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8. CIFA/85/Symp.8
PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE AUX PROJETS INTEGRES DE PECHE ARTISANALE

par J. Black-Michaud et J. Johnson
Experts des Pêches
Division des politiques halieutiques et de la planification
Département des Pêches

Résumé
Le présent document étudie les exigences et les avantages de la participation associative aux projets de développement des pêches artisanales. Il décrit les enseignements tirés des tentatives faites par le passé pour promouvoir la participation des petits exploitants aux projets agricoles et les compare aux besoins effectifs, parfois différents, des pêches artisanales.
Des principes de participation adaptés aux besoins de la capture artisanale ainsi que des suggestions pratiques sur la façn de mettre en oeuvre ces principes sont proposés.

1. INTRODUCTION

La FAO a commencé, il y a près de dix ans, à mettre au point une stratégie de développement intégré des pêches artisanales comportant deux objectifs principaux:

Ces objectifs pourraient être atteints grâce à des projets de développement intégré axés sur un nombre limité de communautés de pêche dans une région donnée. Dans le cadre de cette stratégie, le soutien administratif, technique et logistique sera assuré par une “Unité de développement des pêches” (UDP) constituée d'une équipe de spécialistes multidisciplinaires. Dans certains cas, les services à terre et autres installations groupés dans ce que l'on appelle des “Centres communautaires de pêche” (CCP) seront mis en place dans les villages pour garantir aux pêcheurs un accès équitable aux services d'approvisionnement, de transformation du poisson, de commercialisation, de réparation, et aux institutions. Une description plus détaillée des UDP et CCP figure dans d'autres publications de la FAO (voir bibliographie).

Cependant, il a été établi dès le début que le facteur humain - c'est-à-dire l'interaction dynamique, la participation active des individus et des groupes - constitue la clef du succès ou de l'échec de toute approche de ce type.

L'expérience acquise dans le monde entier au cours des années soixante et au début des années soixante-dix a clairement montré que le facteur le plus important pour la réussite des projets de développement rural était la présence d'un climat de confiance mutuelle où les responsabilités sont partagées entre les bénéficiaires visés et les agents. On s'est efforcé d'analyser les ingrédients socio-économiques qui contribuaient à créer et entretenir cette atmosphère de collaboration entre la population rurale et les innovateurs extérieurs. La principale conclusion est que les deux parties doivent avoir le sentiment de participer à la prise des décisions et à leur mise en oeuvre.

2. QU'EST-CE QUE LA PARTICIPATION?

Toute personne qui collabore avec d'autres pour atteindre un objectif arrêté en commun “participe”. Une telle attitude peut être imposée par les circonstances ou une instance supérieure, mais selon nous que la participation doit être volontaire pour être réellement efficace. Elle suppose une ouverture aux autres, la volonté de se joindre à l'effort collectif en dépit des différences de classe et autres, de façon que la mise en commun des idées, des compétences, des ressources et de l'expérience permettent d'obtenir de meilleurs résultats que par le passé. Elle appelle une organisation rationnelle du travail utilisant le potentiel existant pour accomplir ce qui était précédemment hors de la portée d'un individu ou d'un groupe opérant seul à un niveau de technologie donné. Pour être efficace, la participation nécessite une grande ouverture d'esprit, notamment de la part des fonctionnaires nationaux ou autres “agents extérieurs”, de rang relativement élevé, lesquels doivent s'efforcer au maximum de se concerter et de collaborer sur un pied d'égalité avec des personnes qui n'ont en général aucun contact direct avec eux.

Pour les fonctionnaires, la participation implique aussi jusqu'à un certain point la délégation d'initiatives et de pouvoirs, afin que les subalternes puissent tirer partie de leur imagination et leur talent pour trouver la solution à leurs propres problèmes au lieu de se voir dicter des solutions (souvent mal adaptées) d'en haut. Pour les experts, elle signifie prêter une oreille attentive à l'expérience et aux idées de modestes pêcheurs et les consulter avant d'appliquer de nouvelles technologies ou de suggérer des améliorations à l'infrastructure et aux institutions locales.

Si pour les fonctionnaires nationaux et les experts extérieurs la participation requiert de leur part une sérieuse modification de comportement, ce n'est pas nécessairement le cas pour les pêcheurs. Les activités conjointes ainsi que les délibérations et prises de décisions collectives sont courantes dans de nombreuses communautés de pêche. Les pêcheurs ont toujours travaillé à modifier peu à peu leurs propres technologies et leur environnement social. L'approche axée sur la participation ne leur demande rien de plus que leur coopération active à la planification d'un programme concerté de changements accélérés qu'ils mettront en oeuvre eux-mêmes.

Une stratégie de développement rural centrée sur la participation a le mérite de permettre à la majorité des participants individuels non seulement de s'identifier aux objectifs de développement, mais aussi d'avoir le sentiment que, dès l'instant qu'ils peuvent réellement influencer la planification et la mise en oeuvre et y contribuer, ils sont en droit d'espérer tirer des avantages personnels et collectifs réels d'un résultat positif.

De cette identification et contribution personnelle (morale et physique), découlent les principaux avantages suivants:

Une participation efficace accroît l'autonomie des communautés de pêche. Elle démontre ainsi aux fonctionnaires nationaux et internationaux que les pêcheurs sont tout à fait en mesure d'assumer une plus grande part d'autogestion et qu'aucune action de développement les concernant ne devrait être entreprise sans tenir compte de leurs opinions et avis.

