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2. SITUATION DES RESSOURCES GENETIQUES FORESTIERES


2.1. Domaines phytogéographiques du pays
2.2. Utilisations des espèces forestières
2.3. Menaces sur les ressources génétiques forestières

2.1. Domaines phytogéographiques du pays

Les formations forestières se composent de quatre catégories principales:

Les mangroves

La côte guinéenne présente un niveau bas, vaseux, périodiquement submergée par la marée, avec néanmoins un apport important d'alluvions par les fleuves côtiers. L'essence pionnière qui colonise les bancs de sable est le Rhizophora représenté par trois espèces: Rhizophora racemosa, Rhizophora harrisonii et Rhizophora mangle.

Les forêts denses humides

Elles couvraient probablement il y a quelques centaines d'années, plus de la moitié du pays. Elles se répartissent en:

La forêt dense sèche

Cette formation couvrait jadis très largement la moitié Nord du pays, à l'exception du Fouta Djallon. Les espèces dominantes sont Parkia biglobosa et Pterocarpus erinaceus avec les peuplements de bambous. A l'Ouest, il s'agit essentiellement de grandes légumineuses: Pterocarpus erinaceus, Erythrophleum sp., Afronersia laxiflora et Prosopis africana.

Les savanes

La plus grande partie des savanes résulte de la dégradation anthropique des formations boisées. Recouvrant la majeure partie du territoire, les grandes formations sont:

La répartition en superficie des formations végétales est présentée dans le tableau 1.

Tableau 1: Importance relative des différentes formations végétales dans le pays (Source: PAFT - Guinée 1988)

Formations

Superficie (ha)

% du territoire

Mangroves

250 000

1,02

Forêt dense humide

700 000

2,85

Forêt dense sèche et forêt claire

1 600 000

6,51

Savane boisée

10 636 000

43,25

S/T Formations boisées

13 186 000

53,63




Cultures

1 700 000

6,10

Jachères et savanes arbustives

7 500 000

30,51

Autres

2 200 000

9,76

S/T Autres formations

11 400 000

46,37




Total

24.586.000

100,00

2.2. Utilisations des espèces forestières

Les ressources génétiques forestières (RGF) fournissent du bois d'œuvre, de feu et de service. Elles sont aussi utilisées comme sources d'aliments soit directement sous forme de graines, et de noix, de fruits, de pousses et de feuilles qui peuvent être mangés crus ou cuits, soit indirectement sous forme de fourrage pour le bétail ou encore comme médicament dans la pharmacopée traditionnelle et comme matière première pour l'artisanat. Divers autres usages ayant trait à l'augmentation de la productivité des terres, la production des matières colorantes (indigo, par exemple), fabrication de produits cosmétiques contribuent largement à l'amélioration du revenu des populations.

Utilisations alimentaires

Plusieurs espèces «sauvages» jouent un rôle essentiel dans l'alimentation des ménages surtout pendant la période de soudure (juillet, août). Leur utilisation varie d'une zone à une autre.

Pendant la saison sèche, les enfants et les femmes sillonnent, par exemple, de part en part, la forêt classée de Kounounkan dans la préfecture de Forécariah pour l'extraction des tubercules «sauvages» et pour la cueillette des noix de Schmelltia manii. Ces noix séchées et moulues sont vendues à environ 1500 FG (soit 750 FCFA) le kg sur le marché. Les fruits de Parinari excelsa et de Detarium senegalense sont également vendus dans tout le pays

Xylopia aethiopica fournit des graines fortement poivrées qui sont utilisées comme épices. L'amande de la graine de Vitellaria paradoxa permet de produire le «beurre de karité» qui est la principale ressource lipidique dans les zones soudaniennes. Les graines de Pterocarpus santalinoides, Sterculia setigera, Borassus aethiopum, Parinari curatellifolia, Piliostigma thonningii, etc. sont comestibles. Il en est de même des noix de Anacardium occidentale et de Cola nitida.

Les fruits de Parinari excelsa ont un goût sucré. Ils sont ramassés au sol pour l'autoconsommation et pour la commercialisation. Il en est de même du Dialium senegalense dont les fruits sont très riches en vitamine. Anisophylla laurina produit des amandes acidulées beaucoup consommées en Basse Guinée où elles sont parfois mises en conserves. Le péricarpe et l'exocarpe des fruits de Raphia sudanica sont comestibles. Plusieurs essences comme Adansonia digitata, Annona senegalensis, Anogeissus leiocarpus, Artocarpus altilis, Blighia sapida, Borassus aethiopum, Bridelia ferruginea, Bridelia micrantha, Cajanus cajan, Grewia mollis, Moringa oleifera, Piliostigma thonningii, etc. sont appréciées pour leurs graines comestibles.

