Page précédente Table des matières Page suivante


VI. Evolution probable de l'offre de bois


Introduction
Évolution du bilan mondial du bois d'ici 1975


Introduction


Accroissement des besoins d'ici 1975
Perspectives de l'offre de bois
Evolution des industries primaires du bois
Tendances du commerce


Dans les chapitres qui précèdent, on a examiné séparément les divers éléments de l'utilisation et de la production de bois dans le monde. On s'est attaché essentiellement aux faits avérés - situation actuelle et passé récent - sans toutefois perdre de vue les besoins mondiaux de bois et produits dérivés prévus pour 1975, et en s'attachant à déterminer ceux qui peuvent le mieux éclairer les perspectives d'avenir. Ce chapitre final est axé sur certains des changements prévisibles dans le secteur et sur leurs incidences probables. Il ne s'agit pas tant de changements quantitatifs que de modifications internes de l'offre et de la demande et des structures, des politiques et des techniques nouvelles qui en résulteront.

Cette insistance sur les éléments nouveaux ne doit cependant pas faire oublier que, pour la majeure partie, l'évolution au cours des prochaines années sera caractérisée par le maintien des structures et des habitudes du passé. C'est dans ce sens que s'orienteront la plupart des nouveaux investissements dans le secteur. Mais ces aspects sont bien décrits ailleurs à l'échelle nationale, régionale ou sectorielle¹, de façon beaucoup plus détaillée que ne le permet un résumé tel que celui-ci. (Je que l'on s'est proposé ici, c'est d'offrir un nouvel élément d'analyse, concevable seulement à l'échelle globale: considérant l'ensemble des changements régionaux et sectoriels, on a essayé de prévoir quelles seront leurs influences réciproques dans un contexte mondial.

¹ Voir l'annexe.

Par commodité, ce chapitre s'articule sur la structure de la production et de la consommation prévue pour 1975, mais le choix de cette date n'est qu'un expédient pratique. L'année 1975 est à la fois assez éloignée pour qu'on puisse évaluer objectivement les changements probables et leurs incidences dans les grandes lignes, et assez rapprochée pour qu'on puisse, à partir d'une analyse des observations récentes, dégager des prévisions assez valables. Mais la date de 1975 n'a pas de signification particulière et l'on aurait aussi bien pu choisir toute autre année. Si donc, dans ce qui suit, le centre d'attention est la situation prévue pour 1975 l'analyse vaut pour une perspective plus éloignée.

Le corps du chapitre est consacré à l'étude des déplacements géographiques des divers éléments du bilan mondial du bois. Mais au préalable il est utile de regrouper et d'examiner rapidement les principales caractéristiques de l'économie mondiale du bois qui se dégagent des chapitres précédents.

Accroissement des besoins d'ici 1975

Au chapitre II de la présente étude, on a estimé que si l'évolution des populations, des revenus, des goûts, des techniques et des prix est conforme aux. Voir l'annexe. hypothèses, les besoins mondiaux de bois à usage industriel s'élèveront en 1975 à environ 1,5 milliard de m³ par an, soit quelque 450 millions de m³ de plus que la consommation de 1961. En outre, il faudra environ 1,2 milliard de m³ de bois de feu. Si les facteurs déterminants, tels que la population, etc., évoluent autrement qu'il n'est prévu, ou si le rapport entre ces facteurs et la consommation de bois et des produits dérivés change, le volume et la structure de la consommation en 1975 s'écarteront des prévisions. Mais les ordres de grandeur, la physionomie générale et les tendances seront très probablement conformes, dans leurs grandes lignes, à ce qui est indiqué ici. Les principales caractéristiques peuvent être résumées comme suit:

1. Certes, on consommera encore des quantités énormes de bois rond et de bois de feu, surtout dans les pays peu développés, mais à l'échelon mondial l'essentiel de l'accroissement des besoins portera sur des bois transformés.

2. Bien que, pour un taux donné d'augmentation du revenu, la consommation des produits traités du bois s'accroisse plus rapidement dans les pays peu développés que dans les autres, c'est dans les pays développés que se situera l'essentiel des besoins nouveaux car le point de départ y est beaucoup plus élevé. On estime que l'accroissement des besoins annuels de bois d'œuvre et d'industrie se répartira ainsi: environ 24 pour cent en Europe, 20 pour cent en Amérique du Nord, 14 pour cent en U.R.S.S. et 12 pour cent au Japon.

3. Le reste de l'Asie, l'Afrique (non compris l'Afrique méridionale) et l'Amérique latine ensemble ne s'attribueront que 30 pour cent de l'accroissement total mondial. Cela veut pourtant dire que leur consommation globale de sciages doublera entre 1961 et 1975 et que leur consommation de papier et carton et de panneaux dérivés du bois triplera. Ainsi, eu égard au niveau actuel de la consommation - et à l'effort nécessaire pour que l'offre puisse faire face à l'accroissement de la demande - l'expansion à prévoir dans les pays en voie de développement est elle aussi très considérable.

4. Dans le monde entier, et surtout dans les pays gros consommateurs à revenu élevé, la consommation de panneaux dérivés du bois et de papier et carton augmente beaucoup plus vite que celle des bois sciés (ou des bois ronds). La majeure partie de la matière première bois consommée dans le monde consiste encore en grumes des dimensions et de la forme voulues pour le sciage ou le déroulage, et la demande pour ces qualités de bois continuera d'augmenter - et même rapidement en ce qui concerne les grumes de placage. Mais, pour la majeure partie des besoins nouveaux - et cette part s'accroîtra encore - la quantité et le prix de revient du bois et des fibres de bois seront plus importants que les dimensions ou la forme.

5. L'essor rapide de la demande de bois reconstitué (produits de la pâte et panneaux) donne un rythme nouveau au développement de la consommation de bois dans les pays où ces produits représentent à l'heure actuelle une part importante du total. En Europe et en Amérique du Nord, l'accroissement non négligeable de la consommation globale de bois prévu d'ici 1975 et au-delà formera un contraste marqué avec la lente évolution du début du siècle.

Perspectives de l'offre de bois

Ce rythme accéléré de l'accroissement de la demande dans les principales régions consommatrices et la nouvelle structure de la consommation sont deux des principaux changements auxquels devra s'adapter l'offre. Toute évaluation des perspectives d'avenir et des problèmes du secteur reste nécessairement en grande partie subjective, car on connaît très mal les possibilités d'une grande partie des forêts du monde. Mais certaines caractéristiques marquantes se dégagent du chapitre III:

1. Presque tous les pays gros consommateurs et la majeure partie des industries utilisatrices du bois se trouvent dans la zone tempérée de l'hémisphère Nord; en 1961, 85 pour cent de la production mondiale de bois d'œuvre et d'industrie provenaient de cette zone, qui possède encore des forêts, surtout de résineux, dont la production annuelle pourraît être de beaucoup accrue. Mais ce potentiel est loin d'être également réparti dans toute la zone. En Europe, dans le sud et l'ouest de l'U.R.S.S. et au Japon, les limites du taux d'expansion d'une production rentable dans les forêts locales seront presque certainement atteintes avant 1975. Dans ces régions, le coût marginal d'une extension des zones exploitées ou d'une intensification de l'exploitation augmentera certainement; d'autre part l'offre - d'un volume considérable consistera pour une grande part en bois de petites dimensions et, pour les feuillus, de qualité médiocre ou inférieure. Par contre, dans le nord et l'ouest de l'U.R.S.S. et en Amérique du Nord, il reste de très grandes forêts de résineux inexploitées ou susceptibles d'être exploitées plus intensivement. D'ici 1975, l'accès difficile des forêts de l'U.R.S.S. continuera sans doute à en limiter la production. Jusque-là, c'est donc en Amérique du Nord que la production annuelle pourra marquer les plus forts accroissements sans augmentation sensible du coût réel et des prix.

2. Les forêts des régions tropicales contiennent une grande partie des réserves mondiales de bois, et probablement la plupart des derniers grands arbres feuillus, et des beaux bois de feuillus. Mais on a très peu de renseignements sur l'importance des ressources existantes comme sur leur potentiel de production. On commence seulement à exploiter ces forêts et seules quelques-unes des nombreuses espèces qu'elles contiennent ont été jusqu'à présent utilisées. Destructions et détériorations massives continuent sans aucun contrôle et la forêt recule rapidement devant l'invasion désordonnée de l'agriculture et d'autres activités.

3. Partout, les plantations commencent à influer de plus en plus sur l'offre de bois; elles fournissent un apport complémentaire ou supplémentaire ou même remplacent les forêts naturelles de faible rendement et constituent des ressources de bois là où il n'en existait pas auparavant. En particulier les essences et lignées à croissance rapide et les techniques telles que la culture accélérée permettent d'obtenir des rendements, des rotations et des prix franco usine extrêmement avantageux. Les conditions naturelles les plus favorables à ces plantations se trouvent souvent réalisées dans des régions pauvres en forêts (ou même totalement dépourvues de forêts). Les plantations se multiplient donc surtout dans des zones qui n'avaient pas auparavant une grande production de bois d'œuvre et d'industrie.

Evolution des industries primaires du bois

On a déjà signalé que la presque totalité de l'accroissement des besoins mondiaux de bois concernera des produits traités. Comme on l'a vu au chapitre IV, la capacité des industries primaires du bois à se développer et à rester concurrentielles sera affectée par l'évolution des facteurs économiques et techniques ci-dessous:

1. Dans bien des régions du monde, et notamment dans les régions de l'hémisphère Nord où se trouvent à présent l'essentiel des industries forestières, ces industries doivent ou devront faire face à une hausse du prix franco usine de la matière première bois: en effet, la demande des industries existantes détermine une concurrence de plus en plus vive pour les ressources en bois accessibles; la productivité des travaux de récolte et de transport du bois, qui représentent la majeure partie du prix franco usine, ne s'accroît pas aussi rapidement que les salaires; la distance moyenne de transport du bois augmente à mesure que, dans la plupart des industries forestières les usines tendent à être plus grandes. Comme la matière première bois représente une grande partie du prix de revient de toutes les industries utilisatrices du bois, et pour certaines, la majeure partie de ce prix de revient, ce facteur détermine dans une large mesure la capacité des industries à résister à la concurrence et à se développer.

