Le processus de détermination des taxes forestières
Depuis la déclaration sur les terres de 1975, qui a transféré tous les droits de propriété sur les terres à l’État, l’utilisation des forêts est réglementée par un système de contingents de production délivrés par l’administration forestière. Des techniciens de terrain repèrent les zones forestières dans lesquelles peuvent être appliqués les contingents de coupe et évaluent les taxes à payer. Cette évaluation dépend du volume qui sera coupé pour chaque espèce, de la qualité et du type de bois rond qui seront produits et de l’emplacement de la forêt.
Jusqu’en 1990, le gouvernement déterminait ou approuvait le prix de tous les produits forestiers, sur la base de directives techniques et d’estimations de la valeur des produits. Les directives portaient sur les redevances d’exploitation et les droits de coupe à facturer pour les différents types de bois ronds. Cependant, ces taxes ne reflétaient pas le coût de production ou le coût de remplacement des arbres qui seraient coupés. Au lieu de cela, elles étaient principalement basées sur les prix des différents produits forestiers sur le marché local, en tenant compte de la distance de chaque forêt par rapport aux villes principales. Il s’ensuit que les prix étaient généralement trop bas. On estime que c’est l’une des principales raisons, avec la reconnaissance insuffisante des biens et services procurés par les forêts en Éthiopie, pour lesquelles il a été difficile de mettre en œuvre l’aménagement durable des forêts dans le pays.
En 1990, une étude a été réalisée pour améliorer l’estimation des taxes forestières (voir : ministère de l’agriculture, 1990a et 1990b). L’objectif de l’étude était de rationaliser les redevances d’exploitation, sur la base de l’une de ces deux méthodes:
Dans la première méthode, les redevances d’exploitation à payer pour les différents types de bois ronds devaient être déterminées en prenant la valeur marchande des différents produits dans 23 villes sélectionnées, et en en déduisant les coûts de production. Toutefois, cette méthodologie n’était pas très efficace car de nombreux producteurs n’indiquaient pas le prix de vente réel des produits forestiers. C’est pourquoi elle n’a pas été retenue pour estimer les redevances d’exploitation.
La seconde méthodologie posait aussi des problèmes car il fallait des études approfondies pour estimer le coût de production de chaque espèce, depuis la récolte des graines jusqu’à la fin de la révolution. Pour surmonter ces difficultés, on a donc effectué une étude spéciale pour estimer les coûts de production. Des informations ont été rassemblées sur les coûts de production des arbres, plus les coûts de la récolteet du transport. En outre, des modèles informatiques ont été mis au point pour permettre au groupe d’étude d’inclure dans les calculs les taux d’intérêt et la marge de profit (respectivement estimés à 8 et 15 pourcent). L’étude était aussi basée sur l’hypothèse d’un taux de rendement en sciages de 45 pour cent.
L’étude couvrait les espèces et les produits forestiers suivants :
A la suite de cette étude, les taxes forestières ont été révisées en 1993 (voir Tableau 12). Comme le montre le tableau, les redevances d’exploitation afférentes aux différentes espèces ont été très fortement relevées, si bien que les redevances à payer pour des espèces indigènes comme Podocarpus gracilior, Juniperus procera et Olea africana dépassaient 200 Birr par mètre cube.
Tableau 12 Augmentations des redevances d’exploitation moyennes, à la suite de l’étude de 1990 sur l’évaluation et la commercialisation des produits forestiers
Type de produit |
Redevances, 1990 – 1993 (en Birr/m3) |
Redevances, 1993 – 1995 (in Birr/m3) |
Grumes de sciages Indigènes Exotiques |
83 34 |
292 193 |
Perches de construction |
21 |
78 |
Bois de feu indigène Exotique |
28 4 |
54 14 |
Bois à charbon Indigène |
35 |
54 |
Les redevances d’exploitation indiquées ci-dessus sont des moyennes mais comme on l’a déjà noté, elles varient aussi en fonction de l’espèce. Ainsi, à l’heure actuelle, les prix du bois sur pied utilisé comme bois de feu (sur le marché libre) sont les suivants :
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46,8 Birr le mètre cube |
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14,8 Birr le mètre cube |
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54,8 Birr le mètre cube |
On notera également que, avant 1993, il y avait deux types de prix des produits forestiers sur le marché. Sur le marché libre, les prix étaient déterminés par les forces du marché (c’est-à-dire par l’interaction entre l’offre et la demande). Toutefois, les entreprises forestières d’État devaient vendre leurs produits à des prix fixés par le gouvernement. Le Tableau 13 ci-dessous compare les prix des sciages sur le marché en 1993, avec les prix fixés par le gouvernement. Comme le montre le tableau, la différence entre les prix pratiqués par les entreprises forestières d’État et par le secteur privé était supérieure à 1 000 Birr par mètre cube pour les sciages. L’augmentation des redevances d’exploitation introduite en 1993 reste donc négligeable.