Les jeunes feuilles de Moringa oleifera sont utilisées pour cuisiner des sauces et mangées crues comme salade. Elles contiennent de 5 à 10% de protéine et sont très riches en vitamine A et C, minéraux, calcium et fer. Comme autres essences dont les feuilles sont comestibles, on peut citer: Adansonia digitata, Albizia zygia, Alchornea cordifolia, Ceiba pentandra, Daniellia oliveri, Pterocarpus santalinoides, etc. Les fleurs de Moringa oleifera sont utilisées pour cuisiner des sauces. Elaeis guineensis est beaucoup sollicité par la population pour son huile. La sève de Borassus aethiopum riche en sucre, est extrait sous forme de vin.

Utilisations médicinales

On estime à près de 80% le nombre de guinéens qui font recours aux tradithérapeutes pour se soigner. Les espèces comme Xylopia aethiopica, Khaya senegalensis, Craterispermum laurinum sont largement valorisées dans la pharmacopée traditionnelle.

Différents organes (écorce, racine, feuilles, fleurs, graines) des plantes «sauvages» sont utilisés dans la pharmacopée. L'écorce du tronc et des racines de Lophira lanceolata est employée pour soigner la toux et les maladies pulmonaires gastro-intestinales et contre le paludisme. L'infusion de l'écorce est une lotion de la bouche contre les maux de dents; elle est d'usage interne contre la lèpre, ainsi que la décoction, qui est encore utilisée contre la jaunisse.

L'infusion des feuilles de Combretum micranthum (quinquéliba) sous forme de tisane est couramment utilisée pour le petit déjeuner après addition de quelques morceaux de sucre. Pour ses propriétés diurétiques, la tisane est aussi utilisée contre la fièvre bilieuse accompagnée de vomissement et contre les troubles de foie. La décoction froide de ses racines sert de vermifuge et de lotion pour les plaies. La décoction des racines de Entada africana est un stimulant et un fortifiant. Les graines de Terminalia macroptera sont utilisées contre la migraine. Les graines de Uvaria chamae broyées avec celles de Piper guineense sont frictionnées sur le corps contre les rhumatismes.

Utilisations comme fourrage

Les espèces forestières principalement appetées par le bétail sont: Vitex doniana, Vitellaria paradoxa, Uvaria chamae, Terminalia glaucescens, Sterculia tragacantha, Spondias monbin, Securidaca longepedunculata, Samanea saman, Rauvolfia vomitoria, Pycnanthus angolensis, Pterocarpus santalinoides, Pterocarpus erinaceus, Pseudospondias microcarpa, Phyllantus discoideus, Newbouldia laevis, Khaya senegalensis, Gliricidia sepium, Dichrostachys glomerata, Daniellia oliveri, etc.

Utilisations comme bois de feu

Le bois de feu, constitue la principale source énergétique du pays (probablement plus de 80 à 90% de l'énergie consommée). La fréquence de la collecte, la durée et les distances parcourues sont très variables au cours de l'année et suivant les régions. Les fréquences varient entre 1 fois/jour à 2 ou 3 fois/semaine alors que la durée de collecte est de 1 heure à 4 ou 6 heures. Les distances parcourues sont généralement de 1 à 10 km.

Dans les villages situés à proximité des grands axes routiers, en plus de l'auto-approvisionnement, certains paysans se livrent à la vente de bois énergie. En Haute Guinée, les espèces les plus commercialisées dans les villes sont Pterocarpus erinaceus ou Terminalia glaucescens. Le charbon de bois est très peu utilisé en milieu rural et la filière est beaucoup plus développée dans la ville de Conakry. Cette filière emploie près de 8 000 à 12 000 acteurs, avec un chiffre d'affaire estimé entre 2,5 et 3,5 milliards de Francs guinéens (soit 1,25 et 3,75 milliards de FCFA) en 1986.

