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3. MODELES DE RENDEMENT POUR LES LACS ET LES RESERVOIRS

3.1 Modèles de rendement existants

Pendant les 50 et 60, des équations de régression linéaire rapportant les facteurs morphométriques et édaphiques aux rendements en poisson dans les lacs et réservoirs tempérés ont été établies. On a montré que, dans les lacs canadiens, il existe une relation inverse entre la production de poisson et la profondeur moyenne (Rawson, 1952), la composition chimique de l'eau (Moyle, 1956) et des indices physiques et chimiques (Northcote et Ryder, 1965). Ryder (1965) a combiné ces indices de façon à obtenir un indice morpho-édaphique (IME) (total des solides dissous divisé par la profondeur moyenne) pour 23 lacs tempérés.

Pendant les années 70 et au début des années 80, ces modèles ont été appliqués à un certain nombre d'eaux intérieures africaines. Une relation a été établie entre I'IME et les rendements de lacs et réservoirs tropicaux africains (Henderson et Welcomme, 1974) et du système du lac Bangweulu (Toews et Griffith, 1979). Une étude sur I'IME a été effectuée par Schlesinger et Regier (1982). Les rendements en poisson des réservoirs ont été séparément rapportés à I'IME par Bernacsek et Lopes (1984) et par Marshall (1984). Une revue des modèles de prévision des rendements en poisson des réservoirs a été faite par Marshall (1984). Youngs et Heimbuch (1982) ont montré que la superficie est un indicateur très important pour la prévision des captures. Leur modèle rapportant la capture à la superficie a été appliqué pour la première fois par Marshall (1984) à 17 lacs et réservoirs africains. D'autres facteurs tels que la production primaire (Melack, 1976; Oglesby, 1977) et la charge totale en phosphore (Hanson et Legget, 1982) pourraient être d'utiles indicateurs du rendement en poisson, mais on ne possède d'informations à ce sujet que pour un nombre très limité d'eaux africaines.

Récemment, il est apparu que le phosphore total et l'azote organique total sont de bons indicateurs de la biomasse relative de poisson (c.p.u.e estimée sur la base des captures au filet maillant) dans les lacs et réservoirs d'Argentine (Quiros, 1990).

Le tableau 1 donne la liste des principaux modèles mis au point jusqu'à maintenant pour la prévision du rendement des lacs et réservoirs africains. L'analyse des séries de données utilisées pour les établir a montré que des données pour les lacs et réservoirs sélectionnés par Henderson et Welcomme (1974) sont utilisées dans la majorité des modèles élaborés ultérieurement. Dans certains modèles, les chiffres concernant les captures ont été actualisés en utilisant des données publiées après 1974. Le tableau 2 donne une liste de tous les lacs et réservoirs utilisés dans les différents modèles. Il indique également dans quels cas les chiffres concernant les captures ont été actualisés et ne sont plus ceux donnés par Henderson et Welcomme (1974). Melack (1976) a utilisé la capture moyenne pour son modèle, tandis que Bernacsek et Lopes (1984) ont utilisé à la fois pour les leurs la capture maximum et la capture moyenne. Les autres modèles ont été basés sur des chiffres donnés par Henderson et Welcomme (1974) qui concernent la capture pendant une unique année.

3.2 Méthodes

3.2.1 Etablissement de modèles de rendement.

L'utilisation de ratios dans les modèles prévisionnels est courante en sciences biologiques et, plus particulièrement, en sciences aquatiques et halieutiques. Les ratios facilitent souvent l'interprétation, car ils simplifient les corrélations et permettent même de rendre linéaires des relations curvilignes entre des variables. Ils ont néanmoins de nombreuses propriétés statistiques qui compromettent leur utilisation. Celle-ci, spécifiquement celle de la profondeur moyenne et de l'indice morpho-édaphique pour la prévision de la biomasse, du rendement ou de la production, a été critiquée par Jackson et coll. (1990). Les résultats statistiques obtenus sur la base de ces ratios ont tendance à présenter des auto-corrélations erronées contribuant à une exagération des corrélations et à une interprétation incorrecte. Le critère le plus important à observer pour une variable utilisée en analyse statistique est qu'elle devrait être exprimée dans les unités dans lesquelles elle a été mesurée à l'origine. Par conséquent, on s'est abstenu d'actualiser des modèles basés sur des ratios aux fins du présent rapport.

La présente étude a été axée sur des modèles rapportant la capture totale aux caractéristiques morphométriques et édaphiques, à l'effort de pêche et aux différences de climat.

Les caractéristiques qui sont connues pour la majorité des lacs et réservoirs se prêtent particulièrement à l'incorporation dans les modèles. On a donc renoncé à utiliser un certain nombre de facteurs qui conditionnent les rendements en poisson (par exemple phosphore total, azote total, productivité primaire et chlorophylle a), mais qui ne sont connus que pour un nombre limité de masses d'eau.

Le facteur morphométrique le plus fréquemment disponible est la superficie, bien que celle-ci ne soit pas donnée pour 140 des 595 lacs et réservoirs africains considérés au total dans le SIFRA. Un autre facteur généralement utilisable dans le cas des réservoirs est le volume, qui combine des informations sur la superficie et sur la profondeur moyenne, mais qui n'est pas connu pour la plupart des lacs. La conductivité est le seul facteur édaphique qui soit connu ou facile à obtenir pour la plupart des eaux. Le nombre total de pêcheurs est la donnée sur l'effort de pêche la plus communément fournie dans le SIFRA. La latitude et l'altitude ont été utilisées comme indices du climat.