2. Cette tendance à une hausse du prix du bois est en partie compensée par plusieurs faits nouveaux, en ce qui concerne aussi bien l'offre que l'utilisation de la matière première bois. Tout d'abord le rendement en produit fini par mètre cube de bois augmente avec le progrès technique. Plus importants encore sont les progrès permettant aux industries d'assouplir leurs exigences sur la qualité de la matière première. En particulier, les industries de la pâte et des panneaux utilisent un nombre croissant d'essences feuillues et de plus en plus de déchets d'abattage et de résidus d'autres industries. Pour les contre-plaqués et les placages, on emploie aussi une gamme plus étendue d'essences et de dimensions de grumes. Cette évolution, entre autres avantages, accroît les possibilités qu'ont les industries de se développer dans les principales régions de la zone tempérée nord où elles sont actuellement implantées en permettant une exploitation plus intensive des forêts mélangées locales. En outre, les progrès des techniques d'exploitation et de transport forestier ouvrent à l'industrie des zones encore riches en bois qui étaient autrefois trop éloignées des marchés pour permettre une rentable, ce qui favorise le développement dans des régions telles que l'ouest du Canada, où les réserves restent abondantes. Enfin, toujours à propos de la matière première, les plantations d'essences à croissance rapide et à fort rendement mentionnées ci-dessus constituent une source toujours plus importante de bois à bas prix.

3. Dans tous les secteurs de l'industrie forestière, on cherche à améliorer la productivité en accroissant la dimension des usines pour bénéficer des économies d'échelle. Cette apparition d'usines plus grandes s'accompagne d'une tendance très nette à l'intégration verticale des stades successifs de la production, en vue d'assurer l'approvisionnement en matières premières et les débouchés; cela vaut particulièrement pour l'industrie de la pâte et du papier (dans laquelle l'intégration verticale permet par elle-même de réduire les prix de revient). Les intégrations et associations horizontales entre différents types d'industries du bois se multiplient aussi, en vue de profiter du caractère complémentaire des besoins en matière première bois (et notamment de pouvoir écouler les résidus - ou s'en procurer), de répartir les frais généraux, et d'offrir une plus grande variété de produits. Dans la plupart des pays qui possèdent des industries du bois, les petites usines isolées - surtout les scieries - sont de moins en moins rentables, et les nouvelles implantations tendent de plus en plus à englober au moins deux industries utilisatrices du bois et à fabriquer plusieurs produits.

4. Parmi les industries primaires du bois, les scieries restent généralement plus exigeantes sur la qualité de la matière première que les industries de la pâte et des panneaux, qui, en outre, offrent plus de possibilités aux progrès techniques et à la production à grande échelle: ces dernières ont donc généralement un avantage sur les scieries dans la concurrence pour se procurer la matière première. De plus, avec la hausse des salaires, le secteur des sciages est handicapé par un déplacement de la demande au profit de matériaux dont le prix de revient, mise en œuvre comprise, est moins élevé, et notamment les panneaux dérivés du bois, les papiers et les cartons. Sous l'effet de cette concurrence qui porte à la fois sur l'approvisionnement en matières premières et sur les débouchés, la scierie perd du terrain au profit des autres industries du bois et des produits autres que le bois dans les régions de forte consommation et où les coûts sont élevés. Mais cela n'est pas nécessairement le cas dans les nombreuses régions du monde caractérisées par des coûts faibles et des marchés restreints: dans ces conditions, l'industrie de la scierie devrait rester viable et compétitive et continuer à se développer.

Tendances du commerce

Un volume croissant de bois brut et transformé entre dans les échanges mondiaux. Cette augmentation du volume du commerce s'accompagne de deux grands changements de nature et de structure:

1 L'essentiel du commerce mondial du bois consiste en un petit nombre de produits dérivés des résineux, qui sont, par ordre d'importance, les sciages résineux, la pâte de bois chimique, le papier journal et les autres papiers et cartons. Ces échanges se font en majeure partie entre pays développés. S'ils portent surtout sur des produits semi-finis ou finis et non sur des grumes brutes, cette particularité est due pour une grande part à l'avantage dont bénéficient devant la concurrence les gros producteurs des pays nordiques riches en résineux. D'une façon générale, pour les articles et produits de grande série, les échanges prennent une importance croissante en raison du prix de revient avantageux dont bénéficient ces gros producteurs.

2. A l'opposé, le commerce mondial des feuillus, qui se développe rapidement, porte essentiellement sur des grumes, traitées dans les pays importateurs, bien que le coût du fret pèse lourdement sur le prix de revient final. Cela est dû surtout à ce que, dans la plupart des pays tropicaux dont proviennent ces bois, les industries de transformation et l'infrastructure, encore à peine développées ne permettraient pas de traiter de tels volumes. Mais, en outre, les barèmes douaniers et les politiques en matières d'investissement favorisent souvent les industries des pays importateurs aux dépens des importations de produits déjà transformés.

Évolution du bilan mondial du bois d'ici 1975


Europe du nord-ouest
Etats-Unis
Japon
Autres régions importatrices
Perspectives dans les zones à excédents de bois
Incidences à long terme


Quelles modifications peut-on prévoir dans la structure géographique de l'offre de bois brut et transformé à la suite des différentes tendances et faits nouveaux mentionnés ci dessus? On cherchera dans les pages qui suivent à présenter des estimations quantitatives pour 1975 et à en tirer les conséquences, tout en envisageant, avec prudence, ce que ces tendances permettent de conjecturer pour un avenir plus lointain.

On s'est basé sur l'estimation des besoins en 1975 élaborée au chapitre II. La production future de bois n'a pas fait l'objet d'estimations mondiales comparables à celles des besoins. Mais on connaît assez bien les possibilités de production des grandes zones de consommation pour pouvoir déterminer grosso modo dans quelle mesure les ressources locales permettront de faire face à l'augmentation des besoins et dans quelle mesure il sera plus économique d'importer. On essaiera ensuite d'évaluer de combien devront s'accroître les échanges mondiaux d'ici 1975.

TABLEAU VI-1. - VARIATION DU BILAN DE BOIS D'ŒUVRE ET D'INDUSTRIE, 1961 A 1975

(Millions de m³ de bois rond ou d'équivalent en matière première bois)

¹ Consommation de produits traités du bois et de bois rond d'industrie, exprimée par l'équivalent en matière première bois. On trouvera à l'annexe des explications plus détaillées sur la façon dont ces chiffres sont calculés.

² Quantités enlevées de bois d'œuvre et d'industrie; chaque fois que cela est Possible, on donne entre parenthèses les disponibilités intérieures totales de bois (quantités enlevées de bois rond plus résidus de bols utilisables).

3 Suivant les chiffres publiés, la possibilité totale en 1063 atteignait presque 605 millions de m3. On estime qu'en 1970 les quantités enlevées totales, y compris le bois de feu seront d'environ 390 millions de m3.

4 La possibilité dans les zones qui sont aujourd'hui économiquement accessibles, en admettant des rotations comprenant un mélange de bois à pâte et de bois de sciage serait de 210 millions de m3 de bois d'œuvre et d'industrie. Si les prix augmentaient de 10 pour cent, les terres forestières actuellement marginales pourraient produire encore 26 millions de m3. Si l'on aménageait les zones qui sont aujourd'hui économiquement accessibles avec des rotations plus courtes pour la production de bois à pâte, la Possibilité annuelle pourrait probablement être portée 315 millions de m3 environ.

5 Le bilan est fondé sur les données extraites de Timber trends in the United States, op. cit. Du fait de différences de méthodologie du calcul et de portée, les chiffres relatifs à la production de bois d'œuvre et d'industrie en 1961, publiés dans cet ouvrage et reproduits ici, s'écartent légèrement des chiffres correspondants communiqués à la FAO et qui figurent au tableau annexe III-B.

6 Non compris l'équivalent en bois rond de la consommation de résidus de bois.

Le volume total de matière première bois, l'augmentation des besoins dans chaque région du monde et l'accroissement prévu de la production des grandes régions productrices sont évalués de fa façon très approximative au tableau VI - 1. On observe que dans trois régions, toutes trois déjà grosses importatrices nettes de bois il faudra, d'ici 1975, accroître considérablement les importations: il s'agit de l'Europe du Nord-Ouest, des Etats-Unis et du Japon, dont les besoins d'importations nettes augmenteront respectivement de plus de 60 millions de m³ et de quelque 10 et 20 millions de m³ par an. Des augmentations importantes - mais moins considérables - des besoins d'importation seront aussi nécessaires dans la région méditerranéenne, en Asie méridionale et probablement dans le sud-est de l'Amérique du Sud. En outre, beaucoup d'autres régions du monde qui suffisent, dans l'ensemble, à leurs besoins ou qui sont même exportatrices nettes de bois devront accroître leurs importations de certains produits à base de bois. Enfin, il faut considérer la Chine continentale. Actuellement, tout porte à croire qu'elle continuera à limiter sa consommation de bois au volume qui peut être produit dans le pays. Mais la production nationale en 1975 sera sans aucun doute tellement inférieure à la consommation potentielle que la Chine se résoudra peut-être, si elle est en mesure de le faire, à importer des volumes très considérables.

Europe du nord-ouest

La région du monde qui, de loin, importe le plus de produits de bois est l'Europe du Nord-Ouest; le tableau VI-2 montre l'accroissement probable de ses besoins, ventilé par produits. Jusqu'à présent, l'approvisionnement de cette région a toujours été caractérisé par la dominance des importations en provenance du reste de l'Europe. Mais si l'on se reporte au tableau VI-1, on constate que l'Europe septentrionale, son principal fournisseur, dont les ressources en matière première sont de plus en plus limitées, ne devrait guère accroître ses livraisons de plus de 12 millions de m³ augmentation très considérable, certes mais qui reste de loin en deçà des besoins de l'Europe du Nord-Ouest. Comme les excédents exportables des autres pays exportateurs d'Europe diminueront également du fait de l'accroissement des besoins nationaux, le principal élément nouveau de la structure de l'offre en Europe du Nord-Ouest, comme d'ailleurs dans l'ensemble de l'Europe, sera, semble-t-il, un accroissement rapide des importations nettes en provenance du reste du monde.

