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4. CIFA/85/Symp. 1
LES CONTRAINTES ET PRIORITES EN MATIERE DE PLANIFICATION DES PECHERIES AFRICAINES - RECAPITULATION

par

La Division des politiques halieutiques et de la planification
Département des Pêches, FAO Rome

Résumé

Le présent document récapitule les observations de trois consultants de la FAO (ressortissants du Ghana, du Sénégal et de l'Ouganda), qui se sont rendus dans divers pays de l'Afrique de l'Ouest, de l'Est, du Centre et du Sud pour determiner l'état actuel de la planification des pêches. On trouvera ci-après un exposé sur la situation dans certains pays d'Afrique de l'Ouest francophone, une démarche régionale a été adoptée pour les autres pays; problèmes et contraintes affectant le développement des pêches sont soulignés. Les experts-conseils ont déterminé que le manque de crédits et plus particulièrement de devises étrangères, l'insuffisance des ressources en matière de formation et la situation médiocre du secteur “pêches” constituent des problèmes permanents. Ils attirent l'attention sur la pénurie de données statistiques, l'insuffisance des recherches et, dans certains pays, le fait que les pêches continentales et l'aquaculture sont negligées. Ils ont jugé en outre que certains plans de développement ne sont pas fondés sur des bases rationnelles.

1. INTRODUCTION

A la fin de 1983, une série de missions de consultants ont été entreprises notamment pour étudier la planification des pêcheries en Afrique. Des rapports ont été élaborés par M. Odoi-Akersie (Ghana), concernant les pays anglophones de l'Afrique de l'Ouest et par M.M. Kebe (Sénégal) pour les Etats francophones de cette même région. La planification en Afrique de l'Est et du Centre, ainsi que dans les pays participants de la Conférence pour la coordination du développement de l'Afrique australe a été étudiée par M.U. Semakula (Ouganda). Certaines des principales observations et conclusions de ces études sont récapitulées ici, par région et, pour l'Afrique de l'Ouest francophone, par pays.

Pour ce qui est du développement des pêches, les auteurs signalent certains problèmes de caractére général, à savoir notamment l'absence de données et de statistiques fiables, des programmes de recherche mal conçus ou hors de propos, le manque d'engins et de matériel, la surpêche, une pénurie de personnel qualifié, une coordination et des consultations insuffisantes entre les divers secteurs, concernant les utilisations concurrentielles de l'eau et la pénurie de crédits. Une meilleure formation, des services de vulgarisation plus nombreux et améliorés sont recommandés. De même, il conviendrait de se concentrer sur la consommation intérieure plutôt que sur le commerce à l'exportation, sur des opérations de petite envergure et sur la limitation de l'accès à certaines pêcheries. Bien que traditionnellement l'accent ait été mis sur le secteur de la pêche maritime, on observe une tendance à l'intensification de l'aquaculture et des pêches continentales.

La plupart des pays sont dotés de politiques et d'objectifs en matière de pêche. Le degré de planification qui régit ces politiques, la formulation ou non de plans à long terme, et le fait que l'on procède à des opérations de surveillance continue, d'évaluation et de révision n'ont pas été mentionnés. Il n'est pas fait état de stratégies de gestion et de développement vouées à l'échec ou de la nécessité de les réviser.

2. PAYS FRANCOPHONES D'AFRIQUE DE L'OUEST

Le présent exposé sur la planification en Afrique de l'Ouest francophone est fondé sur les travaux de M. Kebe. On décrit brièvement la situation dans chacun des pays pour formuler ensuite des observations suivies de recommandations.

Mali

La pêche relève du service des forêts. Il existe un potentiel considérable d'accroissement de la production. Toutefois, une planification rationnelle à long terme fait défaut, et l'on manque de données et de statistiques sur lesquelles elle pourrait être fondée. Il est proposé de procéder à l'évaluation des stocks et de la dynamique des populations dans certaines zones. Sur la base de ces activités, un plan de gestion sera dressé.

Les contraintes affectant les plans présents et futurs sont les suivantes: facteurs environnementaux (sécheresse périodique), manque de crédits, effort de pêche incontrôlé et défaut de formation.