Tableau 13 Comparaison entre le prix des sciages sur le marché libre, et les prix fixes pratiqués par les entreprises forestières d’État, en 1993
Essence forestière |
Prix fixes établis pour les entreprises forestières d’État (en Birr/m3) |
Prix sur le marché libre pratiqués par le secteur privé (en Birr/m3) |
Juniperus procera |
717 |
1 800 |
Aningeria |
717 |
1 800 |
Cordia africana |
717 |
1 800 |
Olea africana |
717 |
1 800 |
Comme on l’a noté plus haut, pendant de nombreuses années, les redevances d’exploitation ne reflétaient ni le coût de la sylviculture ni la capacité des marchés à payer le bois rond et les produits forestiers. Par exemple, un certain nombre d’études ont montré que si les redevances d’exploitation avaient évolué en fonction des coûts de gestion et de production forestiers, les prix de vente de certains produits forestiers comme le bois de construction, auraient doublé depuis longtemps.
C’est pourquoi l’on utilise aujourd’hui la méthode basée sur le coût de remplacement pour estimer les redevances d’exploitation. Comme avant, cela suppose de calculer le coût de production, depuis la récolte des graines jusqu’à la fin de la révolution, en se basant sur les informations les plus récentes sur les coûts et les prix. Toutefois, on utilise à présent aussi les prix du bois sur pied sur le marché comme référence pour effectuer des contrôles croisés et pour corriger les prix calculés par la méthode du coût de remplacement. En effet, dans la plupart des régions, la demande du marché et les taux de rendement en produits forestiers sont aujourd’hui des facteurs qui ont une influence déterminante sur le niveau auquel sont fixées les redevances. En outre, quelques États introduisent des méthodes plus orientées vers le marché pour la vente des arbres sur pied (voir, par exemple, les commentaires sur les ventes aux enchères de bois sur pied dans l’État d’Oromiya, dans la section 1.1.1 ci-dessus), et la vente aux enchères des produits forestiers semble être bénéfique pour le secteur.
Le processus administratif employé pour déterminer et mettre en application les taxes forestières a été le suivant:
Les nouvelles taxes et redevances et les variations de celles déjà existantes sont toujours notifiées en détail par l’administration forestière dans des médias de grande diffusion, comme la presse. Ces notifications précisent aussi les dates d’entrée en vigueur des nouvelles redevances ou taxes.
En ce qui concerne les instruments juridiques utilisés pour déterminer les taxes forestières, le Décret du gouvernement n° 50 de 1963 est l’instrument originel qui a donné au gouvernement pouvoir pour fixer les prix des produits forestiers. Toutefois, ce décret a été abrogé dans le cadre de la politique de libéralisation économique déclarée en mars 1992.
Les instruments juridiques aujourd’hui utilisés pour garantir l’application des taxes forestières sont les suivants :
Recouvrement des taxes et suivi
Jusqu’ici, le gouvernement central se chargeait de recouvrer les redevances, qui étaient versées au Trésor central. Aujourd’hui, ce sont les bureaux régionaux du Ministère de l’agriculture qui collectent les redevances et l’Équipe fédérale chargée de la conservation et du développement des forêts, qui relève du Ministère de l’agriculture, n’est guère informée du montant des recettes perçues et n’est pas habilitée pour réunir ces informations. En outre, les différents gouvernements régionaux ont des systèmes de redevances différents, de sorte qu’il n’existe pas de redevance uniforme applicable sur tout le territoire national.