3. ENSEIGNEMENTS DU PASSE RECENT

Les premiers efforts réellement concertés pour susciter la participation des bénéficiaires ont eu lieu dans l'Inde rurale il y a près de 25 ans. Le mouvement de développement communautaire fournissait aux villages (principalement agricoles) des moyens de production et quelques connaissances techniques dans l'espoir que les ruraux s'organiseraient spontanément pour édifier leur infrastructure sociale et introduire rapidement des méthodes novatrices de production.

Dans l'ensemble, les résultats ont été maigres pour des coûts relativement élevés. Une des principales causes de ce bilan décevant était que les fonctionnaires chargés du développement communautaire ne savaient pas très bien dans l'ensemble communiquer avec leur clientèle rurale. Ils n'arrivaient ni à percevoir ce qui pourrait motiver les villageois à coopérer, ni à les convaincre vraiment des avantages qu'ils pourraient tirer de l'action collective suggérée par l'administration. En général, ils ne savaient pas non plus bien écouter.

On a néanmoins essayé de mettre en oeuvre certains des aspects plus prometteurs du programme dans d'autres pays, tandis qu'on a mené de nombreuses études de terrain pour savoir pourquoi il s'avérait souvent si difficile de susciter une participation populaire effective au développement rural. La plupart des conclusions s'appliquaient exclusivement à des sociétés spécifiques. Mais la majorité des auteurs répétaient avec insistance un petit nombre de recommandations. Il devient évident que, sans garantir le succès, ces recommandations représentent un minimum de conditions préalables.

Trois impératifs absolument fondamentaux se détachent nettement:

En premier lieu, il est essentiel que les futurs bénéficiaires soient convaincus qu'ils doivent apporter une contribution personnelle en travail, capitaux et/ou matériaux au projet en question. Si l'on n'incite pas les ruraux à engager leurs propres ressources, ils considèrent presque toujours le projet comme une sorte de cadeau offert par l'administration et se sentent peu concernés par la gestion, l'entretien et les réparations. Ceci s'applique tant au pêcheur qu'à l'agriculteur qui néglige son champ de maïs, dont les semences lui ont été distribuées gratuitement puis plantées à l'aide de machines par le Département de l'agriculture pour promouvoir une variété nouvelle; ou à la communauté qui utilise l'eau pompée par une éolienne qu'elle n'a pas financée ni contribué à installer et qui tombe définitivement en panne au bout de trois mois par manque d'entretien.

En second lieu, les bénéficiaires doivent être associés dès le début à la planification et à la gestion du projet et être invités collectivement à prendre des décisions concernant à la fois la planification et l'exécution. Sinon, ils considèreront à juste titre qu'ils n'ont aucun contrôle réel des événements et ne se jugent plus tenus par les obligations qu'ils ont contractées.

En troisième lieu, les bénéficiaires doivent escompter certains avantages personnels (principalement économiques) de leur participation au projet. S'ils ne constatent pas ces avantages dans un délai raisonnable, ils ne verront plus l'intérêt ni de leur participation au projet ni du projet lui-même.

Outre ces trois impératifs fondamentaux, diverses expériences de terrain dans de nombreux pays ont mis en lumière plusieurs autres principes contribuant à assurer une participation durable de la population au développement, en particulier, les suivants:

  1. il faut fournir aux bénéficiaires coordination, conseils et formation (technique et gestion) sur une longue période pour qu'ils apprennent comment entretenir et améliorer ce qu'ils ont contribué à créer;

  2. les innovations et l'infrastructure issues d'une approche axée sur la participation ne doivent pas constituer des phénomènes isolés dans la communauté du fait de leur spécificité. Les actions et structures collectives doivent étre choisies de façon à se soutenir et se compléter mutuellement, en s'appuyant si possible sur les bases économiques et culturelles existantes. Les activités de mini-projets individuels et temporaires, telle la construction d'un petit pont ou le creusement d'un puits, devraient être envisagées dans ce contexte en tant qu'éléments individuels à court terme d'un processus continu à plus long terme;

  3. il faut s'attacher particulièrement à intéresser les femmes. Il peut être nécessaire, dans certains contextes où la séparation des sexes dans la société en général et dans le travail en particulier est spécialement stricte, de promouvoir une catégorie séparée distincte d'activités pour les femmes. Ces activités devront être planifiées dans la mesure du possible de façon à compléter les activités des hommes, et vice versa, afin que les deux sexes en tirent plus de profit;

  4. il faut employer diverses techniques pour que les bénéficiaires se sentent individuellement responsables les uns envers les autres et envers l'ensemble du groupe participant: rien n'entame plus rapidement l'esprit de participation que la constatation par certains membres d'un groupe que d'autres travaillent moins qu'eux ou profitent davantage du projet;

  5. il faut mettre au point un mode de gestion qui associe les bénéficiaires à la prise de décisions à tous les niveaux. Les fonctionnaires doivent être prêts à modifier leurs attitudes autoritaires et à admettre que la population rurale sache souvent mieux ce qui lui convient qu'un spécialiste de l'extérieur, quelles que soient sa formation et son expérience;

  6. la collaboration avec des organisations non-gouvernementales (ONG) peut donner une certaine souplesse aux programmes axés sur la participation et contribuer considérablement à réduire les coûts. En faisant appel au personnel de terrain et à certains services spécialisés des ONG, il est souvent possible d'assurer la continuité des opérations dans des zones rurales isolées, parce que les agents de terrain de ces organisations sont généralement des volontaires qui restent extrêmement motivés même si les conditions sont particulièrement difficiles;

