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3. LA POLLUTION DES EAUX AU MALI

Le Niger et ses effluents alimentent la plupart des activités qui ont lieu au Mali. L'eau est utilisée pour la riziculture, l'irrigation, l'alimentation en eau potable, la navigation et la pêche. Le delta intérieur du Niger, qui s'étend de Ségou à Mopti, est une importante zone de pêche mais aussi une zone d'agriculture intensive, y compris d'élevage. Le poisson est un produit très important pour le Mali, qui a exporté plus de 500 tonnes de poisson fumé et séché en 1983 (FAO, 1984a).

3.1 Charges théoriques en polluants

3.1.1 Eaux résiduaires

Le Mali a une faible densité de population, 5,9 habitants au kilomètre carré; d'après l'estimation de 1982, la population totale était de 7 342 000 habitants. La densité la plus faible (un habitant au kilomètre carré) correspond aux régions sahariennes, tandis que 20 pour cent environ de la population résident dans le delta du Niger, où l'on trouve également 80 pour cent du cheptel (c'est-à-dire environ 4 millions de bovins et 10 millions d'ovins et caprins).

La seconde zone de peuplement (10 pour cent de la population) est celle qui va de Bamako a Koulikoro, région où est implantée la majeure partie de l'industrie. Mais si l'on excepte Bamako, la densité de population n'est jamais très élevée, vu qu'elle se situe autour de 20 habitants au kilomètre carré à Koulikoro (106 000 habitants sur 6 000 kilomètres carrés), Ségou (341 000 habitants sur 12 750 kilomètres carrés), Ke Macina (116 000 habitants sur 6 563 kilomètres carrés), Djenné (118 000 habitants sur 4 563 kilomètres carrés) et Mopti (197 000 habitants sur 9 340 kilomètres carrés). Bamako compte 420 000 habitants, dont 30 pour cent sont desservis par un réseau de tout-à-l'égout. On peut donc supposer que c'est pendant la saison des pluies seulement que la totalité des effluents domestiques aboutit directement au fleuve. En outre, 9 pour cent des habitants de Bamako sont raccordés au réseau d'adduction d'eau, eau qui provient du Niger et qui est javellisée; la grande majorité de la population se sert de puits familiaux, individuels ou collectifs. Une seconde hypothèse est que la consommation d'eau par habitant est peu élévée et le drainage limité. A l'évidence, les puits familiaux constituent un facteur limitant important à la consommation d'eau.

La charge organique due à l'élevage peut, en revanche, susciter certaines préoccupations. Le volume réel des déchets animaux est difficile à évaluer mais il est possible de calculer la charge théorique en appliquant les coefficients de conversion habituels, à savoir 16,4 pour les bovins et 2,45 pour les ovins et caprins (Gloyna, 1972). Dans le delta intérieur du Niger, la population animale, après conversion en équivalents humains, est donc d'environ 90 millions d'unités (65 millions pour les bovins et 24 millions pour les ovins et caprins). Les conséquences liées aux émissions avec DBO ont trait, pour la plupart, à la façon dont les charges organiques arrivent dans le fleuve, et à la vitesse de ce phénomène. Si la charge calculée se déverse directement dans le fleuve, elle entraînera certainement des problèmes considérables. Il conviendrait donc d'étudier la possibilité d'éloigner, à certaines saisons, le bétail du voisinage immédiat du fleuve; cependant, quelques transhumances se font déjà.

3.1.2 Effluents industriels

Environ 80 pour cent des industries sont implantées dans la zone qui s'étend de Bamako à Koulikoro. En dehors de cette zone, les quelques installations industrielles importantes sont des industries textiles et alimentaires implantées à Ségou.

Au total, on compte environ 20 grands complexes agro-alimentaires au Mali, dont les plus importants, du point de vue des émissions de matières oxydables, sont les abattoirs, les huileries, les usines fabriquant des jus de fruits et les raffineries de sucre. Quelques usines chimiques (moins de 10) produisent ou préparent des peintures, détergents, engrais et composés inorganiques simples, comme l'hypochlorite de sodium. Les autres activités industrielles ayant un lien avec les problèmes de pollution des eaux sont une tannerie, une usine de galvanoplastie et quelques ensembles textiles. Toutefois, les données disponibles concernant le volume annuel de la production de produits chimiques (300 tonnes par an) ne correspondent pas à de grosses quantités de résidus. Les opérations de transformation alimentaire (sucrerie) et les usines textiles constituent certainement les principales sources de pollution.

