4.2.4 Sociétés urbaines d'épargne et de crédit

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Les premières coopératives urbaines d'épargne et de crédit furent enregistrées au Kenya en 1964. Leur principal objectif est de mobiliser les fonds de leurs membres, qui ne possèdent normalement que des parts ordinaires, étant donné qu'ils sont tous employés par une société ou un ministère. Les dépôts sont directement déduits du salaire des membres et les prêts leur sont concédés à partir de l'ensemble des fonds recueillis. Ce type de coopérative bancaire, basée sur un modèle de caisse de crédit mutuel, a rencontré un grand succès au Kenya. En 1990, il existait 1580 sociétés urbaines ayant 864 350 membres et l'équivalent d'un total de 320 millions de $ US en dépôts (22)

Sections bancaires faillies de l'association, Kenya, 1987-93

Section bancaire de
l'association
Année de faillite Pertes de l'épargne (en million de SHK) Prêts de membres (en million de SHK) Nombre de
membres
Nyahururu 1987 4 0 7,000
Masaba 1987 3 2 25,000
Bungoma 1990 24 16 41,000
Machakos 1993 73 23 69,000
Total   104 41 142,000

La croissance rapide de ces établissements ne s'est pas faite sans problèmes. Bien que réglementée par des manuels et directives opérationnelles détaillées, le niveau de la gestion des sociétés urbaines variait considérablement d'une coopérative à une autre. Une fois encore, la faiblesse de la supervision externe et du contrôle était une grande source d'inquiétude. Aucun système formel de supervision n'était fourni par le Ministère du développement coopératif ou par l'organisation mère des sociétés urbaines, le Kenya Union Savings and Crédit Coopératives (KUSCO).

Le système des déductions directement opérées sur les salaires et les soldes des dépôts des membres assurent le remboursement des prêts des sociétés urbaines. Les facteurs qui ont contribué à l'instabilité croissante des sociétés urbaines d'épargne et de crédit concernaient d'autres opérations d'investissements. En premier lieu, comme les sections bancaires rurales, les sociétés urbaines investissaient des liquidités dans les nouveaux établissements bancaires qui offraient des taux d'intérêt supérieurs à ceux de la Banque des Coopératives ou des grandes banques commerciales. La faillite de ces nombreuses compagnies financières dans le milieu des années 80 occasionna de grandes pertes aux sociétés d'épargne et de crédit et affaiblit le statut financier de la plupart d'entre elles. En second lieu, les très grandes sociétés urbaines sur le plan national, encouragées par l'impressionnante croissance des résultats obtenus dans les années 80, commencèrent à investir dans l'immobilier à Nairobi et dans d'autres centres urbains. Les projets les plus ambitieux avaient des budgets qui excédaient 500 millions SHK et la valeur totale de ces investissements immobiliers s'élevaient approximativement à 5 milliards SHK. Au moins 20 pour cent de cet argent provenait des dépôts des membres et 80 pour cent étaient empruntés à la Banque des Coopératives du Kenya.

Les investissements spéculatifs dans l'immobilier représentaient une déviation évidente des objectifs originels des sociétés d'épargne et de crédit. Afin de payer les intérêts de leur emprunt à la Banque des Coopératives, plusieurs grandes sociétés urbaines étaient obligées de différer l'émission de nouveaux prêts aux membres, même lorsqu'un membre avait rempli les conditions stipulées par les règlements des sociétés urbaines relatifs au degré d'accumulation de l'épargne. Ainsi, certaines sociétés urbaines réduisirent ou cessèrent le paiement des intérêts sur les comptes d'épargne des membres, car elles étaient trop impliquées dans les activités immobilières. Alors que le résultat final des investissements dans l'immobilier dépendait principalement du développement général du marché immobilier kenyan, la nature spéculative des investissements contribua nettement à l'instabilité du groupe des coopératives d'épargne et de crédit. Un effondrement du marché immobilier de Nairobi pouvait menacer immédiatement la survie de plusieurs grandes sociétés d'épargne et de crédit au Kenya et mettre sérieusement en danger la sûreté de l'épargne dans cette partie du groupe des coopératives kenyanes.