Les départements de la conservation et du développement des forêts des Bureaux agricoles régionaux ont pour mandat de délivrer des contingents d’exploitation forestière aux scieries publiques et privées ; ils sont en outre chargés de contrôler l’exploitation et de surveiller l’application des réglementations dans le secteur. Le technicien de la station forestière est chargé de marquer les compartiments et les arbres qui seront abattus. Il fait aussi des visites de contrôle dans les stations pour vérifier si les règles de coupe ont bien été appliquées. Toutefois, cette procédure n’est guère efficace pour prévenir les dépassements de contingents.
De nos jours, les forêts sont normalement exploitées par les scieries et les taxes sont évaluées par le technicien forestier. Celui –ci est chargé d’évaluer la qualité des produits forestiers tant ligneux que non ligneux, à la station forestière. Le technicien mesure le volume des grumes qui seront coupés et calcule les taxes à payer, puis consigne ces informations dans un rapport succinct qui est envoyé au Bureau de l’agriculture du woreda. Ce rapport contient diverses informations, telles que le nom de la station forestière, le type de grumes récoltées, les numéros d’identification des grumes, les estimations du volume, la date d’enlèvement, et le numéro d’immatriculation du camion qui transportera les grumes. Il indique aussi le montant total estimé des taxes dues. Le bureau de l’agriculture du Woreda vérifie tous ces rapports, puis synthétise toutes ces informations dans un rapport qu’il envoie au Bureau de l’agriculture du district. Le Bureau de l’agriculture du district se conforme ensuite à la même procédure et envoie un rapport au Bureau de l’agriculture régional.
Toutes les taxes forestières sont payées par anticipation, avant la récolte. Toute somme perçue pour le compte d’un gouvernement régional ou du Gouvernement fédéral de l’Éthiopie, en règlement d’une taxe forestière, donne lieu à la délivrance d’un reçu officiel (portant un numéro de série) émanant du Ministère des finances.
Les taxes afférentes aux produits forestiers sont ordinairement payées par chèque à la Commercial Bank of Ethiopia, où est ouvert un compte des recettes forestières. Cet argent est ensuite viré sur un compte du gouvernement, géré par le Ministère des finances ou par un bureau régional des finances.
L’intégralité des recettes provenant de l’utilisation ou de la vente des produits forestiers est versée sur le Fonds consolidé, sauf si le département est autorisé à en retenir et à en dépenser une partie. Lorsque c’est le cas, la somme concernée est inscrite au débit et au crédit des comptes du département.
Le Ministère des finances est chargé de superviser la gestion des fonds publics, qui comprennent aussi les subventions du Gouvernement fédéral aux États. Bien que les États jouissent d’une certaine autonomie, le Gouvernement fédéral les guide en établissant les normes de gestion financière, et les États sont tenus de rendre compte de leurs dépenses devant le Ministère des finances du Gouvernement fédéral.
Le processus administratif du recouvrement des recettes forestières est supervisé et contrôlé par le Ministère des finances, à l’échelon fédéral, alors que les bureaux des finances régionaux administrent le recouvrement des recettes sur le terrain. Les bureaux de l’agriculture régionaux sont chargés de rassembler des statistiques sur la production et l’utilisation des produits forestiers. Ces informations sont utilisées par le vérificateur général des comptes ou par le vérificateur des comptes du Ministère des finances pour vérifier la correspondance entre le montant des recettes dégagées et la production déclarée.
Le Ministère des finances a accès, sans restriction, à tous les livres, documents, comptes et registres de tous les organes publics, y compris le Ministère de l’agriculture. En outre, tous les gouvernements régionaux ont un système de gestion et de rapports financiers. Les bureaux des finances régionaux ont aussi accès aux comptes des bureaux des gouvernements régionaux et peuvent effectuer des vérifications sur l’utilisation des subventions budgétaires et le recouvrement des recettes. Les budgets de développement des départements ne sont débloqués qu’après vérification de leurs comptes par le Ministère des finances ou par le bureau des finances régional.
Rôles des échelons de gouvernement centralisés et décentralisés dans le recouvrement et l’administration des recettes
Comme on l’a déjà noté, le recouvrement des recettes est entièrement décentralisé et les gouvernements régionaux ont le droit de déterminer et de percevoir toutes les taxes forestières. Pourtant, les communautés locales n’interviennent pas dans le recouvrement des taxes et ne participent pas réellement aux prises de décisions concernant la production forestière ou les dépenses affectées aux programmes forestiers. Ceci est une source de conflits entre les communautés locales et l’administration forestière, dans de nombreuses zones.