Avant d'envisager ce que seront la composition et le volume probables de ces importations nettes, il faut s'attacher à examiner comment augmentera la production selon les prévisions actuelles et dans quelle mesure elle pourrait encore s'accroître. Les zones excédentaires et déficitaires de la région étant étroitement liées par le commerce intrarégional, il convient, aux fins de cette analyse, de considérer l'Europe comme un ensemble.

L'examen des ressources forestières de la région et de leur potentiel, qui a été présenté au chapitre III, indique que l'Europe ne possède plus guère de résineux ayant atteint ou dépassé la maturité, et de dimensions convenant aux grumes de sciage, qui ne scient déjà utilisés intensivement par l'industrie; elle ne possède guère non plus de ressources inutilisées de bois à pâte de résineux; par contre, elle possède suffisamment de feuillus de dimensions convenant au sciage (dont une faible partie seulement de bonne qualité) et elle est riche en feuillus de petites dimensions.

TABLEAU VI 2. - VARIATION PRÉVUE DU BILAN DE BOIS D'ŒUVRE ET D'INDUSTRIE EN EUROPE DU NORD-OUEST, 1961 A 1975

(Millions de m3 de bois rond ou d'équivalent en matière première boas)

 

Consommation

Production 1

Excédent ( + ) ou déficit ( - )

Remarques sur l'augmentation des importations nettes

1961

1975

1961

1975

1961

1975

Grumes de sciage

71,5

83

37

40,5

-40,5

-56,5

Surtout des sciages de feuillus en provenance d'U.R.S.S. et du Canada

Grumes de placage

6

14

37

40,5

-40,5

-56,5

Surtout de grumes de contre-plaqué et des placages d'essences tropicales en provenance d'Afrique occidentale

Bois à pâte

53,5

115

8,5 (14)

28,5 (34,5)

-41

-88,5

Surtout papier en provenance d'Europe septentrionale et pâte et papier en provenance d'Amérique du Nord

Autres bois ronds

13

8

11,5

28,5 (34,5)

-41

-88,5


TOTAL BOIS D'ŒUVRE ET D'INDUSTRIE

144

220

57 (62,5)

69 (75)

-81,5

-145


SOURCE: D'après: Nations Unies/FAO. Consommation, production et commerce du bois en Europe, évolution et perspectives: nouvelle étude 1950-1975. New York 1964.

¹ Quantités enlevées de bois d'œuvre et d'industrie, les disponibilités intérieures totales de bois (quantités enlevées de bois rond plus résidus de bois utilisables) figurent entre parenthèses.

Dans l'étude régionale sur l'Europe 2, on estime que le volume annuel des quantités enlevées de bois d'œuvre et d'industrie augmentera, entre 1960 et 1975, de 58 millions de m³ répartis approximativement comme suit:

2 Nations Unies/FAO. Consommation, production et commerce du bois en Europe, évolution et perspectives: nouvelle étude 1950 1975. New York, 1964.

 

Résineux

Feuillus

Total

Millions de m³

Grandes dimensions

8

15

23

Petites dimensions

12

23

35

TOTAL

20

38

58

Toute nouvelle intensification de la production nationale devra donc presque certainement porter surtout sur des bois de petites dimensions et de qualité inférieure, peu accessibles et difficiles à exploiter pour la plupart et dont, par conséquent, l'utilisation massive ne sera guère possible que si le prix du bois à pâte augmente sensiblement. Or, les prix européens dépassent déjà d'assez loin ceux qui sont pratiqués en Amérique du Nord et dans certaines autres régions. Sans doute les producteurs européens sont-ils avantagés par le coût moins élevé de la main-d'œuvre et de la distribution, mais les rapports de prix sont tels qu'il leur serait généralement impossible de rester compétitifs s'ils devaient faire face à une augmentation notable du prix de revient du bois, à moins d'être suffisamment protégés par des barrières douanières nouvelles ou aggravées. Comme un tel protectionnisme est très improbable, il semble que l'Europe deviendra importateur net de quantités non négligeables de bois à pâte, de pâte de bois ou de papier.

Il est difficile d'en dire plus. Le progrès rapide de l'utilisation des feuillus pour la fabrication de pâte et de panneaux permettra certainement d'employer à cet usage, à la place du bois à pâte de résineux, une proportion de feuillus nettement supérieure à ce que prévoient les politiques et plans établis au début de la décennie et sur lesquels sont basées les projections de la production qui figurent aux tableaux VI-1 et VI-2. D'autre part, les industries de la pâte et des panneaux, grâce à leur forte situation compétitive pourront probablement absorber encore plus de bois de feu de résineux et de bois rond de dimensions convenant à la scierie. Dans l'ensemble, l'augmentation des besoins d'importation de l'Europe en 1975 par rapport aux importations nettes de 1961 pourrait se présenter approximativement comme suit (en équivalents de bois rond):

 

Millions de m³ ®

Bois à pâte de résineux, pâte ou papier

20-30

Grumes, sciages, contre-plaqué ou placages de feuillus

8-10

Grumes ou sciages de résineux

10-15

La gravité de ce déficit tient moins à son volume qu'au fait que, selon toute probabilité, il s'accroîtra avec le temps. A long terme, l'Europe pourra encore augmenter régulièrement sa production de bois en réalisant des programmes intensifs d'amélioration forestière, en boisant les grandes zones abandonnées par l'agriculture à la suite des progrès de la productivité agricole, et en employant des essences forestières à croissance rapide. Mais, même ainsi, on ne peut espérer que la production de bois européenne augmentera aussi rapidement que les besoins. En outre, comme il existe dans d'autres parties du monde des réserves de bois encore inutilisées, des terres forestières plus productives que la plupart de celles qui existent en Europe, et des milieux susceptibles de produire à meilleur compte du bois de plantation, le montant qu'il sera économiquement justifié d'investir pour créer de nouvelles ressources forestières en Europe sera limité. (On reviendra sur la question dans la suite du présent chapitre.)

Il importe donc d'étudier les conséquences de cette dépendance permanente et croissante de l'Europe à l'égard des importations pour une partie de son approvisionnement. Quels produits est-il plus avantageux d'importer que de produire sur place? Quel effet cela peut-il avoir sur les producteurs européens?

L'évolution en cours permet de se faire une idée du déroulement probable des événements. Dans le domaine de la pâte et du papier, la structure de l'industrie régionale subit actuellement des changements du fait que les pays consommateurs d'Europe du Nord-Ouest sont de plus en plus tributaires des importations pour satisfaire leurs besoins de papier et carton produits en masse, pour lesquels les grandes fabriques intégrées situées près des sources de matière première bois bénéficient d'un avantage marqué à l'égard de la concurrence. Leurs importations consisteront donc de plus en plus en papier journal, doublages kraft, outre la pâte de bois chimique nécessaire pour les papiers spéciaux et les qualités contenant des vieux papiers et des fibres courtes, que l'on continuera à fabriquer dans les pays importateurs. Jusqu'à présent, l'Europe du Nord a toujours été le principal fournisseur de pâte chimique, mais un processus d'intégration y est actuellement en cours, en vue de fabriquer du papier et du carton (surtout du papier journal et des doublages kraft) avec les matières premières disponibles, ce qui permet d'obtenir une valeur plus élevée de produit par mètre cube de bois. On peut donc prévoir que ses livraisons de papiers et cartons (notamment des qualités en question) au reste de l'Europe augmenteront beaucoup. Mais l'Amérique du Nord restera également bien placée pour vendre à l'Europe du papier journal et des doublages kraft à des prix très compétitifs; elle fournira l'essentiel de la pâte et du papier que l'Europe achètera au reste du monde, et qui consistera en ces produits. Pour les nouveaux besoins en pâte de bois chimique, il faudra probablement encore importer surtout d'Amérique du Nord, mais aussi sans doute de l'U.R.S.S. et d'autres pays, plus petits producteurs, tels que l'Afrique du Sud.

En Europe septentrionale, l'accroissement de la production de sciages de résineux sera probablement limité en raison de la nouvelle structure des industries forestières, et l'on peut prévoir que l'U.R.S.S. et le Canada augmenteront leurs exportations vers l'Europe du Nord-Ouest et les autres marchés européens.

La troisième grande catégorie de bois pour laquelle l'Europe sera déficitaire est celle des grumes de feuillus, surtout des grumes pour placage, mais aussi, dans une moindre mesure, des grumes de sciage de belle qualité. La consommation des petites grumes de qua lité inférieure produites localement continuera certainement de s'accroître pour la fabrication des qualités courantes de contre-plaqué mais, comme depuis quelques années déjà, ce qui sera surtout recherché - pour l'essentiel des besoins nouveaux - ce seront des caractères techniques et esthétiques propres à des bois que seules les forêts de feuillus tropicales produisent en quantité suffisante. Or, ces besoins nouveaux seront très considérables, car la demande passera d'environ 6 millions de m³ en 1961 à environ 15 millions de m³ en 1975. A l'heure actuelle, les feuillus tropicaux sont importés essentiellement sous forme de grumes en provenance d'Afrique occidentale. Comme le fret majore lourdement le prix de revient total de ces grumes, il n'est guère probable que les régions encore plus éloignées, telles que l'Asie du Sud-Est ou l'Amérique latine, puissent fournir de grandes quantités de grumes à un prix compétitif. On peut se demander à ce propos si les pays exportateurs d'Afrique occidentale pourront accroître leurs livraisons dans de telles proportions sans augmentation excessive de leurs prix de revient; cette question sera étudiée plus en détail dans la suite du présent chapitre.

Etats-Unis

L'accroissement des besoins et de l'offre intérieure de bois et de ses produits aux Etats-Unis, ventilé par produits, est estimé au tableau VI-3. Sauf pour les grumes de placage de feuillus, le déficit actuel et futur pour important qu'il soit, traduit moins la limitation des ressources nationales de bois aux Etats-Unis que la reconnaissance de l'avantage dont bénéficie le Canada pour fournir certaines catégories de produits fabriqués en masse, notamment les sciages de résineux et le papier journal. Les Etats-Unis sont riches en forêts dont la production peut encore s'accroître aussi rapidement que les besoins, et cela bien au-delà de 1975. En effet, plusieurs zones du territoire national, et notamment la région du Nord-Ouest sur la côte du Pacifique et le Sud-Est, qui produit des pins, sont des fournisseurs très compétitifs des marchés mondiaux. Selon toute probabilité, les Etats-Unis deviendront un important fournisseur de l'Europe pour les doublages kraft et la pâte chimique, produits l'un et l'autre en masse, et dont ils exportent depuis quelques années des quantités croissantes.

