3. Les crises bancaires et l'assainissement institutionnel en Europe

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3.1 Finlande: le coût élevéde la déréglementation
3.2 Hongrie: les réformes financières mettent en lumière l'insuffisante compétence bancaire
3.3 Italie: la croissance du rôle du secteur privé dans le soutien aux banques

RESUME

Ce chapitre se présente sous la forme de trois études de cas, et examine les circonstances qui ont provoqué les crises bancaires en Finlande, en Hongrie et en Italie ainsi que les modes de sauvetage et de protection des dépôts employés dans chaque cas.

FINLANDE

Cette étude de cas illustre le risque d'instabilité bancaire qui suit la déréglementation et les coûts élevés de l'intervention du gouvernement dans la prévention de l'effondrement institutionnel et la protection des épargnants. Les banques finnoises avaient des marges bénéficiaires prévues et des pertes négligeables sur les prêts jusqu'au milieu des années 80. Entre 1982 et 1989, une déréglementation plus importante des marchés financiers eut lieu et les banques, peu habituées à reconnaître, évaluer et contrôler les risques inhérents aux marchés déréglementés, continuèrent à travailler selon des principes surannés, permettant un développement rapide du crédit. Ceci, associé à la récession et à la perturbation des marchés de l'exportation, conduisit finalement à une crise bancaire. L'engagement du gouvernement dans le maintien de la stabilité financière et dans la couverture d'assurance illimitée sur dépôts, conduisit à des opérations de sauvetage coûteuses, à savoir la prise de contrôle des banques, le soutien des fusions, les injections de capitaux et la création d'un fonds de garantie. Le soutien des pouvoirs publics atteignit 7 pour cent du PIB en 1992.

HONGRIE

Cette étude de cas met en lumière les problèmes résultant de l'absence de personnel formé et qualifié dans les établissements financiers. La Hongrie était une économie centrale planifiée jusqu'à ce que les actions fussent prises, dans le milieu des années 80, pour une intervention croissante des forces du marché financier réel. Les réformes amenèrent à d'importants bouleversements de l'économie, exacerbés par l'effondrement du marché d'exportation vers l'Union Soviétique. Dans ce contexte, les banques commerciales récemment créées et les coopératives d'épargne durent s'adapter aux prêts commerciaux plus risqués avec un personnel sans expérience. Les banques commerciales avaient par ailleurs hérité de mauvais portefeuilles de la période précédant la réforme et les coopératives d'épargne ne purent désormais plus compter sur le recouvrement des prêts immobiliers par des déductions sur les salaires. Comme certaines banques et coopératives faisaient faillite, le gouvernement introduisit de nouvelles réglementations financières et un plan de consolidation. Un fonds de sécurité mis en place par l'Association centrale des coopératives d'épargne maintint opérationnelles de nombreuses coopératives. Les dépôts des ménages furent protégés par un programme gouvernemental de garantie, qui fut remplacé par un système moderne d'assurance des dépôts en 1993. Le défi, toutefois, était d'améliorer rapidement les compétences bancaires dans le pays.

ITALIE

Cette étude de cas décrit un pays où les procédures de sauvetage de banques en difficulté sont établies depuis longtemps et qui a récemment entrepris d'abaisser les coûts de telles opérations pour l'Etat en instaurant un fonds de garantie pour le secteur privé. Malgré un système financier bien réglementé depuis 1930, des menaces de faillites bancaires se sont présentées et la banque centrale a dû entreprendre des procédures protégeant les déposants, généralement en permettant à de nouveaux propriétaires ou à une banque fiable de prendre la relève. Ces opérations de sauvetage étaient encouragées par la concession de prêts subventionnés pour les parties intervenantes et étaient donc coûteuses pour les contribuables. En 1987, un nouveau Fonds de dépôts inter-bancaire était créé afin d'augmenter la participation du secteur privé dans le soutien aux banques en difficulté et pour procurer un programme d'assurance des dépôts. En 1994, ce Fonds est intervenu, avec succès, dans trois crises bancaires. Toutefois, si le degré d'instabilité bancaire croissait en fonction de la déréglementation bancaire, le Fonds était insignifiant et la protection des dépôts dépendrait toujours de l'intervention de l'Etat.

