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3. REGIME DE PROPRIETE ET DE GESTION DES PECHES SPORTIVES EN EUROPE

En Europe, la gestion de la pêche sportive est d'ordinaire assurée par le Ministère de l'agriculture, mais quelquefois en partie par le Ministère des pêches également comme au Danemark, en Irlande, en Norvège 1 et en Suède. Dans certains pays, l'administration des pêches est historiquement rattachée de celle des eaux, de la chasse et des forêts (France, Espagne, Italie). En France, cette association remonte au treizième siècle, époque à laquelle le Maître des eaux et forêts devait approvisionner en poisson frais la table du roi. Biologiquement, il existe un lien étroit entre faune aquatique et faune terrestre, particulièrement du point de vue de l'aménagement des ressources naturelles. Leur aménagement n'est pas sans rapport avec celui des forêts et des parcs nationaux, avec la maîtrise de l'eau (irrigation, drainage, lutte contre les inondations) et avec d'autres problèmes généraux d'aménagement du territoire.

1 Cette responsabilité incombe au nouveau Ministère de l'environnement depuis janvier 1973.

3.1 Régime de propriété, droit de pêche, permis de pêche

Le dispositif institué dans chaque pays pour l'administration de la pêche sportive varie selon les normes applicables en matière de propriété des eaux, droit de pêche et permis de pêche. Ces normes elles-mêmes diffèrent d'un pays à l'autre et souvent dans un même pays.

A la différence des pêches maritimes internationales, les pêches intérieures sont d'ordinaire contrôlées par un seul gouvernement, et, par conséquent, ne devraient pas donner lieu à autant de controverses ou d'interventions publiques. Il n'en est cependant pas toujours ainsi, car les droits héréditaires, les titres de propriété, les méthodes de définition des limites de pêche, la distinction entre droit de pêche et droit de propriété foncière, etc., suscitent en réalité force complications administratives et juridiques (Gaudet, 1968).

En Europe occidentale, le droit de pêche en eaux intérieures appartient en général aux propriétaires riverains - Etat, province, municipalité, association ou particulier. Soit dit en passant, le droit romain précisait que le poisson vivant dans des eaux privées appartenait au propriétaire de celles-ci. Les braconniers pouvaient être poursuivis à deux chefs: violation de propriété et vol.

En Finlande, le groupe primaire des propriétaires est le village et chaque agriculteur ou propriétaire foncier possède une part des eaux qui constituent la propriété collective et jouit d'un droit de pêche proportionnel à la superficie de son exploitation. Dans ce pays, toutefois, les eaux en propriété collective peuvent être divisées entre les agriculteurs selon la part qu'ils possèdent. On imagine sans peine les controverses qu'un tel système peut susciter entre propriétaires terriens et industriels lorsqu'il s'agit d'érigor un barrage ou de lutter contre la pollution des eaux.

Au Danemark et aux Pays-Bas, le droit de pêche est inséparable du droit de propriété foncière. En Angleterre et au Pays de Galles, dans les eaux non soumises à marées, le droit de pêche est réputé appartenir au propriétaire du sol recouvert par les eaux, mais ce dernier peut vendre ou louer ce droit tout en conservant la propriété de la terre. En Finlande, le Gouvernement, sans tenir compte de la propriété effective, exerce un monopole sur la pêche du saumon et de la truite dans les cours d'eau qui se déversent dans le golfe de Botnie. En outre, tout citoyen peut pêcher aux appâts naturels sur le territoire de sa commune sans avoir besoin de permis ou d'autorisation du propriétaire. Dans les grands lacs (plus de 8 km de diamètre) comme dans les eaux côtières ouvertes sur le large, le droit riverain du village s'étend sur une bande de 500 m à partir de l'isobathe des 2 m. Toutefois, le propriétaire de la terre peut vendre ou louer son droit de pêche indépendamment de son droit de propriété foncière.

En Irlande, en Angleterre et au Pays de Galles, la pêche est ouverte à tous dans les eaux soumises à marées mais, dans ce cas encore, il existe des exceptions constituées par des droits historiques ou immémoriaux.

En Ecosse, les pêches de saumon, de truite et de tous autres poissons d'eau douce sont soumises à un régime de propriété privée et il n'existe pas de pêches domaniales de ces poissons, même si la terre est propriété de la Couronne. Le propriétaire d'eaux à saumon ne jouit d'aucun droit sur les poissons jusqu'à leur capture, mais il a le droit exclusif de les capturer dans les limites de sa pêche. Selon la loi, toutefois, les pêches de saumon et de truite de mer des îles Orkney et Shetland appartiennent au propriétaire de la terre, comme dans le cas des pêches de poissons d'eau douce communs.