Utilisation comme bois d'œuvre

L'exploitation du bois d'œuvre a pu être assez intensive ces dernières années surtout après la fermeture des mines de diamant en 1985. Le marché du bois et du charbon de bois représenterait à Conakry environ 7 milliards de Francs guinéens (environ 7, 6 millions de dollars US) par an et fournirait du travail à 25 - 30 000 personnes si l'on prend en compte les activités réalisées à temps partiel. La consommation nationale actuelle est estimée à 105 000 m3/an selon l'Office Guinéen du Bois. On compte deux scieries opérationnelles et près de 5 scieries vétustes dans le pays. La scierie de N'Zérékoré emploie 70 personnes à temps plein et 4 à 10 personnes à temps partiel. Cédé sur pied, dans le passé, par les populations rurales aux scieurs de long et scieurs tronçonneurs au prix symbolique de 10 noix de cola, le bois d'œuvre leur apporte actuellement un peu plus de revenus depuis l'adoption en 1989 du nouveau code forestier qui les rend responsables de la gestion des forêts villageoises.

Utilisations comme bois de service

Les produits artisanaux comme les paniers, les vans, les nattes, les sacs, les pilons, les mortiers, les ustensiles et autres articles utilitaires font l'objet d'un commerce florissant dans tout le pays. L'importance de ces produits forestiers non ligneux dans l'économie nationale n'a encore été évaluée. Pourtant, à titre d'exemple, le palmier à huile (Elaeis guineensis) et le raphia (Raphia nobilis) font aujourd'hui, plus qu'ailleurs dans le pays, la richesse des populations de Guinée forestière.

Ces produits sont vendus aussi bien en milieu urbain que rural. Les essences utilisées sont: Raphia sudanica, Raphia nobilis, Bombax costatum, Borassus aethiopum, Rauvolfia vomitoria, Ceiba pentandra, Hexalobus monopetalus, etc. Le bois de Prosopis africana est recherché par les artisans d'art (sculpture, touches de balafon, masques, etc.). Les pagnes teints avec de la matière colorante obtenue de Indigofera sp. sont très réputés sur le marché Ouest africain.

Autres utilisations

Les arbres donnent de l'ombrage. Associés aux cultures, ils élèvent la productivité des terres. C'est le cas de Parkia biglobosa qui fixe l'azote. Ils permettent également de lutter contre l'érosion et assurent la protection des terres (Nauclea latifolia). Les clôtures, les haies de délimitation, les brise-vent (Pycnanthus angolensis) se font avec les espèces «sauvages». Le bois de Prosopis africana est planté au milieu de la cour dans les concessions pour désigner un point sacré ou pour signifier la baraka.

Les extractions rentrent dans la gamme des utilisations des espèces ligneuses:

2.3. Menaces sur les ressources génétiques forestières

Impact de l'agriculture sur les espèces et populations forestières

On estime à 6 millions d'hectares, la superficie cultivable du pays, soit environ 25% du territoire national. Les systèmes culturaux sont fortement liés à la dynamique de la déforestation et à la dégradation de l'environnement. La présence de vastes étendues de Hyparrhenia sp. et d'Imperata cylindrica explique la progressive secondarisation d'une végétation fortement dégradée. L'agriculture pratiquée est encore itinérante sur brûlis. La durée des jachères est de plus en plus courte en raison de la poussée démographique et de la monétarisation de l'économie paysanne. Les cultures dominantes sont le riz pluvial, l'arachide, le sorgho, le maïs, le manioc, le fonio et le coton qui est une culture de rente. Le raccourcissement des jachères entraîne un épuisement des sols, une chute des productions et par conséquent une augmentation des surfaces à mettre en culture aux dépens de la forêt. Lors des défrichements agricoles, certaines espèces comme Parkia biglobosa, Parinari excelsa, Tamarindus indica, Borassus aethiopium, Anisophyllea laurina, Vitellaria paradoxa, et Elaeis guineensis sont épargnées pour leur utilité.

En zone de mangrove, le droit coutumier qui réglemente l'accès aux terres est à l'origine d'un défrichement excessif. En effet, en vertu du droit du premier occupant, le paysan est enclin à défricher bien plus qu'il ne pourrait cultiver dans le seul but d'accroître son patrimoine foncier. La riziculture traditionnelle repose, en général, sur l'aménagement des bougounis sur les sols à Avicennia qui sont moins riches en sulfures.

Par ailleurs, le long des berges d'estuaires supérieurs, on assiste à un défrichement important des sols à Rhizophora plutôt destiné à l'établissement de rizière en système ouvert. Hors de la mangrove proprement dite, le défrichement menace également sur la végétation caractéristique des digitations en amont et des plaines marécageuses d'eau douce (cas des peuplements à Nepanocarpus).

