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RWA/87/012-Aide-mémoire
No127
RWA/87/012/TRAM/127

Analyse et recommandations sur la nutrition pour le projet ZAI/87/001

par

Lina MAHY

DOSSIERS:

DP 9/10
MINAGRI
RR/PNUD
FAOR
Rijavec, FIO
West, RAFR
Everett, DIPA
Greboval, IFID
Chrono
Diary: Mahy

PNUD/FAO-RWA/87/012novembre, 1990

1 INTRODUCTION

Le présent rapport est la suite d'une mission au Zaïre, faite pour le projet ZAI/87/001 (voir RWA/87/012/TRAM/114).

La région du Nord-Kivu connaît des graves problèmes nutritionnels: enfants de petite taille (malnutrition chronique), haute prévalence d'une déficience protéique, haute prévalence de carences nutritionnelles spécifiques (iode, cuivre, zinc, sélénium), infections et infestations parasitaires (TONGLET et al, 1990) s'y ajoutent beaucoup d'autres problàmes (démographiques, sanitaires, sociaux): un taux de fécondité élevé (70/1000 hab., taux national: 45/1000), un niveau bas de scolarisation de la population, dégradation des sols, infrastructures insuffisamment développées, manque de terres (50% des familles cultivant une superficie de 0,25 ha ou moins!).

Le projet “Développement du petit élevage dans le Nord-Kivu” opère dans la région du Nord-Kivu. Les objectifs vises par ce Projet sont:

Puisque   le projet ZAI/87/001 a incorpore dans ses objectifs, des actions pour améliorer l'etat nutritionnel de la population dans la zone d'action,

puisque   le projet ZAI/87/001 veut évaluer l'impact de ces actions sur l'état nutritionnel et les habitudes alimentaires des familles dans la zone d'action.

puisque   le projet ZAI/87/001 n'a pas une Nutritionniste à sa disposition,

le projet ZAI/87/001 a pris contact avec l'APO Nutritionniste du projet RWA/87/012 (“Développement de la Pêche au lac Kivu”) pour qu'elle fasse une analyse préliminaire.

Ce rapport est un essai modeste de faire quelques recommandations au projet ZAI/87/001 comment il fallait analyser la situation actuelle, évaluer ces actions prises et orienter ces actions futures sur le plan nutritionnel.

2 ANALYSE DE LA SITUATION ACTUELLE

2.1 Quelques considérations

Il a été constate que:

Il est connu que:

beaucoup de déterminants jouent un rôle causal sur l'etat nutritionnel d'une population.

Pour cette raison:

il faut distinguer le output (OP = les objectifs opérationnels) et le outcome (OC = les objectifs généraux).

Dans notre cas:

il faut distinguer le OP (= augmentation de la consommation de protéines animales) et le OC (= amélioration de l'etat nutritionnel de la population).

Le OC, qui est le résultat d'impacts, est influence par beaucoup de facteurs confondants possibles. Par suite, le OC dépasse en effet la responsabilité du projet.

Pour déterminer tous les facteurs confondants possibles, il est indispensable d'établir un “modèle causal” selon la méthode de BEGHIN et al (1988). Le modèle causal est un ensemble d'hypothèses reliant entre eux des facteurs causaux probables ou prouvés de malnutrition, et ce de manière cohérente, logique et simple. Le diagnostic nutritionnel est indispensable pour comprendre les mécanismes qui conduisent à la malnutrition.

La construction du modèle causal doit être suivi par une reconnaissance du terrain qui permet de se faire une idée des données existantes.

Il faut essayer d'apprécier l'état nutritionnel en utilisant les donnees existantes trouvées, enfin d'éviter d'entreprendre des enquêtes spéciales aussi coûteuses en temps qu'en moyens financiers.

Une analyse et explication des causes de la malnutrition ressortent de toutes les actions précédentes. Ceci facilitera l'identification des maillons de la chaîne causale contre lesquels une action peut être entreprise par le projet (y compris l'identification d'études spéciales nécessaires pour compléter les donnees).

Ensuite un choix d'interventions (le processus P) doit être fait. Les interventions retenues doivent être pertinentes, c.-a-d. répondre aux problèmes tels qu'ils ont été posés. En théorie le choix d'interventions doit répondre aux critères suivants:

FIGURE 1 visualise les explications données ci-dessus.

