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2. SITUATION DES RESSOURCES GENETIQUES FORESTIERES

2.1. Ecosystèmes forestiers

2.1.1. Formations naturelles

Les valeurs des surfaces attribuées à chaque formation végétale (naturelle et artificielle) découlent des estimations de l’Inventaire écologique forestier national (IEFN) en 1996:

- Les forêts denses humides sempervirentes de basse et de moyenne altitude colonisent les zones sub-littorales sur sable et/ou sur latérite, le long de l’escarpement de la falaise orientale ainsi que les massifs de la partie Nord de la grande île tels que les montagnes de Tsaratanana, d’Ambre et de Marojejy et de la péninsule de Masoala. L’IEFN a fait état de 5 721 000 hectares. Beaucoup d’espèces floristiques prioritaires sur le plan national sont incluses dans ce type de formation à l’exemple de Dalbergia baroni, Prunus africana et Diospyros perrieri.

- Les forêts denses sèches décidues se répartissent sur les massifs de la partie Ouest et moyenne Ouest de l’île, sur une surface totale de 4 990 000 hectares. Les espèces prioritaires les plus connues sont Hernandia voyroni, Cedrelopsis grevei et Commiphora spp.

- Les forêts denses sclérophylles occupent les pentes de moyenne altitude de la partie occidentale de Madagascar avec une superficie de 260 000 hectares. Elles se caractérisent entre autres par Uapaca bojeri (hôte du ver à soie).

- Les fourrés xérophiles se trouvent dans la région méridionale et sont dispersés sur quelques 14 440 000 hectares. La plupart des espèces rencontrées dans ces formations présentent différentes formes d’adaptation biologique dues particulièrement à l’instabilité du régime hydrique. Les espèces dominantes dans ces fourrés sont Adansonia et Alluaudia.

- Les mangroves s’étalent sur plus de 327 000 hectares le long des zones littorales notamment sur la côte Ouest de Madagascar. Comme espèce, citons, entre autres, Rhizophora mucronata et Avicennia spp.

- Les forêts ripicoles totalisent une surface de 122 000 hectares. Elles sont très éparpillées et caractérisées par la dominance du genre Pandanus.

2.1.2. Formations artificielles

La superficie des peuplements artificiels à Madagascar a été estimée à 316 000 hectares. Ces peuplements comprennent essentiellement les vastes zones de reboisement (annexe 9) des périmètres de la Haute Matsiatra (30 000 ha de Pinus patula), du Haut Mangoro (80 000 ha de Pinus kesiya), du Vakinankaratra (16 000 ha de Pinus kesiya et 11 600 ha de Pinus patula). Viennent s’ajouter les peuplements d’Anacardes de Mahajanga et d’Ambilobe ainsi que les reboisements d’Eucalyptus éparpillés partout sur les Hautes Terres et les ponctuelles plantations villageoises réparties à travers toute l’île.

Les estimations récentes (1998 à 2001) en matière de reboisement au niveau de l’administration forestière font état de 31 258 200 plants mis en terre correspondant à une surface totale de 15 572 hectares (Service statistique, DGEF, 2002).

2.2. Espèces forestières

2.2.1. Types biologiques

Dans les forêts de Madagascar, les espèces sont largement représentées par différents types biologiques. Il existe une variation des ports: arbres, arbustes, arbrisseaux, lianes, buissons, et herbacées. On distingue également des Phanérophytes (bourgeons aériens), des Hémicryptophytes (bourgeons à la surface du sol), des Géophytes (avec des rhizomes, tubercules ou bulbes) et des Thérophytes (bourgeons assimilés à des graines).

2.2.2. Utilisations

Les espèces forestières doivent leur importance en fonction de leur utilisation. Cette dernière justifie, d’une part, l’importance socio-économique et, d’autre part, la menace de surexploitation des ressources. L’état des lieux sur l’utilisation des ressources génétiques forestières à Madagascar s’inspire des quatre réseaux du Programme SAFORGEN.