4.2.5. Sécurité des dépôts

Le développement rapide du nombre des banques commerciales et des succursales au Kenya dans les années 80 impliquait que les compétences en gestion bancaire étaient ténues. Ceci augmenta la nécessité de contrôles et supervisions de la part de la banque centrale, qui fut elle-même confrontée à une augmentation du volume et de la complexité des opérations découlant du Programme d'Ajustement Structurel adopté dans les années 80. Ainsi, la supervision réalisée par la Banque Centrale ne fut pas capable d'assurer la stabilité de tous les établissements financiers autorisés au Kenya, mettant en danger l'épargne des déposants.

A la suite de 4 faillites bancaires au Kenya en 1985, le Conseil de Protection des Fonds en Dépôt (DPFB) fut créé afin de protéger les déposants au cas où une banque ne pourrait honorer ses obligations. Le DPFB garantit l'assurance sur dépôt avec une couverture maximum de 100000 SHK par personne. Il peut aussi déclencher une action préventive pour réduire le risque d'insolvabilité d'une banque. L'adhésion au DPFB est obligatoire pour toutes les banques autorisées et les établissements financiers, mais elle ne l'est pas pour les associations de coopératives et les sociétés offrant des services financiers. Le Fonds est financé par les contributions des organisations membres. Les fonds et le personnel du DPFB sont relativement limités et sa constitution n'a pas rétabli la confiance que le public avait dans la sécurité des dépôts d'épargne.

Lorsque les quatre sections rurales des coopératives bancaires firent faillite, les pertes des déposants atteignirent le total de 104 millions SHK. Il n'y eut aucun dédommagement d'aucune sorte. Ainsi, la sécurité des dépôts des membres de ces associations de coopératives rurales dépendait seulement de la qualité de la gestion, et celle-ci présentait des faiblesses structurelles dès lors que l'on en arriva à la question de la sécurité des dépôts des membres. D'une part, alors que les opérations bancaires étaient effectuées dans le cadre général de l'association, l'effondrement de l'association elle même signifiait que les fonds déposés dans la section bancaire pouvaient être utilisés pour satisfaire les réclamations des créditeurs de l'association. D'autre part, les fonds déposés pouvaient être utilisés pour financer les activités non-viables. Plusieurs présidents et directeurs généraux d'associations utilisèrent les fonds de la section bancaire pour couvrir les pertes d'autres activités de l'association. Ces détournements furent réalisés grâce à un découvert autorisé par l'association ou même simplement par un retrait effectué sur les comptes de la section bancaire.

Les deux méthodes décrites ci-dessus allaient à l'encontre des règlements approuvés par la Commission des Coopératives mais, même si les cas étaient notoires, ils provoquaient rarement la réaction du Ministère du développement coopératif. Ceci met en évidence la troisième et plus grande faiblesse du système, qui se traduisait par l'incapacité des officiers ministériels et des membres à garantir une gestion honnête et professionnelle des fonds des déposants. Les opérations de prêts aux membres et les investissements de liquidités dans d'autres établissements financiers étaient problématiques. En outre, les petites associations avaient tendance à recruter leur personnel et leurs directeurs sur la base d'autres critères que celui des capacités professionnelles requises pour l'emploi.

En réponse à ces faiblesses, la Commission de Développement des Coopératives créa en 1988 un nouveau concept de coopératives d'épargne et de crédit autonomes basées sur la production (sociétés rurales). La stratégie consistait à créer des coopératives spécialisées qui faciliteraient la spécialisation professionnelle et augmenteraient la sécurité des dépôts des membres. Toute nouvelle activité d'épargne et de crédit axée sur la production devait adhérer au concept de société rurale et les sections bancaires des associations restantes devaient se transformer progressivement en sociétés rurales indépendantes. Bien que le nouveau programme réduisît les risques de détournements des fonds des épargnants pour des activités non-viables de l'association, différents problèmes subsistaient encore. Les questions concernant les réglementations, les directives de prévention et une supervision adéquate n'étaient pas résolues. Les activités de supervision rurale bancaire du Ministère du développement coopératif étaient renforcées par le soutien des donateurs. Cependant, afin de prévenir de futures crises, il serait à l'avenir préférable de trouver une alternative au modèle de contrôle courant appliqué par le Ministère.

