3.2.3. Mécanismes d'intervention en soutien aux institutions financières

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En Hongrie, différentes dispositions ont été prises pour augmenter la stabilité du secteur financier et améliorer la protection des dépôts. En 1991, une nouvelle législation était introduite pour perfectionner les réglementations concernant les banques. La législation suivait à la lettre la Seconde Directive de l'Union Européenne et les Instructions du Comité de Solvabilité de Bâle, et fournissait un solide cadre juridique aux opérations bancaires. Les nouvelles réglementations comprenaient les mesures suivantes:

- limitation du nombre d'actions détenues par actionnaire (y compris l'Etat, à 25 pour cent;
- au moins 90 pour cent des actions devaient être nominatives et non sous forme d'actions au porteur;
- niveaux minimum du capital-actions spécifiés pour les banques commerciales et les coopératives d'épargne;
- constitution de réserves pour non-recouvrement de prêts;
- coefficient de solvabilité de 8 pour cent adapté aux risques;
- limitation du risque encouru par un seul emprunteur à25 pour cent du capital ajusté de la banque;
- assimilation des sociétés associées à un seul emprunteur;
- interdiction faite aux banques de prêter dans le but d'acheter leurs propres parts;
- limitation des prêts à 50 pour cent de la valeur du marché des actions données en garantie;
- restrictions aux banques proposant des crédits aux sociétés dont elles possèdent plus de 10 pour cent des fonds propres;
- limitation des prêts accordés aux responsables et au personnel à 5 pour cent du capital ajusté de la banque;
- limitation des prêts concédés à toutes les parties associées à 10 pour cent du capital ajusté de la banque;
- limitation des investissements réalisés dans l'immobilier à 15 pour cent du capital ajusté de la banque;
- limitation de tous les investissements en actions d'une banque à 60 pour cent du capital ajusté;
- limitation à 51 pour cent de la participation en actions dans d'autres sociétés, à l'exception des établissements financiers et des sociétés de courtage.

A la fin de 1992, le gouvernement introduisait un programme de consolidation des prêts. Les établissements financiers avaient l'opportunité d'échanger leurs prêts à risque contre des obligations d'état sur une échéance de 20 ans. Le prix d'échange offert aux banques équivalait à 80 pour cent du coût d'acquisition des prêts convertis. Quatorze banques et 69 coopératives participèrent au programme, échangeant approximativement 120 milliards FOR (équivalents à 4.3% du PIB) contre 93 milliards d'obligations d'état. Cette manoeuvre améliora les bilans de ces établissements et augmenta leur coefficient d'adéquation du capital. Toutefois, le paquet des prêts à risque continua à s'accroître et le ministère des finances dot préparer un autre programme de soutien bancaire, comprenant cette fois des injections directes de capitaux. Les banques concernées par cette opération durent émettre de nouvelles actions afin que l'Etat, puisse les acheter au moyen d'obligations à intérêt sur 20 ans. Le but était de porter leur ratio de capital aux environs de 8 pour cent comme stipulé et d'augmenter leur capacité de passer par pertes et profits les prêts irrécouvrables. Pour soutenir cette opération, chaque banque était assistée par un programme individuel de développement afin de favoriser l'amélioration des normes opérationnelles. La seconde phase du programme de consolidation des prêts contribuait en fait à la renationalisation des banques concernées et pouvait décourager les futurs investissements privés locaux et étrangers.

Le Bureau de Supervision Bancaire de l'Etat, inspectait et contrôlait les résultats des banques. Cependant, leurs systèmes et procédures échouèrent, car ils ne prévirent pas la crise que traversaient la Ybl Bank et les deux établissements connexes. Le système d'inspection appliqué chaque mois, chaque trimestre et chaque année était trop lent pour affronter les problèmes et permettre de prendre les mesures adéquates à temps. De plus, différents indicateurs-clé, tels les taux de concentration des prêts, n'apparaissaient pas dans les rapports. La SBS n'avait que 5 enquêteurs de terrain, ce qui était assez peu étant donné la croissance rapide du secteur bancaire en Hongrie. La SBS n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour affronter les problèmes, elle dut prendre le contrôle des banques Ybl et GBV en graves difficultés pour ne pas trop déstabiliser l'équilibre financier. Afin d'améliorer dorénavant la supervision, on mit en place un système permettant d'identifier les difficultés se présentant, à savoir les indicateurs d'inadéquation, la concentration des taux, etc., et on introduisit des systèmes de rapport plus rapides. Il était aussi nécessaire de recourir à une plus grande coopération avec le département de supervision de la banque centrale pour améliorer l'efficacité des inspections sur place.