Des analyses des données ont été effectuées par corrélation simple et partielle, ainsi que des analyses de régression simple et de régression multiple par paliers successifs (Weisberg, 1980). Le concept morpho-édaphique a été testé en incluant en outre la conductivité dans la régression capture totale/superficie, car la représentation ainsi obtenue devrait être plus valable que les modèles existants fondés sur le rendement (en kg/ha) et l'IME.

La régression rendement des pêcheurs par unité de superficie (Bayley, 1988) a été testée en utilisant une relation quadratique entre la capture totale et le nombre total de pêcheurs basée sur les modèles capture/effort de Schaefer (1954) et de Fox (1970).

3.2.2 Sélection et analyse des données

A partir de DIFRA, on a sélectionné 46 lacs et 25 réservoirs, tous modérément à intensément pêchés, pour actualiser les modèles de rendement.

D'autres lacs et réservoirs ont été exclus pour les raisons suivantes:

Les informations ci-après sont données pour les masses d'eau sélectionnées (Tableau 3):

3.3 Résultats

Les corrélations de Pearson ont été calculées pour toutes les caractéristiques (non transformées, loge-transformées) des séries de données sur des lacs et des réservoirs reproduites au Tableau 3. Trois variables ont présenté une étroite corrélation avec la capture totale: la superficie, le volume et le nombre de pêcheurs.

La série de données concernant les 71 lacs et réservoirs (Série de données 1) et les séries de données concernant séparément les lacs et les réservoirs (Séries de données 1A et 1B) ont fait apparaître les corrélations ci-après entre la superficie et la capture:

Capture = 8,32 Superficie0,92 (R2 = 0,93) 71 lacs et réservoirs africains
Capture = 8,93 Superficie0,92 (R2 = 0,92) 46 lacs africains
Capture = 7,09 Superficie0,94 (R2 = 0,94) 25 réservoirs africains

La figure 1 représente graphiquement la capture totale en fonction de la superficie pour la série combinée de données, ainsi que pour ce qui concerne les lacs Victoria, Tanganyika, Malawi et Tchad. Le Tableau 5 indique les limites de confiance pour un certain nombre de rendements prédits par le modèle. Les courbes de régression pour les trois séries de données sont très analogues. La comparaison des équations pour différentes sous-séries (sur la base de la superficie) de la Série de données 1 (voir Tableau 4) a clairement montré que la sélection effectuée de lacs et réservoirs déterminait dans une très large mesure la pente et l'écart Y des courbes de régression (Figure 2, Tableau 4).

Etant donné que le volume et le nombre total de pêcheurs présentaient une étroite corrélation avec la superficie, ils n'ont pas pu être utilisés en même temps que celle-ci dans une régression multiple.

L'adjonction de la conductivité, de la latitude et de l'altitude en tant que deuxième variable indépendante immédiatement après la superficie dans une analyse de régression multiple n'a pas entraîné de réduction notable de la variance. Le volume a expliqué 82 pour cent de la variance des captures, mais, semble-t-il, il n'a pas permis de faire une bonne prévision de la capture totale, car le modèle surestimait les rendements dans les lacs profonds et les sous-estimait dans les lacs peu profonds.

Des relations linéaires entre la capture et le nombre de pêcheurs pour la série combinée de données et pour les lacs et réservoirs séparément sont données au Tableau 4. La figure 3 représente graphiquement la capture totale en fonction du nombre de pêcheurs pour la série combinée de données. Le tableau 5 indique les limites de confiance pour un certain nombre de rendements prédits par ce modèle.

Une relation quadratique entre la capture totale et le nombre de pêcheurs basée sur les modèles capture/effort de Schaefer (1954) et de Fox (1970) n'a pas permis d'obtenir un modèle fiable.

3.4 Discussion

On peut s'attendre à ce qu'il y ait des erreurs importantes dans les données sur les captures et sur l'effort de pêche dans les lacs et réservoirs qui sont utilisées pour élaborer les modèles. Les chiffres des captures pour la moitié de la série de données sont fondés sur une unique année et, dans de nombreux pays, les systèmes de collecte de données sur les captures et sur l'effort de pêche ont fonctionné de manière inadéquate au cours des deux dernières décennies. Pour certains lacs ayant de vastes zones adjacentes de marécages (par exemple en Ouganda) la production de poisson dans la zone d'eau libre n'a pas pu être séparée de la production dans la zone marécageuse, ce qui a probablement eu pour résultat une surestimation de la capture totale. Les données sur l'effort de pêche sont peu nombreuses et ne correspondent pas toujours à la la même période à laquelle sont applicables les données sur les captures.

Le modèle capture/superficie a expliqué dans une large mesure la variance de la capture résultant en partie de la largeur de l'intervalle dans lequel se déplace la variable indépendante. Etant donné que les limites de confiance sont larges, la fiabilité des rendements prédits est limitée. Le modèle devrait donc être utilisé avec prudence et les résultats interprétés avec soin, spécialement pour ce qui est des estimations du rendement potentiel de masses d'eaux individuelles. Le modèle indique un rendement moyen de 60 kg/ha pour les lacs et réservoirs africains, la fourchette allant de 40 kg/ha pour ceux les grands plans d'eau à 80 kg/ha pour les plus petits. Il n'a pas été possible de mettre au point un modèle moins sujet à caution fondé sur le concept morphoédaphique, dans lequel la conductivité serait ajoutée au modèle capture/superficie.

Il y a évidemment une corrélation entre la capture totale et le nombre total de pêcheurs. Les coefficients loge (nombre de pêcheurs) sont pratiquement de 1 dans les trois cas, ce qui signifie que la capture est proportionnelle au nombre de pêcheurs à la puissance un et que le coefficient constant est simplement le loge de la capture moyenne par pêcheur. La capture moyenne par pêcheur est de 2,3 tonnes/an pour la série combinée ainsi que pour les lacs, et de 2 tonnes par an pour les réservoirs.


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