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Chapitre 13
LA COMMERCIALISATION DU POISSON EN EAU DOUCE

13.1 DISTRIBUTION ET COMMERCIALISATION DES ALEVINS

13.1.1 Le transport des alevins

Ainsi que discuté précédemment, des alevins de différents âges et tailles (8 jours, 3 cm, 13 cm …) sont produits soit dans les stations d'alevinage de l'Etat (par exemple district et ferme d'Etat), soit dans celles des communes populaires (Chapitre 5). Généralement ces stations produisent des alevins non seulement pour satisfaire leurs propres besoins mais également pour la vente à d'autres groupes de pisciculteurs. Cette activité peut en effet constituer un pourcentage non négligeable du revenu piscicole annuel.

La technologie du transport des alevins se base principalement sur le taux de consommation d'oxygène dissous (TCOD) des poissons transportés, dont quelques valeurs typiques sont reprises au Tableau 37. L'examen de ces valeurs suggère que:

  1. TCOD diminue considérablement lorsque l'on passe du stade de larve à celui de petit alevin; ensuite, la diminution se poursuit mais moins rapidement.

  2. TCOD diminue lorsque la température de l'eau diminue.

  3. TCOD varie d'une espèce à l'autre.

Il en résulte trois règles importantes pour le transport d'alevins. Le poids des alevins transportés par litre d'eau: i) est minimum pour les larves et augmente progressivement avec le poids individuel des alevins; ii) est plus élevé en saison froide qu'en saison chaude; et iii) est d'autant plus important selon qu'il s'agit d'alevins de carpe marbrée, de carpe argentée ou de carpe herbivore, et de carpe de vase. Il faut également tenir compte de la durée du transport.

Plusieurs méthodes de transport sont couramment utilisées en Chine. Pour de courtes distances, l'on préfère les paniers de bambou tressé ou les seaux de bois, suspendus aux deux extrémités d'une tige de bambou portée sur l'épaule (Figure 67). Pour des distances plus importantes, l'on utilise divers récipients de toile imperméable ou de bois, des embarcations aux flancs perforés, ainsi que des sacs plastiques.

Cette dernière méthode devient de plus en plus courante et elle a été démontrée au groupe d'étude par les techniciens du Centre d'alevinage de Hengjiang (District de Xinhui, Guangdong). Elle consiste à remplir un sac plastique (polyéthylène de 0,05 à 0,1 mm d'épaisseur) avec de l'eau fraîche et propre, au tiers ou au quart de sa capacité (Figure 68). Une quantité déterminée d'alevins y sont placés. L'air du sac est ensuite expulsé et remplacé par de l'oxygène sous pression. Le sac, hermétiquement fermé, est alors mis à plat dans une boîte de carton conçue pour cet usage (Figure 69). Le tout est bien ficelé et prêt pour l'expédition, soit par camion, train, ou même avion (Figure 70).

Le taux de charge (g/l) des alevins dans le sac plastique est déterminé d'après l'espèce, la température, la durée du transport, la taille individuelle des alevins, leur condition physique et leur degré de conditionnement. Basé sur l'expérience, des tables de taux de charge ont été élaborées. Par exemple, au centre d'alevinage visité, le transport pour 20–24 h est organisé pour des alevins de huit jours. Chaque sac plastique contient 8 litres d'eau. Le taux de charge d'un tel sac est de 80 000–100 000 alevins pour la carpe herbivore et la carpe argentée ou de 150 000 alevins pour la carpe de vase.

Tableau 37

TAUX DE CONSOMMATION D'OXYGENE DISSOUS D'ALEVINS DE CARPES CHINOISES
(D'APRES ANON., 1980, p. 68)

EspèceTemp. eau
(°C)
Poids indiv.
(g)
Consommation d'oxygène dissous
(mg/g/h)
Carpe marbrée27,8          0,002515,130
 28,9      0,8150,893
 30,0    1,020,912
Carpe argentée26,0          0,002455,000
 18,0    9,000,280
 21,5    9,660,318
 24,2  13,500,224
 29,0  15,000,293
Carpe herbivore27,5       0,00274,140
 32,0       0,00274,350
 30,0    0,361,000
 22,0    9,330,296
Carpe de vase26,0    8,500,230
 26,0  10,000,190

Quelques points pratiques à noter en vue d'augmenter les chances de survie des alevins transportés sont les suivants:

  1. La condition physique des alevins doit être d'autant meilleure que la durée du transport sera longue. Les alevins destinés à parcourir de grandes distances doivent y être spécialement préparés et seule les individus bien portants doivent être sélectionnés.