Enfin, une surveillance et suivi du processus (c.-à-d. évaluation du fonctionnement) en outre qu'une évaluation des OP (c.-à-d. évaluation des résultats) doivent être élaborées.

2.2 Les actions entreprises

Par la direction du projet ZAI/87/001, 2 zones de reconnaissance ont été choisies: la zone de Kirotshe et la zone de Masisi. Une mission a été faite en compagnie de Mme Henriette CHIGOHO, vulgarisatrice agricole. Des entretiens ont eu lieu avec les experts et techniciens de zone, dans le but de connaître leur perception du problème de la malnutrition. Des éleveurs-pilote ont été visites.

Dans ces 2 zones concernées, le CEMUBAC (Centre Scientifique et Médical de l'Universite Libre de Bruxelles pour ses Activités de Cooperation), a déjà fait beaucoup d'études alimentaires. Comme étant une riche source d'information, le CEMUBAC enverra des articles (sur les habitudes alimentaires au Kivu, des enquêtes nutritionnelles faites dans la région, etc …) ultérieurement.

FIGURE 1

FIGURE 1: Schéma de la méthode de travail théorique

2.3 La situation dans les zones de Kirotshe et Masisi

La majorité (>80%) de la population vit de l'agriculture. Néanmoins il n'existe rien ou très peu d'aide ou assistance agricole (stockage, semences sélectionnées, etc …). En plus, dans ces régions il existe une involution agricole grave par l'érosion des sols, la cultivation permanente et le manque de terres. La taille de la famille est en moyenne 4 personnes. Le niveau de scolarisation est très bas (70% des femmes n'ont aucune formation).

Deux types d'alimentation existent:

  1. l'alimentation dans les régions de haute altitude (montagneuses): habitées par les Rwandais (Bahutu et Batutsi): un régime de haricots, petits pois, sorgho, pommes de terre, patates douces, éléusine, bière de bananes, très peu de viande et du petit lait (originaire des laiteries dans la région); bref une alimentation plus équilibrée et moins monotone que

  2. l'alimentation dans les régions autour du lac Kivu et les vallées: habitées par les Bahunde: un régime de farine de manioc, pâte de bananes, haricots et un peu plus de viande; bref une alimentation beaucoup plus monotone et moins équiliorée.

Toute la population souffre de la malnutrition (croissance moins rapide). Il y a un faible taux de malnutrition aiguë (<5% des enfants <5ans), mais il y a des indications que la situation s'aggrave.

Le sevrage des enfants commence à l'âge de 3–4 mois, âge au cours duquel le deficit pondéral devient évident. Ce déficit augmente pendant les 18 premiers mois, pour se stabiliser après (ce déficit ponderal cumulatif est moins sévère dans les regions montagneuses qu'autour du lac Kivu). La bouillie de sorgho est genéralement donnee comme aliment de sevrage.

Le retard de croissance augmente moins vite que le déficit pondéral, mais il continue à augmenter même apres l'âge de 2 ans. Une etude fait à Kirotshe montre que 50 à 70% des enfants ont un retard de croissance (stunted ou rabougrissement), tandis que 3 à 5% ont une malnutrition aigue (wasted ou fonte musculaire) (TONGLET et al, 1990, pas publie).

1 à 7% des enfants d'un an et plus souffrent d'oedemes (malnutrition proteocalorique acute). De ces donnees il est à conclure que la relation entre la mere allaitante et son enfant est trés importante (des interventions pour ces derniers comme groupe cible peuvent avoir un effet considerable).

Les enfants mangent 1 à 2 repas par jour. Les maladies principales dans la région sont: la malaria, les maladies respiratoires et les gastro-enterites.

Une etude intéressante faite dans la Zone de Sante de Kirotshe est la suivante: un certain nombre de familles, dont un enfant souffrait des oedémes, a été suivi pendant 10 semaines. Une éducation nutritionnelle a été donnée aux mères, avec un suivi personnel quotidien. Cette etude était trés encourageante, puisque sans moyens supplementaires, les meres ont pu faire disparaitre les oedemes de leurs enfants. Une autre etude de 1985 avait comme conclusion que le revenu de la famille n'avait pas d'influence sur l'etat nutritionnel de l'enfant!