  7. des petits groupes homogènes, autoconstitués pour réaliser des mini-projets générateurs de revenus offrent les meilleures garanties de succès initial. Les membres de tels groupes doivent bien se connaître, afin d'être unis par un sentiment de solidarité dès le départ. Les premières opérations devraient avoir des objectifs nettement économiques pour que les participants soient rapidement convaincus que leurs efforts et l'engagement de leurs propres ressources sont effectivement rentables. C'est après qu'une première génération de mini-projets aura prouvé à la population locale, sous la forme concrète de revenus plus élevés ou de disponibilités alimentaires accrues, que la participation “paie”, que l'on pourra raisonnablement envisager de parrainer des entreprises plus ambitieuses qui ne produiront peut-être pas immédiatement de tels avantages individuels tangibles. Ainsi, il est généralement plus sage, par exemple, de commencer les opérations dans une communauté donnée en offrant une aide et des conseils techniques à un petit groupe de pêcheurs pour construire leur propre réservoir de carburant et acheter ce dernier en gros, ce qui en réduit le coût, que d'encourager l'ensemble de la population à construire un centre de loisirs ou à paver la rue principale.

4. PARTICIPATION ET PECHES ARTISANALES

4.1 Différentiation sociale

La FAO a pris en compte ces considérations dans sa stratégie de développement intégré des pêches artisanales. Cependant, ces éléments ont été formulés en s'appuyant sur l'expérience tirée principalement de projets mis en oeuvre dans des communautés agricoles. La déplorable situation des petits exploitants, notamment dans certains pays d'Asie, et le parti pris idéologique de certains théoriciens du développement ont tous deux contribué à faire penser que les techniques de participation ne conviennent presque exclusivement qu'aux projets en faveur des plus pauvres des agriculteurs pauvres. On fait valoir que les agriculteurs moins pauvres ne sont guère susceptibles de participer sur un pied d'égalité avec les vrais pauvres, et qu'en tout cas ils ne constituent pas un groupe prioritaire, puisqu'ils sont en mesure de survivre sans assistance. Dans les projets communs, ce sont en général les moins défavorisés qui tôt ou tard tirent le plus d'avantages.

Cet argument présuppose un certain degré d'autonomie opérationnelle au niveau de la petite exploitation: on présume que les agriculteurs pauvres n'ont pas besoin de collaborer avec leurs voisins plus riches, et vice versa; on peut donc les traiter en groupe-cible homogène, isolé des éléments économiquement plus puissants de la communauté. En effet, ceci s'applique partiellement à bon nombre de cas du secteur agricole où les technologies simples et le régime foncier expliquent la présence de très petites exploitations familiales autonomes.

Mais dans les communautés de pêche, où la technologie de capture et les services connexes exigent en général un effort collectif et certaines économies d'échelle, il n'est généralement pas possible de faire la même distinction entre pêcheurs très pauvres, pauvres et plus aisés; c'est-à-dire entre main-d'oeuvre salariée d'un côté et propriétaires des bateaux, moteurs, filets, pièges, etc. de l'autre. La production économique dans les communautés de pêche est le plus souvent intégrée verticalement - de la capture, en passant par la transformation et le transport, à la commercialisation - de sorte que chacun, à tous les maillons de la chaîne, ne peut survivre sans la collaboration de ceux qui se trouvent avant ou après lui. En outre, la plupart des équipages salariés et autres sont traditionnellement des actionnaires-pêcheurs, propriétaires à divers degrés des engins de pêche, plutôt que des journaliers à salaire fixe. De plus, la pêche en tant qu'activité nécessite l'accumulation de capitaux considérables entre les mains des entrepreneurs-propriétaires pour permettre l'achat, l'exploitation et l'entretien des engins. La dépendance économique à l'égard de captures extrêmement variables d'un jour à l'autre, le risque inhérent aux opérations sur de grandes étendues d'eau, la faible durée du matériel quand les conditions naturelles sont défavorables, l'incertitude de prendre quoi que ce soit quand le produit même est invisible et mobile - tous ces facteurs exigent la présence de responsables compétents et qui auront la confiance de ceux qui sont moins instruits ou expérimentés.

C'est pourquoi, on n'envisage pas de suivre, dans les communautés de pêche, exactement la même approche centrée sur la participation que celle qui a déjà été employée avec un certain succès auprès des agriculteurs pauvres. Les groupes constitués parmi les pêcheurs pour exécuter des mini-projets inspirés des principes de participation ne présenteront pas nécessairement une structure égalitaire. Leur principal critère “d'homogénéité” devrait découler de ce que leurs membres sont cooptés et s'acceptent donc bien mutuellement. Néanmoins, il est à prévoir que les groupes de participation axés sur la pêche de capture seront plus hiérarchisés et auront une direction plus forte que dans d'autres domaines de production. (Il faut noter que les groupes de participation aux projets de développement des pêches n'ont pas nécessairement la même composition que les organisations, syndicats, associations ou coopératives de pêcheurs existants).

La participation à des mini-projets visant par exemple à créer un atelier de réparation de moteurs ou un nouveau système de halage des bateaux, est donc susceptible d'être quelque peu élitiste, parce que moteurs et bateaux appartiennent à une minorité relativement aisée. Le succès de ces entreprises bénéficiera néanmoins aux membres de l'équipage dont les revenus pourront s'améliorer grâce au meilleur entretien des moteurs et dont le travail sera facilité par la mécanisation du halage. En revanche, on peut s'attendre à ce que la structure de groupes de participation procédant, par exemple, à l'essai de méthodes améliorées de transformation du poisson ou à la construction de collecteurs d'eau de pluie pour des logements individuels soit de caractère beaucoup plus démocratique.