  2. Avant leur transport, les alevins sont conditionnés une à trois fois, afin d'augmenter leur résistance physique et de nettoyer leur estomac et leur intestin (Section 5.2).

  3. Les sacs plastiques doivent être bien gonflés d'oxygène, jusqu'à 80 pour cent de leur capacité, et ensuite régulièrement contrôlés en cours de transport. Toute fuite d'air ou d'eau doit être immédiatement réparée.

Figure 67

Figure 67. Transport d'alevins sur de courtes distances (Photo F. Botts)

13.1.2 Prix de revient et prix de vente des alevins

Le prix de vente des alevins est fixé par le Gouvernement de chaque province. Ce prix varie également selon l'espèce et la taille des alevins (Tableau 38). A titre d'indication, les prix de revient signalés par les techniciens chinois sont également mentionnés, bien qu'il soit difficile de définir exactement et dans chaque cas la véritable base de calcul de ces prix. Il semble que, par exemple, dans presque tous les cas, l'amortissement des installations d'alevinage n'y soit pas inclu.

13.2 DISTRIBUTION ET COMMERCIALISATION DU POISSON DE CONSOMMATION

13.2.1 Transport du poisson de consommation

Pour de courtes distances, soit dans la ferme piscicole elle-même, soit au niveau de la commune populaire, le poisson de consommation produit localement est généralement transporté vivant, dans de grands récipients en toile imperméable ou en bois. La pesée préalable se fait à sec, en panier tressé et au bord de l'étang (Figure 76).

Figure 68Figure 69
Figure 68.Préparation des sacs plastiques pour le transport d'alevins de huit jours, Centre d'alevinage de Xinhui, GuangdongFigure 69.Les sacs plastiques contenant les alevins sont gonflés d'air et placés dans des boîtes de carton (Photo F. Botts)

Figure 70

Figure 70. Transport des alevins en panier (Photo F. Botts)

Tableau 38

PRIX DE REVIENT ET PRIX DE VENTE DES ALEVINS EN 1980

ProvinceAge/taille alevinsEspèce, carpe chinoisePrix, yuan (Y)
P. de revientP. de vente
Guangdong8 joursC. de vase-2 Y/10 000
  C. argentée et C. marbrée-4 Y/10 000
  C. herbivore-5 Y/10 000
 3 cm
(idem)
30+ Y/10 00036,8 Y/10 000
Hubei8 joursC. argentée, C. marbrée, C. herbivore-4,99 Y/10 000
 13 cm
(idem en cage)
200 Y/10 000-
 17 cm
(idem en étang)
300–600 Y/10 000-
Zhejiang150 gC. argentée, C. herbivore, C. marbrée1,04 Y/kg1,30 Y/kg
  
(en cage)
  

Lorsque le poisson est destiné à la vente à l'extérieur de la commune populaire, des moyens de transports plus importants sont utilisés. En général, ceux-ci incluent le transport de poissons vivants par bateaux dont la cale est aménagée en compartiments perforés où circule un faible courant d'eau. Ces bateaux sont de divers tonnages, variant de 3 à 30 t (Figure 73).

Le groupe d'étude a observé les premières étapes du circuit de commercialisation de poissons d'élevage lors de sa visite de la Commune populaire de Leliu (Guangdong). Les poissons placés en stabulation dans un chenal furent récoltés par seinage et placés dans des embarcations légères partiellement remplies d'eau (Figure 71). Ils furent ainsi transportés vers l'un des trois centres d'achat de l'Etat, distant de quelques kilomètres et situé au bord d'un chenal navigable du delta du Xi Jiang. Là, le poisson fut trié par espèces, pesé et transféré dans un des compartiments perforés d'un bateau de transport d'une capacité de 8 t (Figures 72 et 73). Plusieurs de ces bateaux quittent chaque jour le centre d'achat, transportant leur cargaison de poissons vivants vers le Centre de la Société des Produits Aquatiques de Guangzhou, distant de 62 km. De là, les poissons sont soit distribués vers les différents marchés de cette ville, soit en partie transbordés dans d'autres bateaux plus importants pour être exportés, toujours vivants, vers Hong Kong.