Les problèmes des coopératives d'épargne furent tout d'abord abordés par l'Association centrale des coopératives d'épargne, qui représentait les intérêts du secteur. Cette organisation introduisit un fonds de sécurité pour les coopératives membres en 1991. Le fonds était constitué grâce à des contributions annuelles qui étaient équivalentes à 111000 de la valeur du capital de chaque coopérative membre. Les coopératives subissant des pertes étaient autorisées à demander une subvention pouvant leur permettre de rétablir le point d'équilibre dans leurs comptes. Ces subventions devaient être retournées au fonds en trois ans, dès que la coopérative était revenue à un niveau de rentabilité opérationnelle. En 1991, lorsque le fonds de sécurité fut mis en action, sept coopératives reçurent assistance pour la valeur de 30 millions FOR. L'année suivante, 22 coopératives bénéficiaient de 120 millions FOR et en 1993, 20 autres recevaient une aide, ainsi qu'un certain nombre de grandes agences subissant de grosses pertes. Le fonds de sécurité étant largement insuffisant, les coopératives signèrent une pétition adressée au gouvernement et demandaient de pouvoir recourir aux fonds publics pour assainir la crise.

Le Ministère des finances accepta en principe de soutenir les coopératives d'épargne, mais à certaines conditions. Les autorités étaient préoccupées surtout par les établissements qui offraient tous les services bancaires avec un minimum de capitaux et sans supervision extérieure appropriée. Ainsi, les coopératives durent accepter les conditions suivantes:

- l'adhésion à l'association centrale serait obligatoire, bien que les coopératives restent des agences indépendantes et aient leurs propres bilans;
- les coopératives accepteraient les réglementations uniformisées concernant les opérations de prêts;
- la Banque des Coopératives d'Epargne passerait sous le contrôle direct du mouvement et les liquidités des coopératives d'épargne ne pourraient être placées que dans cette banque;
- les risques seraient partagés grâce à la création de consortiums de prêts entre les coopératives;
- une solide unité de supervision serait créée au sein de l'association pour exercer les fonctions de contrôle externe du mouvement.

Ces propositions étaient toutes soutenues par l'Association Centrale des Coopératives d'Epargne Une fois ces propositions en vigueur, le gouvernement débloqua des capitaux pour la création d'un nouveau Fonds de Sécurité dans l'Association Centrale. Une assistance provenant de ce fonds serait fournie aux coopératives en difficultés, à la fois pour couvrir les pertes et soutenir les investissements de capitaux destinés à renforcer le faible capital de base de la plupart des coopératives d'épargne hongroises.

Le programme "d'intégration" se heurta à l'opposition du groupe lui-même et à la direction de la Banque des Coopératives d'Epargne, car le statut indépendant des établissements privés était considéré comme menacé. Cependant, il était reconnu que la réalisation du programme réglerait certains problèmes des coopératives d'Epargne et qu'à long terme, une coopération plus étroite entre les coopératives pourrait être nécessaire. La plupart d'entre elles sont de petite envergure, sous-exploitées et souvent incapables d'attirer des directeurs compétents. Elles sont vulnérables à des erreurs d'appréciation dans les opérations d'investissement, surtout dans les prêts aux entreprises. Des échecs ultérieurs seraient coûteux pour l'Etat, et pour les déposants importants. La fusion des coopératives avec des agences plus importantes augmenterait leurs chances de satisfaire les besoins en capital-actions définis par la Loi Bancaire et d'accroître leur capacité de recruter des professionnels compétents. Une coopération accrue avec d'autres établissements financiers, comme par exemple la nouvelle banque rurale, permettrait aussi aux coopératives de se concentrer dans les domaines bancaires où elles ont une grande expérience et où les risques sont mieux contrôlés par la direction.

En Hongrie, le gouvernement avait, d'une certaine façon, favorisé plutôt qu'atténué l'instabilité financière en permettant au système bancaire commercial de maintenir des entreprises d'Etat non rentables. Cette politique avait d'importants antécédents sociaux, politiques et économiques, mais elle obligeait les établissements financiers à assumer des risques et des frais qui menaçaient leur vitalité en tant qu'intermédiaires sains et efficaces mais aux ressources financières limitées. Les banques et les coopératives ont été utilisées de façon identique dans les pays en développement pour fournir un crédit subventionné afin de compenser des conditions commerciales défavorables et d'autres problèmes économiques des secteurs-cible de la population.