En France, nul ne peut pêcher sans l'autorisation du propriétaire du droit de pêche, que ce dernier soit un particulier ou un organisme officiel. Toutefois, pour favoriser la pêche sportive, l'Etat a pris des mesures exceptionnelles qui permettent à tout titulaire d'un permis de pêcher dans toutes les eaux domaniales, qui représentent 17 000 km de canaux et de cours d'eau et 72 000 hectares de lacs et retenues.

Le droit de pêche en eaux domaniales est normalement mis aux enchères publiques en Turquie, tandis qu'en France, il est cédé à bail pour cinq ans.

En Israël, les pêches sont en propriété collective dans les kibboutzim, tandis que les pêches dans les autres eaux intérieures appartiennent à l'Etat. En Pologne, un droit de pêche commerciale peut être octroyé à toute personne physique ou morale dûment qualifiée. Le droit de pratiquer la pêche sportive peut être accordé sous la double condition d'appartenir à une société de pêche et de prendre un permis.

On est très mal renseigné sur les systèmes de permis appliqués dans les divers pays européens. D'après ce que l'on sait, la délivrance de permis semble répondre à deux préoccupations: d'une part, réglementer l'intensité de la pêche; d'autre part, fournir certaines recettes destinées à l'amélioration des pêches en général.

Pour financer les services de protection en Irlande, les Bureaux de conservation peuvent imposer une taxe sur toutes les eaux de pêche transmissibles par héritage. En outre, ils se procurent des recettes grâce aux redevances sur les permis, qui sont statutairement fixées à un taux uniforme pour l'ensemble du pays, et à des subventions du Fonds de conservation des salmonidés, qui est alimenté par un prélèvement sur les ventes de saumon et une redevance sur les permis de pêche du saumon à la ligne.

En France, l'affiliation à une société agréée de pêche ou de pisciculture et le versement d'une taxe piscicole annuelle sont obligatoires. Les recettes de la taxe servent à l'amélioration des lacs et cours d'eau.

En Pologne également, le permis est obligatoire pour certains types de pêche déterminés, ainsi que l'affiliation à l'Association polonaise des pêcheurs à la ligne. La pêche dans les eaux des établissements publics de pisciculture est subordonnée à l'autorisation du directeur de l'établissement.

En Ecosse, tant la pêche sportive que la pêche commerciale se pratiquent sans permis. Il en va de même au Danemark, où quiconque peut se livrer à l'une ou à l'autre pêche à la seule condition de verser une redevance au propriétaire des eaux.

Le permis n'est pas exigé en Irlande pour la pêche de la truite commune à la ligne.

3.2 Autorités fluviales, conseils et fondations

Au Royaume-Uni, le contröle et la mise en valeur des pêches incombe à 27 autorités fluviales et 2 services de conservation des eaux, qui assurent la défense contre la pollution et l'aménagement des pêches. Chaque autorité possède un département des pêches, comprenant un administrateur et un certain nombre de gardes-pêche. Ce personnel fait respecter une réglementation proposée par l'autorité et confirmée par le Ministre de l'agriculture, des pêches et de l'alimentation. Les particuliers propriétaires de pêches emploient également des gardes-pêche pour la surveillance de leurs eaux. Les divers organismes précités sont en train d'être regroupés en 10 autorités régionales des eaux, mais on ne sait pas encore dans quel cadre s'exercera le contrôle des pêches.

Il existe en Irlande, en Norvège, en Suède et en Ecosse des services qui remplissent des fonctions analogues. En Norvège, les conseils des pêches intérieures créés dans chacune des 450 communautés que compte le pays coopèrent à la surveillance et à l'amélioration des pêches intérieures avec les conseils de district s'occupant de la pêche aux salmonidés. En Suède, la plupart des fonctions d'administration sont confiées à des conseils qui jouissent d'une latitude considérable vis-à-vis du département de l'agriculture. Au Danemark, l'administration des pêches à une orientation commerciale et la législation pertinente insiste sur l'exploitation commerciale des eaux intérieures.

Outre les autorités et conseils fluviaux, l'aménagement des pêches sportives en Europe est facilité par toute une gamme de fondations, commissions, conseils supérieurs de la pêche. Ces organes sont soit privés, soit subventionnés partiellement ou intégralement par le gouvernement. En Belgique, le Ministère de l'agriculture administre un fonds piscicole, en collaboration avec les représentants des pêcheurs des diverses provinces. Ce fonds reçoit 55 pour cent des recettes provenant des permis de pêche. En Espagne, la responsabilité incombe en dernier ressort à l'Institut national pour la conservation de la nature (ICONA) du Ministère de l'agriculture, qui comprend deux sous-divisions de la pêche sportive.