4.2 Intégration

Ainsi, la FAO s'est partiellement inspirée dans sa stratégie du développement intégré des pêches artisanales, des tentatives antérieures pour stimuler un développement “du bas vers le haut”, mais sans essayer de copier fidèlement les originaux. L'approche suit des modèles antérieurs puisqu'elle met l'accent sur la notion que le développement à la base doit impliquer une initiative locale et s'élargir progressivement à partir d'un noyau initial d'activités de participation ou mini-projets, à mesure qu'augmentent la confiance et les compétences des bénéficiaires. Mais elle va aussi plus loin à deux points de vue importants, comme le montre la répétition du terme “intégré”.

En premier lieu, on considère qu'une pêcherie est une chaîne complexe de production qui fait intervenir diverses compétences et des techniques spéciales à différents niveaux. Ce qui se passe à chacun de ces niveaux dépend de l'efficacité des opérations, tant en aval qu'en amont de la chaîne, de sorte que l'amélioration de tout point du processus de production entraîne automatiquement une modification correspondante à tous les autres niveaux: on ne peut introduire de nouvelles techniques pour augmenter les captures sans améliorer également les capacités de transformation et de commercialisation; on ne peut rentablement motoriser les embarcations sans installer un atelier de réparation de moteurs régulièrement approvisionné en pièces détachées; on ne peut proposer de nouvelles technologies de capture à forte intensité de capital sans mettre du crédit à la disposition des pêcheurs; et ainsi de suite. Tous ces exemples montrent combien la pêche est une activité caractérisée par une “intégration économique verticale”. Une approche centrée sur la participation pour les pêcheries artisanales doit toujours tenir compte des besoins et des contraintes imposées par cette inévitable intégration verticale de la production poissonnière.

Dans l'optique de la FAO, l'intégration revêt une seconde signification, qui dépasse les interdépendances production-manutention-transformation-commercialisation du poisson. La stratégie vise à relever le niveau de vie des ruraux, de telle sorte que les améliorations progressives touchent simultanément la plupart des domaines de la vie humaine. La production et la consommation alimentaire, l'approvisionnement en eau et en combustible, le logement, les loisirs et l'éducation, entre autres, sont au centre des préoccupations immédiates des ruraux et devraient faire l'objet de programmes spécifiques qui rejoignent les efforts visant à accroître les revenus tirés de la vente des produits de la pêche.

Les projets et activités à orientation collective peuvent aussi comporter de très tangibles et importants avantages économiques qui ne sont pas nécessairement évidents tout de suite. Ainsi, un approvisionnement en eau plus salubre peut abaisser le taux de mortalité infantile et sauver des vies, mais diminuer également le nombre de jours de pêche perdus à cause de la dysenterie. L'amélioration des structures d'enseignement comporte d'évidents avantages sociaux et peut non seulement donner accès à d'autres emplois, mais aussi contribuer à perfectionner les pratiques de gestion des entreprises de pêche locales.

La promotion du développement intégré exige donc que l'on prête une attention minutieuse aux complémentarités souvent subtiles qui existent au sein de la communauté rurale. Personne n'est plus qualifié que les pêcheurs eux-mêmes pour déterminer où se trouvent les potentiels les plus favorables à l'établissement de mini-projets complémentaires.

4.3 Planification, mise en oeuvre et gestion

L'UDP, les représentants locaux des ministères nationaux et les ONG concernées doivent coopérer avec les habitants des villages de pêche choisis pour préparer le faisceau de mini-projets qui, dans chaque cas, deviendra une sorte de plan-cadre de développement au sein de cette communauté.

Afin que les mini-projets finalement retenus restent à la mesure des capacités administratives et techniques des bénéficiaires, le personnel de l'UDP doit s'efforcer d'éviter des solutions trop sophistiquées. Même de simples opérations de développement obligeront encore les pêcheurs à suivre une formation à la fois technique et administrative s'ils veulent parvenir à une autosuffisance durable. Leur méconnaissance générale des états bancaires et de la comptabilité, ainsi que leurs notions et conceptions souvent rudimentaires en matière de mécanique, rendent indispensables une formation pratique et une surveillance technique continues. Un soutien de l'UDP d'une durée de cinq ans peut être considéré comme un minimum, mais il serait probablement plus réaliste d'envisager sept à quinze ans dans la plupart des cas.

-Identification des problèmes prioritaires par les pêcheurs.
-Analyse de leurs causes profondes par l'UDP.
-Récapitulation des diverses solutions possibles aux problèmes fondamentaux par l'UDP et les pêcheurs.
-Choix en commun des solutions les plus prometteuses par les pêcheurs et l'UDP.
-Préparation collective de plans de travail détaillés pour les mini-projets, acceptation des responsabilités spécifiques pour leur réalisation (autosélection définitive du groupe responsable du mini-projet).
-Mise en oeuvre et révision permanente, avec l'encadrement technique de l'UDP (ou autre unité extérieure), si nécessaire.
-Evaluation en commun des résultats et identification des suites à donner.
    Figure Démarche suggérée pour l'identification, la mise en oeuvre et le suivi en commun de mini-projets

Une fois les pêcheurs convaincus de la nécessité de concevoir des mini-projets individuels dans une perspective intégrée qui inclue l'ensemble de la communauté et son environnement naturel, il faut se pencher sur les problèmes de gestion des ressources. En collaboration avec le personnel de l'UDP, les pêcheurs peuvent faire une évaluation des taux de captures actuels et potentiels. En faisant appel aux connaissances traditionnelles et aux compétences extérieures, ils peuvent contribuer à l'élaboration de plans visant à l'exploitation rationnelle d'espèces et de zones à différentes époques de l'année, à la détermination des types d'engins autorisés et à la mise sur pied du cadre institutionnel nécessaire à la formulation et à l'application des décisions ponctuelles en matière de gestion.