3.2.4. Sécurité des dépôts

Avant que ne soient entreprises les réformes en Hongrie, l'Etat garantissait l'épargne des ménages sans fixer de limite maximum par dépôt ou par personne. A ce moment là, le système financier était stable et les pertes négligeables. Cependant, après la mise en place des réformes, les banques commerciales ainsi que les coopératives d'épargne affrontèrent des difficultés qui mirent en danger les dépôts des épargnants. Dans le groupe des coopératives d'épargne, les actions entreprises par l'Association Centrale afin d'empêcher la disparition des coopératives membres, comme par exemple la création d'un fonds de sécurité, permirent de protéger les déposants. Lors de certaines banqueroutes, le pro gramme de garantie du gouvernement remboursa tous les épargnants sauf ceux d'une coopérative en particulier. En effet, les épargnants qui avaient investi 25 millions FOR en titres de dépôts non couverts par le programme de garantie perdirent leur épargne. La sécurité des dépôts à long terme dans les coopératives d'épargne dépend essentiellement du succès des plans d'intégration du mouvement.

La façon dont furent traités les déposants dans les cas de faillites bancaires souleva un vif débat en Hongrie. La plupart des dépôts réalisés dans les banques ayant fait faillite provenaient d'entreprises commerciales, d'autres banques, de gouvernements locaux ou d'autres établissements publics. Les quelques déposants privés touchés furent totalement remboursés par le programme de garantie gouvernementale, qui, cependant, ne couvrait pas les importants dépôts des sociétés, banques et autres institutions. Moins de 24 heures après la disparition de la Banque Ybl, les titulaires de dépôts formaient une "association de titulaires de comptes" afin d'agir en tant que groupe de pression pour la sauvegarde de leurs intérêts. En partie grâce au travail effectué par cette association, le gouvernement accepta finalement de rembourser à 100 pour cent tous les déposants de la Banque Ybl Ltd. à concurrence de 5 millions FOR par compte et à 40 pour cent pour les comptes dépassant cette limite. La totalité des pertes subies par les déposants après les faillites des banques commerciales au début des années 1990 ne fut pas publiée, mais on a estimé qu'au moins 5 milliards des fonds des investisseurs publics et privés furent perdus lors de ces faillites.

En dehors des remboursements en cas de faillite, l'Etat avait pris des dispositions pour intervenir auprès de trois petites banques commerciales - Iparbank, Konzumbank et Dunabank - afin de protéger leurs déposants contre les pertes. L'Agence pour les propriétés de l'Etat, qui s'occupait des privatisations, renfloua les banques et mit en place une nouvelle équipe de gestion dans chacun de ces établissements. La sécurité à long terme des dépôts dans les banques commerciales dépend, comme pour les coopératives d'épargne, du succès des dispositions prises pour maintenir la stabilité et la rentabilité du secteur. Ainsi, l'amélioration de la supervision bancaire, le programme de consolidation des prêts et la Loi de 1991 sont cruciales. Cependant. l'instabilité Qui s'est instaurée reste sérieuse dans un système où les principaux actionnaires bancaires sont aussi les principaux débiteurs et s'avèrent souvent les moins solvables. De plus, les programmes de consolidation semblent augmenter la part de participation de l'Etat, dans les banques plutôt que la diminuer.

En 1993, la création d'un Fonds National d'Assurance des Dépôts (NDIF) fut approuvée par le Parlement. La loi fut conçue en accord avec les directives de l'Union Européenne quant à un système d'assurance sur dépôt uniformisée. La fonction primaire du NDIF était de fournir une indemnité aux déposants dans le cas où leurs dépôts en Forint ou devises étrangères seraient bloqués pour cause de faillites bancaires. Le NDIF devait rembourser le principal et les intérêts accumulés sur les dépôts d'un établissement financier ayant fait faillite jusqu'à concurrence de 1 million FOR par banque et déposant. Les dépôts réalisés en devises étrangères devaient être remboursés en devises étrangères. Tous les types de comptes dépôts étaient couverts par l'assurance fournie par le NDIF. Ainsi, grâce à cette Loi, l'objectif des assurances sur dépôt s'étendait aux sociétés, contrairement au précédent système de garantie de l'Etat, qui ne couvrait que les ménages. Toutefois, elle introduisait aussi un plafond qui n'existait pas dans l'ancien système de garantie.