Burkina Faso

La pêche est la responsabilité du Département national des pêches et de la pisciculture. Aucun plan détaillé n'existe en la matière. Les communautés étant essentiellement composées d'exploitants agricoles, le Département s'est efforcé de promouvoir la pêche en tant que source additionnelle de production alimentaire et de subsistance. Trente centres de pêche ont été créés pour développer parmi les pêcheurs une approche communautaire. Il est prévu de mettre en place dans ces centres de coopératives de pêcheurs et de leur accorder des prêts pour l'achat de matériel. Ces prêts sont remboursables en deux ans, aux termes desquels les coopératives deviendront autonomes et seront chargées du contrôle de la production et de la commercialisation. Parmi les principales contraintes, il faut citer une surpêche grave; d'autre part, les taux de captures sont si faibles que les pêcheurs ne sauraient gagner assez pour rembourser les prêts. En outre, une part de la production est acheminée vers le Niger, où l'on obtient de meilleurs prix.

Il est prévu de procéder, en 1984–85, à une étude, financée par le Fonds européen de développement (FED), pour déterminer le potentiel de la pisciculture.

Niger

Le plan consolidé intérimaire, formulé en 1983, comporte entre autres:

Parmi les contraintes à l'éxécution du plan de développement, il faut citer l'insuffisance des crédits, une pénurie de personnel qualifié et le manque d'intérêt des pêcheurs à l'égard des mesures de développement.

Selon certaines indications préliminaires, le plan de développement tel qu'exposé ci-dessus dans ses grandes lignes n'est pas rationnel, notamment en ce qu'il surestime le potentiel de l'aquaculture. Des révisions s'imposent pour obtenir des données plus fiables concernant les diverses étendues d'eau et leur potentiel de production. Celui-ci pourrait être réévalué en consultation avec d'autres secteurs intéressés par les utilisations de l'eau et des études socio-économiques devraient être réalisées.

Bénin

la pêche est placée sous la tutelle du Département des pêches, dans le cadre du Ministère des fermes d'Etat, de la production animale et des pêches.

Le potentiel de production des pêches intérieures est estimé à environ 34 000 t. Néanmoins, des facteurs tels que la surexploitation, la pollution l'acheminement des captures vers des débouchés extérieurs plus lucratifs et les migrations vers les villes ont entraîné une réduction de l'offre. Ces dernières années, la politique a en outre tendu à développer les pêches maritimes (désormais peut-être affectées de surcapitalisation), négligeant en conséquence le secteur des pêches continentales. Reconnaissant la nécessité de diversifier les niveaux de production des pêches continentales, de réduire les importations de poisson et de parvenir à l'autosuffisance, de nouvelles orientations en matière de pêches visent désormais à intensifier la pisciculture au niveau rural et à réintroduire les méthodes traditionnelles d'“intensification”, telles que la pratique de l'“Acadja”, qui exigent un minimum de capitaux et d'experts étrangers. On espère aussi intégrer les opérations de pisciculture et la culture des légumes et du riz avec l'irrigation, et accroître le revenu des communautés locales.

Le plan ci-dessus évoqué exigera une approche rationnelle, et notamment une collaboration étroite avec les secteurs des forèts, de l'agriculture, de l'irrigation, etc.,

Togo

L'exploitation des lagunes est placée sous la tutelle du Département de la production animale, du Ministère du développement rural. Le Département de l'aménagement et de la production des pêches, relève du Ministère de la gestion rurale, responsable des pêches continentales.

Comme au Bénin, les niveaux élevés antérieurs de production des pêches continentales et lagunaires, assurés essentiellement par des méthodes traditionnelles de petite pêche, ont régressé; cela a été imputé au fait que l'on a négligé ces pêcheries, au bénéfice du développement de la pêche maritime.

Il est prévu de remédier à cela en se concentrant sur le développement de la pêche en milieu rural, la reprise de la pisciculture au niveau du village, l'aquaculture dans les lagunes et l'exploitation des réservoirs. Ce programme prévoit aussi la création d'écloseries et d'une station de recherche piscicole. L'accent sera mis sur les opérations de pisciculture à l'échelle du village, intégrées avec l'élevage et la riziculture. Le manque de données fiables sur lesquelles on pourrait fonder les plans, ainsi que la pénurie de crédits risquent de faire obstacle à l'exécution de ce programme.

Côte-d'Ivoire

La pêche relève du Département des pêches et de la pisciculture, au sein du Ministère des forêts. Alors que les ressources de la pêche maritime sont limitées, les eaux continentales, qui pourraient être ouvertes à l'exploitation représentent 400 000 ha. Le département des pêches a, depuis le milieu des années soixante-dix, planifié et exécuté en conséquence un programme intensif d'aquaculture en eau douce et en lagune et de développement de la pêche lagunaire.