Les problèmes qui ont été identifiés par les autorités locales peuvent être classés comme suit: (i) absence de traitement des effluents et évacuation directe dans le Niger, (ii) insuffisance des moyens d'évaluation des risques et de contrôle de la qualité des effluents, et (iii) absence de réglementation concernant les résidus industriels.

Les seuls systèmes de traitement existants sont des bassins de sédimentation primaires mais les gadoues, faute surtout d'un système d'évacuation approprié, s'infiltrent dans le fleuve, en particulier après les averses qui tombent en saison des pluies.

Il n'existe pas suffisamment de laboratoires équipés pour évaluer les éventuels dangers d'un effluent. Les autorités ne peuvent donc intervenir que dans les cas où des dégâts manifestes ont déjà eu lieu, comme la destruction de jardins potagers, la présence d'odeurs nauséabondes, etc.

Malgré l'absence de réglementations, les autorités locales s'efforcent de convaincre les industriels de doter leurs usines d'installations d'épuration primaire efficaces et de systèmes permettant de faire transiter l'effluent à travers une lagune. C'est déjà le cas, par exemple, d'une sucrerie de Ségou dont les émissions de substances oxydables sont deversées dans des rigoles d'irrigation.

3.1.3 Pesticides

Les pesticides sont surtout utilisés dans la zone du Sahel, où les possibilités de ruissellement sont limitées. Les principaux districts concernés sont Kayes, Nioro, Nara, le nord de Tombouctou et Gao.

A partir de 1972 (après la sécheresse), et jusqu'en 1977, le lindane a été employé en quantités relativement élevées (130 tonnes), puis a été peu à peu remplacé par le carbamate propoxur. Ce dernier composé présente, pour la vie aquatique, à peu près la même toxicité que le lindane (FAO, 1970) mais il est beaucoup moins rémanent et ne donne pas lieu à une accumulation biologique. En 1982, on a beaucoup utilisé le fénitrothion, un insecticide organophosphoré de rémanence modérée, pour le mil, le sorgho et le maïs. Des traitements limités contre les oiseaux (Quelea quelea) ont également été pratiqués avec du fenthion dans les zones rizicoles.

Dans la partie sud du pays, à la frontière avec la Côte-d'Ivoire, des quantités relativement importantes de pyréthrines ont été utilisées; toutefois, ces composés ont une rémanence limitée et ne s'accumulent pas. Quelques tonnes de pesticides encore ont été utilisées pour conditionner les semences. Dans le domaine de la santé publique, les pesticides ont été beaucoup employés en Afrique pour atténuer, dans la mesure du possible, l'incidence des maladies parmi les populations.

La lutte contre les vecteurs de maladies se fait principalement au moyen de méthodes chimiques, mais les méthodes biologiques sont de plus en plus employées. Pendant de nombreuses années, le DDT a été régulièrement employé en Afrique, mais il est difficile de faire des estimations quantitatives. A l'heure actuelle, un projet pilote de lutte contre la schistosomiase procède, au Mali, à des applications de niclosamine, un molluscicide, dans l'eau aux endroits où l'homme est en contact avec le vecteur. Ce composé est relativement toxique pour le poisson, mais il ne se diffuse guère car il n'est employé que dans des eaux stagnantes ou dans des nappes d'eau ayant un renouvellement très limité.