Figure 71Figure 72
Figure 71.Transport du poisson récolté en barque inondée, Commune populaire de Leliu, GuangdongFigure 72.Réception, triage et stockage du poisson de consommation au Centre d'achat flottant

Figure 73

Figure 73. Chargement d'un bateau de transport de poisson vivant au Centre d'achat (Photo F. Botts)

13.2.2 Commercialisation du poisson de consommation

La quasi-totalité des poissons d'élevage est commercialisée à l'état frais, une grande partie étant même vendue vivante, surtout dans le sud de la Chine. Les poissons ayant atteint la fin du cycle d'élevage sont récoltés et, si nécessaire, stockés en étangs ou chenaux de stabulation, en attendant leur commercialisation en réponse à la demande. L'on s'efforce autant que possible de localiser les zones de production près des centres de consommation, afin de réduire les problèmes de transport au minimum. La tendance actuelle est ainsi d'intensifier la production piscicole aux environs immédiats des grandes villes, comme par exemple à Shanghai (Section 7.1).

Dans la plupart des communes populaires, la production suffit aux besoins locaux. La distribution du poisson à ses membres est organisée par le centre de commercialisation qui dessert chaque unité de production. Ce centre a en effet pour responsabilités l'achat des quotas fixés et leur transport vers les marchés. Une intime collaboration est maintenue avec les producteurs afin d'assurer l'approvisionnement régulier du marché.

La commercialisation du poisson en dehors des communes populaires est contrôlée et organisée par l'Etat, à travers des centres d'achat. Ceux-ci achètent le poisson directement aux producteurs (commune populaire, ferme d'Etat, district, etc.), à un prix fixé. Ils le transportent en général vivant vers les centres de distribution au niveau de la préfecture, du district ou de la province (Société des Produits Aquatiques), d'où le poisson atteint les différents marchés.

Le prix de vente du poisson est également fixé par l'Etat. Il varie, dans une même Province, selon le lieu et l'espèce (Tableau 39). C'est ainsi, par exemple, qu'il peut être plus élevé dans les zones urbaines que dans les zones rurales. La carpe herbivore se paye plus chère que les autres carpes chinoises. La carpe noire, la carpe commune, la brème de Wuchang et le carassin doré peuvent se vendre à un prix plus intéressant que la carpe argentée, la carpe marbrée ou le tilapia.

La taille commerciale des poissons de consommation varie également selon la région. Elle paraît être plus grande dans le sud du pays que dans le centre et le nord. Dans la Province Guangdong par exemple la carpe argentée, la carpe marbrée et la carpe herbivore se consomment lorsqu'elles atteignent 1–1, 5 kg. Dans la Province Hubei par contre, un poids de 0,5–1 kg est suffisant. Les carpes de vase et les tilapias sont deux espèces relativement petites, commercialisées au poids de 125–250 g, la préférence des consommateurs allant cependant aux sujets les plus gros.

La consommation moyenne de poisson en Chine est actuellement estimée à environ 4, 5–5 kg par an et par personne. La consommation réelle par contre varie énormément selon la région. Certaines provinces sembleraient ne consommer que très peu ou pas de poisson (par exemple Shanxi). Par contre, les régions du sud de la Chine en consomment beaucoup plus que celles du nord. Dans la province même, les variations peuvent aussi être importantes. Par exemple dans la Province Guangdong, la consommation moyenne annuelle par personne est d'environ 5 kg de poisson à Guangzhou alors que, dans la Commune populaire de Leliu (District de Shunde), elle atteint 50 kg soit dix fois plus.

Tableau 39

PRIX DE VENTE DES POISSONS CONSOMMABLES D'ELEVAGE EN 1980

Province/ MunicipalitéPrix de vente producteur, yuan/kg
C. argentée/C. marbréeC. herbivore
Guangdong1,001,50
Hubei0,62–0,781,10
Zhejiang0,96-
Jiangsu  1,001   1,302 
Beijing1,50-

1 Même prix pour Tilapia
2 Même prix pour carpe noire, carpe commune, brème et carassin


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