Certes, il reste des réserves considérables de grumes de sciage de résineux dans le nord-ouest du pays et d'importants peuplement secondaires ailleurs, surtout dans le Sud-Est, mais leur exploitation devient régulièrement plus coûteuse. On peut donc prévoir que les Etats-Unis importeront du Canada une part qui augmentera lentement des sciages de résineux dont ils ont besoin.

Pour ce qui est de la pâte et du papier, par contre, les Etats-Unis produisent une part de plus en plus grande du papier journal dont ils ont besoin, et devraient continuer de le faire. Comme la consommation de papier journal n'augmentera que lentement, les importations du Canada n'augmenteront guère ou même pas du tout. D'autre part, le commerce frontalier de pâte augmentera sans doute, avec l'extension du mouvement actuel d'intégration de part et d'autre de la frontière, la capacité canadienne de production de pâte s'associant avec la capacité de transformation, de traitement et de commercialisation du papier qui existe aux Etats-Unis. Un autre courant d'échangés qui pourrait se développer est celui du bois à pâte sous forme de copeaux.

L'autre grande catégorie de bois dont les Etats-Unis auront besoin est la matière première pour les contre-plaqués et placages de feuillus. Comme en Europe, les ressources locales en bois présentant à la fois les dimensions, les qualités esthétiques et les propriétés mécaniques recherchées sont insuffisantes. Une offre croissante de grumes convenant aux placages proviendra sans doute des peuplements secondaires de feuillus, mais il faudra continuer d'en importer la presque totalité des tropiques, comme c'est le cas depuis 10 à 15 ans. I(n 1975, on prévoit que les importations nettes des Etats-Unis, pour les sciages et les placages et contre-plaqués de feuillus, seront d'environ 5,5 millions de m³ soit plus du double des importations de 1960-62. A l'heure actuelle, à l'opposé de ce qui se passe en Europe et au Japon, presque toutes ces importations consistent en contre-plaqués et en placages (et non en grumes), malgré les droits de douane relativement élevés perçus sur ces produits finis. Deux facteurs expliquent ce phénomène; premièrement, les moyens de transport entre les pays producteurs de grumes et les Etats-Unis sont médiocres et coûteux; deuxièmement, les industries américaines du bois n'ont pas été construites pour utiliser les grumes d'importation et ne sont pas en mesure de compenser par un rendement supérieur les faibles coûts des industries techniquement développées du Japon et d'Asie orientale (auxquels il faut ajouter, depuis quelque temps les Philippines). Tout indique que l'augmentation de ces importations continuera à porter sur les produits finis. Là encore, il faudra étudier, dans la suite du présent chapitre, si les pays producteurs pourront augmenter dans d'aussi vastes proportions leurs livraisons au Japon et aux autres acheteurs voisins du Pacifique, ainsi qu'aux Etats-Unis.

TABLEAU VI 3. VARIATION PRÉVUE DU BILAN DE BOIS D'ŒUVRE ET D'INDUSTRIE AUX ETATS-UNIS, 1961 A 1975

(Millions de m3 de bois rond ou d'équivalent en bois rond)

 

Consommation

Production 1

Excédent ( + ) ou déficit ( - )

Remarques sur l'augmentation des importations nettes

1961

1975

1961

1975

1961

1975

Grumes de sciage

160

186

144,5

162

-15,5

-24

Surtout des sciages de résineux en provenance du Canada

Grumes de placage

23,5

44

22

40

-1,5

-4

Contre-plaqués et placages de bois tropicaux surtout en provenance d'Asie du Sud-Est

Bois à pâte

92

133

71,5

111

-20,5

-21

Papier journal, pâte chimique et bois à pâte du Canada

Autres bois ronds

12,5

13

12,5

13

-

-


TOTAL BOIS D'ŒUVRE ET D'INDUSTRIE

288

376

250,5

326

-37,5

49


SOURCE: D'après: U.S. Forest Service. Timber trends in the United States. Washington D.C., 1965. Forest Resource Report No. 17.

En résumé, on peut prévoir que les importations nettes annuelles des Etats-Unis pourront augmenter au total, entre 1961 et 1975, approximativement comme suit (équivalent de bois rond):

 

Millions de m³ ( r )

Sciages résineux 3

8-9

Contre-plaqués et placages de feuillus

2-3

Bois à pâte, pâte et papier 3

jusqu'à 1

3 Rappelons que ces chiffres concernent le commerce net. Comme les Etats-Unis auront des exportations considérables de pâte et de papier et peut-être de grumes ou de sciages de résineux, les importations brutes de ces catégories de produits augmenteront probablement dans une proportion beaucoup plus grande.

Japon

L'augmentation prévue des besoins annuels et de l'offre intérieure du Japon entre 1961 et 1975 figure au tableau VI-4. D'ici 1975, le déficit continuera à augmenter dans une proportion considérable, malgré les efforts concertés en vue d'accroître la production nationale et de rationaliser et rendre plus efficaces tous les stades de la production. A la base de ces efforts sera le programme de plantation massive visant à reconvertir en peuplements de résineux à haut rendement les forêts et taillis naturels trop vieux. Deuxièmement, on s'emploie à utiliser plus complètement les ressources existantes, c'est-à-dire à intensifier la consommation de bois feuillus et de résidus dans l'industrie et à réduire la consommation de bois de feu. Troisièmement, la structure de l'industrie est en voie d'amélioration.

En 1975, le déficit du Japon pour le bois rond aura augmenté approximativement des quantités suivantes:

 

Millions de m³ ®

Grumes (ou sciages) de résineux

4-6

Grumes (ou contre-plaqués, placages ou sciages) de feuillus

5-6

Bois a pâte (ou pâte de bois ou papier)

8-10

Jusqu'à présent, les importations de bois de résineux provenaient, sous forme de grumes et de bois à pâte, du nord-est de l'U.R.S.S. et de la côte occidentale de l'Amérique du Nord. Depuis quelques années, cette dernière région fournit aussi une quantité, encore faible mais qui augmente rapidement, de sciages de résineux et de pâte de bois chimique. Il y a lieu de penser que ce dernier courant d'importations s'intensifiera rapidement, la capacité industrielle se développant dans les deux régions exportatrices. Dès maintenant, des sociétés japonaises ont une participation directe dans les nouvelles fabriques de pâte de la côte du Pacifique d'Amérique du Nord. Dans l'avenir, les importations de ce groupe de produits consisteront donc de plus en plus en pâte de bois provenant de sociétés, affiliées pour transformation finale au Japon (et non en bois à pâte); mais les importations de bois sous forme de copeaux sont, elles aussi, en augmentation. On peut d'autre part prévoir que les échanges avec l'U.R.S.S. se modifieront également dans le même sens, sinon d'ici 1975, du moins peu après cette date, les exportations de bois rond cédant la place à des exportations de sciages et de pâte de bois. Les liens que l'industrie japonaise établit actuellement avec ses fournisseurs semblent garantir que les nouveaux besoins seront en très grande partie satisfaits à partir d'importations provenant d'Amérique du Nord et d'U.R.S.S. Mais d'autres fournisseurs moins importants, tels que la Nouvelle-Zélande, pourront aussi apparaître ou progresser sur ce marché en expansion rapide.

TABLEAU VI-4. VARIATION PRÉVUE DU BILAN DE BOIS D'ŒUVRE ET D'INDUSTRIE AU JAPON, 1961 A 1975

(Millions de m³ de bois rond ou d'équivalent en matière première bois)

 

Consommation

Production 1

Excèdent ( + ) ou déficit ( - )

Remarques sur l'augmentation des importations nettes

1961

1975

1961

1975

1961

1975

Grumes de sciage

39,5

54

31,5

41,5

-10,5

-20

Surtout des grumes de résineux provenant d'U.R.S.S. et des Etats-Unis et quelques grumes de lauan

Grumes de placage

2,5

7,5

31,5

41,5

-10,5

-20

Surtout des grumes de lauan et d'autres feuillus tropicaux d'Asie du Sud-Est

Bois à pâte

14

42,5

10 (14)

22,5 (32,5)

-

-10

Bois à pâte et pâte d'Amérique du Nord et d'U.R.S.S.

Autres bois ronds

7

8

7

8

-

-


TOTAL, BOIS D'ŒUVRE ET D'INDUSTRIE

63

112

48,5 (52,5)

72 (82)

10,5

-30


SOURCE: Estimations du Secrétariat de la FAO d'après des données fournies par la Forestry Agency du Japon.

1 Quantités enlevées de bois d'œuvre et d'industrie; les disponibilités intérieures totales de bois (quantités enlevées de bois rond plus résidus de bois utilisables) figurent entre parenthèses.

Les importations nettes de feuillus pour le contre-plaqué, les placages et les sciages, déjà très importantes, augmenteront encore considérablement. Ce courant d'importations, à l'origine destiné essentiellement à approvisionner en matières premières une industrie du contre-plaqué travaillant pour l'exportation, sert maintenant beaucoup plus à faire face aux besoins considérables et en expansion rapide de la consommation nationale. Comme celles de l'Europe et de l'Amérique du Nord, les ressources Japonaises en grandes grumes des essences appropriées sont désormais loin de correspondre aux besoins. Une fois de plus, il faudra examiner, en étudiant dans la suite du présent chapitre les perspectives et les problèmes des pays tropicaux producteurs de bois, dans quelle mesure il sera possible de faire face à une augmentation aussi importante. En outre, comme le principal fournisseur du Japon, les Philippines, commence actuellement à limiter les exportations de grumes pour favoriser la prospère industrie nationale des placages et du contre-plaqué, ce n'est pas seulement le volume du commerce qui est en question mais également son contenu: les échanges suivront-ils la même évolution pour les feuillus que pour les résineux, et les sciages, placages et contre-plaqués remplaceront-ils, au moins en partie, les importations de bois rond? Il faut rappeler à cet égard que le Japon, comme la plupart des pays européens importateurs de grumes perçoit actuellement un droit de douane assez élevé sur le contre-plaqué et les placages, ce qui jouera contre une évolution de ce genre à moins que ce droit ne soit abaissé ou aboli (voir supra, tableau V-6).

