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10. CIFA/85/Symp/DP.2
LES DROITS TRADITIONNELS DE PECHE AU DELTA CENTRAL DU NIGER ET LA REGION DES LACS: CONFLITS ET RECOMMANDATIONS EN VUE D'UNE GESTION EQUITABLE ET RATIONNELLE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

par

Amadou Kone
Ingénieur des Eaux et Forêts
Directeur de l'Opération Pêche
B.P. 134
Mopti, République du Mali

1. INTRODUCTION

Le sous-secteur de la pêche au Mali a atteint un niveau de production des plus bas jamais enregistré avec pour causes apparentes les conséquences d'une sécheresse devenue endémique.

Tant il est établi que l'insuffisance des crues et de la pluviométrie ont effectivement contribué à la baisse de la production, l'insuffisance du contrôle de l'exploitation des pêcheries n'a pas été des moindres.

C'est alors que de nos jours, les captures caractérisées par l'absence de spécimens de grande taille, une prédominance des alevins, l'absence de certaines espèces, témoignent une situation de surexploitation et de gaspillage.

Aussi, l'idée d'un rapport sur “l'évolution des droits de pêche, les conflits et les recommandations” en vue d'une “gestion équitable et rationnelle des ressources halieutiques” a jailli d'un échange de points de vue au cours de la mission au Mali en mai 1985 de Monsieur Jean-Louis Gaudet, Service de la planification du développement des pêches à la FAO à Rome.

La communication, sans la prétention d'avoir épuisé le sujet, s'inspire beaucoup de différents documents réalisés sur le delta central notamment:

2. LE MILIEU PHYSIQUE

Le Niger traverse au Mali une vaste région sans relief dite zone d'inondation ou delta central où il déborde de son lit et inonde chaque année environ 30 000 km2.

Ces plaines inondées représentent chaque année une immense frayère, ce qui explique en période normale de pluviométrie et de crue, l'extraordinaire richesse en poisson du Niger Moyen.

Le delta central est donc une immense zone limitée au sud-ouest par Markala et au nord-est par Tombouctou et comprenant de nombreux lacs. (Voir carte.)

Carte du Moyen Niger

—   Echelle: 1 – 3 000 000

Limites de la zone d'inondation

3. L'ETABLISSEMENT DES COLLECTIVITES PECHEURS-BOZO-SOMONO-SORKO

3.1 Les Bozo ethnie de pêcheurs sont d'origine Sarakallé (Marka). C'est à la suite de la chute de l'empire du Ghana par l'empire du Mali qu'une partie des habitants de l'ancien empire notamment les Donongo et les Sinango s'installèrent aux environs du village de Dia. Plus tard sous Biton Coulibaly, les Tigampo vinrent s'ajouter à ce premier groupe et se répandirent le long du Niger. Au cours des différentes dominations, les Bozo n'ont pratiquement pas participé aux guerres. Ils se sont fait protéger par les Bambara et plus tard les conquérants toucouleurs. A tous ces protecteurs, chaque année, chaque clan Bozo payait des impôts et en temps de guerre, transportait les soldats sur le Niger.

3.2 Les Somono, groupe professionnel, ne constituent pas en réalité une race homogène. On devient Somono, mais on naît Bozo.

Comme les Bozo, les Somono ont été dominés tour à tour par les Bambara et toucouleurs. Le premier clan Somono s'est installé à l'emplacement actuel de la ville de Ségou. C'est pour cette raison que les Somono disent que ladite ville a été fondée par un de leurs ancêtres qui s'appellait Sékou Diarra.

3.3 Les Sorko, groupes de pêcheurs sont d'origine Sonraï et pratiquent depuis 1955 la pêche de mars aux hautes eaux entre Gao et le lac Débo.

4. EVOLUTION DES DROITS DE LA PECHE

4.1 De l'ère de la Dina à l'administration coloniale (1818–1893)

Cheickou Amadou, fondateur de l'empire Peulh, succéda à l'empire de Ségou en 1818. Il mit au point la Dina, un véritable code foncier de gestion de l'espace rural. Avant la Dina, les faits perdent leur netteté et leur valeur, ce qui a volontairement motivé le choix de cette ère comme référence parce qu'il n'est pas de domaine où l'empereur n'ait pas légiféré.

