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5. ANALYSE DE LA SITUATION DES PECHERIES AU LAC MOBUTU SESE SEKO

5.1 Données géographiques et hydrobiologiques: estimation de la production potentielle

5.1.1 Aspects géographiques et administratifs

La superficie du lac Mobutu est de 5.270 km2; elle est partagée entre le Zaïre (2.420 km2) et l'Ouganda (2.850 km2). Ce lac se trouve à une altitude moyenne de 618 km; sa longueur est d'environ 160 km et sa largeur maximum de 35 km. La profondeur maximum est de 58 m et la profondeur moyenne de 25 m. Au sud, le vaste delta du semliki, qui s'étend tant dans les eaux zaïroises qu'ougandaises, est en grande partie de faible profondeur (1 à 20 m). Au nord du lac on rencontre une zone similaire de faible profondeur. Entre ces deux zones du côté zaïrois, se trouve une bande côtière d'eau basse qui tombe rapidement dans un grand bassin dont la profondeur maximum atteint 58 m.

En ce qui concerne les eaux, la couleur est verte, dûe probablement à l'abondance du plancton; le pH de 8,5; les eaux sont riches en sels et en oxygène à toutes les profondeurs.

5.1.2 Principales espèces commerciales

Les principales espèces commerciales sont les suivantes:

Nom scientifiqueNom vernaculaire
- Alestes grandisquamis et Alestes baremoseSardine
- Hydrocion goliath et Hydrocion forskalyN'gassia
- Lates niloticusCapitaine
- Tilapia spp.Ndakala
- Synodontis spp.Fodo Fodo

En moyenne les Characides représentent 40 % des captures et les Lates 26%.

5.1.3 Estimation de la production potentielle

Plusieurs études effectuées dans le passé ont estimé des rendements de 40 à 55 kg/ha. Sur cette base la production potentielle serait la suivante:

 ZaïreOugandaTotal
(t)(t)(t)
à 40 kg/ha  9.68011.40021.080
à 55 kg/ha13.31015.67529.985

D'après ces estimations, on peut constater que la différence entre le minimum et le maximum exploitable est énorme (approximativement 9.000 t).

5.2 Les pêcheurs

5.2.1 Le nombre de pêcheurs

En 1988, un recensement effectué par le projet lac Mobutu a dénombré 8.500 pêcheurs. De manière générale, il est admis que leur nombre est en train de s'accroître rapidement.

Environ 1.500 personnes travaillent dans les activités à terre et 500 sont occupées dans la commercialisation.

On peut donc affirmer que les pêcheurs du lac Mobutu forment une véritable industrie à caractère artisanal.

5.2.2 Organisation de pêcheurs

Les pêcheurs du lac Mobutu appartiennent à des ethnies différentes dont le degré d'association est assez faible.

Plusieurs tentatives ont été effectuées pour créer des associations de pêcheurs. La dernière en date a été effectuée par le projet lac Mobutu, qui a groupé les pêcheurs en 5 associations pré-coopératives appelées “propêches”.

Ces “propêches” existent jusqu'à présent et sont établies à Mahagi Nord et Sud (2), Djugu (2) et Irumu (1).

La fonction des “propêches” était de revendre l'équipement du projet lac Mobutu avec une commission de 10%. La fin du projet a engendré une situation de paralysie dans ces groupements.

L'impression ressentie au cours de la mission est le manque de formation et de sensibilisation des pêcheurs aux thèmes coopératifs. La plupart d'entre eux n'ont aucune idée de la fonction d'une coopérative, et il est probable qu'ils ne se sont associés que pour obtenir les avantages dérivant du projet.

5.3 La pêche artisanale et semi-industrielle

5.3.1 Embarcations de pêche artisanale

L'embarcation la plus utilisée sur le lac est une barque en planche copiée sur la pirogue traditionnelle de l'Ouganda avec une capacité de plusieurs tonnes. La flotille composée par ces barques est estimée à 2.000/2.500 unités. En outre, on trouve environ 800–1.000 pirogues traditionnelles. La stabilité de ces embarcations est précaire et les pêcheurs craignent de se rendre au large à cause des vagues.

5.3.2 Motorisation

Le nombre d'embarcations motorisées est faible: on estime que pour l'ensemble du lac, il y a 400 moteurs hors-bord dont la puissance est de 6 à 15 CV.

Par conséquent, la plupart des embarcations sont propulsées à la pagaye par 1 à 3 hommes et leur rayon d'action sur le lac est limité.

Les véritables freins à la diffusion des moteurs hors-bord, qui seraient nécessaires pour étendre l'exploitation sur toute la superficie du lac, sont le prix et les ruptures de stocks du carburant, ainsi que le manque de pièces détachées.

5.3.3 Techniques de pêche

Les engins les plus utilisés sur ce lac sont les filets maillants, les palangres et les sennes de plage:

5.3.4 Evaluation de l'exploitation effectuée par la pêche artisanale

Le nombre limité d'unités motorisées, le prix élevé du carburant, les embarcations inadéquates, font en sorte que la pêche artisanale est concentrée dans les zones peu éloignées des villages et des centres de commercialisation.

Il en résulte que:

En conclusion, il faudrait aménager les pêcheries du lac Mobutu de sorte qu'on puisse parvenir à une exploitation rationnelle des ressources qui soit équilibrée sur toute l'étendue du lac.