3.1 Finlande: le coût élevé de la déréglementation

3.1.1.Système financier
3.1.2. Croissance de la crise financière
3.1.3. Mécanismes d'intervention et soutien des banques
3.1.4. Sécurité des dépôts

3.1.1.Système financier

Jusqu'en 1990, le système bancaire en Finlande se composaient de cinq grands groupes bancaires et de plusieurs petites banques commerciales. Outre ces établissements, les déposants pouvaient s'adresser à de petites banques, appartenant aussi bien aux coopératives qu'aux groupes des caisses d'épargne. A bien des égards, ces deux groupes fonctionnaient comme une seule entité. En 1992, 310 banques coopératives et 41 caisses d'épargne étaient en fonction. Les plus grands groupes offraient des services dans tout le pays et à tous les secteurs de l'économie.

Le rôle des banques de dépôts est très important en Finlande. Les deux tiers environ des emprunts réalisés par les ménages et les entreprises proviennent de ces banques. De plus, les sociétés finnoises appliquent un système universel, possédant ainsi de nombreuses actions dans des sociétés non-financières et entreprenant des investissements dans les activités bancaires. Elles ont une position de contrôle très forte dans le secteur des entreprises finnoises.

3.1.2. Croissance de la crise financière

Les banques finnoises opéraient, jusqu'aux années 80, dans un cadre très réglementé. L'industrie était stable et caractérisée par des contrôles des capitaux, des réglementations des taux d'intérêt et des marges bénéficiaires prévues. Les pertes sur prêts étaient négligeables. La compétition entre les banques se traduisait par de nouveaux investissements dans les nouvelles techniques bancaires et par la création de réseaux de succursales. Le résultat fut un réseau techniquement avancé avec des coûts opérationnels élevés par rapport aux normes internationales.

Entre 1982 et 1989, une déréglementation plus importante eut lieu sur les marchés financiers finnois. Les changements dans les pratiques bancaires furent les suivants:

- les banques étrangères pouvaient s'établir en Finlande;
- les banques pouvaient librement déterminer les taux d'intérêt sur les prêts;
- l'emprunt étranger par des sociétés n'était pas limité;
- les investissements directs à l'étranger n'étaient pas limités;
- un marché monétaire courant était établi;
- des taux flottants étaient autorisés sur les prêts;
- la Banque Centrale cessait d'émettre ses directives périodiques et les décisions concernant les prêts et emprunts étaient pleinement laissées aux participants du marché.

Ces importantes mesures de déréglementation n'étaient pas accompagnées d'autres réformes qui auraient pu amortir les effets de l'expansion. Les politiques encourageaient les entreprises et les ménages à emprunter dans le cadre d'un marché plus libéral où le crédit était facilement obtenu. Ainsi, les sociétés et les ménages commencèrent-ils à emprunter plus qu'ils ne l'avaient jamais fait. En 1988, par exemple, les prêts bancaires crûrent de 30 pour cent.

Tous les participants aux marchés financiers - les organismes de contrôle, les banques et les clients - furent lents à comprendre toutes les implications d'un environnement financier plus libéral. Ceci était en partie dû à l'exceptionnelle période de forte croissance dont jouissait l'économie finnoise dans les années 80. Les termes de l'échange extérieurs s'améliorèrent considérablement après 1986 et le taux de chômage était bas. En fait, les zones industrielles du sud du pays souffraient plus de l'insuffisance de main d'oeuvre que du chômage. Il en résultait une atmosphère très optimiste. Ainsi, les emprunteurs sous-estimèrent-ils les risques liés à l'endettement croissant, aux taux d'intérêt flottants et aux prêts en devises. En 1989, la plupart des indicateurs démontraient un important échauffement de l'économie finnoise. Les valeurs des actions et de l'immobilier montaient en flèche. Le développement du crédit atteignait à son record. Même si certains investissements étaient faits pour augmenter l'efficacité de production du pays, plus encore était investi dans la consommation: la maison, le plaisir et les achats. Le taux de chômage étant bas, les coûts de la main-d'oeuvre grimpaient, érodant la compétitivité extérieure.