Impact de l'élevage sur les espèces ou les populations ligneuses forestières

La forte densité du bétail détermine les paysages agricoles et contribue à l'érosion des sols. En saison des pluies, le bétail pâture généralement sous gardiennage. Par contre durant la saison sèche, il est laissé en divagation notamment en Haute Guinée. Les troupeaux du Fouta partent en transhumance en Guinée maritime. Dans les cas de surpâturage, il y a destruction des jeunes plantules broutées par le bétail, empêchant toute régénération naturelle. La forêt qui est progressivement constituée d'arbres séniles, plus sensibles aux feux et devient vulnérable aux parasites et aux aléas climatiques. La divagation des animaux rend aléatoires toutes les actions liées au développement de l'arbre exposé à la dent des animaux surtout en saison sèche. A ces atteintes, il faut ajouter l'émondage partiel des arbres qui tue les souches, soit directement soit en diminuant leur résistance.

Exploitation forestière (bois d'œuvre et produits forestiers non ligneux)

Il s'agit ici de l'enlèvement des individus les plus beaux et les plus conformes aux besoins humains au sein des populations. Ainsi, ce sont les individus restants, les moins valables pour les usages de l'homme, qui assurent seuls la survie de l'espèce. Ce processus d'écrémage provoque ainsi une sélection négative à la génération suivante.

La coupe du bois pour la production de charbon de bois prend également des proportions inquiétantes dans les zones proches de la capitale Conakry et certaines grandes villes de l'intérieur comme Labé, Mamou, Kankan, etc.

Autres sources de menace

La carbonisation, l'exploitation minière, la fragmentation des forêts, l'urbanisation, les guerres dans les pays voisins, etc. affectent négativement les ressources génétiques forestières. La Guinée possède les trois quarts des réserves mondiales de bauxite et les processus industriels ayant lieu en aval, notamment pour la production finale d'aluminium, peuvent entraîner d'importantes émissions de divers gaz: CO2, oxydes d'azote, CO, SO2, C2F6 et CF4, en dehors des émissions provenant de la consommation d'énergie.

Par ailleurs, les efforts de reboisement sont très modestes et la durée de la jachère diminue d'année en année, ce qui restreint le retour du carbone et de l'azote dans les plantes et les sols. En raison de ces perturbations, les écosystèmes forestiers pourraient devenir plus vulnérables encore aux impacts du changement climatique.

L'introduction des espèces exotiques a souvent pour conséquence un changement de diversité biologique. La perte de cette diversité pour des populations locales plus résistantes par exemple aux contraintes liées à l'environnement et aux maladies peut être due au mouvement souvent incontrôlé et non répertorié du matériel génétique forestier exotique utilisé en plantation. L'hybridation qui se produit entre les peuplements autochtones des plantations dérivées d'espèces ou de provenances introduites peut entraîner, pour les générations futures, une perte d'identité des populations locales qui en diminue la capacité d'adaptation et réduit les possibilités d'utiliser leurs spécificités pour la sélection.

Les plantations d'essences forestières locales sont souvent effectuées avec un très petit nombre de descendances. Cette base génétique extrêmement étroite mène à la consanguinité et à la dégénérescence dans les semis naturels ou dans les graines qui pourraient être récoltés sur ces peuplements.

Les feux de brousse parcourent tous les ans en saison sèche, la savane guinéenne. Ce qui est un facteur de détérioration de la base génétique des ressources naturelles.

Les ravageurs et les maladies méritent aussi une attention particulière pour minimiser autant que faire se peut, leurs effets négatifs sur la biomasse et utiliser au mieux les ressources existantes.

Liste des espèces ou populations d'espèces végétales menacées

Il ne fait pas de doute que certaines espèces forestières sont en nette diminution dans certaines zones du pays. Dans les forêts denses humides de la Guinée forestière, il a été dénombré 9 espèces rares à très rares dont certaines sont en voie d'extinction: Tieghemella heckelii, Kantou guereensis, Aukoubaka aubrevillii, Angokea gore, Balanites wilsoniana, Panda oleosa, Manilkara multinervis, Chrysophyllum pentagonocarpum, Oldfieldia africana, voire Aubrevillea platycarpa et Sterculia oblonga. Ce phénomène peut être considéré comme les signes avant coureurs de disparition progressive, d'où la nécessité de veiller à une gestion durable des ressources et des terres forestières.


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