine a été identifié ou la surveillance après la mise sur le marché dans les circonstances indiquées au paragraphe 20.

COMMUNICATION SUR LES RISQUES

22. Une communication efficace sur les risques est essentielle durant toutes les phases de l’évaluation et de la gestion des risques. C’est un processus interactif qui implique toutes les parties concernées, y compris le gouvernement, l’industrie, les milieux universitaires, les médias et les consommateurs.

23. La communication sur les risques devrait inclure des processus décisionnels transparents d’évaluation de la sécurité sanitaire et de gestion des risques. Ces processus devraient être totalement documentés à toutes les étapes et ouverts à la vérification publique, tout en respectant les préoccupations légitimes quant à la confidentialité des informations commerciales et industrielles. En particulier, les rapports préparés sur les évaluations de la sécurité sanitaire et les autres aspects du processus de décisions devraient être disponibles pour toutes les parties intéressées.

24. Une communication efficace sur les risques devrait inclure des processus de consultation réceptifs. Ces processus de consultation devraient être interactifs. Les points de vue de toutes les parties intéressées devraient être recherchés et les questions pertinentes de sécurité sanitaire des aliments et de nutrition soulevées durant cette consultation devraient être prises en compte pendant le processus d’analyse des risques.

COHÉRENCE

25. Une approche cohérente devrait être adoptée pour caractériser et gérer les risques portant sur la sécurité sanitaire des aliments et la nutrition associés aux aliments dérivés des biotechnologies modernes. Des différences injustifiées de niveau des risques présentés par ces aliments et les produits traditionnels de référence devraient être évitées.

26. Un cadre réglementaire transparent et bien défini devrait être mis en place pour la caractérisation et la gestion des risques associés aux aliments dérivés des biotechnologies modernes. Il devrait assurer la cohérence en ce qui concerne les données requises, les cadres pour l’évaluation, le niveau acceptable de risque, les mécanismes de communication et de consultation ainsi que des processus décisionnels rapides.

RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ET ÉCHANGE D’INFORMATIONS

27. Des efforts devraient être faits pour améliorer les capacités des autorités réglementaires, en particulier dans les pays en développement, pour évaluer, gérer et assurer la communication sur les risques associés aux aliments dérivés des biotechnologies modernes, y compris d’en imposer l’application, ou interpréter les résultats des évaluations réalisées par d’autres autorités ou organismes d’expertise reconnus, y compris l’accès aux technologies analytiques. En outre, le renforcement des capacités pour les pays en développment, que ce soit par des accords bilatéraux ou avec l’aide d’organisations internationales, devrait avoir pour but l’application de ces principes.[10]

28. Les autorités réglementaires, organisations internationales et organismes d’expertise et l’industrie devraient faciliter l’échange d’informations, y compris sur les méthodes analytiques, par le biais de points de contact appropriés comprenant mais sans s’y limiter les points de contact du Codex et d’autres moyens adéquats.

PROCESSUS DE RÉVISION

29. La méthodologie d’analyse des risques et sa mise en œuvre devraient être compatible avec les nouvelles connaissances scientifiques et autres informations pertinentes pour l’analyse des risques.

30. Etant donné l’évolution rapide du secteur des biotechnologies, l’approche en matière d’évaluation de la sécurité sanitaire des aliments dérivés des biotechnologies modernes devrait être autant que de besoin réexaminée, afin de s’assurer que les dernières informations scientifiques disponibles sont intégrées dans l’analyse des risques. Lorsque de nouvelles informations scientifiques concernant une évaluation de risques deviennent disponibles, l’évaluation devrait être revue pour intégrer cette information et, le cas échéant, les mesures de gestion des risques adaptées en conséquence.


[1] Ces décisions incluent les Déclarations de principes concernant le rôle de la science dans la prise de décision du Codex et les autres facteurs à prendre en considération, et les Déclarations de principes sur le rôle de l’évaluation des risques en matière de sécurité sanitaire des aliments (Commission du Codex Alimentarius, Manuel de procédure; treizième édition).
[2] «Principes de travail pour l’analyse des risques destinés à être appliqués dans le cadre du Codex Alimentarius» (adoptés lors de la vingt-sixième session de la Commission du Codex Alimentarius, 2003; Manuel de Procédure de la Commission du Codex Alimentarius, treizième édition).
[3] Ce document ne concerne pas l’alimentation animale ni les animaux nourris avec ces aliments sauf dans la mesure où ces animaux ont été développés au moyen de biotechnologies modernes.
[4] Cette définition est tirée du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la Diversité Biologique.
[5] Il est admis que dans un avenir proche, les aliments dérivés des biotechnologies modernes ne seront pas utilisés comme produits traditionnels de référence.
[6] Référence est faite à la Directive régissant la conduite de l’évaluation de la sécurité sanitaire des aliments dérivés de plantes à ADN recombiné (CAC/GL 46-2003) à la Directive régissant la conduite de l’évaluation de la sécurité sanitaire des aliments produits à l’aide de micro-organismes à ADN récombiné (CAC/GL 46-2003).
[7] Voir la note de bas de page 1
[8] Référence est faite à l’avant-projet de Directives du CCFL pour l’étiquetage des aliments et des ingrédients alimentaires obtenus à l’aide de certaines techniques de modifications génétiques/génie génétique à l’étape 3 des procédures.
[9] Il est admis que le traçage de produit a d’autres applications. Celles-ci doivent se conformer aux dispositions des accords SPS et OTC. L’application de la traçabilité du produit dans les domaines couverts par les deux accords fait l’objet d’un examen au sein du Codex sur la base des décisions du Comité exécutif à sa quarante-neuvième session.
[10] Référence est faite à l’assistance technique des dispositions de l’Article 9 de l’accord SPS et de l’Article 11 de l’accord OTC.

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