Les banques elles-mêmes contribuèrent au développement de la crise. Un document préparé par la banque de Finlande en 1993 constate:

"Les banques, peu habituées à reconnaître, évaluer et contrôler les risques inhérents aux marchés déréglementés, continuèrent à oeuvrer sur la base de principes en partie surannés. La compétition pour des parts du marché était le principal objectif et portait à un abaissement qualitatif des standards de crédit des banques. La valeur et la qualité des garanties n'étaient pas suffisamment prises en considération, la confiance reposait sur l'improbabilité historique de la chute des valeurs. Les risques du crédit n'étaient pas correctement estimés, et les risques des taux d'intérêt attiraient trop peu l'attention." "

La situation économique en 1989 incita la Banque de Finlande à renforcer la politique monétaire. Au même moment, le remboursement de dettes récemment contractées prit une part croissante du revenu des ménages et des entreprises et la demande interne commença à décroître. Les actions et les valeurs immobilières déclinèrent rapidement. Sur le front extérieur, l'exportation baissait, et les prix peu compétitifs provoquaient la perte des marchés. L'effondrement de l'important marché soviétique assena l'un des derniers coups. Les sociétés et les banques finnoises enregistrèrent de grosses pertes sur crédits d'exportation soviétiques. Seule une petite partie des exportations put être reportée sur d'autres marchés, en raison de la nature différente des denrées entre les marchés de l'est et de l'ouest.

Les taux d'intérêt croissants et la dévaluation monétaire de 1991 réduisirent la capacité des ménages et des entreprises d'assainir leurs dettes. Le nombre des faillites dans le secteur des entreprises s'accéléra et une partie croissante des portefeuilles des banques fut considérez comme emprunts non-productifs. Pour la première fois depuis des décennies, les bénéfices totaux des banques finnoises furent négatifs. En 1992, la crise devint plus sérieuse. Le PIB chuta de 3.5 pour cent et les faillites commerciales atteignirent le chiffre de 700 par mois. La valeur des prêts non-productifs détenus par les banques passa approximativement de 42 milliards MF à 77 milliards MF et 22 milliards (4.8 pour cent de la totalité des prêts) furent enregistrés comme créances douteuses. La plupart des prêts non-productifs concernaient l'immobilier, les constructions et le commerce, reflétant ainsi la façon dont était utilisé l'argent durant le boom économique. Les industries de fabrication représentaient 8 pour cent des actifs. A ce moment-là, il fut évident que certaines banques ne survivraient pas sans le soutien du gouvernement.

3.1.3. Mécanismes d'intervention et soutien des banques

En raison de la stabilité du secteur bancaire en Finlande jusqu'au milieu des années 80, le filet de sécurité prévu en ce temps-là, était conçu pour s'attaquer seulement aux problèmes de taille limitée. Le Bureau de Supervision Bancaire se concentrait sur les aspects légaux de ses fonctions de contrôle et le domaine de l'analyse quantitative des risques était peu approfondi. La Banque de Finlande ne perçut pas à temps l'étendue des conséquences du boom du crédit et aucune importante réglementation du marché monétaire n'eut lieu dans un premier temps. Lorsque l'alarme fut donnée par la Banque Centrale et les contrôleurs bancaires à la fin des années 80, il était déjà trop tard pour éviter au secteur bancaire une crise sérieuse.

La première banque qui traversa de graves difficultés fut la Skopbank, la banque commerciale qui agissait en tant que banque faîtière pour le secteur des banques d'épargne. Après la déréglementation, cette banque avait poursuivi une politique de prêts agressive et expansive, mais la qualité de son portefeuille de prêts était médiocre. Depuis 1989, la Skopbank était placée sous surveillance spéciale de la Banque de Finlande et du bureau de la Supervision Bancaire. Un programme de restructuration fut préparé par la banque. Ses propriétaires, les caisses d'épargne, durent affecter 18 milliards MF pour financer une partie de ce programme de sauvetage qui se démontra trop limité pour sauver la Skopbank et, en 1991, la banque fut confrontée à une forte crise de liquidité. La Banque de Finlande prit le contrôle de la banque afin que la confiance dans le système financier finnois fût conservée. La Skopbank devint la propriété de la Banque Centrale et continua de fonctionner avec une nouvelle gestion.