L'absence de contrôle et de supervision adéquats était aussi évidente dans les opérations des sociétés urbaines. Le Ministère du développement coopératif n'intervint que dans les cas où les problèmes financiers des coopératives avaient déjà atteint un stade critique. Ainsi, même si l'importance de la protection de l'épargne repose sur des méthodes préventives tel un contrôle amélioré, certains types de programme d'assurance sur dépôt devraient être introduits en fin de compte pour couvrir l'épargne des petits déposants ruraux et urbains en cas de futures faillites de coopératives.

4.3 Amérique latine: la stabilisation des coopératives d'épargne et de crédit

4.3.1. Le système des coopératives d'épargner et de crédit latino- américain
4.3.2. La crise des coopératives d'épargne et de crédit au Honduras et au Guatemala
4.3.3. Les programmes de stabilisation financière

4.3.1. Le système des coopératives d'épargner et de crédit latino- américain

Les coopératives d'épargne et de crédit, fondées sur le modèle des caisses de crédit mutuel, étaient largement répandues en Amérique Latine dans les années 50 et 60. Elles étaient organisées en lieux de travail et en communautés. En 1972, l'épargne de leurs membres représentait près de 160 millions de $ US. Des fédérations nationales avaient été constituées dans tous les pays, s'occupant d'association commerciale, de développement et, dans certains cas, des services de banque centrale. Ces fédérations constituèrent la COLAC, c'est-à-dire la Confédération des caisses de crédit mutuel Latino-Américaines, pour les représenter au niveau régional et fournir des services techniques et financiers au travers des frontières nationales. En 1992, 113 groupes nationaux étaient affiliés à la COLAC, représentant ainsi près de 4,8 millions de membres et 1,3 milliard $ US en épargne investie dans plus de 16 000 établissements de coopératives locales. Six groupes nationaux avaient à eux seuls un actif total excédant 100 millions $ US et l'actif au niveau régional représentait plus de 2 milliards $ US.

Les coopératives d'épargne et de crédit établies en Amérique-Latine se composaient d'un amalgame de caisses de crédit mutuel, de coopératives agricoles traditionnelles et de consommateurs, et avaient une identité mixte qui affecta leur stabilité dans les années 70 et 80. Ce sont les caisses de crédit mutuel qui mirent au point les services financiers, y compris les dépôts d'épargne initialement représentés sous forme d'actions et les prêts personnels concédés à l'origine afin de satisfaire aux besoins agricoles, de consommation ou de petit commerce. Les coopératives étaient organisées en communautés, se regroupaient dans un lieu de travail ou une église paroissiale. Les taux d'intérêt étaient fixés selon le modèle des caisses de crédit mutuel, avec un taux d'intérêt annuel de 12 pour cent sur les prêts (l pour cent par mois sur le solde dégressif), 6 pour cent pour la couverture des dépenses opérationnelles prévues et des frais de réserve, les 6 autres pour cent pour les ristournes et dividendes de la clientèle ou le paiement des intérêts.

Bien qu'organisées comme des caisses de crédit mutuel, les coopératives étaient régies par les lois concernant les sociétés coopératives et étaient légalement et financièrement structurées comme des coopératives agricoles et de consommation. Ceci signifiait que les parts étaient considérées comme "capital à risque", qu'elles ne pouvaient pas être facilement négociées et n'étaient que rarement et avantageusement rémunérées. Les réserves de capital étaient basées sur le revenu net et la constitution de provisions pour pertes sur prêts ou sur indemnités n'était pas obligatoire. Enfin, les coopératives d'épargne et de crédit, à la différence des caisses de crédit mutuel, étaient autorisées, et même parfois encouragées, à s'engager dans des activités non-financières, diluant ainsi leur capital et leur liquidité tout en augmentant les risques et réduisant les gains sur les intérêts.

