Global Forum on Food Security and Nutrition (FSN Forum)

Mr. Tom Ignacchiti

Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires (Chaire DDSA)
Canada

La Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires

La Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires (Chaire DDSA) de l’Université Laval a pour mission d’effectuer une analyse critique des instruments juridiques nationaux et internationaux existants au regard de l’objectif de protéger et de mettre en valeur la diversité agricole et alimentaire pour une meilleure sécurité alimentaire mondiale durable. La Chaire DDSA offre un espace pour réfléchir en continu et avec les différents protagonistes du milieu à l’élaboration d’un droit de l’agroalimentaire plus cohérent face à cet objectif.

Repenser le cadre juridique international pour protéger et mettre en valeur la diversité agricole et alimentaire

Pour (ré)intégrer la biodiversité dans l’agriculture et dans l’alimentation, assurer sa conservation et son utilisation durable, il est indispensable de repenser le cadre juridique international afin qu’il soit plus cohérent et apte à protéger et à mettre en valeur la diversité agricole et alimentaire. Le droit international interagit avec les droits nationaux et la mise en place d’un cadre juridique favorable au niveau international renforcerait la capacité des États à agir de manière efficace dans ce domaine.

Une proposition de Convention internationale sur la diversité et la durabilité agricoles et alimentaires

À cette heure, il n’existe pas de traité international général et universel relatif à la sécurité alimentaire, et le droit international sur ces enjeux est fragmenté et lacunaire. Face à ce constat, la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires (Chaire DDSA) de l’Université Laval a rédigé la Proposition de Convention internationale sur la diversité et la durabilité agricoles et alimentaires, dans le but d’orienter et de coordonner les actions des États en matière de sécurité alimentaire.

Cette proposition de Convention vise à promouvoir au niveau international la protection et la mise en valeur de la diversité agricole et alimentaire dans l’objectif d’atteindre la sécurité alimentaire durable et d’améliorer la nutrition. Par ailleurs, l’un de ses objectifs est de mettre en valeur les liens entre la diversité agricole et alimentaire et la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture.

La proposition de Convention repose sur la notion de diversité agricole et alimentaire qui renvoie à la diversité des écosystèmes et des activités, savoirs, expressions et produits issus des groupes, des communautés et des sociétés en lien avec l’agriculture et l’alimentation. Cette notion englobe la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture, ainsi que les savoirs relatifs à cette biodiversité, y compris traditionnels, locaux et autochtones.

Conçue selon le modèle des traités internationaux, cette proposition de Convention vise à créer une dynamique politique et législative à tous les niveaux pour protéger et mettre en valeur la diversité agricole et alimentaire. Cela inclut notamment l’adoption de mesures visant à une intégration accrue de la biodiversité pour l'agriculture et l'alimentation dans les secteurs agricole et alimentaire. Par ailleurs, cette proposition reconnaîtrait l'importance des différents acteurs des systèmes alimentaires, en particulier des agriculteurs, dans la protection et la mise en valeur de la diversité agricole et alimentaire.

Cette proposition de Convention est étroitement liée à l'atteinte de la cible 14 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, qui vise à intégrer la biodiversité dans les politiques et instruments nationaux et internationaux, dans le secteur agricole et alimentaire. Cette proposition contribuerait également à d’autres cibles, telles que la cible 10 (gestion durable des zones consacrées à l'agriculture, à l'aquaculture, à la pêche et à la foresterie), la cible 16 (promotion de choix de consommation durables et réduction du gaspillage alimentaire de moitié) ou encore la cible 18 (réduction des incitations néfastes d'au moins 500 milliards de dollars par an). La proposition de Convention renforcerait la mise en œuvre de politiques et d’instruments à tous les niveaux pour favoriser la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité dans le secteur agricole et alimentaire, conformément à la troisième section de la feuille de route technique.

Intégrer, conserver, utiliser durablement et mettre en valeur la biodiversité agricole et alimentaire

La biodiversité agricole et alimentaire est directement ou indirectement abordée en filigrane dans plusieurs articles de la proposition de Convention. On retrouve des dispositions en matière de systèmes alimentaires durables et équitables (art. 8), d’alimentation saine et durable (art. 9), de développement agricole et rural durable, ou encore de ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture (art. 19) qui demandent aux États d’agir en faveur de la biodiversité agricole et alimentaire.