L'organisation coutumière des pêches constituait une véritable administration décentralisée ayant pour chaque lieu et pour chaque groupement de pêcheurs, ses règles particulières.

Ainsi, une collectivité Bozo installée dans une région, exerce sur elle un droit d'exploitation intégral et exclusif. Son chef, généralement l'aîné, est le gérant, l'administrateur du bien collectif: c'est le maître des eaux. L'installation ayant été permise par alliance et accord avec les forces surnaturelles des lieux: le génie des eaux; le maître conserve les traditions animistes et accomplit les sacrifices rituels. Il abrite les droits d'usage entre les membres de la collectivité et organise les pêches collectives: fixation des dates, convocation, surveillance directe. La dévolution des droits de pêche peut se faire au profit des pêcheurs étrangers moyennant le tiers des produits de la pêche. Cette maîtrise des eaux s'exerce dans des limites très précises: mares-section de marigots ou de fleuve limitée par des repères naturels (arbres-monticules-bancs de sable-extrémité d'une île, confluence, etc.) ou par des repères artificiels, poteaux-pierres.

Cette organisation simple du droit de la pêche a été perturbée par les souverains en dissociant les maîtrises exercées de deux façons:

  1. la sélection d'une corporation de laptots et bateliers: les Somono s'accompagnent d'une redistribution des domaines hydrographiques. Les Somono reçurent la maîtrise des eaux des fleuves dont ils habitent les rives. C'est un droit d'exploitation intégral et de perception de redevance. Le chef des Somono joue le rôle de maître des eaux. Les Bozo, demeurés sur leur ancien domaine hydrographique, sont réduits à la maîtrise des mares et marigots, mais conservent les charges religieuses pour l'ensemble. Cette première dissociation se marque vraisemblablement dès le règne de l'empire du Mali.

  2. L'administrateur Peulh revendique la “propriété éminente” de son territoire, terres et eaux, en respectant les droits d'usage traditionnels, moyennant une prestation symbolique.

Cette dégradation de l'organisation ancienne est vivement ressentie par les Bozo. Elle a fractionné leurs domaines et les prive des meilleures pêcheries d'étiage: les fleuves; elle a introduit des intérêts opposés à ceux des usagers traditionnels, elle favorise l'admission de nombreux étrangers avec perception de redevances.

L'éclatement de l'organisation ancienne a cependant permis aux Bozo l'élargissement du nomadisme trouvant ainsi des régions éloignées mais plus favorables. Ainsi, les Bozo se sont mis à l'école de leurs concurrents étrangers en enrichissant et diversifiant leurs techniques.

(a) Avantages du droit de pêche par la maîtrise des eaux

Bien que du type féodal, le droit traditionnel de la pêche pendant cette période était non seulement inviolable, mais il a surtout été guidé par le souci d'une exploitation rationnelle. En effet, les pouvoirs du Maître des eaux étaient reconnus et respectés scrupuleusement par tous. Il pouvait soustraire une zone de la pêche sur recommandation du génie. Il interdisait les engins qui lui paraissaient incommodes. En un mot, la force de cette législation était son inviolabilité, la pérennité des ressources était de l'intéret de tous mais particulièrement de celui des maîtres des eaux.

(b) La notion de l'équité

La notion de l'équité a fait défaut à cette législation traditionnelle conçue et mise en oeuvre par les maîtres des eaux. La possibilité de l'expulsion d'un pêcheur dit étranger, le niveau de plus en plus élevé de la redevance versée aux maîtres des eaux en nature ou en espèces sont autant de facteurs qui ont contraint certains pêcheurs à entreprendre de grands déplacements en quête de zones moins hostiles.

4.2 Sous l'administration coloniale

L'administration territoriale coloniale succédant à l'invasion toucouleur en 1893 a promulgué de nombreuses lois notamment celles définissant non seulement le domaine privé de l'Etat mais aussi instituant un nouveau système d'immatriculation foncière.

Cette nouvelle législation a surtout tenté de maintenir, mais avec difficulté, la paix foncière entre les différentes communautés en s'appuyant uniquement sur les systèmes coutumiers.