Même si la plupart des coopératives d'épargne et de crédit de l'Amérique Latine étaient auto-financées grâce à la mobilisation de l'épargne et que, dans l'ensemble, la totalité de l'épargne excédait le total des prêts à recouvrer, le financement externe jouait un rôle-clé dans le développement des organisations secondaires (fédérations nationales) et tertiaires (COLAC). Ce financement comprenait des allocations aux opérations pour soutenir la promotion et la formation, ainsi que des dotations en capital pour les prêts destinés à des secteurs cibles identifiés, principalement l'agriculture et le petit commerce. Les dotations en capital étaient généralement fournies à des taux d'intérêt subventionnés et, dans certains cas, on imposait des plafonds aux taux qui pouvaient être demandés à l'emprunteur final. Les taux subventionnés avaient un double objectif: ils devaient stimuler l'emprunt et l'investissement productif au niveau du bénéficiaire final et procurer des gains aux fédérations naissantes et à la COLAC pour couvrir leurs dépenses de formation et de promotion. Cette stratégie de financement, dont les intentions étaient louables, eut des résultats malheureux et déstabilisants. Elle contribua au surendettement et, de là, à un ratio excessif d'engagement d'individus et d'institutions, à des prêts aux initiés, à une évaluation insuffisante des prêts, à une augmentation des défaillances de paiement, à une dépendance des financements externes et, dans certains cas, à une insolvabilité technique.

A la fin des années 1980, les groupes de coopératives d'épargne et de crédit latino-américaines traversèrent une crise. Même si des milliers de coopératives locales et de bureaux existaient encore, la plupart d'entre eux fonctionnaient à la limite de la viabilité. L'inflation et l'hyper-inflation avaient réduit la valeur réelle de l'épargne des membres, les non -remboursements excessifs des prêts et le surinvestissement dans les actifs non-financiers avaient réduit les gains, les rendements effectifs de l'épargne étaient en général négatifs et les coefficients de capital (à l'exception des actions) étaient tombés au minimum. Une minorité de coopératives avaient répondu en offrant des comptes-dépôts d'épargne au taux pratiqué sur le marché et amélioraient leurs services en modernisant leurs offres de produits; ordinateurs, diversification, mais de nombreuses sociétés étaient stagnantes ou en déclin. Seules la mobilisation des nouveaux comptes-dépôts, des restrictions sur le retrait des actions représentatives de l'épargne et la loyauté des membres empêcha la faillite totale de maintes sociétés. Cependant, la faillite de deux grandes coopératives quasi-bancaires au Pérou, largement rendue publique, ainsi que l'intervention de l'Etat auprès des coopératives d'épargne et de crédit en Equateur démontrèrent l'étendue de la crise.

Les problèmes que rencontraient les coopératives d'épargne et de crédit ainsi que leurs organismes de services secondaire et tertiaire étaient presque les mêmes dans toute la région. Le regain de croissance économique et la réduction de l'inflation ont aidé certaines sociétés à rester opérationnelles, mais bien peu de mouvements ont réalisé une croissance d'épargne réelle et importante et retrouvé la stabilité financière. Au Honduras et au Guatemala, les coopératives d'épargne et de crédit étaient les établissements financiers les plus répandus qui servaient directement les populations rurales et urbaines dont les revenus étaient bas ou moyens. Etant donné que, dans ces pays, elles faisaient partie des groupes de coopératives, elles étaient réglementées par des agences indépendantes qui exerçaient des contrôles mais avaient peu de pouvoirs ou étaient peu efficaces en matière de supervision des établissements financiers. En outre, les dépôts des membres et les actions d'épargne n'étaient pas protégés par les garanties gouvernementales ou d'autres programmes. En tant qu'organismes de base, elles étaient considérées comme bien placées pour bénéficier des réformes financières et augmenter le niveau de concurrence sur les marchés financiers de ces pays. Ainsi, entre 1984 et 1992, le Conseil Mondial des Coopératives d'Epargne et de Crédit, la COLAC et d'autres analysèrent ces coopératives et développèrent des stratégies pour protéger l'épargne des membres et assainir les mouvements. Les stratégies sont décrites dans les paragraphes qui suivent.