En Irlande du Nord, le Ministère de l'agriculture est chargé d'assurer la surveillance et la protection des pêches et de favoriser la création et l'amélioration de zones de pêche. Deux organes statutaires s'occupent de la conservation, de la protection et de l'amélioration des pêches de saumon et des pêches intérieures - le Foyle Fisheries Commission (créée conjointement par les Gouvernements de l'Irlande du Nord et de la République d'Irlande), pour la région de Londonderry, et le Fisheries Conservancy Board d'Irlande du Nord, pour le reste du pays. Le Ministère de l'agriculture a acheté ou loué les droits de pêche dans certaines eaux et plus de 40 lacs et biefs sont actuellement ouverts aux pêcheurs. Ces eaux sont repeuplées d'alevins provenant de la pisciculture du Ministère et l'on procède à des travaux d'aménagement des berges (postes de pêche, passages, ponts, sentiers, faucardage du lit et débroussaillage des rives). La population locale et les touristes peuvent ainsi pratiquer une pêche très satisfaisante, très variée et à très bon marché. L'aménagement est facilité par un laboratoire de recherches moderne. Etant donné que l'intensité de la pêche était faible jusqu'ici, particulièrement celle du poisson blanc, l'aménagement des pêches en Irlande du Nord ne reposait pas sur une tradition bien établie. Toutefois, l'expérience en ce domaine s'accroît à mesure que le Ministère ouvre eaux pêcheurs des eaux naguère inaccessibles et coopère activement avec les clubs de pêche désireux de mettre leurs eaux en valeur. Pour stimuler l'intérét à l'égard du poisson blanc, on organise des cours de formation et des concours scolaires de pêche et il est prévu d'intensifier cet effort.

En Suède, il existe des cours destinés aux différentes catégories de propriétaires d'eaux de pêche, car ce sont eux qui ont à gérer l'exploitation de leurs propres eaux. L'aménagement des retenues et la réglementation de la production hydro-électrique font actuellement l'objet d'importantes études. Divers départements s'occupent de la planification au niveau national. Les activités de loisir en constituent un aspect important et les pêches jouent à cet égard un rôle considérable.

En Finlande, la pêche sportive ne relève pas d'une administration nationale centralisée. Le Département de la pêche et de la chasse, le Ministère de l'agriculture et des foréts et le Conseil national des eaux s'emploient conjointement à planifier de manière rationnelle le développement de cette pêche. Suivant la loi sur la pêche, la gestion des eaux en propriété commune doit être organisée par l'assemblée des propriétaires. Cette assemblée définit l'étendue du droit de pêche correspondant à la part des différents propriétaires. Ces derniers sont également responsables de la conservation et de l'aménagement de la zone. Le coût de l'aménagement est couvert en partie par les redevances perçues au titre de la conservation des pêches. L'Etat est propriétaire unique ou co-propriétaire d'eaux couvrant plus de 560 000 hectares, qui sont administrées par le Conseil national des forêts.

Dans les Etats de type fédératif, comme la République fédérale d'Allemagne, la Suisse et l'Autriche, l'aménagement de la pêche sportive est totalement décentralisé. Ceci rend plus difficile la collecte de statistiques normalisées et semble provoquer certains chevauchements d'efforts.

3.3 Sociétés de pêche

Les sociétés de pêche sont un moyen courant et efficace d'aider les services gouvernementaux et organismes divers à administrer la pêche sportive en Europe. En Pologne et en France, l'affiliation est obligatoire et il semble qu'elle simplifie considérablement les tâches d'administration. Dans d'autres pays, l'affiliation aux sociétés volontaires de pêche est plutöt décevante. En Finlande par exemple, moins de 10 pour cent des pêcheurs sont ainsi affiliés, contre près de 20 pour cent en Belgique. Certaines de ces sociétés sont publiques, mais la plupart sont privées ou semi-privées. Dans ces deux derniers cas, elles reçoivent parfois une aide financière de l'Etat. Une de leurs tâches ordinaires est d'aider au repeuplement des eaux destinées à la pêche sportive.