Dans le domaine de la pêche l'hostilité des pêcheurs autochtones contre l'invasion des étrangers émigrant soit d'une région à l'autre, soit d'un pays voisin vers les pêcheries maliennes a été renforcée par l'adoption en 1947 d'un texte fixant les taux annuels de redevance en matière de pêche variant entre deux et dix mille francs suivant l'origine du pêcheur.

Plus tard l'ordonnance No59/10/ALP du 22 janvier 1959 a modifié les textes précédents. Aussi, la taxe est perçue non plus suivant l'origine du pêcheur mais selon le tonnage de la pirogue armée.

On constate que la législation sur la pêche au cours de la période coloniale a été caractérisée surtout par la perception d'une taxe du type domanial et le maintien du pouvoir des maîtres des eaux.

4.3 Sous l'indépendance

Au lendemain de l'indépendance, les eaux ont été constituées propriété exclusive de l'Etat qui peut la concéder à titre gratuit ou onéreux à des personnes physiques ou morales annulant du coup tous les droits coutumiers.

Des droits d'usage sont reconnus aux populations riveraines ou pêchant en tout autre lieu pour leur subsistance, à condition dans ce cas de se conformer à la pratique locale.

Aussi, la loi No63-7-AN-RM du 11 janvier 1963, sans mettre en cause le principe de la taxation de la pirogue armée a, bien que sommairement, jeté les premières bases d'une réglementation de l'exploitation de la pêche.

Cependant aucune des dispositions prises jusqu'à cette période n'a pu annihiler le rôle combien prépondérant des anciens maîtres des eaux dans les grandes décisions d'exploitation des pêcheries.

La fréquence des litiges, gaspillage de ressources au niveau des zones de production sont les indices qui ont amené la Conférence des chefs d'Inspection forestière du Mali élargie aux contrôleurs des Eaux et Forêts, tenue du 31 mars au 4 avril 1970, à décider d'élaborer une nouvelle réglementation de la pêche au Mali.

C'est conformément à la décision de la Conférence de 1970 qu'il a été préparé et adopté respectivement en 1972 et en 1975, la Convention régionale sur la pêche en 5eRégion et le Décret No35/PG-RM du 14 mars 1975 portant réglementation de la pêche au Mali et l'ordonnance No11/CMLN du 3 mars 1975 portant création de permis de pêche.

Depuis l'indépendance donc, l'exercice du droit de la pêche a été administré par l'Etat propriétaire des eaux. De par de la dimension réduite des terrains villageois traditionnels, le pêcheur est passé d'une juridiction minuscule à une juridiction plus large avec pour conséquence, l'affaiblissement des structures traditionnelles de contrôle de l'espace sans la mise en oeuvre dans les faits d'un système de contrôle de remplacement. On assiste donc du point de vue juridique à une cohabitation de deux entités de pouvoir (traditionnel d'une part et étatique de l'autre) correspondant à des périodes et des contextes différents. C'est dans ce système contradictoire et même conflictuel que se sont développés depuis 25 ans les rapports entre les pêcheurs et l'Etat.

5. CAUSES DES CONFLITS

Les premiers conflits en matière d'exploitation des pêcheries sont nés vers les années 1930 de l'hostilité des pêcheurs locaux avec les premiers mouvements d'immigration des pêcheurs et la pratique saisonnière de la pêche par des cultivateurs.

Comme l'exercice du droit de pêche, les conflits ont également connu une évolution s'expliquant fondamentalement par la défense d'intérêts opposés des parties en cause: pêcheurs locaux et nomades.

Vers les années 1960, la production du delta central était estimée à environ 100 000 tonnes (Daget, 1954) avec une population de 70 000 pêcheurs. Par rapport à ces données les conflits de la période d'avant l'indépendance avaient pour causes:

Après l'indépendance, la cohabitation qui était malgré quelques heurts relativement harmonieuse a été rompue par les faits ci-dessous:

Par ailleurs, la Convention régionale sur la pêche en 5eRégion du Mali et le Décret No35/PG-RM du 14 mars 1975 ont, dans leur mise en oeuvre subi les faiblesses suivantes:

Alors, les conflits très nombreux ont pour causes:

6. RECOMMANDATIONS

Les recommandations ci-dessous visent à la mise en oeuvre d'un plan d'actions dont l'application harmonieuse permettra d'atteindre à terme l'objectif ultime d'une exploitation rationnelle des ressources piscicoles dans un climat d'équité et de quiétude en faveur du pêcheur.