Les banques qui s'effondrèrent à leur tour furent les Banques d'Epargne. A nouveau, la cause de l'accident fut l'expansion débridée du crédit durant les années du boom. Il en résulta une diminution de la qualité des portefeuilles d'emprunt. D'importants prêts avaient été concédés sur la base d'évaluations inconsidérées, engendrant des difficultés de paiement de la part des emprunteurs après la dévaluation monétaire du markka. Alors que la crise des caisses d'épargne empirait, le gouvernement encouragea une fusion des banques en difficulté et octroya son soutien à condition qu'un programme de restructuration fût mis en place. En fait, le gouvernement devint propriétaire de la Caisse d'épargne de Finlande qu'il contrôla. En octobre 1993, cette banque était considérée comme incapable d'exister en tant qu'unité bancaire indépendante. Les secteurs viables de la banque furent divisés en quatre par le gouvernement et vendues aux autres groupes bancaires finnois. Les valeurs incertaines, équivalentes à 40 milliards MF restèrent sous le contrôle du gouvernement et furent confiées à une société de gestion d'actifs récemment constituée.

Certaines banques commerciales traversaient aussi des difficultés. Par exemple, la petite banque commerciale STS-Bank Ltd, qui avait beaucoup prêté aux sociétés immobilières et de construction, avait été ensuite confrontée à une baisse de la valeur de ses garanties collatérales, provoquant ainsi la crise. Les tentatives de la banque pour se diversifier du secteur ménager aux prêts aux entreprises furent aussi désastreuses, et les pertes augmentèrent. En septembre 1992, la STS-Bank atteignit un niveau tel qu'elle fut incapable de continuer à fonctionner en tant qu'unité bancaire indépendante et elle fusionna avec l'une des banques commerciales les plus importantes, la Kansallis-Osake-Pankki (KOP). La fusion fut négociée en étroite coopération avec l'Etat, qui prit aussi une part de responsabilité de 3.4 milliards MF des prêts incertains.

Aux premiers stades de la crise bancaire, des mesures ad hoc furent utilisées afin de maintenir la stabilité du marché financier, par exemple, le rachat coûteux de la Skopbank. Après cet événement et à la suite des recommandations d'un groupe de travail spécialisé, deux pas cruciaux furent faits pour aborder les problèmes bancaires de façon plus systématique. Le premier élément de la nouvelle approche fut une injection de capitaux dans le secteur afin de prévenir une crise du crédit intérieur et d'aider les banques à éviter de recourir plus tard à un soutien d'exception. Un total d'environ 8 milliards MF de nouveaux capitaux furent débloqués pour tous les groupes bancaires, sous forme de titres privilégiés, rapportant un taux d'intérêt légèrement supérieur à celui du marché. Ces obligations pouvaient être converties en actions avec droit de vote si l'intérêt n'était pas payé pendant trois années consécutives ou si le coefficient d'insolvabilité de la banque tombait en deçà du minimum acceptable. En Finlande, toute faillite bancaire remplissant l'une ou l'autre de ces conditions permettrait à l'Etat de devenir l'actionnaire majoritaire de cette banque. Cette menace de nationalisation effective représentait pour les banques commerciales une puissante incitation à améliorer leurs résultats et augmenter leurs fonds propres.

Le second élément de l'opération de sauvetage consistait en la création d'un Fonds de Garantie du Gouvernement. Il fut établi en avril 1992 afin d'aider à assurer la stabilité du système bancaire et garantir les revendications des déposants nationaux et étrangers. Le Fonds fonctionnait avec un personnel d'environ vingt personnes qui coopéraient avec la Banque de Finlande et le Bureau de Supervision Bancaire. A l'origine, le Fonds était autorisé à accorder un soutien bancaire dans une limite de 20 milliards MF, qui devinrent rapidement 50 milliards MF. Les techniques de soutien des opérations bancaires comprenaient l'acquisition de participations et la fourniture d'autres types de participations aux fonds permanents, notamment sous forme de prêts et garanties. Ainsi, cette nouvelle institution prenant en charge le soutien aux banques, la Banque de Finlande fut à même de se concentrer sur ses tâches fondamentales de banque centrale.