Le Mali, comme beaucoup d'autres pays de l'Afrique occidentale, est associé à un vaste programme de lutte contre l'onchocercose que réalise l'Organisation mondiale de la santé. Environ 800 000 kilomètres carrés ont été traités et 1 300 000 autres kilomètres carrés devraient l'être dans les prochaines années, dans le cadre de la lutte contre les populations de larves du diptère Simulium damnosum. Les pesticides les plus couramment utilisés sont le témephos (Abate) et, en moindres quantités, le chlorphoxim. Nous en parlerons de façon plus étendue dans le chapitre consacré à la Côte-d'Ivoire car Bouaké était et reste un important centre de lutte contre le vecteur de cette maladie. En ce qui concerne le Mali, seule la partie sud du pays est traitée. Aucune surveillance chimique ni étude des effets de cette campagne sur les populations ichtyques n'est effectuée, car le bureau local de l'OMS responsable de ce programme ne contrôle que les effets exercés sur les larves de Simulium et autres invertébrés. A la suite de ces traitements, tous les invertébrés ont disparu mais on a observé, au bout de deux semaines, une recolonisation à peu près complète.

3.2 Pêches

Le moyen Niger est intensivement pêché et Mopti est un centre commercial pour le poisson séché et fumé. L'Annuaire statistique des pêches (FAO, 1984) attribue au Mali, pour l'année 1983, 33 000 tonnes de captures nominales de poisson. 544 tonnes de produits des pêches ont été exportées vers des pays voisins (FAO, 1984a). Les captures de poissons ont été beaucoup plus importantes (à peu près 100 000 t) et la composition spécifique était différente avant la sécheresse de 1973–74. Des mortalités massives de poissons n'ont jamais été observées. Le seul épisode important de mortalité enregistré a touché les lamantins d'eau douce de la région de Gao.

3.3 Recherche

A l'heure actuelle, la surveillance courante ne porte que sur les paramètres hydrographiques, les contrôles microbiologiques et les parasites présents dans l'eau potable. D'après les renseignements disponibles, il n'a jamais été fait d'analyses des pesticides ni dans l'eau ni dans le poissons.

3.4 Législation

L'article 10 de la section l du deuxième titre du décret No. 35 du 14 mars 1975 stipule que: ‘Il est interdit de déverser dans les cours d'eau des matières susceptibles de nuire au poisson’, ce qui témoigne du souci des autorités à l'égard de cette question; malheureusement, sans autre précision. La Direction nationale de l'hygiène publique et de l'assainissement est également chargée de contrôler la pollution des eaux. Un autre groupe est sur le point d'achever une enquête portant sur ‘l'harmonisation de l'emploi des pesticides’ recommandée par l'OMS dans le but d'enregistrer les quantités de pesticides utilisées et leurs modalités d'emploi dans l'ensemble du pays.

D'autre part, afin de coordonner les diverses activités relatives à la protection de l'environnement, une section nationale de l'Homme et la biosphère a été créée récemment et est entrée en activité.

3.5 Conclusions

Les autorités locales sont certainement conscientes de la nécessité de protéger les pêcheries; toutefois, on observe déjà certains effets indésirables de la pollution des eaux. D'après les renseignements recueillis, il semble que le problème, quoique réel, n'est pour le moment pas vraiment critique et pourrait être aisément réglé. Il importe d'intervenir immédiatement et de prendre les dispositions voulues pour l'avenir.

Il faudrait étudier le rôle des résidus animaux. Mais si le volume des résidus domestiques et animaux atteint des proportions importantes dans certaines zones et à certaines saisons, un grand fleuve se charge de les évacuer et il serait possible de remédier au problème en optimisant les émissions. Par exemple, on pourrait calculer la DBO maximum acceptable afin d'éviter que la concentration d'oxygène ne tombe à un niveau dangereux pour le poisson et, à certaines époques, ne permettre les déversements qu'en quantités contrôlées. Les émissions industrielles constituent des sources ponctuelles limitées en nombre et sont donc relativement faciles à surveiller. La plupart des déchets se composent de matières oxydables.

Les mesures simples envisagées par les autorités locales (bassins de sédimentation primaire, pas de déversements directs dans le fleuve, etc.), si elles étaient appliquées pourraient certainement être efficaces. A l'avenir, la classification des industries en fonction de leur potentiel de contamination pourrait beaucoup contribuer à prévenir la pollution. Les pesticides ne sont pas très largement utilisés dans ce pays, les composés plus rémanents et bio-accumulables étant remplacés par des insecticides dégradables et non bio-accumulables. A titre de précaution, il conviendrait d'effectuer quelques analyses de concentrations de pesticides rémanents et bio-accumulables dans la chair du poisson.


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