5.3.5 La pêche semi-industrielle

En 1989, une seule entreprise pratiquait encore la pêche semi-industrielle (senne tournante). Les autres entreprises se limitent à armer quelques pirogues et à commercialiser le poisson produit par la pêche artisanale.

5.4 Captures de poisson

Les statistiques officielles étant très imprécises, il s'avère difficile d'avancer des chiffres concernant la production réelle du lac: cependant ces statistiques sont les seules données dont on dispose.

En 1987 et 1988 la production du lac Mobutu était la suivante:

 1987
  
EspècesTonnes
  
Alestes     42
Hydrocion4 014
Lates1 663
Tilapia nilotica1 646
Bagrus   696
Synodontis     30
Labeo      7
Divers   311
  
TOTAL8 406
  
  1988
  
Hydrocion spp. et Alestes3 533
Lates2 613
Tilapia4 265
Divers1 590
  
TOTAL12 001  

L'augmentation spectaculaire de la production en 1988, ne s'explique autrement que par l'imprécision des statistiques.

5.5 Conservation et traitement du poisson

5.5.1 Etat des routes et traitement du poisson

La détérioration progressive, pendant les quinze dernières années, des seules pistes d'accès de Kasenyi à Bunia (55 km; 3 heures de temps) et du port de Mahagi à Mahagi (155 km) a pratiquement enclavé les pêcheries du lac Mobutu.

On pense, et il est généralement admis, que l'état des pistes est la contrainte la plus grave au développement des pêcheries du lac.

Si la production pouvait être évacuée à l'état frais, sa valeur marchande serait beaucoup plus élevée, le travail des pêcheurs réduit et la valeur nutritionnelle du poisson plus grande. Par conséquent, la réhabilitation de la piste qui relie Kasenyi à Bunia doit être considérée comme une priorité pour le développement des pêcheries du lac.

5.5.2 Les techniques de traitement

Les méthodes de traitement utilisées au lac Mobutu sont les suivantes:

5.5.3 Congélation du poisson

A cause de la dégradation des routes et de la vétusté des installations qui ne sont pas renouvelées depuis longtemps, les quantités de poisson congelé sont de plus en plus réduites (10 pour cent environ des captures).

5.6 Commercialisation

A Kasenyi, trois comptoirs d'achats et environ 10 grossistes transportent avec régularité du poisson salé-séché. Ce poisson part vers Bukavu, Béni, Goma, Kisangani, Isiro, certains centres ayant une préférence très marquée pour certaines espèces. C'est ainsi qu'à Bukavu sont exclusivement vendus Hydrocion et Tilapia.

Les commerçants ambulants vendent dans les mêmes centres des quantités de poisson variant de 0,2 à 3 tonnes; n'étant pas propriétaires des camions, dans la plupart des cas, ils s'associent pour les louer.

A Mahagi port, 5 commerçants, dont 4 propriétaires de camions, opèrent en permanence.

La vente en frais est surtout effectuée par les pêcheurs au niveau des débarcadères. Il existe également quelques petits commerçants ambulants (appelés les “soupes rouges”) à bicyclette qui achètent du poisson à Kasenyi, tôt le matin, pour le revendre dans la journée à Bunia.

5.7 Administration des pêches

L'ECN dispose d'un officier, trois sous-officiers et 4 agents au lac Mobutu. L'officier et les sous-officiers sont chargés des activités de contrôle et de l'application de la législation, tandis que les agents se limitent à la relève des données statistiques, ainsi qu'à l'encadrement (théorique) des pêcheurs.

Le nombre des agents est insuffisant, car actuellement plusieurs débarcadères du lac échappent au relevé statistique.

Les agents de l'ECN sont complètement dépourvus de l'équipement nécessaire pour accomplir leur tâche.

Les cadres et les agents devraient recevoir une formation en vulgarisation, en traitement et statistiques par le projet FAO à Kinkolé.

5.8 Aspects régionaux dérivant du partage du lac entre Zaïre et Ouganda

5.8.1 Rappel des aspects géographiques et administratifs

La superficie du lac Mobutu est de 5.270 km2; elle est partagée entre le Zaïre (2.420 km2) et l'Ouganda (2.850 km2). Le Zaïre dispose donc de 55 pour cent du lac. La situation administrative est, par conséquent, inverse par rapport au lac Idi Amin, où le Zaïre dispose de la plus grande partie du lac.

5.8.2 Différences existantes entre les deux pêcheries nationales

D'après les informations reçues, des différences substantielles existent dans le degré de développement des deux pêcheries nationales, à savoir:

Les prix rémunérateurs ont permis le développement d'une véritable industrie de pêche à caractère artisanal au Zaïre. Par conséquent, malgré le potentiel différent, le niveau de production est plus élevé au Zaïre qu'en Ouganda: 13.000 t capturées au Zaïre contre 6.000 t en Ouganda.

La normalisation de la situation politique en Ouganda entraînera également le développement des pêcheries de ce pays. Cette situation devrait être accélérée par la réalisation de projets de développement en Ouganda car l'homogénéité du degré de développement des pêcheries facilitera la réalisation d'accords de pêche dans l'intérêt commun des deux pays. En particulier le projet pilote de relance de la pêche semi-industrielle devrait s'effectuer dans les deux parties du lac.


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