Ce programme avait pour objectifs l'autosuffisance à l'égard des produits aquatiques, la création d'emplois et l'amélioration du revenu des pêcheurs et des agriculteurs.

Dans un concept de développement planifié, le programme prévoyait la réalisation des études et enquêtes de base nécessaires, la formulation de mesures d'aménagement pertinentes et la mise en place d'unités de production et de services d'appui technique. Les objectifs sont très spécifiques quant au nombre des étangs et des écloseries à construire, aux effectifs et aux pêcheurs à former, etc. Le développement planifié visait aussi des opérations à l'échelle du village ou de plus grande envergure, intégrées s'il y a lieu à l'agriculture, à la sylviculture, etc.

Des progrès considérables ont été obtenus dans l'éxecution du plan de développement et la réalisation des objectifs. Cela a été attribué à la planification préalable détaillée, telle qu'elle a été entreprise, en intégration avec les autres secteurs économiques.

Sénégal

La pêche intérieure est du domaine de la Division des pêches intérieures et de la pisciculture du Département des forêts.

Le Sénégal semble lui aussi avoir récemment négligé de développer ses pêches intérieures au bénéfice de la pêche maritime; en outre des périodes de sécheresse prolongée et l'exode des pêcheurs continentaux vers le secteur maritime ou l'agriculture ont contribué dans certains cas à ramener les opérations de pêche continentale à un niveau de subsistance.

Le sixième plan de développement économique et social (1981–1985) a mis l'accent sur un nouvel essor des pêches intérieures, grâce au développement intensif de l'aquaculture, et sur la réforme des structures administratives par la création susmentionnée de la Division des pêches intérieures et de la pisciculture. D'autres activités connexes portaient sur la mise en place d'une unité nationale de coordination et d'éxecution de programmes de collecte de données statistiques et d'un centre de pisciculture, la fourniture de matériel et la prestation de soins de santé à l'intention des communautés de pêcheurs, etc.

La plupart de ces plans n'ont pas été exécutés, faute de crédits. Seul le centre de pisciculture, dans la Vallée du Sénégal a été réalisé.

Deux projets d'agriculture au voisinage du fleuve Sénégal et de deux autres, en association avec les barrages du Diama et du Manantali, respectivement ont eu un impact sur l'aménagement des pêches et les programmes de développement. A moins que des mesures appropriées ne soient prises, ces deux derniers projets pourraient entraîner des pertes de production ichtyque atteignant jusqu'à 9 000 t.

La construction d'immenses “bassins à poisson” dans des zones initialement affectées à la riziculture s'est révélée positive. Ces “bassins à poisson”, entrepris par les villageois, mettent en évidence une possibilité de développement de l'aquaculture, pour un faible coût.

2.1 Observations

  1. En Afrique francophone, la pêche est souvent le parent pauvre du Service des forêts, et les fonctionnaires ayant à s'occuper de la pêche ne reçoivent que rarement une formation spécialisée;

  2. on manque généralement de données qualitatives et quantitatives sur lesquelles on pourrait fonder des plans relatifs aux pêcheries;

  3. le développement des pêches intérieures a été quelque peu négligé en faveur de celui de la pêche maritime, parfois accompagné d'une surcapitalisation de cette dernière;

  4. une régression de la production de poisson dans les eaux intérieures d'un certain nombre de pays est imputable à la combinaison de divers éléments, à savoir des périodes durables de sécheresse, une baisse de production dans des eaux autrefois productives et la surexploitation des fonds restants, accompagnée d'efforts insuffisants pour y faire obstacle;

  5. bien que l'on s'efforce actuellement d'intensifier l'aquaculture, elle est souvent considérée (avec toutefois quelques exceptions notables) comme une activité de subsistance liée à l'irrigation. On ne s'est pas assez préoccupé d'intégrer l'aquaculture, l'agriculture et le développement des forêts;

  6. les crédits font généralement défaut et l'on a souvent recours à des sources de financement extérieures; les projets qui en résultent ne répondent pas nécessairement aux besoins économiques et sociaux réels;

  7. les activités de recherche halieutique sont minimes; les programmes de recherche sont mal conçus et ne s'attaquent pas aux problèmes auxquels les planificateurs cherchent des réponses. Le recherche souffre elle aussi d'une pénurie de crédits ainsi que de l inexpérience des chercheurs;

  8. les services de vulgarisation font normalement défaut et lorsqu'ils existent, ils n'ont en général pas donné de résultats.