Par sa nature, la production poissonnière exige que la stratégie de développement intégré des pêches artisanales de la FAO diffère quelque peu des précédentes approches axées sur la participation appliquées à l'agriculture, mais elles ont en commun trois éléments, généralement considérés fondamentaux bien qu'on se contente souvent d'en parler: programmes spéciaux pour les femmes, participation locale à la surveillance et à l'évaluation, et lutte contre la corruption.

4.4 Les femmes et les jeunes

Les femmes travaillent autant, sinon plus, que les hommes dans la plupart des régions rurales du tiers monde. Elles contribuent substantiellement à l'économie du village, notamment dans les communautés de pêche où le plus souvent elles se chargent de la transformation, de la vente du poisson et même prêtent de l'argent à leurs concitoyens. Par conséquent, elles méritent que l'on s'intéresse spécifiquement à elles. Des programmes à leur intention peuvent viser à la fois à améliorer les conditions et les résultats économiques de leur travail, et à leur apporter une aide dans leurs activités au foyer. A cette fin, le personnel permanent de l'Unité de développement des pêches devrait comporter des femmes.

Si le taux de chômage est élevé chez les jeunes adultes, il faut aussi prendre des dispositions spéciales en leur faveur. A noter que les jeunes, des deux sexes, sont souvent plus enclins à essayer des approches nouvelles et différentes. Certains des mini-projets plus audacieux et plus expérimentaux auraient peutêtre avantage à être expécutés par des jeunes travaillant en groupes autosélectionnés, comme mentionné plus haut.

4.5 Surveillance et évaluation

C'est maintenant l'usage de prévoir la surveillance et l'évaluation de tout programme de développement, mais il est rarement suggéré sérieusement que les bénéficiaires prennent part à ces tâches. L'approche proposée par la FAO pour le développement des pêches artisanales estime que les pêcheurs font partie intégrante du système de collecte des informations qui permet la surveillance, et propose que leurs représentants, avec l'aide de l'UDP, contrôlent périodiquement les nouveaux projets et institutions, évaluent globalement les effets et, en fonction de leurs conclusions, révisent les plans cadres pour l'avenir.

4.6 Corruption, détournement de fonds et vols

Ces graves problèmes ont souvent compromis des projets et activités par ailleurs viables. L'approche axée sur la participation peut contribuer à réduire les risques en recourant à des groupes autosélectionnés chargés des mini-projets, opérant avec les ressources propres du groupe plutôt qu'avec des “cadeaux” de l'extérieur, et en adoptant les moyens traditionnels reconnus par la société pour lutter contre la malhonnêteté. Le pouvoir d'un groupe organisé, la protection partielle apportée par l'UDP et la volonté de fonctionnaires nationaux intègres de favoriser un authentique développement au profit de leurs concitoyens peuvent faire obstacle aux agissements de fonctionnaires corrompus. Il convient de tenir compte de tous ces facteurs pour décider du modèle et de la stratégie de mini-projets réellement appropriés.

5. RECAPITULATION DES AVANTAGES DE LA PARTICIPATION

On a passé en revue les expériences antérieures de participation et examiné les possibilités de développement des communautés de pêche suivant cette méthode. Mais pourquoi préférer une approche impliquant la participation à d'autres méthodes plus classiques de promotion du développement rural?

En bref, on peut répondre que des activités de développement conçues et exécutées avec la participation active des bénéficiaires sont d'ordinaire beaucoup plus efficaces que celles où des technologies novatrices ou de nouvelle formes d'organisation sont simplement transmises à un groupe de destinataires passifs. En général, les projets axés sur la participation peuvent être plus efficients à trois égards:

Le coût par personne des projets axés sur la participation est moindre parce que l'octroi d'une aide extérieure aux bénéficiaires dépend de l'engagement préalable des ressources locales. On a moins besoin d'experts expatriés pour de longues périodes puisque, grâce à “l'apprentissage sur le tas”, la population locale assume progressivement la responsabilité d'une large part des tâches ultérieures de vulgarisation et de gestion. (Néanmoins, pour les projets comportant l'introduction de technologies nécessitant un haut niveau de compétence, il sera nécessaire de faire appel à des spécialistes extérieurs pendant de longues périodes.)

Les projets centrés sur la participation répondent aux aspirations locales, parce que les intéressés eux-mêmes jouent un rôle clef dans l'identification, la planification, l'exécution et la gestion.

Enfin, cette approche limite le gaspillage, parce que les bénéficiaires réfléchissent à deux fois avant de dépenser leurs propres ressources ou des prêts qu'ils doivent effectivement rembourser pour la construction d'infrastructures inadaptées aux conditions locales ou trop grandes pour être rentables.

L'approche axée sur la participation fait appel à des compétences locales jusqu'ici sous-exploitées. Elle favorise également la coopération et la solidarité entre les membres de la communauté, ainsi que le goût du travail bien fait, de sorte que les participants à une opération de développement se sentent responsables les uns envers les autres. Ceci tend d'une part à diminuer les manoeuvres malhonnêtes, et de l'autre à assurer la continuation d'une entreprise commencée avec une aide extérieure après le départ des experts étrangers.