Tous les établissements financiers acceptant les dépôts du public doivent adhérer au NDIF. Le droit d'admission initial est de 0,5 pour cent du capital souscrit de l'établissement. La prime annuelle d'assurance est en général de 0,2 pour cent maximum des dépôts assurés, mais elle peut être augmentée à 0,3 pour cent, si les opérations de l'établissement financier sont considérées comme risquées. Si les obligations en matière de remboursement sont susceptibles de dépasser le fonds de primes accumulées, le NDIF a la latitude d'emprunter sur le marché libre ou à la Banque Nationale de Hongrie. Ces emprunts peuvent être garantis par l'Etat, mais le remboursement doit être financé par des contributions extraordinaires des établissements membres. Le NDIF peut être utilisé afin d'assurer le financement des opérations de sauvetage si de telles opérations sont autorisées et soutenues par le bureau de Supervision Bancaire de l'Etat,

Le nouveau Fonds National d'Assurance des Dépôts a modernisé le système hongrois d'assurance sur dépôt Toutefois, il devrait être considéré comme le dernier stade de la protection et l'effort principal de protection des dépôts devrait porter sur la prévention des faillites bancaires grâce à la gestion correcte des établissements et à la supervision de leurs opérations. Lorsque le système bancaire à deux étages fut établi en 1987, l'industrie bancaire avait 12 000 employés. Moins de 10 pour cent de ces derniers étaient employés dans de "réelles" opérations de banques commerciales liées à des activités du commerce extérieur. A l'heure actuelle, le secteur emploie plus de 40 000 personnes. Les personnes ayant les compétences requises sont toujours aussi rares dans les domaines de l'évaluation du crédit, des risques de gestion et du suivi efficace des prêts. La situation représente un grand défi de formation et d'éducation pour le secteur bancaire hongrois.

3.3 Italie: la croissance du rôle du secteur privé dans le soutien aux banques

3.3.1. Système financier
3.3.2. Mécanismes d'intervention en soutien aux banques
3.3.3. Sécurité des dépôts

3.3.1. Système financier

La structure actuelle du secteur bancaire italien est principalement fondée sur une série de lois promulguées dans les années 30. Jusqu'à ce moment-là, le secteur financier avait subi des crises à répétition. De nombreuses banques étaient du type "tous services`'. Elles étaient des actionnaires importants dans la grande industrie et prenaient part à la gestion de ces entités industrielles. Une grande partie de ces investissements était illiquide et l'inadéquation des échéances était courante. La plupart des passifs des banques étaient représentés par des dépôts à court terme' alors que les actifs l'étaient par des prêts à long terme offerts à de grosses sociétés. Cette étroite relation entre les banques et les grandes entreprises, souvent fragiles, était une source permanente d'instabilité. Mais ce fut la faillite d'une banque importante, au début des années 20, qui conduisit définitivement à la réforme financière. Les autorités n'intervinrent pas dans cette importante faillite et des milliers de petits déposants perdirent la totalité de leur épargne. En conséquence, la part de l'épargne du système bancaire déclina durant les vingt années suivantes.

La Charte bancaire de 1936 et les autres mesures connexes introduisirent des changements très importants et créèrent un système bancaire qui resta quasiment inchangé jusqu'à la fin des années 80. Les banques qui détenaient des dépôts n'étaient pas autorisées à posséder des actions dans des établissements non-bancaires. Les établissements bancaires devaient se concentrer sur des opérations soit à court terme ou à long terme et observer strictement les rapports d'échéances. L'IRI, holding financier contrôlé par l'Etat, acheta des participations majoritaires dans les trois plus grandes banques commerciales et prit la tête de la direction de leurs holdings industriels. Ceci laissa aux banques une plus grande liberté de concentration sur les opérations bancaires du marché à court terme. L'IMI, un autre organisme contrôlé par l'Etat, dominait le marché du moyen et long terme. Les contrôles directs et indirects exercés par l'Etat, sur le secteur financier augmentèrent. De plus, la Banque d'Italie obtint de plus amples pouvoirs de supervision.