Alimentation humaine

Trois types de produits sont concernés: les tubercules, les fruits sauvages et les palmiers.

Les tubercules forestiers constituent une nourriture d’appoint aux riverains des forêts. Généralement, ils y font recours durant la période de soudure. A Madagascar, les espèces les plus connues appartiennent au genre Dioscorea (au moins 15 espèces comestibles connues à Madagascar). La fréquence de prélèvement des produits dans la forêt varie de 1 à 3 fois par semaine selon l’éloignement des localités par rapport à la ressource, à la taille de la famille et à la quantité de stock en riz (aliment de base à Madagascar). La récolte journalière par personne est de 3 à 5 kilogrammes.

Dans la zone orientale, il existe des familles qui habitent temporairement la forêt afin d’être près des zones de tubercules et pour ne revenir à leur habitation principale qu’à la période de récolte du riz.

En ce qui concerne les palmiers, le bourgeon terminal et le cœur (choux palmiste) sont les parties organiques les plus appréciées par les consommateurs locaux (exemples: Dypsis basilonga, Borassus madagascariensis, Marojejyia insignis). Toutefois, les autres organes tels que jeunes pousses et fruits sont également comestibles pour certaines espèces à l’exemple du Dypsis baroni et du Dypsis utilis.

Les fruits ainsi que le bourgeon terminal de certaines espèces (comme Hyphaene coriacea et Dypsis decaryi), sont fermentés pour obtenir des boissons alcooliques.

Les espèces forestières fruitières, grâce à leur teneur en sucre, permettent d’améliorer la qualité énergétique de la ration alimentaire paysanne et de corriger une certaine carence en oligo-élément, particulièrement très prononcée chez les enfants. La plupart des fruits peuvent être consommés tels quels, notamment dans les genres Syzygium (par exemple, S. jambos), Eugenia (par exemple, E. jambolana) et Morus (M. alba). D’autres fruits peuvent subir une transformation pour obtenir de la confiture ou du jus (cas du Psidium cattleyanum et du Passiflora incarnata).

Production de bois et de fibres

Les espèces de production de bois et de fibres regroupent différentes utilisations ligneuses (bois d’œuvre, bois de service, bois de construction, bois de feu, pâte à papier, charbon, etc.) et les utilisations de fibres (pour artisanat, production de tanin, etc.).

Comme essences de bois d’œuvre, on peut citer les quelques espèces nobles des forêts naturelles malgaches (palissandre, ébène, bois de rose, etc.). Citons quelques noms scientifiques: Dalbergia monticola, Dalbergia normandii, Ocotea cymosa, Ocotea laevis , Khaya madagascarensis, Commiphora spp. et Calophyllum chapelieri.

En ce qui concerne le bois de construction et de service, la plupart des espèces mentionnées dans le paragraphe précèdent restent utilisables à cette fin. Toutefois, d’autres espèces employées localement pour la confection des pirogues, pour la construction interne et externe de la case, pour la caisserie et le coffrage, sont également à considérer. Il s’agit par exemple de Givotia madagascariensis, Hernandia voyroni, Gyrocarpus americanus et Canarium madagascariensis.

A propos des produits non ligneux, la population rurale a surtout recours à l’usage de Raphia farinifera, Bismarkia nobilis et de Ravenala madagascariensis pour l’obtention respective des produits nécessaires à la construction (toiture), la vannerie (fibres dans la confection de rabane), le cordage, l’alimentation et l’habillement.

Plantes aromatiques et médicinales

Les plantes aromatiques et médicinales sont très nombreuses dans les forêts malgaches. Elles permettent de rendre un grand service tant à la médecine moderne qu’à celle traditionnelle. A Madagascar, une forte proportion de la population essentiellement rurale a encore recours au traitement traditionnel basé sur l’utilisation des plantes médicinales. Il a été remarqué également que les initiatives privées visant à valoriser ces ressources médicinales par le biais de leurs transformations locales ne cessent de croître ces derniers temps.