6. PROBLEMES INHERENTS A L'APPROCHE CENTREE SUR LA PARTICIPATION

Utiliser une telle approche pour mobiliser les forces de la communauté ne va pas cependant sans poser de problèmes. Quatre catégories de difficulté apparaissent lorsque les connaissances et les opinions des pêcheurs sont confrontées à des méthodes radicalement différentes du monde extérieur:

  1. si les pêcheurs doivent identifier leurs propres problèmes et collaborer au choix des solutions avec des agents extérieurs, ils sont sérieusement handicapés par leur manque de connaissances sur ce qui sort de leur domaine d'expérience, par leur ignorance des technologies disponibles et, surtout, par leur incapacité à juger dans quelle mesure celles-ci conviennent à leur situation. Il n'est donc pas aisé de doser judicieusement savoir moderne et expérience locale dans la conception des composantes du projet. Le résultat pourra dépendre davantage du talent de persuasion de l'expert extérieur et d'une démonstration convaincante de la nouvelle technologie que de la qualité réelle et de l'utilité pratique de l'équipement lui-même;

  2. les communautés de pêche peuvent souhaiter de leur côté adopter une approche centrée sur la participation. Mais il est généralement moins facile de convaincre les éléments instruits d'une administration nationale et les experts d'organismes de développement de collaborer sur un pied d'égalité, car cela implique qu'ils abandonnent une partie de leur pouvoir etadmettent qu'ils ont réellement quelque chose à apprendre de la population rurale;

  3. les problèmes, priorités et solutions privilégiés par les pêcheurs peuvent ne correspondre en aucune façon aux politiques globales et sectorielles du gouvernement;

  4. un grave problème se pose lorsque la structure sociale locale empêche toute participation aux prises de décision ou à la distribution des avantages aux pêcheurs qui n'appartiennent pas à l'élite locale dominante. Cette question peut être particulièrement épineuse si les procédures et institutions démocratiques n'ont jamais eu cours dans la communauté. En pareil cas, plusieurs possibilités se présentent: on peut considérer l'élite locale dominante comme les “participants” légitimes, négocier une modification “spéciale” de la structure locale dominante en contrepartie de l'octroi des avantages du projet à l'élite locale ainsi qu'à la majorité des pêcheurs, tenter d'imposer de l'extérieur des structures plus démocratiques dans le cadre du projet de participation, ou renoncer à travailler dans ces communautés.

Même si l'on impose de l'extérieur des méthodes plus démocratiques, ceux qui n'y sont pas habitués peuvent avoir du mal à déléguer leur pouvoir sans tomber dans le piège de choisir des membres de l'élite locale. Ces dernier feront probablement tout leur possible pour maintenir les anciennes structures de pouvoir et de distribution des avantages.

7. DE L'IDENTIFICATION A L'EXECUTION

Les démarches et structures institutionnelles relatives à la planification et la mise en oeuvre décrites ci-dessous ne sont que des suggestions dérivant principalement de récentes expériences en Afrique. Elles constituent un mode possible, parmi d'autres, d'application de l'approche axée sur la participation. La situation locale ou les contraintes en matière de personnel peuvent obliger à remanier l'ordre d'exécution d'un certain nombre de tâches spécifiques ou à recourir à différents mécanismes institutionnels. Certaines phases pourront même être entièrement omises ou remplacées par des procédures assez différentes mieux adaptées aux circonstances. Nous nous proposons d'illustrer les grandes lignes de la méthodologie, et non d'imposer un modèle.

7.1 Soutien technique extérieur: l'Unité de développement des pêches (UDP)

Une Unité de développement des pêches est une équipe mobile de spécialistes en divers domaines, entre autres: technologie de capture, fourniture et entretien de l'équipement, transformation, commercialisation, crédit et institutions pour les pêcheurs. D'autres secteurs d'activités économiques et sociales qui jouent un rôle important dans la vie de la communauté mais n'intéressent pas directement les pêche proprement dites devraient rester du domaine des services officiels ou privés compétents. La stratégie de développement intégré des pêches artisanales préconise qu'on accorde une égale considération à tous les besoins de développement. Néanmoins, c'est aux organisateurs à la base qu'il incombe d'amener les pêcheurs à exprimer leurs besoins, à participer aux discussions sur les solutions possibles et, si nécessaire, d'acheminer les demandes d'aide aux autorités compétentes par l'intermédiaire de l'UDP.

7.1.1 Enquête approfondie sur les villages de pêche prometteurs

Une équipe composée de deux spécialistes, un technicien des pêches généraliste et un spécialiste des sciences sociales (socio-économiste, sociologue ou anthropologue social), peut mener une étude de terrain préliminaire pour choisir les communautés susceptibles de participer au programme de développement. Il faudrait avoir des entretiens informels avec les pêcheurs, les dirigeants de la communauté, les fonctionnaires du gouvernement provincial, les gros entrepreneurs, etc. afin de déterminer les principaux besoins en matière de développement, identifier les groupements sociaux représentatifs, apprécier la structure et les conditions de production et dégager toute entrave importante à la promotion à long terme de la participation. Il faudrait recueillir, si elles existent, les données officielles (démographie, infrastructures sociales, éducation, régime foncier et production économique). On peut examiner les tentatives de développement antérieures afin d'en déterminer les causes de succès ou d'échec. Il faudrait interroger les organisations non-gouvernementales (ONG) opérant dans la région sur leur expérience et leur intention de collaborer. Ce travail de terrain demande quatre à six semaines. Il faudra étudier les problèmes logistiques et les conditions de fonctionnement de l'UDP. Un document de travail exposant les résultats de cette étude approfondie fournira les renseignements de base pour les deux phases suivantes.