Durant les années 70 et la première moitié des années 80, des mesures ultérieures de contrôle et de protection furent imposées au secteur bancaire. L'offre de crédit était limitée par des plafonds en expansion et des réglementations strictes furent imposées à la circulation des capitaux internationaux. Le développement des agences était contrôlé par la banque centrale. Différents types de subvention des taux d'intérêt furent introduits. Grâce à ces mesures de protection, la banque était en général une industrie sûre et stable et d'importants profits économiques étaient réalisés, augmentant ainsi la rentabilité du secteur. En outre, les accords sur les taux d'intérêt entre les banques limitaient la compétition entre elles. Néanmoins, il y avait des menaces de faillites bancaires. La Banca Privata Finanziaria fut déclarée en faillite en 1974 et dut être reprise par le Banco di Roma. En 1982, les problèmes et irrégularités bien connus du Banco Ambrosiano provoquèrent une panique de l'épargne bancaire, et durant cette année-là, les dépôts bancaires passèrent de 3.6 milliards de Lires à 1.9 milliards.

A partir de la moitié des années 80, un démantèlement systématique des contrôles eut lieu dans le secteur bancaire italien selon la doctrine internationale et les directives de l'Union Européenne. Ce processus était très similaire, par différents aspects, à celui décrit dans le cas de la Finlande. Des limitations sur les mouvements de capitaux étaient moins sévères, les contrôles des taux d'intérêt interrompus, les plafonds de crédit supprimés et l'ouverture de nouvelles succursales facilitée. En 1990, une loi, la "Legge Amato", encourageait les fusions des banques et la transformation des banques en sociétés à responsabilité limitée. En 1994, une nouvelle Charte Bancaire mit fin à la segmentation du marché qui obligeait les banques à s'occuper des opérations soit à court ou à long terme. Cette nouvelle Charte et l'application des Directives II de l'UE réintroduisaient les opérations bancaires universelles en Italie, ainsi que la permission pour les banques de posséder des actions dans les sociétés industrielles et autres non-bancaires.

Ce programme de déréglementation et la Charte Bancaire de 1994 étaient susceptibles de déboucher sur une autre restructuration plus importante du marché financier italien, celle de ses institutions et de ses pratiques bancaires. On avait remarqué que, dans d'autres pays, ce procédé s'était soldé par des problèmes croissants pour la gestion des portefeuilles des banques et une demande de dédommagement croissante de la part des déposants. La question était de savoir si, en Italie, le fait d'accroître le rôle du secteur privé dans les fonds de sécurité bancaires réduirait le coût des opérations de sauvetage pour l'Etat, et les contribuables.

3.3.2. Mécanismes d'intervention en soutien aux banques

Outre ces méthodes conventionnelles de stabilisation, utilisées en tant que réglementations préventives, les mécanismes de prêteur du dernier ressort et la supervision bancaire de l'Etat, l'Italie avait aussi recours à deux types de procédures qui sont appliquées pour réorganiser et redresser les banques en difficulté. Elles sont connues sous le nom de Procédure d'Administrations Spéciale et de Procédure de Liquidation Administrative Obligatoire. Ces deux procédures doivent être requises par le Ministre du Trésor, sur le conseil de la Banque d'Italie. Le choix de la procédure à adopter dépend de la gravité des pertes de la banque ou des violations.

La Procédure d'Administrations Spéciale implique le placement temporaire, à la direction de la banque, de commissaires désignés par la Banque d'Italie. Ils ont pour tâche d'identifier les causes et l'étendue de la crise, mais aussi d'identifier la meilleure façon de l'enrayer. Il s'agit en général de rechercher des capitaux frais pour la banque. Ceci peut impliquer le rachat de l'établissement par de nouveaux propriétaires ou une fusion avec une banque saine. La Procédure de Liquidation Administrative Obligatoire est mise en oeuvre lorsque les tentatives de renflouer une banque échouent. Les commissaires, qui agissent dans ce cas en tant que liquidateurs, ont pour mission de protéger les intérêts des déposants et, si c'est possible, de sauvegarder la structure opérationnelle de la banque. Les passifs sont généralement transférés immédiatement à une banque saine, qui acquiert ensuite l'ensemble ou une partie des actifs mis en liquidation. Cette action, qui a été appliquée dans différents cas ces dernières années, peut permettre aux deux objectifs d'être atteints.