Les espèces forestières les plus connues concernées par l’usage médicinal sont Aphloia theaeformis, Calophyllum inophyllum, Cedrelopsis grevei, Prunus africana, Harungana madagascariensis et Ficus baroni. Quant à celles utilisées comme espèces aromatiques qui sont les plus courantes sont Ravensara aromatica, Cinnamomum camphora, Enterospermum madagascariense (ou Santalina madagascariensis) et Zanthoxylum.

Les essences forestières utilisées par les animaux

Cette classe regroupe toutes les espèces forestières consommées ou utilisées par les animaux domestiques et sauvages (alimentation ou autre, telle que la nidification). Ainsi, les utilisations concernent les différents organes de la plante (feuilles, tiges, fruits, fleurs, écorce, etc.).

Les espèces sollicitées par les animaux sauvages, en occurrence les lémuriens et les oiseaux, sont Hyphaene coriacea, Rhopalocarpus similis, Dalbergia greveana, Strychnos madagascariensis, Diospyros cupulifera, Terminalia taliala, Astrotrichilia asterotricha, etc.

Les arbustes forestiers appartenant à la famille des Légumineuses sont les plus connus comme utilisés en alimentation des herbivores et ruminants. Ils sont rencontrés dans la région occidentale de l’Ouest et du Moyen Ouest. Les parties consommées sont les feuilles. Quelques espèces sont citées à titre d’exemples dans cette utilisation en tant que fourrage: Leucaena leucocephala, Calliandra callothyrsus, Albizzia lebbeck.

Dans les régions de la partie sud, suite à la difficulté de s’approvisionner en eau pendant une grande partie de l’année, les bétails se nourrissent des feuilles d’espèces persistantes: Poupartia caffra, Euphorbia turiccali, Psorospermum androspermum, Trema orientalis, Rhopalocarpus, Bambusa, etc.

2.2.3. Espèces prioritaires

Dans le cadre de l’élaboration du plan national stratégique de gestion des ressources phytogénétiques forestières à Madagascar pour une période quinquennale (2000 à 2004), une liste des espèces prioritaires a été dressée (annexes 2 et 7). Cela concerne les quatre groupes d’utilisation suivant les réseaux SAFORGEN. Le choix des espèces a été basé sur les deux critères principaux suivants: importance socio-économique et surexploitation.

La première ébauche de liste a été réalisée d’une manière participative (ont participé: forestiers, écologistes, conservateurs, opérateurs privés, universitaires, bailleurs de fonds, ONG, etc.) lors de l’atelier national de lancement du programme en juin 1999. Lors de la constitution des groupes de travail en septembre 2001, la liste des espèces prioritaires a été élargie sur la base des informations disponibles et en définissant mieux les réelles valeurs des ressources et les menaces les concernant.

2.3. Menaces sur les ressources génétiques forestières

Madagascar n’échappe pas au problème de dégradation de l’environnement touchant essentiellement les pays tropicaux à grande potentialité en terme de biodiversité. La cause anthropique reste la plus déterminante dans la mesure où une grande proportion de la population totale reste tributaire des ressources naturelles de façon permanente. Très récemment, la grande île a été classifiée comme hot pots et région prioritaire en matière de conservation de la biodiversité. Cette classification tient compte à la fois de la richesse en biodiversité et du degré des pressions subies par cette dernière.

Il apparaît que les écosystèmes sont en train de perdre certaines de leurs composantes. En effet, certaines espèces risquent de disparaître au fur et à mesure que leurs habitats sont dégradés ou si leurs effectifs diminuent. Il existe ainsi une perte d’individus et de gènes et la stabilité de l’ensemble de la biodiversité s’en trouve menacée. Tout cela entraîne une régression de la capacité d’adaptation et de reproduction des espèces pouvant aboutir à leur extinction.

Selon une communication de l’administration forestière, la déforestation annuelle pour la période 1992 à 1999 est estimée à une valeur moyenne de 117 453 hectares. Cela entraîne logiquement la perturbation des écosystèmes forestiers suite à la raréfaction voire la disparition de quelques espèces caractéristiques. Les principales pressions identifiées et entraînant une menace dangereuse pour la biodiversité sont principalement le défrichement pour la culture sur brûlis, les feux de brousses qui s’étendent vers les forêts, l’exploitation forestière avec toutes ses formes destructives et sans mesures de préservation des ressources.