Un tel plan d'actions devra dans sa conception tenir compte de l'épuisement des stocks piscicoles, de la surexploitation constatée par l'absence d'individus âgés et de spécimens de grande taille, de l'absence de certaines espèces, de l'augmentation du nombre des pêcheurs et la prolifération d'engins prohibés, de la recrudescence des conflits de pêche. En conséquence ledit plan s'articulera autour des grands axes ci-après:

  1. La redynamisation de la recherche scientifique et de la formation d'un personnel qualifié.

    Le Laboratoire d'hydrobiologie de Mopti, seule station de recherche en matière de pêche au Mali est aujourd'hui confronté à une insuffisance de cadres scientifiques et de ressources financières. Des démarches sont certes en cours pour aplanir ces insuffisances en vue de permettre à la station de jouer pleinement sa mission d'éclaireur des décideurs par la fourniture des données scientifiques susceptibles d'optimiser la production piscicole tout en préservant le stock disponible d'une exploitation trop intensive pouvant causer préjudice à l'avenir de la pêche.

  2. La promotion des collectivités de pêcheurs par la mise en oeuvre d'un programme adéquat de développement intégré.

    Le delta central du Niger, zone de production piscicole, renferme, par ailleurs, d'importantes potentialités dans les domaines de l'agriculture, de l'élevage, du commerce, de l'artisanat. Aussi, à la recherche d'une auto-suffisance tant au niveau de l'individu qu'à celui de l'unité de production, les collectivités de pêcheurs ont amorcé depuis quelques années une tendance d'intégration de l'agriculture et de l'élevage à leur activité traditionnelle: la pêche. Ce changement de mentalité économique doit être pris en compte dans la conception et la mise en oeuvre des plans de développement du delta central.

    Des multiples effets attendus d'un tel plan de développement, la pêche pourrait profiter de la tendance à la reconversion qui aurait pour conséquence, la réduction du nombre de pêcheurs souhaitable pour l'adéquation de l'effort de pêche avec le potentiel de production.

  3. Un programme d'aménagement des plans d'eau visant l'objectif fondamental de satisfaction des besoins alimentaires et mis en oeuvre par, entre autres, les actions suivantes:

    1. la généralisation partout où cela est possible de la technique de l'aménagement de certaines mares et leur empoissonnement comme activité principale ou en association avec la riziculture;

    2. le recensement et la mise en réserves de certains plans d'eau.

  4. L'élaboration d'une législation sur la pêche qui mettra particulièrement l'accent sur:

    1. la mise en oeuvre d'une stratégie de contrôle effectif de l'exploitation des pêcheries impliquant la participation de l'exploitant;

    2. l'établissement d'une adéquation de l'effort de pêche et du potentiel de production;

    3. la nécessité d'une réglementation particulière sur l'importation, la vente et la détention des matériels de pêche dans un souci d'éviter la prolifération d'engins prohibés.

  5. La poursuite des efforts:

7. REFERENCES

Brasseur, G., 1968 Les établissements humains au Mali

Gallais, J., 1967 Le delta intérieur du Niger. Mem.Inst.Fondam.Afr.Noire, (79) 2 vols.

IFO, 1983 Institut de Recherches Economiques, Evaluation de l'Opération Pêche, par IFO Institut. Septembre 1983. Tomes 1 et 2

Laboratoire d'Hydrobiologie de Mopti, 1981 Projet Novib: recherches ichtyologiques dans le delta central du fleuve Niger. Mopti, Laboratoire d'Hydrobiologie mai 1981.

Sofara Sidy, 1982 Rapport de fin d'études sur la notion du droit de pêche dans le delta central du Niger conformément au Décret No35/PG-RM du 14 mars 1975. Interprétations par les collectivités pêcheurs

ANNEXE 1

Evolution de la population des pêcheurs et de la production piscicole dans le delta central du Niger

DésignationAnnées
197219791982
Populations78 00093 00099 000
Production/tonnes88 60383 58673 451

Sources: populations: IFO-Institut-Evaluation de l'Opération Pêche-Rapport final Tome I - Septembre 1983

productions: Laboratoire d'hydrobiologie de Mopti Projet NOVIB - pages 21 – 23 - mai 1981