Entre 1991 et 1993, environ 40 milliards MF du Fonds d'Etat furent dépensés pour soutenir les banques. Le tableau de l'appendice A expose tous les détails de ce soutien. Le Fonds de sécurité obligatoire, créé dans le cadre du précédent secteur bancaire stable et rentable, s'élevait seulement à 300 millions MF en 1990. Il s'agissait évidemment d'une somme minime, par rapport aux pertes subies par les banques au début des années 90, qui apporta une petite contribution à l'opération de sauvetage nécessaire. En 1992, le montant du soutien équivalait à lui seul 18.6 pour cent du budget de l'Etat finnois. Le problème n'était toujours pas résolu et de grosses sommes étaient nécessaires pour clarifier la situation comptable des prêts douteux générés par le boom des années 80. Cependant, l'intervention de l'Etat signifiait que la confiance dans le système bancaire n'avait pas disparu et il n'y eut pas de panique bancaire.

En 1994, la crise bancaire était nettement sous contrôle. Une bonne partie des mauvaises créances avait été passée par pertes et profits, et les mesures de rationalisation, sous forme de réduction de personnel et de coupures des nombreuses branches du secteur, avaient créé des coûts opérationnels inférieurs. Un rétablissement rapide des exportations améliora la capacité de recouvrement des dettes de nombreux clients. Deux importantes banques commerciales, répondant à la menace de rationalisation se traduisant par l'injection de gros capitaux de la part de l'Etat, réunirent un nouveau capital actions de plusieurs milliards de leurs propriétaires et nouveaux investisseurs privés. Ces banques, la Kansallis-Osake-Pankki et l'Union des Banques de Finlande, s'attendent à atteindre un niveau opérationnel rentable dès 1995. Ceci permet d'espérer que l'Etat, puisse un jour récupérer une partie du Fonds qu'il a été forcé d'investir dans les opérations de sauvetage bancaire.

3.1.4. Sécurité des dépôts

En Finlande, les déposants bénéficient d'une protection très complète. Un système d'assurance obligatoire des dépôts fut introduit dès 1969 et l'adhésion à un fonds de sécurité devint obligatoire pour toutes les institutions recueillant des dépôts. Auparavant, les caisses d'épargne et les banques coopératives avaient volontairement géré leur propre fonds de sécurité pendant des décennies et les banques commerciales avaient établi ces fonds en 1966. Les fonds de sécurité devaient servir à rembourser les déposants en cas de réclamation, si le paiement ne pouvait être effectué sur propres fonds de la banque à la suite d'une faillite. La responsabilité est illimitée, c'est-à-dire qu'il n'existe pas de plafond fixe par déposant ou par compte. Le fonds de sécurité peut aussi accorder des subventions et des prêts aux membres des banques rencontrant des problèmes. Les banques versent à ces fonds une contribution annuelle à un taux uniforme.

L'expérience durant la crise bancaire de 1990 démontra que les ressources accumulées dans ces fonds étaient infimes par rapport aux obligations d'indemnisation potentielle. Cependant, dans l'intérêt de la stabilité financière, le gouvernement annonça clairement qu'en toutes circonstances les déposants seraient dédommagés. En août 1992, le gouvernement finnois annonça que la stabilité du système bancaire finnois serait maintenue et, pour calmer les investisseurs étrangers, cet engagement fut confirmé par le Parlement. Les termes de cette résolution exceptionnelle sont les suivants:

"Le Parlement demande à l'Etat, de garantir que les banques finnoises sont capables de respecter leurs engagements à tout moment et dans toutes les circonstances. Si cela était nécessaire, le Parlement pourrait garantir suffisamment de ressources et de pouvoirs pour permettre au gouvernement de les utiliser afin de respecter de tels engagements."

Le succès et l'énorme coût de cet engagement ont déjà été détaillés.