2.2 Recommandations

  1. Il est nécessaire d'obtenir des données et des statistiques plus fiables sur lesquelles fonder les plans relatifs aux pêches, les politiques, les objectifs, et les stratégies appropriés;

  2. la planification doit viser le long terme et porter sur tous les usages de l'eau à savoir l'agriculture, les forêts, l'energie hydroélectrique, l'irrigation, le drainage, les usages industriels et ménagers, etc.;

  3. le développement de l'aquaculture devrait ne viser que des opérations de faible envergure et il faudrait s'efforcer d'accélérer le transfert des techniques dans la région;

  4. les services de formation et d'appui font généralement défaut.

On pourrait aussi observer une tendance apparente et encourageante au développement de la pêche continentale et de l'aquaculture. Celle-ci est peut-être liée dans certains cas à la limitation des ressources maritimes ou à la difficulté d'obtenir une aide extérieure suffisante ou les capitaux que le développement des pêches maritimes a souvent exigés dans le passé. En tout état de cause, il peut être également difficile d'intéresser les bailleurs de fonds à des investissements pour développer les pêches continentales, comme le montrent certains des projets mentionnés à cet égard (cf. Sénégal). De tels projets restent en suspens faute de fonds. Aussi est-il suggéré de favoriser le développement de la pêche et de l'aquaculture à petite échelle, sur la base des méthodes traditionnelles, comme l'“Acadja” au Bénin.

3. PAYS ANGLOPHONES DE L'AFRIQUE DE L'OUEST

3.1 Généralités

L'exposé ci-après est fondé sur l'étude entreprise à la fin de 1983 par M.W. Odoi-Akersie, au Cameroun, en Gambie, au Ghana, au Liberia, au Nigéria et en Sierra Leone.

La production totale des pêcheries d'eau douce dans les sept pays visités a été estimée à 277 000 t, soit environ 32 pour cent du total des mises à terre. La production totale des fonds de pêche en eau douce pourrait sans doute doubler.

Les objectifs des politiques communs à tous les Etats étudiés peuvent être décrits comme suit:

Les principaux problèmes communs, dans une certaine mesure, à de nombreux pays sont notamment les suivants:

3.2 Observations

Le Consultant signale que tous les pays qu'il a visités, sont dotés des politiques et d'objectifs nationaux en matière de pêche. Le degré de détail des plans qui précède la formulation de ces politiques et de ces objectifs n'est pas connu. On ne fait pas davantage état d'opérations de surveillance continue, d'évaluation et de révision.

La plupart des objectifs, à savoir production accrue, progression des revenus, amélioration des normes nutritionnelles, sont du type paternaliste:

4. AFRIQUE DE L'EST ET DU CENTRE ET PAYS PARTICIPANT A LA CONFERENCE POUR LA COORDINATION DU DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE AUSTRALE

4.1 Généralités

Les observations ci-après sont fondées sur l'étude entreprise à la fin de 1983 par M.J. Semakula au Botswana, au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, en Zambie et au Zimbabwe. Les objectifs communs ci-après ont été déterminés:

Les principaux problèmes et contraintes, communs à de nombreux pays, peuvent être récapitulés comme suit:

4.2 Recommandations (de Semakula)

4.3 Le rapport de l'expert-conseil fait état des avantages obtenus grâce à des programmes de développement des pêches bien conçus, prévoyant notamment le réempoissonnement des lacs Kariba (en Zambie/Zimbabwe), Naivasha (au Kenya) et Wamala (en Ouganda).

L'auteur mentionne aussi la production accrue du lac Turkana (Kenya), grâce à la réimplantation des pêcheurs Luo du lac Victoria et de nouvelles mesures de réempoissonnement prévues à cette fin.

Le rapport décrit encore un ensemble de projets de faible envergure pour le Botswana. Le développement des pêches au niveau du village est facilité lorsque l'évaluation est entreprise sur des critères tels que les effets de cet essor sur le revenu rural, le développement des compétences locales d'entrepreneurs et la progression de la communauté.

Le rapport fait l'historique du développement des pêches dans le lac Victoria et propose de nouvelles mesures d'aménagement et de développement qu'il conviendrait d'envisager désormais.

4.4 Observations


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