ANNEXE 2

Texte portant réglementation de la pêche au Mali

LOI No63–7 AN-RM sur la pêche en République du Mali,

L'ASSEMBLEE NATIONALE DE LA REPUBLIQUE DU MALI,

Vu la Loi proclamant la République du Mali;
Vu la Constitution de la République du Mali;
Vu la Loi No62-1 AN-RM du 15 Janiver 1962, portant création de 1'Office Malien du Tourisme,

A délibéré et adopté la loi dont la teneur suit:

ARTICLE 1.- Sur toute l'étendue de la République du Mali sont interdits

ARTICLE 2.- L'emploi de matériel ou de méthodes interdits, en particulier l'emploi d'engins électriques, pourra être autorisé dans un but de recherche strictement scientifique.

ARTICLE 3.- Des décrets réglementant l'exercice de la pêche pouvant aller de simples restitutions ou d'interdiction de certains engins à l'interdiction complète de tout exercice de la pêche en des lieux bien définis peuvent être pris sur proposition du Gouverneur de région après avis de l'Assemblée Régionale.

ARTICLE 4.- Les infractions à la présente loi, réglementant l'exercice de la pêche seront punies d'une amende de 1 000 à 5 000 francs et d'un emprisonnement de 11 jours à 3 mois ou de l'une de ces peines seulement. Les engins et le matériel ayant été utilisés pendant le délit pourront être confisqués. En cas de récidive, la confiscation sera obligatoire.

ARTICLE 5.- Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi.

Fait et délibéré en séance publique à Bamako, le 11 janvier 1963.

Le Secrétaire de séance,

AMADOU THIOYELe Président de l'Assemblée Nationale,
 MAHAMANE ALASSANE HAIDARA


REGION DE MOPTIREPUBLIQUE DU MALI
 Un Peuple - Un But - Une Foi

CONVENTION DE PECHE EN 5ème REGION

PREAMBULE

Des Eaux intérieures maliennes, il est extrait chaque année des milliers de tonnes de poissons.

La 5ème Région constitue incontestablement la zone la plus poissonneuse du réseau hydrographique exploitable. De ce milieu naturel, nous cherchons à obtenir le maximum de poissons avec l'économie maximum de moyens tout en assurant la pérennité du capital. Or, tous les facteurs dont dépend cette pérennité, il ne nous est possible d'agir que sur les modalités de l'intervention humaine.

Depuis quelques années, le dépeuplement piscicole du delta s'accentue dangereusement. La baisse de la production due à la multiplicité des engins de pêche à grand pouvoir de capture, la dimension des filets et des mailles, due à l'exploitation anarchique résultant d'une compréhension erronnée du principe de la collectivisation des Eaux sont les conséquences de l'absence d'une réglementation adoptée aux conditions locales.

Aujourd'hui, avec les impératifs du développement économique dans la perspective d'une industrialisation de la pêche, il est nécessaire de promouvoir une réglementation convenable dont l'application permettra une exploitation rationnelle de nos ressources.

Dans ce cadre, la Conférence régionale sur la pêche réunie à Mopti les 1–2 et 3 novembre 1972 sous la présidence du Gouverneur de Région, après analyse détaillée de la situation, a arrêté et adopté la convention dont la teneur suit:

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE ler.- Les Eaux naturelles sont propriété exclusive de l'Etat. Les anciennes coutumes tendant à instituer l'existence d'un maître d'eau sont strictement abolies.

Des droits d'usage sont reconnus aux populations riveraines et s'exercent dans le périmètre délimité. Toutefois, les autres collectivités sont admises à y pêcher pour subsistance, à condition de se conformer à la pratique locale.

TITRE DEUXIEME

DE LA CREATION DES CONSEILS ET COMITES DE PECHE

ARTICLE 2.- Il est créé au niveau des cercles et des arrondissements des conseils et des comités de pêche.

ARTICLE 3.- Le conseil de pêche au niveau du cercle est composé comme suit:

-PRESIDENT:-LE COMMANDANT DE CERCLE
-LE CHEF DE CANTONNEMENT FORESTIER
-LE DIRECTEUR DU C.A.C.
    