2.4 L'infrastructure sanitaire

Le TABLEAU 1 montre les informations rassemblees.

TABLEAU 1: Informations sur les Zones de Sante de Kirotshe et Masisi

 Zone de Sante de KirotsheZone de Sante de Masisi
superficie1600 km22600 km2
nombre d'habitants220000215000
Hôpital de Référence11
nombre de Centres de Santé 16 10

Dans la Zone de Masisi un projet “eau potable” construit des sources aménagées avec l'aide de la population. Jusqu'a maintenant plus ou moins 80 sources sont aménagées. Il y existe aussi des “comités de développement” dans les villages qui essaient, avec l'aide de la population, de construire des latrines, sources aménagées et de donner de l'éducation à base individuelle.

Dans les centres de Santé, des consultations préscolaires sont faites: pendant ces consultations une éducation est donnée aux femmes, traitant les sujets suivants:

Malheureusement le taux d'utilisation des Centres de Santé est très bas (<40%). (Un Centre de Santé couvre une zone avec un diamètre de 5 km, où habitent 5 à 10000 personnes). Généralement, une consultation au Centre de Santé coûte 100 Zaïres; mais en réalité le personnel médical demande plus (problème des salaires bas).

2.5 Autres contraintes au développement

Surtout dans la Zone de Masisi, les problèmes ethniques empêchent le développement (souvent le chef de village est Hunde, tandis que 99% de la population du village sont des Bahutu - le chef s'oppose aux développement du village puisque ça n'aidera que les Bahutu).

Les chefs, qui ont peur de perdre leur pouvoir coutumier, s'opposent également souvent contre au développement de la région.

Concernant les aspects politiques: il y a une démission totale de l'etat vis-a-vis du développement. L'administration est mal organisée, les salaires sont insuffisants et irrégulièrement payes. Par conséquent le personnel est démotivé et les démissions sont nombreuses.

L'infrastructure routière est défectueuse, la scolarité de la population basse. Même si le sentiment de la solidarité familiale est très fort, la solidarité communautaire est faible.

3 LA STRATEGIE PROPOSEE

3.1 Préface

D'abord il faut souligner le fait que le problème de la malnutrition est lie à une multiplicité de causes:

La diminution de la malnutrition de la population par l'augmentation de l'apport en protéines animales en réalité n'est pas mesurable, puisque, comme nous l'avons dit en 2.1, trop de facteurs confondants influencent le outcome (OC).

Le projet pourrait se contenter qu'il y ait une augmentation de l'apport en protéines animales. Basée sur le modèle causal, le projet choisirait des facteurs causaux, sur lesquels il a la possibilité d'intervenir et avoir un effet positif sur l'etat nutritionnel de la population.

Il faut quand même tenir l'attention sur le fait que le modèle causal diffère selon la région et par conséquence l'augmentation du revenu familial peut augmenter la consommation de protéines animales dans une région, tandis que dans une autre région cet effet sera négligé. Par région, les actions à prendre peuvent différer; les objectifs doivent bien être définis avant de commencer les actions (p.ex. augmenter les points de vente des oeufs, disponibiliser des engrais, etc …)

Le fait qu'il y a une augmentation de la production animale ne veut pas dire qu'une augmentation de la consommation y suit. Une éducation nutritionnelle sera nécessaire avec le but de modifier le comportement des gens face à une consommation et type d'achats alimentaires (d'origine animales) et à altérer la distribution de ces aliments au sein de la famille au profit seulement du chef de ménage. Néanmoins le système d'allocations des ressources dans le ménage doit être connue, puisque l'expérience a démontre que l'éducation nutritionnelle exige que la famille ait certaines ressources, et n'est efficace que si le niveau géneral des revenus augmente (FAO, 1984).