7.1.2 Identification préliminaire des villages de pêches qui relèveront de l'UDP

Le personnel de l'UDP et le département national des pêches font une première sélection des communautés qui conviennent apparemment, et ont de toute évidence le potentiel voulu pour appliquer la stratégie intégrée. La présence dans certains villages d'ONG disposées à collaborer devrait être une considération importante à ce stade.

7.2 Initiation des éléments “extérieurs” à l'approche intégrée

7.2.1 Formation initiale des coordinateurs de base de l'UDP

Afin que les pêcheurs puissent effectivement participer à la formulation et à la mise en oeuvre de mini-projets, ils devront probablement bénéficier d'un soutien à long terme en matière d'organisation et de gestion. Il faudrait affecter aux communautés participantes des agents de l'UDP ayant reçu une formation spéciale de généralistes, qui y résideraient pour plusieurs années. Les coordinateurs devraient être des hommes et des femmes efficaces et énergiques, issus de préférence du milieu rural, si possible originaires de la région du programme. Ils devraient être inities à la méthodologie du développement intégré des pêches artisanales et aux aspects techniques de leurs tâches futures, par le biais d'un stage d'environ quatre semaines conçu et dirigé par des experts ayant l'expérience des pêches artisanales intégrées. Les spécialistes de l'UDP contribueront au stage en fonction des besoins et de leurs compétences. A mesure que se déroule la formation, les candidats les moins aptes devront être progressivement éliminés, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un petit noyau de coordinateurs hautement motivés et solidement instruits.

7.2.2 Stage de familiarisation du personnel de l'organe de développement, de l'UDP, du gouvernement et des ONG, avec le développment intégré des pêches artisanales

Peu après cette première session de formation, un deuxième stage de deux semaines devrait être organisé pour le personnel de la FAO, du gouvernement et des ONG, afin de les familiariser avec l'approche de développement intégré des pêches artisanales et les techniques de participation appliquées à la planification, la mise en oeuvre, la surveillance, l'évaluation et la révision continue. Les coordinateurs de base sélectionnés pendant le déroulement du premier stage suivront également celui-ci. (La présence de ces agents de terrain d'un rang généralement peu élevé est un pas important vers la démocratisation et la promotion d'un mode associatif de gestion dans le cadre du nouveau projet.)

Ce stage devrait permettre d'établir une liste des organismes nationaux et internationaux susceptibles de fournir une aide technique et matérielle dans le contexte d'activités de développement spécifiques (recherche agricole, conservation des sols, industries rurales, santé, commercialisation, enseignement, routes, condition féminine, etc.).

7.3 Donner le choix aux villages

7.3.1 Présentation du programme aux villages susceptibles de participer

Diverses options pour lancer le processus de participation se présentent à ce stade, certaines plus acceptables que d'autres du point de vue culturel dans une société donnée. Les réunions publiques ne sont pas toujours le meilleur moyen de permettre à toutes les fractions de la population de s'exprimer: il peut y avoir des usages culturels qui empêchent certaines catégories de personnes de se mettre en avant en présence de leurs aînés et supérieurs ou des membres du sexe opposé. Dans ce cas, on peut inviter directement de petits sous-groupes ou même les intéressés à formuler leurs opinions.

Si ce genre de problème ne se présente pas, l'équipe de l'UDP devrait se rendre dans les communautés de pêche déjà pressenties, où on aura déjà suscité un certain intérêt lors de la reconnaissance préliminaire. A l'occasion d'une réunion publique organisée dans chaque village, l'équipe peut présenter les objectifs du programme, en veillant soigneusement à souligner les aspects associatifs qui le différencient des projets de développement courants bénéficiant de l'aide internationale. Il convient d'encourager les membres des communautés à exposer leurs difficultés majeures et leurs opinions sur le potentiel de développement local. A la suite des débats, il faudrait demander aux habitants de réfléchir sur la discussion et de préparer un exposé plus détaillé pour chacun des problèmes majeurs identifiés, de façon à procéder à un examen plus approfondi lors d'une réunion ultérieure, environ deux semaines plus tard.

7.3.2 Prendre connaissance de la réaction mûrement réfléchie des pêcheurs: deuxième série de réunions villageoises

La deuxième série de réunions publiques vise à:

On a parfois jugé utile d'organiser la deuxième série de réunions (non simultanées) autour de sous-groupes d'intérêt tels que production poissonnière, questions féminines, protection sociale de la collectivité, etc.

7.3.3 Autosélection mutuelle des villages et de l'UDP

Les réactions de la communauté devront être évaluées afin d'exclure momentanément du programme les communautés qui ne manifestent pas un grand intérêt, pour que l'autosélection réciproque ne porte pas sur plus d'une demi-douzaine de villages destinés à travailler avec l'UDP pendant les premières années. Le coordinateur de base, qui doit être affecté à chacune des communautés retenues, devrait alors faire connaissance avec son village.

7.4 Opérations

7.4.1 Installation dans le village du coordinateur de base de l'UDP

Le coordinateur local devra d'abord collaborer étroitement avec les pêcheurs du village pour arriver à un consensus sur les problèmes prioritaires qu'il faut aborder. Il convient d'analyser les problèmes fondamentaux et de proposer, si possible, des solutions en travaillant à la fois avec les pêcheurs et les spécialistes de l'UDP, comme mentionné précédemment dans la section 4.3. Cette phase pourra éventuellement durer plusieurs mois.