Afin d'encourager les banques saines à intervenir dans ces opérations de rachat avec un objectif de sauvetage, un décret fut émis en 1974: il autorisait la Banque d'Italie à avancer des fonds aux banques intervenantes au taux d'intérêt préférentiel de 1 pour cent. Cette action fut choisie pour la première fois en 1974, lorsque le Banco di Roma prit le contrôle des actifs et passifs de la Banca Privata Finanziaria faillie et, jusqu'en 1987, ce fut le principal instrument utilisé pour résoudre les crises du secteur bancaire italien. Il joua un très grand rôle dans le sauvetage du Banco Ambrosiano en 1982. La banque fut sauvée par six autres banques qui rachetèrent ses actifs et passifs, et formèrent le Nuovo Banco Ambrosiano. La Banque d'Italie finança la transaction avec une importante avance à un taux d'intérêt de 1 pour cent. Le cas du Banco Ambrosiano donna lieu à un vif débat portant sur les coûts élevés des résolutions des crises bancaires en Italie. Au niveau politique, on considéra que l'avance facilitée de 1 pour cent faisait reposer tout le poids de la protection des différents intérêts impliqués dans la crise bancaire sur les contribuables. Maintes personnes pensaient que le coût de la protection des dépôts devait être partagé par tous les participants au système bancaire. Ces questions conduisirent finalement à une changement de la politique de protection vers un système qui reposait plus sur les fonds privés de sécurité que sur l'intervention directe de la banque centrale.

En 1938, L'Association des Caisses d'Epargne Italiennes (ACRI) créa un fonds de sécurité. Il fut initialement appelé Fonds d'Anticipation des Caisses d'Epargne et plus tard, en 1946, Fonds de Solidarité et de Développement. Le fonds avait pour objectif de:

- préserver l'image des caisses d'épargne et développer leur organisation;
- contribuer à résoudre les difficultés financières temporaires affrontées par les caisses d'épargne;
- couvrir les pertes avérées.

La couverture des dépôts n'était pas considérée comme l'un des objectif du fonds. Le fonds fut peu utilisé au fil des années et son capital s'élevait seulement à 100 milliards de lires.

Un autre fonds de sécurité fut fondé en 1978 - le Fonds Central de Garantie des Banques Rurales. Il se basait sur un accord volontaire entre les banques et à la fin de 1992, 703 banques rurales sur 713 étaient membres du fonds. La contribution initiale des banques au fonds administré par leur institution centrale (ICCREA) représentait 1 pour cent du solde total de leurs dépôts. Depuis 1986, des pourcentages décroissants de la contribution ont été appliqués en fonction du total des dépôts des banques. En 1993, le fonds était de 175 milliards et susceptible d'atteindre graduellement les 300 milliards de Lires. Le Fonds sert un taux d'intérêt de 5 pour cent sur les contributions des banques.

Le Fonds Central de Garantie assiste principalement les banques rurales de deux façons. La première, en procurant un soutien financier aux banques rurales récemment établies. Le Fonds peut émettre des prêts subventionnés à 0,5 pour cent d'intérêt, jusqu'à un maximum de 1 milliard par banque. Deuxièmement, lorsqu'une banque rurale traverse une crise financière, le Fonds exerce une vérification sur la banque et estime l'ampleur et le type d'assistance requis pour la sauver. Dans la plupart des cas, il s'agit d'une avance de capitaux à O pour cent d'intérêt, libellée en obligations d'Etat. La banque a cinq ans pour rembourser ces prêts. Toutes les interventions du Fonds doivent être approuvées par le comité de l'ICCREA et autorisées par la Banque Centrale.

Alors que les opérations des Fonds ci-dessus étaient d'une moindre importance, la création d'un Fonds de Dépôt Interbancaire Italien (IIDF) en 1987 fut une importante tentative pour assurer une plus grande participation du secteur privé aux opérations de sauvetage des banques. Ce fonds est un programme de sécurité volontaire, fonctionnant sous l'égide de l'Association des Banques Italiennes, mais agissant comme unité légale autonome. Presque toutes les banques ont adhéré au nouveau Fonds, à l'exception des banques rurales qui continuent à participer au Fonds Central de Garantie.

Les objectifs du IIDF consistent à protéger les déposants à travers trois différents types d'intervention:

(a) soutenir les banques sujettes à la procédure d'Administration Spéciale en offrant des prêts subventionnés, des injections de capital actions et des garanties;
(b) fournir un dédommagement aux clients perdant leurs dépôts, dans le cas où une banque ne peut être sauvée et atteint le stade de la liquidation; et
(c) financer le transfert des actifs et passifs d'une banque ayant fait faillite à une banque saine, pourvue que le coût encouru soit inférieur a un remboursement direct aux déposants.