3.2 Hongrie: les réformes financières mettent en lumière l'insuffisante compétence bancaire

3.2.1. Système financier
3.2.2. Croissance de la crise financière
3.2.3. Mécanismes d'intervention en soutien aux institutions financières
3.2.4. Sécurité des dépôts

3.2.1. Système financier

Jusque vers le milieu des années 80, le système financier en Hongrie était organisé pour répondre aux exigences d'une économie planifiée, caractérisée par une prise de décision centralisée. Les secteurs ménagers et des entreprises étaient tenus séparés l'un de l'autre et servis par différentes institutions financières. La Banque nationale de Hongrie (NBH) fonctionnait à la fois comme banque centrale et banque commerciale unique pour le secteur des entreprises. Tous les comptes de dépôt des sociétés, des établissements publics et des coopératives de production étaient conservés à la NBH, qui accordaient des crédits à court et long terme, selon les programmes économiques. La Banque du Commerce Etranger s'occupait des questions bancaires du commerce intérieur et extérieur. Les autres banques ayant des activités, quoique limitées, dans les secteurs public et des entreprises étaient la Banque de développement de l'Etat, la Banque Centrale des Changes et de Crédit, la Corporation Centrale des sociétés Bancaires et enfin la Banque Générale et Société Fiduciaire.

Le secteur des comptes privés était servi par la Caisse d`Epargne Nationale (NSB) et par les coopératives d'épargne. La NSB recueillait les dépôts à travers son large réseau de succursales et à travers de bureaux de poste dans tout le pays. La NSB n'accordait de prêts qu'au secteur ménager et, dans une moindre mesure, aux autorités locales. Les coopératives d'épargne offraient les mêmes services, surtout dans les zones rurales. Les dépôts étaient utilisés pour octroyer aux membres des prêts au logement et à la consommation, et les excédents des fonds étaient investis dans la NBH. Le plein emploi garantissait le remboursement des prêts et, en cas de défaut, un efficace système de remboursements directe ment déductibles des salaires des débiteurs en retard maintenait les pertes au minimum. Dans cette pré-réforme du système financier, la contribution potentielle du secteur privé, à savoir l'épargne des ménages, aux utilisations productrices était limitée par la séparation institutionnelle entre les systèmes bancaires des ménages et celui des entreprises.

Les réformes conçues pour augmenter le rôle des forces du marché en Hongrie furent appliquées en 1968. Cependant, il y eut quelques changements en 1970 et c'est seulement vers le milieu des années 80 que la réforme du secteur financier fut officiellement reconnue en tant qu'élément essentiel du processus. En janvier 1987, le système bancaire à deux étages était fondé et le monopole de la Banque Nationale de Hongrie, qui existait depuis 1949, était aboli. Les fonctions de crédit de la BNH étaient séparées de ses opérations bancaires centrales. La BNH elle-même continua à être une banque centrale conventionnelle qui participait à la formulation des politiques économiques, appliquait les aspects monétaires dans les programmes de macro-économie et protégeait la valeur de la monnaie. Les sections de crédit de la BNH furent converties en deux nouvelles banques commerciales, la Banque du Commerce et du Crédit et la Banque du Crédit Hongroise. Une troisième banque, la Banque de Budapest, fondée en même temps, comprenait l'aile commerciale de la Banque de Développement de l'Etat, Ces trois banques se répartissaient les comptes prêts du portefeuille de la BNH. La Banque du Commerce Extérieur continua à fonctionner comme auparavant et la Banque Générale et Compagnie Fiduciaire fut autorisée à devenir une banque commerciale à services complets.

Après une période transitoire de deux ans, commença clairement un processus d'intégration des secteurs bancaires des particuliers et des entreprises. Depuis 1989, les banques commerciales, la Caisse d'Epargne Nationale et les coopératives d'épargne étaient libres d'engager des transactions financières avec les ménages comme avec les entreprises, et les clients pouvaient choisir entre les banques. Vers le milieu de 1993, un total de 43 banques commerciales, d'investissements et d'épargne et autres établissements financiers travaillaient en Hongrie. Vingt d'entre-eux avec actionnariat étranger. Le nombre des coopératives d'épargne était de 256, elles possédaient 1.8 million de membres et 1800 succursales. En outre, une Banque Commerciale et d'Epargne Postale était opérationnelle en 1988. Le marché des actions des comptes ménagers possédé par la Caisse Nationale d'Epargne restait important, supérieur à 50 pour cent du total. Les Coopératives d'Epargne et la Banque Postale détenaient 10 autres pour cent de ces dépôts et le reste était réparti entre divers établissements bancaires commerciaux et d'investissements. Afin de contrôler les opérations des établissements financiers, l'Agence d'Etat de Supervision de Banques fut établie et rattachée au Ministère des Finances.