2.3.1. Défrichement

Cette pratique détruit plusieurs milliers d’hectares de forêts et donne place à des vastes surfaces abandonnées colonisées rapidement par des mauvaises herbes et des espèces pionnières secondaires. Elle est liée à la pratique de la culture itinérante avec laquelle la forêt défrichée est mise en valeur pour deux ou trois cycles de plantation seulement. Cela constitue une des causes prépondérantes de destruction de la forêt.

Le défrichement touche essentiellement la zone orientale de l’île. Cette pratique trouve son origine dans les traditions même de la population de la zone. Des cultures associées sont pratiquées sur les parcelles défrichées: riz avec du maïs, du manioc, de la patate, etc.

2.3.2. Feux

Cette cause, résultant de multiples raisons, reste très dominante sur la destruction des ressources naturelles à Madagascar. Cependant, la mise à feu des prairies est expliquée par la préparation au renouvellement du pâturage en saison de pluies. Certains feux de nettoiement et de débroussaillement effectués par les paysans riverains des forêts, ne sont pas maîtrisés et dégénèrent. Dans certains cas, il semble que les feux soient pratiqués pour manifester certains mécontentements publics vis-à-vis des autorités et de l’Etat. L’administration forestière a estimé pour l’année 2001 la surface totale brûlée à 817 002 hectares dont 789 693 hectares de prairies, 25 767 hectares de forêts naturelles et 1 542 hectares de reboisement (Service statistique, DGEF, 2002).

2.3.3. Surexploitation

L’utilisation de la forêt comme source d’énergie constitue une des grandes motivations à l’exploitation forestière. En effet, le pourcentage du recours aux produits ligneux ou dérivés employés comme source d’énergie dépasse les 90 pour cent à Madagascar. Les taux estimatifs d’usage du bois ramassé, du charbon et du bois achetés sont respectivement de 71, de 18,2 et de 8,6 pour cent (INSTAT, 2000). Plus particulièrement pour la capitale malgache, l’utilisation du charbon de bois au niveau des ménages représente un taux de 81,1 pour cent selon la même source. Les productions annuelles en bois de chauffe et en charbon en 2001 dans toute l’île sont évaluées respectivement à 3 337 395 stères et à 642 000 tonnes (Service statistique, DGEF, 2002).

Viennent ensuite les autres formes d’exploitation ligneuse pour les bois d’œuvre, bois de construction et bois de service. Des principes réglementaires et juridiques sont en vigueur à Madagascar. Cependant, leur respect se heurte à différents problèmes dont la méconnaissance de la potentialité réelle des ressources livrées à l’exploitation, le manque de contrôle des exploitations, la spontanéité des marchés du bois, le mauvais état des infrastructures rendant difficile l’accessibilité dans les forêts, la recherche de maximisation des redevances forestières générées par les exploitations portant préjudice à la gestion durable des ressources.

Sur le plan génétique, la pratique de l’écrémage qui consiste en une exploitation sélective axée sur les meilleurs individus appauvrit considérablement le patrimoine des ressources exploitées. Il s’ensuit qu’il ne reste dans la forêt que les mauvais individus qui se croisent alors entre eux pour ne donner que des futures générations frappées par la consanguinité et dotées de gènes de mauvais caractères.

Au cours de ces dernières années, l’exploitation de produits non ligneux dans la forêt s’est beaucoup multipliée. Elle est pratiquée par des méthodes archaïques de cueillette et engendre des menaces de déstabilisation des ressources. Un des cas très alarmants concerne l’exploitation de l’écorce de Prunus africana réputée pour sa vertu médicinale. Pour cette ressource, le bois est abandonné en forêt quand on a fini de prélever l’écorce jusqu’aux racines après avoir abattu l’arbre.

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