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VI - DISCUSSIONS

a) La cueillette d'algue sauvage

On peut dire que la récolte d'Euchema s'est vite développé à Toliara. La production obtenue au cours de l'année 1992 déclarée par BIOMAD s'élève à 180T (équivalent poids sec). Les réalités et les comportements des littoraux nous permettent d'avancer que ce rendement peut être amélioré en agissant sur l'efficacité de la récolte. L'intervention peut se faire à différents niveaux:

1- au niveau de la récolte:

L'enquête a montré que la vente d'algue marine aide les familles pêcheurs à couvrir leur besoin en nourriture. Le système et la fréquence de collecte actuels ne les incitent pas à travailler davantage: souvent, leur production est cédée à bas prix. Aussi, faudrait-il organiser un réseau de collecte approprié par village. Par exemple, il faudrait établir sur place un agent collecteur qui achète les algues régulièrement ou tout au moins à chaque morte eau.

2- Au niveau des pêcheurs

La majorité est analphabète. Ils acceptent à contre coeur la valeur en poids donnée par le collecteur lors du pesage. Aussi sont -ils sont mécontents, car ils pensent avoir ramené plus que ce qu'on leur a dit. Par ailleurs, à cette ignorance s'ajoute l'illusion de volume. Pour une pirogue bien remplie, il ne reste que 10 à 12 Kg sec. Ces deux faits ont découragé bon nombre de personnes.

La confiance mutuelle doit régner entre le collecteur et les pêcheurs pour qu'il n'y ait pas de soupçon de vol de poids ou de qualité.

3- Des mesures d'aménagement doivent être envisagées pour éviter l'épuisement du stock accessible au profit de l'augmentation de la production. Ce phénomène justifie la migration des ramasseurs vers le nord.

A proscrire par exemple, l' arrachage de l'algue à la main qui détruit le support et compromet la repousse. L' utilisation de faucille ou de coupe-coupe pourrait pallier à cette pratique destructive pour préserver la ressource naturelle.

A envisager également, l' étude de la biomasse algale afin de déterminer le niveau annuel du stock soutirable et éventuellement d'instaurer des réglementations appropriées (saison de cueillette, moyens utilisés, etc…).

b) La culture d'algue

Nous mentionnons également ici les tentatives de culture initiées par BIOMAD en mettant l'accent sur les points faibles et les solutions envisageables.

- Culture au niveau des “familles pilotes”

Deux familles volontaires ont servi de base d'essai de culture au village de Tsifota, situé à environ 70 Km au nord de Toliara. La société a fourni tout le matériel, le champ étant un domaine public. La famille assure la main d'oeuvre nécessaire.

Les points faibles sont:

* manque de motivation des récepteurs.
Les familles étaient mal préparées. Elles ne savaient pas ce qui les attendait, mais c'est surtout l'idée de gagner beaucoup d'argent qui a guidé leur adhésion.

* mauvaise organisation du travail
Les hommes ont entrepris tous les travaux à faire, même le sarclage et l'entretien destinés aux femmes et aux enfants. Ainsi, ils ont consacré leur temps à une occupation secondaire et n'ont plus le temps de pêcher. Or sa famille doit manger.

* mauvaise rémunération
Après deux mois et demi environ, ils avaient récolté les premières productions. Mais à leur grande déception, le prix est inférieur à celui de l'algue sauvage (300Fmg). Cet incident les a dérouté totalement et ils ont abandonné la culture.

- Culture faite par les jeunes “chômeurs” de Toliara

Pour surmonter cet échec au niveau familial, BIOMAD s'est tourné vers les jeunes chômeurs en quête de travail, espérant qu'ils ont plus de motivation. Le groupe est formé de jeunes étudiants licenciés ou en deuxième année. BIOMAD leur a proposé une culture individuelle sans autre apport que leur force. Aussi, la société procure tous les matériels (piquet, corde, tie-tie, pirogue…) ainsi qu'une prime de 3000 Fmg par semaine par individu.
Le lieu d'implantation choisi est le village de Tsiandamba, à une dizaine de kilomètre au nord de Tsifota. Les avances en matériel sont prévues à être remboursés à la récolte.

Points faibles

* manque de motivation des étudiants qui tâtonnaient encore le métier de cultivateur. Associés à leur connaissance du milieu insuffisante ainsi que les risques encourus, ils étaient découragés.

* manque de confiance entre les partenaires.
Un groupe de 4 à 5 personnes s'occupent de la mise en place d'un module et ainsi de suite. La production sera distribuée entre eux.

* encadrement insuffisant de BIOMAD créant une ambiguïtés chez les jeunes qui étaient de moins en moins motivés. Or la réussite de la culture ne dépend pas uniquement de la maîtrise des techniques mais surtout du facteur humain premier facteur de production.

Nous pensons que l'échec de ces deux essais relève de la mauvaise méthode d'approche de BIOMAD. Elle aurait dû mener des études de reconnaissance du milieu récepteur avant de se lancer dans la culture, la réussite de l'action étant conditionnée par l'attitude et la réaction des intervenants.

c) Impacts économiques de la collecte d'algue

Il est difficile de ne pas évoquer les bienfaits économiques de l'existence de l'exploitation d'algue dans la région de Toliara.

- Au niveau communautaire

Considérant la masse monétaire globale injectée au niveau des villages de pêcheurs, la transaction algale est non négligeable. Sur la base de 180 tonnes d'algue collectée pour l'année 1992, cela représente 63 Millions de FMG.

De plus, le volume des emplois temporaires créés par la filière occupe une partie de la population locale: par exemple manutention, couture des sacs. A titre indicatif, pour 180t, il faut environ 7200 sacs de 25 Kg dont les frais de main d'oeuvre s'élève à 1.260.000 Fmg par an à raison de 175 Fmg par sac.

- Au niveau régional

Outre la création d'emplois liée à l'installation de la société pour le personnel, des emplois indirects sont créés offrant des activités pour les transporteurs, les collecteurs privés,… De plus, l'exportation des algues séchées génère des devises pour la nation entière. Le cours mondial varie de 200 à 900 dollars la tonne. Madagascar a exporté 250 tonnes d'Euchema pour l'exercice 1992.


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