4.3.2. La crise des coopératives d'épargne et de crédit au Honduras et au Guatemala

Au Honduras, le nombre des coopératives d'épargne et de crédit augmenta progressivement entre 1972 et 1988, atteignant un total de 83 sociétés indépendantes, possédées par plus de 57 000 membres et comptant environ 50 millions de dollars investis en actions et comptes-dépôts d'épargne (près de 5,8 pour cent du marché privé de l'épargne). Les coopératives étaient présentes dans tout le pays et leur activité principale consistait à prêter au secteur de l'immobilier, du petit commerce et de l'agriculture. Toutefois, plusieurs d'entre elles étaient techniquement insolvables, le nombre de non-remboursements des prêts avoisinant 25 pour cent du total de l'encours des prêts tandis que les provisions contre des pertes s'élevaient seulement à 3 pour cent. Avec un coefficient de capital total (à l'exception des actions) de seulement 2,7 pour cent, les membres risquaient de perdre près de 10 pour cent de leurs comptes de l'épargne-actions.

Les coopératives d'épargne et de crédit guatémaltèques bénéficièrent aussi d'une croissance constante durant les années 70 et jusqu'au début des années 80, atteignant en 1985 un total de 77 coopératives, plus de 87 000 membres et près de 17,5 millions de dollars en épargne. A la différence du Honduras, le groupe guatémaltèque rencontra de graves problèmes financiers à la suite de l'instabilité politique et des affrontements qui eurent lieu entre 1978 et 1983, de la récession économique et des dévaluations de la monnaie nationale. En 1988, le niveau de l'épargne était tombé à 12,2 millions de dollars et la totalité des non-remboursements des prêts s'élevait à près de 30 pour cent de l'ensemble du portefeuille, alors que les provisions contre les pertes étaient d'environ 5 pour cent. L'ensemble du coefficient de capital représentait moins de 2 pour cent des actifs. Sur une base moyenne nationale, les membres des coopératives auraient perdu jusqu'à 40 pour cent de la valeur réelle de leurs comptes de l'épargne-actions, si leurs coopératives avaient été liquidées.

Dans les deux pays, il existait des fédérations auxquelles les coopératives d'épargne et de crédit étaient affiliées. Les services offerts par ces fédérations comprenaient le financement central (épargne et crédit de gros, comme les banques centrales), l'octroi des prêts à partir des fonds de développement international, la formation et l'éducation des dirigeants et du personnel des coopératives, l'assurance-vie collective sur les soldes des comptes d'épargne et des prêts des membres ainsi que la représentation du mouvement lors de rapports avec le gouvernement et d'autres organismes. De plus, la Fédération Nationale du Honduras (FACACH) mettait en oeuvre une variété de programmes de développement social et économique non-financiers soutenus par des agences internationales donatrices. Dans les années 80, les deux fédérations rencontraient des difficultés financières. En 1987, la FACACH était insolvable à cause de l'importante proportion de défaillances de ses portefeuilles de prêts et de ses pertes opérationnelles répétées occasionnées par ses programmes de production agricole, de transformation et de commercialisation 23 Sa faillite aurait doublé les pertes potentielles des membres des coopératives au Honduras et provoqué une panique bancaire. La Fédération Nationale Guatémaltèque (FENACOAC) était solvable, mais dépendait principalement des bénéfices des prêts de développement sur fonds externes pour subventionner son programme de formation et d'extension 24

4.3.3. Les programmes de stabilisation financière

Quand, entre 1984 et 1986, il fut évident que de nombreuses coopératives d'épargne et de crédit au Honduras et au Guatemala rencontraient de graves problèmes de solvabilité, qui risquaient d'avoir un effet négatif sur le développement des marchés financiers ruraux de ces pays, une assistance externe fut requise. L'Agence des Etats-Unis pour le Développement International procura un soutien financier et le Conseil Mondial des Coopératives d'Epargne et de
Crédit ainsi que la COLAC fournirent l'assistance technique. Les programmes de développement étaient conçus et mis en oeuvre pour résoudre les deux principaux problèmes que rencontrait le mouvement coopératif: des compétences et une rigueur de gestion financière inadéquates, surtout en ce qui concerne les prêts, et des profits, réserves de capital et provisions insuffisantes pour couvrir les pertes sur prêts et autres engagements des coopératives.