-MEMBRES:-LE COMMANDANT DE BRIGADE
-LES REPRESENTANTS DE PECHEURS
-LES DELEGUES DES VILLAGES CONCERNES

Le comité de pêche au niveau des arrondissements est composé comme suit:

-PRESIDENT:-LE CHEF D'ARRONDISSEMENT
  -L'AGENT DES EAUX ET FORETS
  -L'AGENT DE LA COOPERATION
  -LE REPRESENTANT DES PECHEURS
  -LES DELEGUES DES VILLAGES CONCERNES

ARTICLE 4.- Le conseil ou le comité de pêche est obligatoirement consulté sur toutes les questions concernant la gestion, l'encadrement réglementaire de la pêche. Il peut suggérer toute mesure jugée nécessaire à une exploitation des Eaux continentales de son secteur.

Il est immédiatement saisi de tous les conflits de pêche survenant dans le secteur.

Le conseil ou le comité de pêche se réunit sur convocation de son président.

ARTICLE 5.- La réglementation édictée pour chaque secteur pourra prévoir les dispositions suivantes:

-les caractéristiques des engins autorisés;
-les procédés et modes de pêche particuliers;
-la limitation du nombre d'engins dans certains secteurs;
-les réserves de pêche;
-les pêches collectives;
-la protection des frayères et des fonds de pêche
-la protection aux abords d'ouvrages hydrauliques;
-la pêche de subsistance.

Cette réglementation sera proposée par le conseil de pêche et n'entrera en vigueur que sur approbation du Gouverneur de Région.

DES ENGINS DE PECHE

ARTICLE 6.- Outre les interdictions prévues à l'article 1 de la loi No63/7/AN-RM sur la pêche en République du Mali, l'usage de l'épervier est interdit sur toute l'étendue de la Région.

ARTICLE 7.- Sont seuls autorisés les filets ou engins (nasse) dont la dimension des mailles ne pourra être inférieure à 25 mm.

ARTICLE 8.- L'utilisation des filets spéciaux à mailles fines (15 mm) pourra être autorisée pour la période de capture des petites espèces notamment les Alestes (Tinéni). Il est fait obligation de remettre à l'eau les prises n'atteignant pas les tailles acceptables.

ARTICLE 9.- La pratique des barrages à nasses, sécos ou à l'aide des filets est interdite; dans le canal du fleuve et aux abords immédiats ils sont autorisés exclusivement pour la fermeture des marigots.

ARTICLE 10.- Aucune installation de barrage ne devra être faite sans l'avis du conseil ou du comité de pêche.

ARTICLE 11.- Lorsque la limitation des engins apparaîtra nécessaire dans un secteur, la priorité sera accordée pour le maintien de ceux qui assurent les pêches de subsistance.

TITRE TROISIEME

ARTICLE 12.- Le conseil ou le comité de pêche assure l'organisation des pêches collectives. Il détermine les dates de mise en réserve des biefs.

ARTICLE 13.- Le conseil ou le comité de pêche décide de toute mesure destinée à réglementer la périodicité d'utilisation des divers engins de pêche et la durée maximum d'occupation des zones de pêche dans le secteur.

TITRE QUATRIEME

DE LA REPRESSION DES INFRACTIONS

ARTICLE 14.- Toute infraction à la présente convention sera punie conformément à la loi en vigueur./.-

 POUR COPIE CERTIFIEE CONFORME,
 Mopti, le 15 juillet 1980
LE CHEF DE L'INSPECTION FORESTIERE
  
 Mahamadou KONATE
Ingénieur des Eaux et Forêts.-



PRESIDENCE DU GOUVERNEMENTREPUBLIQUE DU MALI
 Un Peuple - Un But - Une Foi
SECRETARIAT GENERAL DU
GOUVERNEMENT
 
 
 D E C R E T  No35/PG-RM
 Portant réglementation de la
pêche en République du Mali.
 