3.2.2. Croissance de la crise financière

La réforme financière en Hongrie eut lieu dans un cadre macro-économique complexe. Mis à part les principaux changements internes dans la structure sociale et économique, le pays fut confronté à la perte d'importants marchés dans les ex-pays socialistes voisins. De nombreuses sociétés industrielles hongroises furent fermées ou changèrent complètement d'orientation. De nouvelles sociétés à responsabilité limitée, qui passèrent de 4800 en 1988 à 64000 en 1992, étaient souvent sous-financées et gérées par des directeurs inexpérimentés. Le secteur agricole était paralysé par l'effondrement de l'Union Soviétique, qui avait été le principal marché d'exportation, et les nouvelles sociétés agricoles privées subissaient les problèmes d'une réforme foncière incomplète. Le produit intérieur brut diminua en termes réels chaque année à partir de 1988. Le chômage augmenta et passa de en 1987 à 12 pour cent en 1993. Dans la plupart des industries, le niveau de la production tomba de 50 à 80 pour cent plus bas qu'en 1988. La construction de logements diminua et passa de 90000 unités en 1980 à 25000 en 1992. Ces changements laissèrent de plus profondes traces que celles qui avaient suivi la libéralisation économique et les programmes d'ajustement réalisés dans d'autres pays.

Etant donné les antécédents, la réforme financière était destinée à affronter des problèmes. Les nouvelles institutions et les nouveaux systèmes nécessitaient de nouvelles politiques de gestion et de nouvelles procédures, mais les vieilles habitudes et politiques sont difficiles à changer. La croissance rapide du nombre d'institutions financières signifiait que les techniques bancaires étaient insuffisamment répandues dans le secteur financier hongrois. Les ressources humaines et physiques disponibles n'étaient pas destinées à soutenir un système financier efficace et moderne. Par ailleurs, les nouvelles banques étaient handicapées par l'héritage des faibles portefeuilles de la période précédant la réforme.

Les coopératives d'épargne rencontrèrent des difficultés dès 1989, lorsqu'elles avaient la possibilité de consentir des emprunts aux entreprises. Les risques allaient augmenter, étant donné la détérioration des conditions économiques et la vétusté de la structure du secteur de l'entreprise. L'estimation adéquate des prêts et leur suivi étaient nécessaires, mais les coopératives d'épargne manquaient sérieusement de techniques appropriées. En conséquence, le contrôle des prêts commençait habituellement seulement après que les problèmes étaient devenus irrémédiables. Ainsi, en 1993, des 10 milliards FOR distribués par les coopératives au secteur des entreprises, 50 pour cent furent perdus ou considérés comme mauvaises créances. A ce moment-là, trois coopératives avaient disparu et 22 autres étaient sur le point de s'effondrer, et ce en raison de la diversification des prêts.

Les problèmes des coopératives d'épargne étaient nombreux et les recouvrements des prêts au logement étaient de plus en plus difficiles. Le chômage et les revenus décroissants en étaient responsables et les nouvelles lois rendaient les retenues sur les salaires plus difficiles. Dans certaines régions agricoles particulièrement touchées par les réformes, les garanties ne couvraient plus les prêts alors que les prix de l'immobilier déclinaient. Un troisième problème touchant aux coopératives concernait le nouvel investissement des marchés inter-bancaires qui ne s'était pas démontré aussi sain que prévu. La capacité des coopératives à supporter les pertes sur investissement était limitée, car leurs opérations s'effectuaient avec de petits montants de leur propre capital et de leurs réserves. Vingt coopératives affrontaient d'importantes pertes quand la banque commerciale Ybl Ltd. s'effondra et furent sauvées de la faillite par l'intervention du gouvernement qui remboursa 80 pour cent des dépôts perdus. Même les 25 pour cent du Fonds des Coopératives déposés dans leur propre Banque des Coopératives d'Epargne étaient à risques, en particulier après que les coopératives eurent perdu leur représentation au Conseil d'administration en vertu du règlement de 1991 de la Loi Bancaire, qui spécifiait qu'une coopérative individuelle doit posséder un minimum de cinq pour cent des actions pour siéger au Conseil.