Basés sur l'expérience du mouvement des caisses de crédit mutuel des Etats-Unis et du Canada, les programmes de stabilisation financière furent développés pour faire face aux crises financières, ainsi que des programmes de développement institutionnel pour renforcer les opérations, en commençant par un enseignement et une formation au personnel. Les programmes de stabilisation financière furent créés à l'origine par le mouvement des caisses de crédit mutuel afin de protéger l'épargne des membres en l'absence d'assurances sur dépôts. Ils avaient pour objectif d'assurer aux caisses de crédit mutuel une image publique d'intermédiaires financiers solides, malgré leur indépendance au secteur bancaire et de ses garanties gouvernementales des dépôts. Aux Etats-Unis et au Canada, ces programmes ont été remplacés par des assurances sur dépôt en tant que telles.

Les programmes de stabilisation financière mis en oeuvre au Honduras et au Guatemala ne comprenaient pas d'assurance sur dépôts, c'est-à-dire qu'ils n'offraient pas aux épargnants les garanties formelles que leurs fonds leur seraient tout ou partie remboursés en cas de faillite. Par contre, ils offraient aux coopératives une assistance technique et financière en tant que mesures préventives destinées à réduire les risques de faillite, ce qui fut réalisé aux Etats-Unis et au Canada durant les années précédant la mise en oeuvre d'assurances sur dépôts. Les dispositions importantes du processus de stabilisation sont résumées ci-dessous 25

(i) réalisation d'une étude approfondie des coopératives et des fédérations, comprenant une analyse financière détaillée et une évaluation de leur chiffre d'affaires et de leur potentiel de développement;
(ii) préparation de plans de développement des activités, comprenant des rapports de mission sur la stratégie, des projections financières et des indicateurs de résultats pour exercer un contrôle durant l'assainissement;
(iii) sélection des organisations participant aux programmes de stabilisation et signature d'accords, spécifiant les conditions d'assistance et les obligations mutuelles;
(iv) application du programme d'assainissement ainsi que du déboursement des prêts de stabilisation, adoption de nouvelles politiques financières, de contrôles, de la formation, renforcement des équipements de bureau et mise en place de systèmes informatisés d'information et de gestion (MIS);
(v) évaluation périodique des résultats des participants par rapport aux normes établies dans les programmes de développement des activités;
(vi) prorogation, modification ou cessation des accords de participation selon la réalisation des indicateurs de performance et le succès de l'application.

Plusieurs des actions que les coopératives participantes acceptèrent d'entreprendre concernaient la cessation des activités non-financières, le rétablissement du prix des services aux niveaux du marché, la création de provisions pour pertes sur prêts, la capitalisation des bénéfices nets, l'amélioration du recouvrement des impayés, la passation par pertes et profits des mauvaises créances et des autres actifs négatifs et l'introduction de programmes de commercialisation afin d'augmenter le taux de croissance et le rendement. Les programmes de stabilisation offraient des prêts sans intérêts, ou à un taux très bas, aux coopératives participantes et aux fédérations sous forme d'obligations d'Etat au Honduras et dans des instruments financiers institutionnels à forme d'endettement au Guatemala. Les bénéfices nets des intérêts de ces investissements étaient ensuite utilisés pour éliminer progressivement, sur une période de cinq ans, les actifs per dus des livres comptables des participants permettant ainsi aux coopératives de reconstituer des provisions pour des pertes et des réserves de capitaux à partir de leurs revenus d'exploitation. Les fonds de capital prêtés aux participants étaient totalement garantis par les fonds investis. Au terme de chaque accord de stabilisation, le capital était rendu dans son intégralité au Fonds de Stabilisation afin d'être utilisé pour stabiliser d'autres coopératives. La recapitalisation de la FACACH, la fédération hondurienne insolvable, fut réalisée par des dépôts directs dans la fédération elle-même et par des prêts offerts aux coopératives à un taux bas pour investir dans de nouveaux comptes actions de la fédération.