LE PRESIDENT DU GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DU MALI,

VU la Constitution de la République du Mali du 2 juin 1974;
VU l'Ordonnance No22/CMLN portant institution des Opérations de développement rural;
VU le Décret No33/PG-RM du 25 mars 1972 fixant les modalités de fonctionnement des Opérations de développement rural;
VU le Décret No115/PG-RM du 16 septembre 1972 portant création de l'Opération Pêche;
VU la loi No63–7/AN-RM en date du 11 janvier 1963 sur la pêche en République du Mali;

STATUANT EN CONSEIL DES MINISTRES,

DECRETE

TITRE PREMIER: Des dispositions générales

SECTION I/ - DES EAUX CONTINENTALES

ARTICLE 1.- Les Eaux continentales comprennent toutes les eaux situées en deçà de la limite du continent qu'il s'agisse de fleuves, rivières, ruisseaux, zones d'inondation, lacs, mares, marigots, réserves d'eau naturelles et artificielles et que ces eaux soient douces ou saumâtres.

ARTICLE 2.- Dans le cadre du Développement de la pêche, des secteurs de pêche constituant des unités d'exploitation et de gestion pourront être délimités dans les eaux continentales.

SECTION II/ - DU DROIT DE PECHE DANS LES EAUX CONTINENTALES

ARTICLE 3.- Le droit de pêche appartient à l'Etat qui peut le concéder à titre gratuit ou onéreux à des personnes physiques et morales.

ARTICLE 4.- Sur toute l'étendue du territoire, nul ne peut pêcher s'il n'est détenteur d'un permis de pêche. Les permis de pêche sont délivrés par les Chefs d'inspections, de cantonnements ou, à défaut, par l'Autorité administrative la plus proche à partir du ler janvier de l'année en cours au 31 mars de la même année. Passé ce délai, la double taxe sera exigible.

ARTICLE 5.- Des droits d'usage sont réservés aux collectivités riveraines pour la pêche de subsistance. La limite des lieux, la périodicité d'utilisation des divers engins de pêche et la durée maximum d'occupation des lieux seront règlementées par le Gouverneur de région dans chaque Secteur de pêche après avis du Conseil de pêche.

SECTION III/ - DES CONSEILS DE PECHE

ARTICLE 6.- Le Conseil de pêche au niveau de chaque secteur comprend:

ARTICLE 7.- Le Conseil de pêche est obligatoirement consulté sur toutes les questions concernant la gestion, l'encadrement réglementaire de la pêche. Il peut suggérer toute mesure jugée nécessaire à une exploitation des eaux continentales de son secteur. Il est immédiatement saisi de tous les conflits de pêche survenant dans le secteur et intervient en conciliation.

ARTICLE 8.- La réglementation édictée pour chaque secteur devra prévoir les dispositions suivantes:

Cette réglementation sera proposée par le Chef de secteur après consultation du conseil de pêche et sera édictée par un arrêté du Gouverneur de région.

TITRE DEUXIEME: de la pratique de la pêche

SECTION I/ - DES INTERDICTIONS

ARTICLE 9.- Sont interdits:

ARTICLE 10.- Il est interdit de déverser dans les cours d'eau des matières susceptibles de nuire au poisson.

ARTICLE 11.- L'emploi de pratiques interdites en particulier l'emploi d'engins électriques pourra être autorisé dans un but de recherche strictement scientifique.

ARTICLE 12.- Il est interdit de barrer ou de clôturer pour des fins de pêche et de façon permanente les lits de fleuves ou de leurs affluents directs et d'empêcher le libre passage du poisson.

Toutefois des conventions locales définiront les conditions d'utilisation des barrages.

ARTICLE 13.- L'importation, la détention et la vente d'engins prohibés sont interdites.

SECTION II/ - L'UTILISATION DES ENGINS

ARTICLE 14.- Sont seuls autorisés les filets ou engins de pêche dont la dimension des mailles ne pourra être inférieure à 50 mm (50 mm de côté maille non étirée).

ARTICLE 15.- L'utilisation des filets spéciaux à mailles de 15 à 30 mm pourrait être autorisée pour la capture des petites espèces notamment les Alestes (tinéni). Leur utilisation sera réglementée au niveau de chaque secteur après avis du Conseil de la pêche.

ARTICLE 16.- Il est obligatoire de remettre à l'eau toute prise non utilisable n'atteignant pas les tailles acceptables.

ARTICLE 17.- Lorsque la limitation des engins apparaîtra nécessaire dans un secteur la priorité sera accordée pour le maintien de ceux qui assurent les pêches de subsistance.

ARTICLE 18.- La pratique de l'épervier comme engin de pêche fera l'objet de convention des autorités régionales.