La Société polonaise des pêcheurs à la ligne, avec ses quelque 400 000 adhérents, est une véritable force. Elle est issue de la Société nationale de la pêche, fondée à Cracovie en 1879, époque où les torrents de montagne furent attribués aux pêcheurs à la ligne et les cours d'eau de plaine aux pêcheurs professionnels, mais la Société aide à aplanir ces difficultés. Elle emploie divers spécialistes, biologistes des pêches et pêcheurs. Elle a organisé un ambitieux programme de repeuplement, d'aménagement et, avec la coopération d'ORBIS (l'Office national du tourisme), de création d'une infrastructure pour l'accueil des touristes étrangers. Son service statistique semble extrêmement efficace et il a exécuté diverses études sur les problèmes d'aménagement dans le pays (Paladino, 1965; Dabrowski et Walus, 1965). Elle élève également des poissons pour le repeuplement d'eaux domaniales prises à bail et elle effectue des pêches sélectives dans les eaux en question. Elle possède de nombreux étangs de pisciculture et quelques centres d'alevinage.

Il existe en Yougoslavie 493 sociétés de pêche sportive et 41 clubs, qui ont été regroupés en huit fédérations suivant la structure politique du pays et qui sont entièrement responsables de l'aménagement de leurs propres eaux. Ces organismes sont regroupés ultérieurement dans le cadre d'une Union générale des fédérations de pêche sportive.

En Roumanie, les associations départementales sont groupées sous l'autorité de l'Association générale de la chasse et de la pêche sportive, qui a son siège à Bucarest. Tout comme en Pologne, cet organisme adminstre les activités intéressant la pêche sportive à l'échelon national.

Il vaut la peine de s'attarder quelque peu sur le système espagnol des “cotos” (Elegido, 1963). Littéralement, “coto” veut dire “refuge”, mais, dans le contexte de la gestion des pêches en Amérique (Gottschalk, 1970), une traduction plus satisfaisante serait “bief aménagé”. En 1971, il existait en Espagne 523 “cotos”, dont 66 pour le saumon, 322 pour la truite, 18 pour l'écrevisse, 50 pour la truite et l'écrevisse, et 67 pour espèces diverses. Le programme d'aménagement de la pêche porte sur le repeuplement, les inventaires de population et le recensement soigneux des prises auprès des pêcheurs. Quant aux cours d'eau eux-mêmes, l'effort principal consiste à en améliorer l'accessibilité. La volonté de rendre la pêche plus agréable est peut-être le mieux attestée par la construction d'abris et de quais à l'usage des pêcheurs. Ces abris sont correctement construits et les gardes-pêche semblent rivaliser pour le titre de champion jardinier paysagiste. Les activités de pêche en rivièrs sont considérablement facilitées du fait que les cours d'eau sont propriété domaniale, y compris les berges sur une bande de trois mètres au-delà de la limite supérieure des crues. Le monopole de l'Etat en matière de contrôle a été institué dès les premiers stades du programme d'aménagement. Les gardes-pêche enregistrent minutieusement les quantités capturées dans les diverses eaux, les mouvements du poisson, la taille et le poids des prises, ainsi que les appâts utilisés. Le coût du permis varie selon la résidence du pêcheur, les eaux dans lesquelles il pêche et la catégorie d'association à laquelle il est affilié.

Les adhérents d'une société de pêche ont droit de pêcher dans des eaux réservées et bénéficient de manière générale d'un traitement spécial. Les résidents locaux qui pêchent dans un bief réservé dans un “coto” où les permis sont délivrés sans restriction, ne paie que 50 pesetas environ (soit 72 cents des Etats-Unis). Dans un “coto” où le nombre des permis octroyés est limité, le tarif est environ le double. Le permis coûte sensiblement plus cher pour les non-adhérents à une société.

Sur le plan international, un organisme fait preuve d'une activité particulière en Europe, à savoir la Confédération internationale de la pêche sportive (CIPS), qui compte 23 Etats Membres, tous européens, à l'exception de l'Afrique du Sud. Elle a pour objet principal de promouvoir la pêche sportive au niveau international. D'après ses statuts, qui ont été révisés en 1971, des fédération internationales comme la Fédération internationale de la pêche au coup, la Fédération de la pêche en mer et la Fédération internationale de lancer peuvent opérer dans le cadre de la CIPS tout en conservant leurs propres statuts. La Confédération a créé des comités permanents chargés du tourisme, des relations publiques, de la jeunesse et de la protection des eaux. Bien que ne s'étant guère occupée d'évaluer l'importance de la pêche sportive, elle constitue un dispositif capable au moins d'encourager vigoureusement les études à cette fin sur le plan national, grâce au réseau de sociétés de pêche existant. La CECPI collabore étroitement avec la CIPS.


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