Autres régions importatrices

Par comparaison avec les trois régions étudiées ci-dessus, le volume de l'augmentation des besoins dans le reste du monde sera sans doute faible en chiffres absolus, et cela notamment parce que, dans certains des pays les plus avancés qui autrefois importaient des volumes considérables, comme la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud, on approche rapidement de l'autarcie. Ces pays possèdent de grandes plantations qui arrivent à maturité et leurs industries du bois en pleine expansion sont très éloignées des principales régions exportatrices de l'hémisphère Nord, de sorte qu'ils réduiront probablement, d'ici 1975, leurs importations de la plupart des catégories de bois et de produits du bois.

Il est plus difficile de prévoir comment évoluera la situation dans le reste de l'Asie, en Afrique et en Amérique latine au cours des prochaines années. Comme on l'a vu plus haut, les industries forestières de la plupart de ces pays en sont généralement aux premiers stades du développement, et même lorsqu'ils sont riches en bois ils se trouvent dans la situation paradoxale de devoir importer la majeure partie des produits ayant subi un traitement industriel complexe. Mais, depuis quelques années, les apports multiples que peuvent faire les industries du bois au développement économique général sont de plus en plus reconnus.

D'abord, ces industries peuvent aider à améliorer le bilan de devises, soit par des exportations (la question sera étudiée plus longuement dans la suite du présent chapitre) soit parce que beaucoup d'industries utilisatrices du bois permettent, dès le début du développement, de remplacer les importations par la production nationale. Ainsi la demande de la plupart des produis du bois augmente très rapidement avec l'élévation des revenus, de sorte que les marchés se développent très vite pour ces produits. En outre, la plupart d'entre eux peuvent être utilisés pour remplacer des matériaux autres que le bois, ce qui leur crée des débouchés supplémentaires. D'un autre côté, certaines des principales industries du bois - notamment la scierie, la production de placages, la menuiserie, la fabrication de mobilier et la plupart des applications des papiers et cartons (mais non l'industrie primaire de production de nombreuses qualités de pâte et de papier) - ne mettent en jeu que des techniques relativement simples et exigent rarement des capitaux très élevés. Ces industries peuvent donc être établies avec des moyens relativement simples et sur une moyenne ou même petite échelle.

Deuxièmement, la plupart des industries primaires du bois ont des liens étroits avec d'autres industries. La majeure partie de leurs produits est utilisée par d'autres industries et non consommée telle quelle, et elles ont besoin de moyens de production fabriqués par d'autres industries importantes. Le développement des industries forestières peut donc donner l'impulsion à un grand nombre d'autres industries diverses.

Troisièmement, la plupart des industries primaires du bois cherchent à s'implanter près de leur source de matières premières et, par conséquent, dans des régions rurales ou à proximité. Ces industries peuvent donc jouer un rôle important en facilitant le passage du secteur traditionnel au secteur moderne dans les pays où la structure économique présente un dualisme prononcé. En donnant du travail à une main-d'œuvre rurale en chômage ou sous-employée sans la déplacer vers les villes, elles introduisent l'économie monétaire dans le secteur rural tout en respectant les structures traditionnelles. De plus, si certaines industries forestières, particulièrement dans le secteur de la pâte et du papier, exigent des capitaux très importants et une mécanisation très poussée, en général elles créent beaucoup d'emplois, ce qui a une grande importance dans des pays où le chômage et le sous-emploi massifs créent des obstacles d'ordre social, politique et économique très graves pour le développement. De plus, l'infrastructure et les services qui se développent avec ces industries constituent des foyers d'expansion industrielle dans les zones rurales.

Ainsi, les ressources forestières se distinguent de beaucoup d'autres ressources naturelles en ce que leur mise en valeur peut, grâce aux nombreux liens entre les industries du bois et le reste de l'économie, favoriser largement et directement la croissance économique. Les industries ne sont ni ne doivent être de pures et simples industries d'extraction, non plus que des îlots de modernisme isolés à l'écart du reste de l'économie et inutiles à son développement.

On peut donc penser que ces pays feront un effort considérable pour développer leurs industries de transformation nationales. Mais, dans bien des cas, les marchés nationaux seront encore en 1975 insuffisants pour offrir des débouchés à des industries viables de pâte et de panneaux. Les efforts considérables déjà déployés pour créer des industries forestières nationales, particulièrement en Amérique latine et dans certaines régions d'Asie, visaient généralement à une autarcie à l'échelon national: or, étant donné les dimensions restreintes des marchés nationaux, les usines étaient le plus souvent trop petites et avaient des frais trop élevés pour être rentables, d'où la nécessité d'une protection permanente très élevée. Cela a retardé ou empêché le développement ultérieur des industries forestières dans les pays où de telles usines avaient été établies et des pays voisins, qui auraient pu s'approvisionner dans la région, ont du s'adresser aux pays développés pour trouver à des prix compétitifs les importations voulues pour satisfaire les besoins nationaux croissants.

Cette tendance, naturellement, ne concerne pas seulement les industries forestières: elle vaut pour de nombreux secteurs de l'industrie. Mais elle est particulièrement regrettable dans le cas des industries forestières, car très souvent les ressources forestières de pays voisins sont complémentaires et une collaboration économique aurait permis des économies considérables. Depuis quelque temps, dans l'industrie de la pâte et des panneaux, on se soucie davantage des possibilités d'harmoniser les plans nationaux de développement dans des groupes de pays et de développer le commerce des produits entre pays de façon à créer des marchés suffisamment vastes pour écouler la production d'usines de dimension rentable.

Les possibilités de produire de la pâte et du papier dans la plupart des pays d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie sont brièvement évaluées au tableau VI-5. De ces évaluations, il ressort qu'il serait possible de faire face à l'essentiel de l'accroissement des besoins annuels dans ces trois régions avec une production locale rentable et compétitive. Au stade de la fabrication de pâte, une bonne partie des nouvelles industries utiliseront, comme celles qui existent déjà, la bagasse et d'autres fibres ne provenant pas du bois, mais la plupart (et en Asie leur proportion augmentera) utiliseront le bois des forêts naturelles et des plantations qui pourront d'ici là être mises en exploitation. Au stade de la fabrication de papier, on prévoit une expansion légèrement plus importante, car, outre une certaine quantité de pâte importée, on utilisera les autres ressources disponibles sur place, comme les vieux papiers. Au stade de la fabrication d'articles en papier et en carton (qui ne figure pas sur le tableau), les progrès devraient être encore plus rapides: rares sont les applications du papier qui ne peuvent être produites de façon rentable sur une petite échelle.

Ces estimations représentent généralement l'expansion maximum rentable, compte tenu du marché et des ressources en bois prévisibles dans ces pays pour 1975 Une telle expansion exigerait des investissements massifs et un apport considérable de personnel qualifié et de services de soutien.

Même si ces progrès considérables étaient réalisés, les importations des pays en voie de développement augmenteraient en chiffres absolus, particulièrement en ce qui concerne, d'une part, le papier journal - dont la fabrication se fait sur une grande échelle et pour lequel les producteurs bénéficient d'un gros avantage compétitif - et, d'autre part, les très nombreuses qualités spéciales, dont chacune n'est utilisée qu'en très petite quantité dans un pays donné. D'après le tableau, les importations annuelles de papier et carton augmenteront de 1,5 million de tonnes d'ici 1975. Mais, selon les plans publiés pour la période qui va jusqu'en 1968, l'expansion maximum prévue au tableau VI-5 ne sera pas réalisée dans toutes les régions. Au total, il se peut que les importations des pays en voie de développement doivent augmenter, entre 1960-62 et 1975, de 2 à 3 millions de tonnes pour les papiers et cartons, et peut-être de 1 million de tonnes pour la pâte (ce qui équivaudrait, au total, à 8 à 12 millions de m³ de bois rond).

A l'exception des régions pauvres en bois de sciage - Afrique du Nord, Proche-Orient et sud-est de l'Amérique du Sud - il devrait être beaucoup moins difficile d'accroître la production de sciages de façon à faire face à l'augmentation des besoins. Le problème qui se posera plus vraisemblablement est que, étant donné la mauvaise qualité des sciages, le bois continuera à perdre du terrain au profit d'autres matériaux. Par conséquent, si les scieries nationales ne se développent pas dans une mesure qui corresponde aux grandes possibilités d'un marché en pleine expansion, il y a lieu de penser que, plutôt que d'augmenter les importations de sciages, on importera ou l'on produira sur place d'autres matériaux.

Perspectives dans les zones à excédents de bois

Ce qui précède a mis en lumière une divergence croissante entre l'offre et la consommation mondiales de trois importantes catégories de bois: les sciages de résineux; les sciages, le contre-plaqué et les placages de résineux de qualité; et le bois à pâte à longues fibres. Pour les deux premières catégories, les grandes régions de consommation, qui sont actuellement importatrices nettes, ne possèdent pas suffisamment de matières premières de la dimension et de la qualité voulues. Pour la pâte de bois à longues fibres, la divergence provient, certes, du fait que les pays consommateurs n'ont ni le volume de bois nécessaire ni la possibilité de le produire, mais aussi, et tout autant, de la forte situation compétitive que se sont créée les producteurs de pâte et de papier dans certaines régions riches en résineux.

En envisageant l'évolution probable de ce déficit à l'avenir, on s'intéresse nécessairement dès maintenant aux sources possibles d'approvisionnement supplémentaire, car le rapport entre la production nationale et les importations sera probablement déterminé en grande partie par leur situation compétitive réciproque. Il faut donc maintenant brièvement résumer la situation et étudier la question de façon globale du point de vue des régions à excédents de bois. Quel sera le volume total de l'augmentation des besoins pour le bois et les produits dérivés? Quelle part de cette augmentation pourra fournir chaque région? Quelles seront les conséquences de cette répartition des approvisionnements: création et modernisation d'industries, accroissement ou intensification de la productivité des forêts, élimination des barrières commerciales ou promotion d'échanges nouveaux ou accrus? Ces questions devront être étudiées séparément pour chacune des trois grandes catégories de bois en question.