Par exemple l’article sur les ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture prévoit que les États prennent des mesures afin d’assurer "la conservation, l’utilisation durable et la mise en valeur des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, telles que les variétés végétales locales et espèces sauvages apparentées à des plantes cultivées, les variétés végétales développées par les agriculteurs et les espèces primitives, les races locales d’animaux d’élevage ou domestiqués, les espèces aquatiques et les espèces forestières". De même, cet article dispose que les États adoptent des mesures pour renforcer l’accès et l’utilisation accrus des variétés végétales et races animales autochtones, ainsi que des espèces négligées, sous-utilisées et adaptées aux conditions locales, et pour soutenir les systèmes de production agricole diversifiés présentant un intérêt pour la conservation, l’utilisation durable et la mise en valeur des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

Reconnaitre, promouvoir, protéger et mettre en œuvre les droits des agriculteurs, éleveurs, pasteurs et pêcheurs

Mais surtout la proposition de Convention tient compte du rôle des agriculteurs, éleveurs, pasteurs et pêcheurs comme acteurs indispensables dans l’intégration de la biodiversité dans l’agriculture et l’alimentation. Elle comporte une partie dédiée aux droits de ces groupes spécifiques (partie III) pour assurer et maintenir une production agricole et alimentaire diversifiée, durable et adaptée aux conditions locales.

La troisième partie de la proposition de Convention va au-delà des droits des agriculteurs reconnus à l’article 9 du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, adopté en 2001 par les États, en renforçant les droits des agriculteurs et en accordant également des droits aux éleveurs, pasteurs et pêcheurs. Contrairement à ce traité, dont le champ d’application est limité aux ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture de même que les droits qui y sont reconnus, les droits reconnus dans la proposition de Convention sont plus étendus, car ils sont liés à la diversité agricole et alimentaire, comprenant ainsi la biodiversité agricole et alimentaire et les ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture.

La proposition de Convention reconnait ainsi le rôle crucial des contributions des agriculteurs, éleveurs, pasteurs et pêcheurs dans la protection la mise en valeur de la diversité agricole et alimentaire. Afin d’assurer et de maintenir une production agricole et alimentaire diversifiée et adaptée aux conditions locales, la proposition de Convention reconnait et accorde des droits spécifiques à ces groupes, certains étant directement liés à la conservation, à l’utilisation, à l’intégration et à la mise en valeur de biodiversité agricole et alimentaire, par exemple :

  • le droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences de ferme et d’autres matériels de multiplication, ainsi que leurs matériels génétiques d’origine animale ;
  • le droit d’utiliser leurs propres semences ou matériels de multiplication et le droit de décider des variétés végétales et des espèces de plantes qu’ils souhaitent cultiver, ainsi que des races d’animaux d’élevage qu’ils souhaitent élever ;
  • le droit à la protection et à la mise en valeur de leurs savoirs traditionnels et locaux relatifs à l’agriculture, à l’élevage et au pastoralisme, et le droit de les utiliser ;
  • le droit de bénéficier équitablement du partage des avantages découlant des activités relatives à l’utilisation des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture, aux informations de séquençage numérique sur ces ressources et aux savoirs associés ;
  • le droit d’accès à l’information sur les questions agricoles et alimentaires et celui de participer à l’élaboration, à la prise de décisions, à la mise en œuvre et à la révision des politiques alimentaires et des mesures de protection et de mise en valeur de la diversité agricole et alimentaire ;
  • le droit d’utiliser des pratiques, méthodes et techniques traditionnelles, locales et durables ;
  • le droit de bénéficier d’une assistance technique et financière pour une production agricole et alimentaire durable adaptée aux conditions locales ; et
  • le droit de bénéficier de paiements pour les services écosystémiques rendus.

Les articles 17 et 18 de la proposition de Convention requièrent des États qu’ils adoptent des mesures pour reconnaitre, promouvoir, protéger et mettre en œuvre les droits des agriculteurs, éleveurs, pasteurs et pêcheurs. Cela implique l’adoption de mesures politiques et législatives au niveau national pour concrétiser ces droits.

En instaurant un cadre juridique international dédié à la diversité agricole et alimentaire, la proposition de Convention vise à encourager la mise en œuvre de mesures concrètes pour intégrer la biodiversité dans les champs et dans l’assiette, une des conditions nécessaires à la mise en valeur de la diversité agricole et alimentaire. Parallèlement, cette proposition de Convention vise à renforcer la coopération entre les États en facilitant le partage d’informations, de résultats de recherche, de données d’expériences, de connaissances et de meilleures pratiques pour protéger et mettre en valeur de la diversité agricole et alimentaire, y compris en matière d’intégration de la biodiversité dans l’agriculture et dans l’alimentation.

Pour accéder à la proposition de Convention internationale sur la diversité et la durabilité agricoles et alimentaires en français, anglais et espagnol, veuillez consulter les liens suivants : FR | EN | ES 

Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site internet de la Chaire DDSA : https://www.chaire-diversite-alimentaire.ulaval.ca/la-proposition-de-convention-internationale-sur-la-diversit%C3%A9%20-et-la-durabilit%C3%A9-agricoles-et-alimentaires