Au début des années 90, la plupart des problèmes que rencontraient les banques commerciales hongroises étaient dûs à la période précédant la réforme. Les prêts aux entreprises d'Etat hérités menaçaient particulièrement la stabilité bancaire. Ceux-ci formaient la plus grande partie des éléments stagnants (ou perdus) des portefeuilles de prêts détenus par les plus grandes banques commerciales. Cependant, le crédit continuait à être accordé à ces sociétés non-rentables, car la mise en oeuvre d'une liquidation massive et le passage des dettes aux pertes et profits, risquaient de provoquer, sous les conditions présentes "l'effondrement du système bancaire et finalement celui de l'économie toute entière, comme un jeu de quelles".(13) Une autre faiblesse des portefeuilles bancaires consistait en la trop grande concentration des prêts. 40 à 50 pour cent des placements des trois plus grandes banques étaient réalisés pour un pour cent seulement de la clientèle. Ceci indiquait un dangereux état de "dépendance des créditeurs".

A la fin de 1992, les prêts non performants du secteur bancaire hongrois s'élevaient à un cinquième de la totalité des prêts. Dans le secteur des entreprises, les prêts non productifs représentaient environ 30 pour cent de l'ensemble de ces créances. Au même moment, la détérioration des structures du capital des banques se reflétait dans la différence croissante entre les réserves de risques requises (270 milliards FOR) et celles générées (89 milliards FOR). En outre, de nombreuses banques étaient incapables d'atteindre 8 pour cent du coefficient d'adéquation des fonds propres stipulé par la loi. Ainsi, les fonds accumulés par les banques ne pouvaient pas combler le manque de réserves pour des risques dans le secteur bancaire. Tout cela réduisait la stabilité du marché financier.

Trois faillites de banques eurent lieu après la mise en application des réformes, formant la partie la plus visible de la crise du secteur des banques commerciales en Hongrie. La première survint à la fin de 1991, lorsqu'un établissement financier spécialisé - l'Ingatlanbank (Banque Immobilière) devint insolvable, à la suite de pertes écrasantes subies lors de transactions spéculatives en rapport avec l'Exposition Universelle de Budapest en 1996. La licence bancaire de l'Ingatlanbank lui fut retirée en mai 92. La faillite de cette banque n'eut pas de conséquences sur le marché bancaire, mais l'effondrement de deux autres banques, la Ybl Banque et la BGV, ainsi que la Coopérative d'Epargne des Entrepreneurs qui s'y rattachait fut un incident bien plus grave, même si ces banques représentaient moins de un pour cent du total des actions bancaires. La plupart de leurs clients étaient des entreprises d'état, des institutions publiques, des caisses et coopératives d'épargne.

Au début des années 90, un groupe d'entrepreneurs -connu sous le nom de Hepta Group- prit le contrôle de la Banque Ybl et de la BGV et les utilisa pour financer ses affaires. Les emprunts du groupe auprès des banques atteignaient 12 milliards FOR dans le milieu des années 92. Face aux opérations exceptionnellement importantes de ces banques dans le marché monétaire inter-bancaire, les contrôleurs bancaires réagirent en démontrant que la Banque Ybl avait plusieurs prêts non étayés. Les fonds avaient disparu, certainement à l'étranger, et les titres détenus comme garanties par la BGV ne furent pas trouvés. La banque Ybl avouait en 1992 une perte nette de 4 milliards FOR. La Supervision Bancaire de l'Etat, prit le contrôle de ces banques en 1992 pour minimiser les dégâts occasionnés au système bancaire. La Banque Ybl fut déclarée insolvable et sa liquidation requise. Toutefois, la BGV, survécut jusqu'à ce que la Westdeutsche Landesbank - qui possédait une importante tranche des actions -ait investi de nouveaux capitaux dans la banque, obtenant un contrôle majoritaire.

L'effet de ces effondrements fut disproportionné:

- ils ébranlèrent la confiance que les déposants avaient dans le secteur bancaire et les étrangers, y compris les candidats acquéreurs, furent alarmés de ces faillites;
- ils ébranlèrent la confiance dans le marché inter-bancaire intérieur; et
- il y eut un retrait massif de dépôts dans les petites et moyennes banques, car les déposants recherchaient la sûreté d'investissements dans de plus grandes banques.


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