La couverture des dépôts fournie par compte est:

- jusqu'à 200 millions de lires, 100 pour cent
- entre 200 millions et 1 milliard Lit., 75 pour cent
- plus d'un milliard Lit., O pour cent

Le fonds ne couvre pas les dépôts des directeurs ou des actionnaires majoritaires, dépôts dont les intérêts sont extraordinairement élevés, les fonds ou les comptes anonymes ou les dépôts interbancaires. En revanche, il n'existe pas de limite de couverture par client; ainsi, en répartissant son épargne sur différents comptes, un déposant peut toujours atteindre une couverture de 100 pour cent.

Le fonds IIDF est financé par les banques membres. Il s'agit essentiellement d'une disposition de secours, et, dans les bilans des banques individuelles, les engagements envers le Fonds sont considérés comme des provisions spéciales. En 1990, l'ensemble des engagements des banques était de 4000 milliards, approximativement 0,5 pour cent du total des dépôts des banques membres. Dans le cas d'une véritable opération de sauvetage, chaque banque réalise un versement au Fonds et l'enregistre comme crédit dans ses comptes. Si une opération de sauvetage amène des pertes, les banques membres enregistrent leurs versements au Fonds comme une perte réelle. Ces pertes peuvent être déduites des bénéfices imposables, ce qui signifie que grâce à l'impôt sur les sociétés qui est d'environ 50 pour cent, l'Etat indemnise en fin de compte environ la moitié des pertes subies.

Les Statuts de l'IIDF stipulent que chaque banque membre doit alimenter le Fonds, tous les six mois, sur la base de coefficients spécifiques en rapport avec sa situation de liquidité, solvabilité et de résultats. Les banques membres ne reconnaissant pas les accords portant sur ces coefficients ont un an pour revenir à un niveau opérationnel acceptable. Si cela ne se produit pas, elles peuvent être exclues du Fonds, et dans ce cas, la couverture d'assurance dépôts échoira six mois après la date du jour de l'exclusion.

Bien qu'étant principalement un instrument du secteur privé, l'IIDF fonctionne en étroite coopération avec l'Etat. Chacune de ses interventions doit être approuvée par la Banque d'Italie ainsi que toute modification apportée aux statuts du Fonds. Les autorités monétaires sont représentées au Conseil de Direction et au Comité de Supervision du Fonds. Cependant, la nature privée du Fonds aurait dû rendre les opérations de sauvetage des banques plus efficaces que par le passé et les frais de ces opérations auraient dû être partagés sur une base plus équitable. Le contrôle continuel des banques participant au Fonds a pour objectif l'identification précoce des problèmes et donc la réduction des frais des opérations de sauvetage.

Depuis sa création, en 1987, l'IIDF est intervenue dans trois crises bancaires. Le premier cas concernait la Caisse d'Epargne de Prato (C.R.Prato), qui avait 22 agences. Etant donné la mauvaise gestion et la concentration excessive des prêts concédés à l'industrie textile, plus de 60 pour cent des prêts bancaires devinrent peu productifs et 30 pour cent de ces prêts furent définitivement perdus. La première intervention du Fonds fut de procurer deux prêts de 200 milliards de lires, l'un au taux d'intérêt du marché, l'autre à O pour cent. Cette intervention s'étant démontrée inadaptée, le Fonds convertit les prêts en actions et injecta 400 autres milliards en capital actions, pendant qu'une nouvelle équipe de gestion prenait la tête de la banque. En fin de compte, les actions du Fonds de la C.R. Prato furent cédées au Monte dei Paschi di Siena, une importante banque italienne. Dans cette opération, les pertes du Fonds s'élevèrent à plus de 600 milliards de lires.

Le second cas concernait le Banco di Tricesimo, la plus petite banque privée en Italie. Les activités bancaires normales de cette banque étaient saines, mais les propriétaires l'utilisaient comme façade et réalisaient des opérations sur des obligations de pacotille à haut risque. Les risques qu'impliquaient ces transactions amenèrent à la décision de liquider la banque. Le Fonds remboursa les déposants dans la limite des accords. La troisième intervention du Fonds se fit auprès de la Banca di Girgenti, une banque sicilienne. Etant donné les activités illégales des propriétaires/directeurs de la banque, d'énormes sommes d'obligations appartenant à la banque comme à ses déposants ne furent pas retrouvées. Le premier pas du Fonds fut de concéder un prêt de 10 milliards à la banque à un taux d'intérêt libre. Finalement, les actifs et passifs furent rachetés par le Credito Emiliano. Les pertes couvertes par le Fonds dans cette opération s'élevaient à 84 milliards.