ARTICLE 19.- Des décisions du Gouverneur de région sur proposition de la Direction des Eaux et Forêts après avis des Conseils de pêche pourront être prises en cas de nécessité pour édicter des mesures restrictives ou extensives en ce qui concerne la pratique de la pêche (époques, lieux, engins, taille des poissons).

TITRE TROISIEME: de la répression des infractions.

ARTICLE 20.- Les agents assermentés du Service des Eaux et Forêts, les Officiers de Police Judiciaire, de la Gendarmerie recherchent et constatent par procès-verbaux les infractions à la présente réglementation.

ARTICLE 21.- Les agents assermentés peuvent pénétrer dans les magasins, les boutiques pour vérifier les caractéristiques des filets, contrôler les dimensions des mailles, autorisées.

ARTICLE 22.- Les engins et le matériel ayant été utilisés pendant le délit pourront être confisqués; en cas de récidive la confiscation sera obligatoire.

ARTICLE 23.- Dans tous les cas où il y a matière à confiscation, les procèsverbaux qui constateront l'infraction comporteront la saisie desdits produits et engins.

TITRE QUATRIEME: des pénalités

ARTICLE 24.- Tout individu convaincu d'avoir pêché sans autorisation aura son engin et sa pirogue saisis jusqu'au paiement de la transaction qui peut aller de 5 000 à 100 000 francs. En cas d'échec de paiement de la transaction il est déféré devant les tribunaux et peut être condamné à une amende de 10 000 à 100 000 francs et d'un emprisonnement de 15 jours à 3 mois ou de l'une de ces deux peines seulement sans préjudice de dommages intérêts. L'intéressé pourra retirer son filet et sa pirogue à l'expiration du délai fixé par l'acte de transaction, après avoir pris un nouveau permis de pêche.

ARTICLE 25.- Tout pêcheur titulaire d'un permis de pêche et reconnu coupable d'avoir pêché dans une réserve, ou convaincu d'avoir pêché par les moyens interdits ou convaincu d'avoir jeté sur la berge des prises non utilisables aura sa pirogue et son filet saisis de 6 à 12 mois et condamné à une amende de 20 000 à 200 000 francs et d'un emprisonnement de 3 à 6 mois ou de l'une de ces deux peines seulement sans préjudice de dommages intérêts. L'intéressé pourra retirer son matériel à l'expiration du délai fixé par l'acte de transaction après avoir pris un nouveau permis de pêche.

ARTICLE 26.- En cas de récidive, le retrait du permis de pêche, la confiscation du matériel de pêche ayant servi à commettre le délit sera obligatoire. Il y a récidive lorsque dans les 12 mois qui suivent le jour où le délit a été commis, il a été prononcé contre le délinquant ou contrevenant une condamnation définitive pour le délit ou contrevention en matière de pêche.

TITRE CINQUIEME: du recouvrement des amendes

ARTICLE 27.- Le service du Trésor est chargé de poursuivre et d'opérer le recouvrement des transactions.

ARTICLE 28.- Les remises accordées aux agents sur les produits des transactions, confiscations, dommages intérêts sont réglées suivant les termes de l'ordonnance No51/CMLN du 4 décembre 1972 portant fixation du taux des remises en matière de transactions forestières.

TITRE SIXIEME

ARTICLE 29.- La présente réglementation entrera en vigueur à compter de la date de sa signature.

ARTICLE 30.- Toutes les dispositions antérieures à la présente réglementation sont abrogées./.-

LE MINISTRE DE LA PRODUCTION, KOULOUBA, le 14 mars 1975
LE PRESIDENT DU GOUVERNEMENT,
 
   
SIDY COULIBALY.- Colonel Moussa TRAORE.-
   
AMPLIATIONS:  
   
Original et JO-RM2 
Prés. du Gvt5 
CMLN5 
Ts. Départements Minist15 
MF. (Dtions Nles)10 
SGG10 
IGAAEF6 
Gouverneurs de Régions6 
Dtion Gle Inf5 
Assemblée Nle2 
TRESOR et C/F4 
Cour Suprême5 
  POUR COPIE CERTIFIEE CONFORME,
MOPTI, le 27 avril 1975
LE DIRECTEUR DE L'OPERATION PECHE
  
  
  A. KONARE

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