TABLEAU VI-5. - CONSOMMATION ET PRODUCTION DE:PÂTE, 3)E PAPIER DE CARTON, 1960-1;2 A 1975 EN AMÉRIQUE LATINE, EN AFRIQUE ET EN EXTRÊME-ORIENT

(Milliers de tonnes)

SOURCES: El Papel y la cellulose en America Latina, op. cit. - Comptes rendus de la Conférence sur les perspectives de développement de la pâte et du papier en Afrique et au Moyen-Orient. - Proceedings of the Conference on pulp and paper development in Asia and the Far East. Capacités mondiales de production de pâte et de papier, de 1960 à 1968. Enquête FAO 1965.

¹ Non compris l'Afrique méridionale.
2 Non compris le Japon.
3 Non compris la pâte à dissoudre.
4 Capacité nominale.

SCIAGES DE RÉSINEUX

On estime qu'en 1975 les échanges mondiaux de sciages de résineux devront dépasser de 15 à 20 millions de m³ (s) ceux de 1961. Parmi les principaux exportateurs actuels, l'Europe septentrionale n'accroîtra sans doute guère ses livraisons, car, en raison de la situation de plus en plus précaire de la matière première bois, toute augmentation des disponibilités de grumes de grande dimension y sera probablement compensée par le fait que les industries de la pâte et des panneaux de bois reconstitués absorberont de petites grumes de sciages. Les deux autres principaux fournisseurs, l'U.R.S.S. et le Canada, sont loin d'avoir atteint un plafond, mais dans les deux cas il faut bien se demander s'ils peuvent accroître rapidement et dans des proportions considérables leur production sans augmenter leurs prix.

En ce qui concerne l'U.R.S.S., ses exportations à destination de l'Europe - son principal marché - proviennent du nord-ouest du pays, où, semble-t-il, l'accroissement ultérieur de la production sera limité au profit d'une expansion dans le nord-est du pays. En outre, l'industrie de la pâte et du papier se développe actuellement dans le Nord-Ouest, ce qui laisse prévoir une modification de la structure de l'utilisation des matières premières disponibles dans cette région. De plus, l'équipement portuaire et les possibilités de manutention limiteront l'expansion ultérieure des exportations, qui ont désormais dépassé la pointe des années trente. Pour que les exportations à destination des marchés européens puissent augmenter encore dans des proportions considérables, il faudra probablement effectuer des investissements et faire venir une part croissante des approvisionnements de régions de plus en plus orientales. D'autre part, le déplacement du centre de gravité vers les forêts de l'est du pays devrait permettre d'accroître sans difficulté les exportations vers le Japon.

Le Canada est riche en bois de la dimension voulue pour les grumes de sciage mais, pour l'essentiel, ces ressources sont situées en dehors des zones déjà ouvertes à l'exploitation, ou bien dans des zones exploitées pour le bois à pâte et non pour les grumes. Sauf hausse sensible du prix des sciages, la mise en exploitation d'une grande partie de ces forêts devra attendre le développement des industries papetières ou un changement structurel de l'utilisation du bois dans les zones actuellement exploitées. Il est donc probable que l'industrie des sciages ne pourra donc se développer que modestement: son taux d'expansion dépendra essentiellement de celui des zones exploitées pour le bois à pâte.

Dans l'ensemble, on peut donc se demander si l'augmentation assez considérable des importations dont auront besoin l'Europe occidentale et les Etats-Unis sera possible sans hausse des prix 4. Si cette hausse des prix devait s'imposer, non seulement elle susciterait une expansion de l'offre, mais elle ferait reculer encore les sciages sur ces marchés. Par contre, elle pourrait fortifier la position des régions productrices moins importantes: rappelons que celles-ci comprennent déjà non seulement les rares pays de l'hémisphère Sud qui possèdent des forêts de résineux assez vastes, mais également des pays tels que le Chili et la Nouvelle-Zélande qui tirent les sciages qu'ils exportent de leurs plantations de résineux exotiques.

4 Deux des facteurs qui contribueront à ce resserrement de l'offre sont, premièrement, que dans les pays intéressés on prévoit une forte expansion du marché des sciages de résineux aux Etats-Unis dans les années à venir et, deuxièmement, qu'il sera difficile de rendre économiquement disponibles les ressources de grumes de sciage existant au Canada. Signalons que ces deux facteurs marqueront un contraste très net avec le passé récent. Si l'un ou l'autre devait se manifester de façon moins prononcée qu'on ne le prévoit actuellement, les problèmes de l'offre en seraient évidemment moins aigus.

FEUILLUS TROPICAUX

C'est l'approvisionnement en feuillus de qualité et de grande dimension qui pose des problèmes réels pour l'avenir: on prévoit qu'en 1975 la demande d'importation de ces produits dépassera de 15 à 20 millions de m³ ® les 17 millions de m³ importés en 1961. Ce bois devra provenir en presque totalité des régions tropicales, qui seules possèdent des quantités suffisantes de grumes de la dimension et de la qualité voulues. Mais on doit se demander si les forêts tropicales sont à même d'assurer une production annuelle aussi importante et, dans l'affirmative, si cela ne serait pas au prix de la destruction des ressources existantes, et, même dans cette éventualité, si cela n'impliquerait pas une augmentation excessive des coûts.

Il faut admettre dès le début que l'on ne pourra donner une réponse définitive à aucune de ces questions, ne serait-ce que parce que l'on connaît très mal quelles ressources sont encore disponibles dans les forêts tropicales et dans quelle mesure elles pourront être exploitées. Mais il est évident que, quelque soit le volume de ces ressources, il est possible, nécessaire et même impératif, de les utiliser beaucoup plus rationnellement de façon à en tirer meilleur parti à moindres frais, afin que ces richesses apportent aux pays qui les possèdent les avantages qu'ils peuvent en attendre.

A l'heure actuelle, le gaspillage est considérable. Tout d'abord, une grande partie des forêts ombrophiles tropicales qui pourraient avoir une valeur commerciale sont encore l'objet de destructions et de dégradations généralisées et effrénées; trop peu d'entre elles sont efficacement réservées ou aménagées. Deuxièmement, même lorsqu'elles ont été mises en exploitation, seules quelques-unes des innombrables essences qu'elles contiennent sont acceptées. Pour intensifier leur production, il faudrait surtout pouvoir écouler sur le marché une variété d'essences beaucoup plus grande. Cela est nécessaire aussi pour contenir les prix de revient, car cela permettrait de répartir les frais d'infrastructure, d'aménagement et d'exploitation par hectare sur un plus grand volume de bois utilisé. Troisième grand facteur de gaspillage: trop d'exportations se font sous forme de grumes. Le développement du traitement industriel sur place serait un grand progrès. Tout d'abord, les produits transportés contiendraient moins de bois destiné à devenir des déchets au cours du traitement industriel 5. Deuxièmement, un plus grand nombre d'espèces pourraient être utilisées: par exemple, on pourrait employer les essences non commerciales pour les plis intérieurs du contre-plaqué, en gardant les essences connues sur le marché pour les parements, ou exporter sous forme de contre-plaqué courant et de placages pour emballages les essences dont la valeur ne justifie pas qu'elles scient exportées sous forme de grumes.

5 Ce facteur a moins d'importance si les résidus sont utilisés par des industries de la pâte ou des panneaux dans les pays importateurs.

Une autre raison pour laquelle les pays producteurs ont avantage à transformer le bois avant de l'exporter est que le marché des produits du bois est l'un des rares marchés d'exportation en pleine expansion sur lesquels ils puissent compter. En effet, à part le bois, les pays en voie de développement exportent surtout des produits alimentaires et d'autres produits primaires, pour lesquels la demande augmente très lentement ou reste stationnaire dans les principaux marchés d'exportation. En outre, la plupart des produits alimentaires exportés par les pays en voie de développement, tels que le café, sont propres aux régions tropicales. Ces pays en sont donc les seuls producteurs et ne peuvent accroître leurs exportations que dans la mesure où se développe l'ensemble du marché, actuellement peu dynamique, ou bien aux dépens les uns des autres. Le bois, par contre, est produit dans le monde entier. Les pays en voie de développement, par des exportations rationnelles et compétitives, peuvent donc s'approprier une part croissante du marché, qui est en tout état de cause dynamique. Finalement, le bois offre à ces pays la possibilité d'exporter des produits traités et non des produits primaires, car il est la matière première d'industries dont beaucoup sont relativement simples et peuvent être établies sur une petite échelle.

L'exportation du bois traité, outre qu'elle permettrait d'accroître les bénéfices que tire un pays de ses ressources forestières exportables, réduirait sans doute aussi les fluctuations des recettes d'exportation, car les marchés des produits finis sont généralement plus stables que ceux des matières premières; enfin, les échanges porteraient sur des produits pour lesquels le marché se développe plus rapidement. Les débouchés extérieurs rendraient en outre possibles des industries d'une échelle que ne permettent pas les seuls marchés nationaux, trop réduits, ce qui diversifierait la gamme des industries de transformation possibles dans un pays d'un niveau de développement donné.