7.4.2 Identification et formulation de mini-projets spécifiques

Les sous-groupes d'intérêt constitués par les pêcheurs, le coordinateur résident et le reste de l'équipe de l'UDP devront ensuite s'attacher à formuler des propositions de mini-projets spécifiques. Ceux-ci peuvent ne concerner que de petits groupes, ou au contraire viser à la création d'infrastructures intéressant l'ensemble du village. La règle générale à observer à ce stade est “produire d'abord”: si les premiers mini-projets ne réussissent pas à court terme à augmenter le revenu réel des participants, il pourra ne pas y avoir de projets de deuxième génération. Les mini-projets ultérieurs pourront avoir un caractère plus social, si cela correspond aux désirs réels des groupes villageois.

Chaque groupe participant devra, de concert avec le coordinateur local et les spécialistes appropriés de l'équipe de l'UDP, préparer un document comprenant des plans de travail concrets et assignant les responsabilités spécifiques pour chacun des mini-projets. Les ressources engagées par les pêcheurs et les organismes extérieurs, le calendrier d'exécution, les dispositions relatives au crédit, entre autres, devront être exposés en détail.

Le personnel technique de l'UDP, après consultation du groupe vilageois concerné, suggèrera d'éventuels amendements au plan de travail des mini-projets, si nécessaire.

Il faudra élaborer pour tous les mini-projets des méthodes simples de surveillance et d'évaluation, faisant le meilleur usage des moyens traditionnels, écrits ou oraux de surveillance, de contrôle social et de transmission des informations.

7.4.3 Systèmes de coordination au niveau du village et au-dessus

Selon les circonstances locales, il pourra être utile que les représentants de tous les niveaux du programme, ainsi que de tous les organismes affiliés, fassent partie d'un comité de coordination de l'UDP. Ce comité superviserait les activités de développement se déroulant sur l'ensemble de la région du programme, contribuant ainsi à identifier des complémentarités utiles et à éviter des doubles emplois superflus. Les délégués des groupes locaux liés aux mini-projets auraient le même statut et les mêmes droits de vote que les autres membres, pour que la participation ait une chance de devenir réalité, même en matière de gestion générale du programme.

Une version adaptée de cette approche est déjà employée dans certaines régions, où un modèle “élargi” de l'UDP même, comprenant les représentants sur le terrain d'autres organismes et des ministères opérant dans la zone, ainsi que des délégués des divers villages intéressés, traite des questions de coordination de la région, les suggestions restant subordonnées à l'approbation éventuelle des groupes villageois effectivement concernés.

A un niveau intermédiaire entre les groupes de base et le comité de coordination de l'UDP, on pourrait également créer, lorsqu'il n'existe pas encore de structure traditionnelle appropriée, un organisme au niveau du village chargé de promouvoir collaboration et assistance mutuelles entre les mini-projets d'une même communauté. Les délégués au comité de coordination de l'UDP pourraient être choisis sur place parmi les membres de cet organe.

Le déroulement de chaque mini-projet devra être régulièrement surveillé grâce au système d'information, afin de pouvoir en adapter et en réviser constamment les plans de travail en fonction des circonstances.

Il faudra choisir dès le début des indicateurs de développement pour permettre les évaluations annuelles et triennales d'impact. Les délégués des groupes base devraient participer aux exercices d'évaluation en qualité de membres du comité de coordination de l'UDP. Les évaluations annuelles devraient être internes, alors que pour l'évaluation triennale une équipe de spécialistes extérieurs devrait être invitée à se joindre au comité de coordination de l'UDP.

Après chaque évaluation, on devra établir un programme amendé pour la période suivante en s'efforçant de tenir compte de l'expérience antérieure et de tirer le meilleur parti des complémentarités entre mini-projets. Ceux-ci devraient devenir progressivement plus ambitieux au fil des ans; de même, certains groupes de base pourront se joindre à d'autres pour entreprendre des activités communes qui deviendront éventuellement inter-communautaires.

8. INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

Ces suggestions relatives aux méthodologies associatives pour les projets de développement des pêches artisanales ont été élaborées dans le cadre du programme FAO de développement intégré des pêches artisanales, élément majeur du programme d'action de la FAO pour le développement des pêches artisanales.

Nombre des méthodes suggérées ici sont maintenant mises en pratique dans les projets de pêche artisanale de la FAO, notamment dans ceux concernant RAF/192/DEN et RAF/197/NOR, “Programme pour le développement intégré des pêches artisanales en Afrique de l'Ouest”. Ce programme vise à fournir une assistance technique aux projets nationaux de développement intégré des pêches artisanales en Afrique de l'Ouest.

Autres publications traitant de la stratégie intégrée et de la participation:

Ben-Yami, M. and A.M. Anderson, 1985 Community fishery centres: guidelines for establishment and operation. FAO Fish.Tech.Pap., (264):94 p.

Johnson, J.P., 1983 A proposed FAO strategy for integrated development in small-scale fishing communities. FAO Fish.Rep., (295) Suppl.:279–86

Johnson, J.P., Introduction to integrated development in small-scale fishing communities. (en préparation)

Meynell, P.J., and J.P. Johnson, A user's manual for the Fisheries Development Unit: participatory design and implementation of small-scale fisheries micro-projects (en préparation)

Tietze, U., 1984 Marine fisheries extension services: a training and visit system for Southern Asia. Mar.Policy, 8(4):330–6


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