3.2 Les actions

De l'étude faite, il en résulte qu'il est nécessaire de rassembler des informations, concernant:

3.2.1 L'éleveur-pilote et sa famille

L'éleveur-pilote sert comme exemple pour la population: il participe activement aux réunions de sensibilisation, il diffuse ses connaissances et expériences en matière de petit élevage aux personnes intéressées. Il est alors évident que, lui et sa famille consomment les aliments d'origine animale. Mais est-ce que'cette “évidence” est une “réalité”? Est-ce que les éleveurs-pilote et leur famille consomment leurs produits? Si oui, combien de fois par semaine (mois)? Sinon, pourquoi pas? Est-ce que le revenu de la famille a augmente des qu'il est devenu éleveur? Qu'est-ce qu'il a fait avec cet argent? (paye les frais scolaires de son enfant, acheté une radio …). Quel est le système d'allocations des ressources dans le ménage? En effet, il est nécessaire d'avoir un profil socio-économique et alimentaire de la famille de l'éleveur-pilote (ethnie, niveau d'instruction, profession, nombre d'enfants (vivants, décédés), production des champs vivriers, nombre de pièces de l'habitation, signes extérieurs de relative richesse (vélo, radio), etc …).

Ensuite, il faut savoir les connaissances nutritionnelles (de santé et d'hygiène) de la mère de famile: qu'est-ce qu'elle fait quand son enfant a la diarrhée, le Kwashiorkor, …; quelle est la cause de ces maladies; l'origine de l'eau utilisée, etc …

3.2.2 Etude des marchés

Une étude des marches est nécessaire: quels aliments sont disponibles, à quel prix, qui achète les aliments d'origine animale, quels sont les aliments de concurrence etc …, afin de bien déterminer les problèmes de commercialisation des produits animaux et de créer des systèmes de commercialisation et de distribution améliorés.

3.2.3 L'éducation nutritionnelle

A base des résultats de ces études, un programme d'éducation nutritionnelle bien adapte peut être établi. En première instance, les éleveurs-pilote et leurs familles de Kirotshe et Masisi seront le groupe cible. Les encadreurs des noyaux peuvent bien être formés par le projet en matière nutrition; les encadreurs visiteront les familles à domicile. Il ne suffit pas que les encadreurs visitent les familles une fois. Des visites réguliéres doivent être programmées. Le projet fera la supervision du travail des encadreurs. Une coopération avec le secteur formation/vulgarisation (PENK) peut aussi être envisagée. Une évaluation et adaptation du programme doit être faite après six mois ou un an. Quand l'évaluation est positive, le programme peut être élargi pour tous les éleveurs-pilote du Nord-Kivu et après p.ex. 3 ans pour une population plus large (écoles, centres de santé, agents de santé communautaires (ASC), etc …).

3.3 Résumé

La FIGURE 2 donne un résumé des actions à entreprendre.

FIGURE 2

FIGURE 2: Actions à prendre

4 CONCLUSIONS

Beaucoup de donnees sur les régions de Kirotshe et Masisi sont déjà disponibles ou seront envoyées ultérieurement.

Quelques lacunes se sont néanmoins manifestées. Il est nécessaire

Quelques études (sur petite échelle) seront nécessaire, mais peuvent être faites avec les ressources humaines et financières existantes du projet ZAI/87/001.

Il faut en tout cas retenir la considération que changer les habitudes (alimentaires) d'une population à l'aide d'une éducation (nutritionnelle) est un travail de longue haleine.

Plus les actions entreprises seront de nature multisectorielle (lien nutrition - santé - hygiène), plus les résultats désires seront évidents. Les objectifs et actions à prendre seront différents selon la région (basées sur le modèle causal local). Par exemple, dans le noyau 1 existe beaucoup de croyances contre la consommation des aliments d'origine animales (l'éducation nutritionnelle peut être très efficace), dans le noyau 2, le manque d'une infrastructure commerciale est plutôt l'obstacle principal (créer une coopérative pour la vente des produits peut être une solution) etc …

Les conclusions et recommandations de ce rapport sont jugées appropriées à la date de préparation. Elles peuvent être modifiées au fur et à mesure que les connaissances s'élargissent.

5 REFERENCES

BEGHIN, I. et al, 1988. Guide pour le diagnostic nutritionnel. 84p. Genève, OMS.

TONGLET, R. et al, 1990. Pattern of attained growth in 0 to 5 year-old children from Kivu (Zaïre). (document non-publié)

FAO, 1984. Intégration de la nutrition dans les projets de développement agricole et rural. Nutrition et agriculture No 1, FAO. Rome.


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