Il était pratiquement inévitable que le commerce se développe jusqu'à présent essentiellement sous forme d'exportations de grumes, première étape indispensable pour la mise en exploitation de nouvelles forêts dans toute région où l'industrie, l'infrastructure, etc., sont inexistantes ou très réduites. Comme l'expansion ultérieure du commerce de feuillus tropicaux dépendra nécessairement de la mise en exploitation de nouvelles zones, on peut prévoir qu'elle continuera à porter en grande partie sur des grumes qui constitueront l'essentiel du volume total de ce commerce d'ici 1975. Le retard se fait sentir surtout pour ce qui est du développement du secteur de la transformation dans les pays qui sont actuellement des producteurs bien établis. Non qu'il n'y ait eu aucun progrès: une importante capacité industrielle de transformation a été créée dans plusieurs pays; dans d'autres, des tentatives ont été faites et ont échoué devant les difficultés et les problèmes considérables que rencontrent les entreprises de ce genre: manque de capitaux, de personnel qualifié, d'infrastructure et de services de soutien; marchés nationaux trop réduits pour offrir un complément suffisant au commerce d'exportation. Or, les capitaux et les compétences employés pour mettre en valeur et réaliser les ressources de feuillus tropicaux n'ont pas été particulièrement consacrés à résoudre ces difficultés. Pour l'essentiel, les capitaux et les cadres ont des liens économiques avec les consommateurs des pays importateurs: il s'agit surtout de fournir la matière première aux industries de ces pays. (Lorsque des capitaux sont investis dans l'industrie de transformation des pays producteurs de grumes, ils proviennent généralement de pays ne possédant pas de grandes industries de transformation.) Ces rapports d'intérêts sont encore accentués par la structure des barèmes douaniers de la plupart des pays importateurs, qui défavorisent les importations de contre-plaqué et de placages et souvent même de sciages.

Mais la demande augmente très vite et le coût des approvisionnements monte: sous cette double pression, les pays consommateurs auront intérêt à participer aux investissements nécessaires dans les pays producteurs pour assurer une utilisation plus rationnelle et plus complète des forêts tropicales. Déjà, aux Philippines, l'importante et prospère industrie du contre-plaqué et des placages a bénéficié de participations américaines - capitaux et techniciens - et des capitaux européens ont été investis dans des pays d'Afrique occidentale et d'Asie continentale du Sud-Est dans les industries du contre-plaqué, des placages et des sciages. Si le prix des grumes d'importation continue à augmenter, les industries des pays importateurs chercheront de plus en plus à s'associer avec les producteurs des pays exportateurs, de façon à assurer leurs approvisionnements. Les pays exportateurs trouvent à cette association un double avantage: débouchés assurés et apport de capitaux et de techniciens.

Mais on connaît trop mal l'importance des réserves de feuillus tropicaux pour prévoir si elles pourront fournir un volume correspondant aux besoins estimés. Tant en Afrique occidentale qu'en Asie du Sud-Est, il existe de grandes réserves inexploitées ou peu utilisées - mais le plus souvent moins accessibles que les zones de production actuelles, où, parfois, les essences actuellement recherchées commencent à manquer. En outre, il reste même dans ces zones plus accessibles, de grandes quantités de bois d'essences qui ne sont pas encore commerciales. L'Amérique latine possède aussi des forêts qui pourraient être mises en exploitation, mais qui d'une façon générale sont plus éloignées et moins riches que celles des deux autres régions envisagées.

Par conséquent, dans l'ensemble, on ne peut rien dire de plus que ceci;

a) les producteurs tropicaux verront s'accroître énormément les débouchés pour leurs bois;

b) la mesure dans laquelle ils pourront s'assurer ces marchés dépendra, pour une grande part, de leur aptitude à contenir les coûts tout en augmentant la production: pour cela, il leur faudra, autant que possible, introduire un plus grand nombre d'essences diverses sur les marchés, rationaliser l'exploitation et les transports et exporter une plus grande partie de leur production sous forme traitée plutôt que sous forme de grumes;

c) les pays importateurs, de leur côté, se trouveront dans la nécessité d'accroître énormément leurs approvisionnements, ce qui les incitera à collaborer à la diffusion de nouvelles essences, à l'amélioration et au perfectionnement de la production et à l'abaissement des barrières douanières et autres en vue de faciliter un développement des importations de bois sous forme traitée.

BOIS A FIBRES LONGUES POUR LA PÂTE

La troisième catégorie de bois pour laquelle les besoins augmenteront, et cela d'une façon considérable, sera le bois à pâte et particulièrement le bois à fibres longues pour la pâte. Cette catégorie s'oppose aux deux autres, car, pour ce bois, la demande est purement quantitative, avec très peu de restrictions en ce qui concerne la dimension ou la qualité. Il en résulte que l'accroissement de la production est beaucoup moins limité aux zones possédant un type ou une qualité déterminés de bois.

On a vu ci-dessus que l'expansion prend trois formes différentes:

a) intensification de l'utilisation et de l'aménagement dans les zones actuellement exploitées par l'industrie papetière, dont les progrès techniques permettent d'utiliser une matière première bois plus variée et moins rigoureusement définie;

b) extension de l'exploitation des ressources encore importantes de bois de la qualité voulue;

c) création de nouvelles sources d'approvisionnement au moyen de plantations.

Etant donné cette variété de moyens, rares sont les régions où il n'existe pas de ressources supplémentaires de matière première convenant à la pâte, ou de possibilité d'en créer. Comme on l'a vu, même l'Europe, où les forêts sont désormais utilisées de façon très intensive, peut encore accroître rapidement sa production au cours des années à venir et le fera certainement. L'importance de cette expansion - et de celle des autres régions du monde dépendra en grande partie de ce qu'elle coûtera dans chaque région.

La façon dont augmentera l'offre de pâte, de papier et de carton sera de plus en plus marquée par la forte situation compétitive de l'Amérique du Nord. Les exportations annuelles de l'Europe septentrionale continueront à s'accroître énormément; en 1975, elles devraient dépasser d'au moins 15 millions de m³ (équivalent de bois rond) celles de 1961. Mais cette région, comme le Japon, aura de plus en plus de mal à accroître son approvisionnement en matière première à un prix de revient acceptable et compétitif. Les producteurs européens et japonais investissent déjà des capitaux dans la foresterie et l'industrie de la pâte nord-américaines, et des producteurs nord-américains font leur apparition sur le marché européen dans le secteur de la fabrication d'articles de papier et carton et la commercialisation. On pense que ces tendances se maintiendront et se développeront, mais leur direction précise et l'ordre de grandeur des changements dépendront certainement de facteurs tels que les barrières douanières et l'attitude des gouvernements à l'égard des capitaux étrangers et des investissements à l'étranger, qu'il est impossible de prédire ici. Mais, compte tenu de l'augmentation des besoins du reste du monde, on peut avancer que les exportations totales de bois à pâte de l'Amérique du Nord pourraient, en 1975, dépasser de quelque 35 à 45 millions de m³ ® celles de 1961.

L'intégration frontalière entre les producteurs canadiens et ceux des Etats-Unis rend difficile une évaluation plus précise de la forme et de la provenance de ces exportations: il est impossible de prédire si elles viendront en majeure partie des considérables excédents canadiens ou si, au contraire, une partie de l'industrie des Etats-Unis, hautement compétitive, travaillera de plus en plus pour les débouchés extérieurs, une part plus grande du marché des Etats-Unis étant approvisionnée par le Canada.

Quoi qu'il en soit, le Canada exportera (y compris ses exportations vers les Etats-Unis) un volume de pâte et de papier au moins égal aux exportations totales du continent nord-américain.

Malgré l'importance de cette augmentation, le pays possède de telles quantités de bois, déjà économiquement accessibles, qu'il sera très probablement possible de ne pas augmenter sensiblement les prix réels. L'accroissement des échanges de pâte et papier prévu pour 1975 sera donc, selon les prévisions, assuré en majeure partie par le Canada, l'Europe septentrionale et les Etats-Unis. Non que l'apport d'autres exportateurs moins importants soit négligeable. L'U.R.S.S., l'Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et le Chili sont des pays producteurs dont les exportations se développeront probablement au cours des années à venir. Mais d'ici 1975, leur part du marché restera limitée. Les paragraphes qui suivent étudient l'évolution probable au-delà de cette date.

Incidences à long terme

D'après ce qui précède, on prévoit que les forêts des régions tempérées de l'hémisphère Nord, dans leur totalité, pourront suffire à l'énorme accroissement des besoins dans ces régions d'ici 1975 (sauf en ce qui concerne les feuillus de grande dimension et de haute qualité) ainsi qu'à la demande d'importations du reste du monde. Mais des limitations sont en vue. Déjà, en Europe et au Japon, l'accroissement devra en grande partie être assuré par un aménagement plus intensif des forêts. Les zones forestières économiquement accessibles d'Amérique du Nord, par contre, possèdent encore un potentiel immense et inexploité de production de bois, même sous leur forme actuelle. L'énorme accroissement de la production annuelle prévu d'ici 1975 sera possible, en très grande partie, par la seule mise en exploitation de peuplements primaires encore inutilisés, par l'intensification des prélèvements dans d'autres régions déjà utilisées et par l'accroissement du volume des peuplements secondaires arrivant à maturité. Même si, en 1975, les exportations du Canada dépassaient de 50 millions de m³ ® celles de 1961, c'est-à-dire atteignaient le maximum envisagé ici, la production du pays, qui atteindrait environ 150 millions de m³ ®, serait encore nettement inférieure à la possibilité estimée pour les seules forêts déjà économiquement accessibles, qui est de 210 millions de m³ ®.

Les réserves déjà accessibles de la région resteront donc considérables bien au-delà de 1975. Mais, si grandes que scient les forêts, elles ne sont pas sans limites. Tôt ou tard, pour continuer à accroître la production il faudra intensifier l'aménagement des forêts les plus accessibles et les plus productives. On estime même que, pour que la production des Etats-Unis puisse continuer à augmenter suffisamment vite pendant le dernier quart du XXe siècle, il faudra bientôt intensifier les programmes forestiers.

Des considérations analogues valent pour les autres grandes ressources naturelles de résineux, dans le nord et l'est de l'U.R.S.S. La mise en exploitation de ces peuplements primaires permettra d'accroître la production nationale pendant encore quelque temps, mais tôt ou tard la poursuite de l'expansion exigera une intensification de l'aménagement forestier. En outre, les besoins nationaux seront si grands et s'accroîtront si rapidement qu'ils absorberont la majeure partie de l'augmentation de la capacité de production. De plus, la partie la plus riche des ressources inexploitées ou sous-exploitées de l'U.R.S.S. est éloignée de tous les débouchés extérieurs et les ports les plus voisins sur les côtes arctique et Pacifique sont assez mal situés pour desservir les grands marchés mondiaux. L'U.R.S.S. accroîtra donc certainement ses exportations de produits du bois, mais cette expansion sera limitée par le coût de l'exploitation, dans les régions où il existe encore des forêts à mettre en valeur.