Durant les cinq premières années des programmes de stabilisation, 49 coopératives et les deux fédérations furent assainies, protégeant l'épargne de plus de 120 000 personnes au Honduras et au Guatemala. Les coopératives participantes et non-participantes développèrent une nouvelle mentalité gestionnaire, axée sur la sécurité. Une nouvelle génération de dirigeants et directeurs associèrent de solides principes commerciaux à leurs stratégies administratives, changeant ainsi l'image des coopératives qui étaient précédemment perçues comme organisations sociales indépendantes des forces du marché financier.(26) Cependant, l'assistance technique fournie aux participants et aux opérations des fonds de stabilisation continua à être subventionnée extérieurement et l'institutionnalisation du processus dans les organisations locales ne faisait que commencer. De nombreuses coopératives d'épargne et de crédit devaient encore être stabilisées. Le tableau 4.3 résume les résultats financiers des programmes de stabilisation au Honduras et au Guatemala.

Résultats de la stabilisation des coopératives

Bases d'appréciation Honduras Guatémala
EPARGNE (en millions) Lempiras Quetzales
en monnaie locale courante L/ 44 3 L/ 152 6 Q/ 24 9 Q/ 93 1
en équivalence $ US $ 19.7 $ 22.2 $ 9.2 $ 17.7
en monnaie locale        
constante (1985) L/ 39.6 L/ 69.2 Q/ 14.6 Q/ 23.7
% du taux de croissance        
annuel en monnaie constante 14.9%   12.9%  
QUALITE DES ACTIFS        
Taux de non-rembour        
sement des prêts 23.3% 15.1% 14.9% 6.9%
ADEQUATION DU CAPITAL/PROTECTION        
Ratio capital        
sur actifs 2.7% 6.2% 5.5% 9.0%
Provisions pour pertes sur        
prêts en souffrance 12.8% 14.5% 33.3% 57.8%
GAINS/RENDEMENT        
Ratio coût d'exploitation        
sur actifs en % 7.7% 5.5% 6.4% 7.9%
Revenu net sur        
actifs nets en % (0.9)% 2.3% 2.4% 2.2%

Sources:
HONDURAS:
USAID: Sintesis Informativa del Sector Cooperativo de Ahorro y Credito de Honduras Mars 1993
GUATEMALA:
World Council of Credit Unions: Credit unions Retooled. A road map for Financial Sta bilization Mars 1993 et The Impact of Credit unions in Guatemalan, Financial Markets, Novembre 1993
LES DEUX PAYS:
International Financial Statistics, International Monetary Fund, Washington D C Janvier 1994 (Exchange rates and consumer price indices)

Notes

20. A. Sheng, "Bank Restructuring in Malaisie,1985-88", aux éditions D. Vittas, Financial Regulation: Changing the Rules of the Game, EDI Development Studies, The World Bank, Washington D.C., 1992.

21. Asian Wall Sreet Journal, Mai 1989.

22. Données WOCCU, 1990.

23. P. Marion, Análisis Financiero de FACACH (Analyse Financière de FACACH), Honduras Technical Report, World Council of Credit Unions, Madison, 1984.

24. P. Marion, FENACOAC Financial and Operational Analysis of the National Credit Union System, Guatemala Technical Report, World Council of the Credit Unions, Madison, 1985.

25. Une description complète des programmes de stabilisation des coopératives au Honduras et au Guatemala est fournie par D. RICHARDSON, B. Lennon, B. Branch, dans Credit Union Retooled: A Raod Map for Financial Stabilisation, Guatemala Project Report, WOCCU, Madison, 1993 et par P. Marion, B. Branch, Financial Sector Assessments: Results Achieved and Lessons Learnad, Honduras Project Report, WOCCU, Madison, 1991.

26. Voir B. Lennon et C. Richardson, The Impact of Credit Unions in Guatemalan Financial Markets, Project Report, WOCCU, 1993; D. RICHARDSON, B. Lennon, B. Branch, op. cit. et Agency for International Development, Sintesis Informativa del Sector Cooperativo de Ahorro y Crédito de Honduras, (Synthèse informative du secteur des caisses de crédit mutuel du Honduras), Tegucigalpa, 1993.


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