Ces exemples démontrent que le nouveau Fonds de Sécurité Italien peut jouer un rôle intéressant dans les opérations de sauvetage auprès des petites banques. Bien que faisant partie de l'industrie elle-même, l'IIDF s'est avérée être un instrument utile dans les négociations avec des candidats pour le rachat des actifs et passifs des banques en difficulté.

3.3.3. Sécurité des dépôts

Les déposants en Italie ont toujours encouru des risques lors des crises bancaires. Dans les années 20, lorsque maints petits déposants perdirent leur argent à la suite de la faillite d'une importante banque, les circonstances engendrèrent une perte de confiance durant de nombreuses années. L'ancien Fonds de Sécurité, le Fonds Commun de Garantie des Caisses d'Epargne, remontait à 1927. Financé par les contributions des caisses d'épargne, ce Fonds avait comme objectif principal l'indemnisation des déposants en temps de crise financière. Cependant, il n'a jamais été utilisé dans ce but. Le Fonds le plus récent, fondé par l'Association des Caisses d'Epargne Italiennes, excluait de ses objectifs la protection des dépôts. Le Fonds Central de Garantie des banques rurales excluait aussi de ses activités les dédommagements aux déposants en cas de liquidation d'une banque.

Ainsi, pour la première fois depuis la fondation du Fonds de Dépôt Interbancaire Italien en 1987, de nombreuses banques participaient à un programme d'assurance sur . L'étendue de la couverture offerte par compte, soulignée dans la section 3.3.2, attirait l'attention sur la protection qu'un client pouvait obtenir en détenant différents comptes d'épargne s'assurant ainsi le non-dépassement de la limite de couverture de 100 pour cent. Cependant, le système contient encore des points faibles. Toutes les actions entreprises par la direction du Fonds sont discrétionnaires. Il n'existe pas de statuts stipulant qu'en cas de liquidation, il faut prendre des mesures et rembourser les dépôts dans la limite des accords pris. Le choix d'assister une banque ou non dépend chaque fois des décisions prises par la direction du Fonds. Evidemment, ceci affaiblit radicalement la protection offerte aux déposants. De plus, l'exclusion du Fonds des banques les plus faibles n'aboutit pas nécessairement à une meilleure protection des dépôts des épargnants.

En ce qui concerne la capacité du Fonds, à l'exception des 4000 milliards originels réservés au Fonds, il restait 3200 milliards en 1993. Il s'agit d'une petite somme comparée aux obligations d'indemnisation potentielles. Une seule crise importante dans une banque de taille moyenne ou une grande banque pourrait facilement épuiser la totalité de la somme. Le système de recapitalisation du Fonds n'ajoute chaque année que 400 milliards au capital. Il est donc évident que le Fonds ne procure pas réellement une couverture complète d'assurance sur dépôts pour les clients des banques membres. En cas de crise plus importante, l'Etat devrait intervenir directement, car le Fonds serait incapable de remplir sa tâche. Tandis que le processus de déréglementation continue et que les banques s'engagent vers de nouveaux secteurs du marché, les problèmes de stabilité bancaire risquent de s'accroître. Ainsi, le gouvernement pourrait s'apercevoir que le coût du soutien aux banques augmente, malgré l'intervention du secteur privé dans le Fonds de Sécurité.

Notes

17. P. Nyberg et V. Vihriala, The Finish Banking Crisis and its Handling, Bank of Finland Discussion Papers 8/93, Banque de Finlande, Helsinki, 1993, P. 12-13.

18. Z. Speder, The Characteristic Behaviour of Hungarian Commercial Banks, Acta Oeconomica 43, Budapest, 1991, P. 138.

19. M. Draghi, " The Case For and Against Financial Conglomerate Croups. The Italian Debate on the Eve of the European Banking Integration", aux éd. D, Vittas, Financial Regulation Changing the Rules of the Game, EDI Development Studies, The World Bank, Washington D.C., 1992, p. 392.


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