Il est donc nécessaire d'étudier les incidences à plus long terme de l'évolution envisagée. Quelles sont les possibilités d'accroître la production des différents types de forêt? La faiblesse relative du rendement à l'hectare et les restrictions qu'imposent le climat et des milieux généralement pauvres, dans beaucoup de forêts de la zone tempérée de l'hémisphère Nord dont provient actuellement l'essentiel de l'approvisionnement mondial, limiteront-elles les possibilités d'accroître leur productivité sans que les prix de revient ne deviennent excessifs? Dans ce cas, quelles sont les autres régions du monde qui pourraient gagner de l'importance en fournissant dans des conditions plus compétitives du bois et des produits dérivés?

Rappelons tout d'abord que, même là où les ressources forestières sont utilisées intensivement, le secteur du bois se caractérise par un progrès plus rapide des modes d'utilisation (techniques nouvelles ou mieux adaptées permettant de tirer parti plus complètement des types et des dimensions disponibles) que de la production proprement dite (accroissement de la récolte de bois présentant des propriétés données). On peut prévoir que les progrès techniques ultérieurs continueront surtout dans ce sens, car la production de bois exige des délais exceptionnellement longs et, comme on l'a vu au chapitre I, une croissance économique soutenue de type moderne s'accompagne de changements toujours plus rapides des activités industrielles. Il reste certainement encore beaucoup de possibilités: les forêts de feuillus tropicaux mélangés, par exemple, représentent une réserve énorme de matière première qui pourra être utilisée pour la pâte. Il faut évidemment tenir compte de toutes ces considérations en aménageant les forêts, pour déterminer dans quel sens devra se poursuivre l'intensification.

Deuxièmement, on n'a guère, jusqu'à une date récente, appliqué massivement les techniques modernes à la récolte et encore moins à la production de bois. La plupart des progrès qui ont été faits l'ont été grâce à une utilisation plus intensive des capitaux et de la main-d'œuvre. Mais la «révolution agricole» donne une idée de la rapidité avec laquelle des changements de ce genre peuvent se produire et de l'importance des transformations possibles. Il serait, à n'en pas douter, dangereux de décréter que ce stade de la production de bois ne se modifiera pas profondément. Au contraire, du fait même du retard actuel, on peut dire que les progrès futurs sont à la fois plus nécessaires et plus probables.

Le stade de la transformation ne pouvant continuer à se perfectionner qu'au prix de difficultés et de frais croissants, il faut prévoir que l'on s'attachera de plus en plus à améliorer le stade de la production et de la récolte du bois.

Il est dès maintenant clair que des progrès considérables sont possibles. Ainsi, on peut, semble-t-il, obtenir dans les forêts naturelles un rendement sensiblement supérieur à peu de frais grâce à des applications aériennes d'engrais, et plus encore en introduisant des essences forestières à fort rendement; la production continuera de s'accroître lorsque l'on appliquera des mesures d'amendement du milieu et des techniques de culture accélérée.

Mais cette culture intensive est coûteuse, et n'est rentable que lorsqu'elle assure un accroissement de rendement suffisant. Dans une grande partie des forêts de la zone tempérée nord, les résultats ne justifieraient pas une augmentation notable des investissements de capitaux et d'autres facteurs de production. Mais il existe dans la région de très grandes zones de forêts productives ou qui pourraient l'être. L'Europe occidentale et l'Amérique du Nord possèdent aussi beaucoup (et de plus en plus) de terres arables excédentaires pour l'agriculture, et où l'on pourrait obtenir de forts rendements de bois. Il est indubitable que la région tempérée nord a encore de grandes possibilités d'accroître sa production de bois.

Mais c'est dans les régions bénéficiant d'un ensemble de conditions de milieu, de température et d'humidité généralement absentes dans la zone tempérée nord que l'on a obtenu les résultats les plus frappants et l'accélération la plus marquée de la production de bois. On s'est beaucoup intéressé, au cours de la présente étude, aux caractéristiques des plantations d'essences à croissance rapide dans les régions situées au sud de la zone tempérée, où il existe de très grandes superficies de terre présentant les conditions voulues. Avec des rendements à l'hectare atteignant souvent cinq à dix fois le rendement moyen dans les forêts tempérées du Nord, donnant un bois homogène et qui peut être produit «sur mesure» pour répondre aux besoins en matières premières des industries utilisatrices et à l'endroit voulu, ces plantations, dans certaines parties d'Afrique, d'Amérique latine, du bassin méditerranéen et d'Asie, permettent généralement de livrer du bois à un prix nettement inférieur à celui qui est pratiqué dans les pays tempérés du Nord. Il y a donc, dans ces régions, un potentiel important pour la production de grandes quantités de bois bon marché, y compris des grumes de sciage et de déroulage aussi bien que du bois à pâte. D'autre part, il se pose un problème: comment assurer en permanence une production de feuillus tropicaux, pour lesquels la demande est déjà très vive? On s'est surtout préoccupé, jusqu'à présent, des moyens de mettre en exploitation de la façon la plus efficace et la plus rationnelle les ressources existant dans les forêts ombrophiles tropicales hétérogènes, mais lorsque les peuplements primaires auront été exploités, les plantations homogènes à fort rendement pourraient constituer une source d'approvisionnement plus satisfaisante pour certaines des essences tropicales les plus recherchées.

A l'échelle mondiale, la production se développera évidemment dans toutes ces directions. Il faudra à la fois intensifier l'aménagement des forêts existantes, tant dans les zones tempérées que dans les zones tropicales, et introduire ou développer la production dans des zones qui, grâce à des plantations artificielles, pourraient fournir un apport considérable de bois bon marché. Sur le plan quantitatif, il est indubitable que de loin la majeure partie de l'accroissement de production continuera d'être assurée, dans un avenir prévisible, par une intensification des aménagements forestiers dans les régions tempérées, ce qui sera déjà garanti par la seule concentration des moyens pour l'aménagement et le traitement du bois dans ces régions.

Si l'on s'est particulièrement attaché ici aux ressources productrices des autres régions du monde, c'est que dans leur cas, il n'existe aucune cause interne de ce genre qui puisse déterminer leur complète mise en valeur. En d'autres termes, la concentration très nette des ressources disponibles du secteur dans une seule zone risque de faire négliger, sous-estimer ou même exclure le potentiel considérable des autres régions. Cela est d'autant plus regrettable que le développement des marchés dans le reste du monde accentue le caractère restrictif et irrationnel de ce quasi-monopole des pays nordiques: le coût du transport de la pâte, du papier, et plus encore du bois, majore en effet de beaucoup le prix de revient total du produit sur les marchés lointains. C'est pourquoi ce sont certains des pays les plus éloignés, en Australasie, en Afrique méridionale et dans les pays du sud de l'Amérique latine, qui ont les premiers créé des industries nationales prospères, basées en grande partie sur du bois de plantation, et qui maintenant non seulement pourvoient à une grande partie des besoins nationaux et de ceux des pays voisins, mais sont même compétitives sur le marché international. est donc de l'intérêt de tous - pays qui pourraient devenir producteurs, pays qui pourraient avoir un déficit et industries forestières cherchant de nouvelles sources de matières premières - de prendre conscience de l'existence de zones possédant des forêts susceptibles de produire du bois et des produits dérivés à bon marché et qui pourraient - et devraient, si le bois doit rester compétitif - jouer un rôle de plus en plus important dans un avenir plus éloigné.

Il importe également de comprendre les différents problèmes que posera la mise en valeur de zones dans lesquelles même le matériel sur pied devra être créé à partir de rien, et de tenir compte des délais nécessaires. Il faudra de très gros apports de capitaux et d'assistance technique pour la prospection, la formation professionnelle, la recherche et la mise en œuvre. Des recherches seront également nécessaires pour définir les conditions propres aux nouvelles zones de production et mettre au point des techniques appropriées pour ces conditions. En outre, l'établissement préalable de grandes plantations, qui ne commenceront à rendre qu'au bout d'au moins 10 à 15 ans, exige des procédures financières plus souples que celles qui sont généralement appliquées. La nouvelle configuration de l'offre qui en résultera exigera une correction des structures douanières et des autres obstacles au commerce, en vue d'encourager les nouveaux courants d'échanges qui prendront naissance.

En étudiant le potentiel des régions tropicales et subtropicales, on s'est arrêté sur la nature des modifications qu'appellera la mise en valeur de ce potentiel, dont certaines différeront de celles qu'entraîne généralement l'expansion du secteur du bois dans la forme et dans les endroits où il existe actuellement. Mais il ne faut pas exagérer ces différences. Comme les besoins mondiaux de produits du bois augmentent d'un volume considérable en chiffres absolus, les ressources mondiales de bois sont nécessairement plus complètement utilisées. Cette tendance sera accentuée par l'abolition progressive des démarcations entre les approvisionnements et les marchés des différentes régions, à mesure que la demande et les industries forestières se développent et prennent une dimension mondiale. En effet, l'offre de bois reflète de plus en plus fidèlement les différentes formes et degrés d'avantage compétitif des diverses zones de production. A l'heure actuelle, cela vaut surtout pour les différentes parties de la zone tempérée de l'hémisphère Nord. Mais la poursuite de l'expansion aboutira aussi en fin de compte à l'exploitation des ressources inutilisées ou sous-employées du reste du monde, qui pourraient devenir compétitives. Ce qui importe, c'est que les responsables des politiques qui affectent le secteur du bois scient conscients de l'existence, de la nature et du potentiel de ces ressources. Par-dessus tout, il faut que dans le monde entier, l'évolution se fasse dans le sens d'une utilisation rationnelle - tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif - du bois disponible, compte tenu du développement des industries forestières voisines et des plans de développement régionaux et que cette évolution s'intègre à ces plans, aux niveaux national et régional.

Le bois reste l'une des principales ressources naturelles et l'une des principales matières premières du monde; avec l'expansion économique, la demande s'accroît sans cesse et porte sur des formes toujours plus diverses; enfin le bois peut être à la base de nombreuses activités qui contribuent à cette expansion économique. Il représente donc une ressource qu'il est essentiel d'aménager et de mettre en valeur, de façon à fournir à l'économie un apport maximum.


Page précédente Début de page Page suivante