6. La protection des dépôts: mesures préventives

Table des matières - Précédente - Suivante

6.1 Les leçons de l'expérience
6.2 Recommandations pour la gestion des institutions financières
6.3 Recommandations pour une politique publique

RESUME

Ce chapitre:

Traite des facteurs-clé dont les différentes études de cas ont fait ressortir l'importance en ce qui concerne la protection des dépôts.

Il contient des recommandations pour améliorer l'intermédiation financière concernant l'évaluation, les politiques et le recouvrement des prêts, l'investissement des liquidités, les systèmes de gestion et la participation aux activités commerciales non-financières.

Il propose également des recommandations pour améliorer la politique nationale concernant le cadre légal des activités financières, le contrôle externe et la non-intervention dans les politiques de prêt.

6.1 Les leçons de l'expérience

L'un des aspects les plus frappants qui ressort des études de cas des crises financières récentes est la similitude, entre pays et secteurs économiques, des causes qui expliquent l'instabilité financière. Les banquiers et les hommes politiques cèdent souvent à la tentation de prétendre que les facteurs macro-économiques sont la cause principale des crises des institutions financières. S'il est sans aucun doute vrai qu'une récession grave constitue une lourde menace pour la stabilité des marchés financiers et que ses effets peuvent être aggravés par des politiques fiscales et monétaires inadaptées, particulièrement en période de libéralisation de marché, il n'en reste pas moins vrai qu'une mauvaise gestion est le facteur-clé contribuant à la faillite des institutions financières.

La mauvaise gestion au sein des institutions financières a entraîné une mauvaise et trop optimiste évaluation des prêts, un recouvrement laxiste des prêts, une diversification à haut risque des prêts et des investissements, une concentration des risques, l'accord de prêts aux personnes liées ou intégrées à la société, une inadéquation entre les prêts et l'épargne, et, particulièrement dans le cas des coopératives et des associations de crédit mutuel, le déroulement d'activités commerciales non-financières. Ces faiblesses résultent principalement d'un manque d'expérience et d'une mauvaise formation, mais elles peuvent également être dues à la corruption ou à l'ingérence politique. Outre ces facteurs, il se peut qu'il existe d'autres faiblesses dans la gestion en ce qui concerne les systèmes et les méthodes de fonctionnement. Il existe donc beaucoup de possibilités d'augmenter la sécurité des dépôts dans les institutions financières en améliorant la qualité relevant du personnel de gestion.

Au niveau des politiques publiques, les aspects critiques de la prévention des crises financières concernent les réglementations et les mécanismes de contrôle externe. Les études de cas ont démontré clairement que l'absence de règles précises et facilement contrôlables, ainsi que de leur juste application, a contribué à l'instabilité du marché financier. Dans certains pays, aucune amélioration du contrôle n'a correspondu aux politiques de libéralisation du marché et de déréglementation financière; cela a eu pour conséquence une croissance et une diversification incontrôlées des institutions financières, suivies par une augmentation des crises financières. Dans d'autres pays, les crises ont été accélérées par l'effondrement d'institutions de collecte des dépôts totalement privées de réglementation, et parfois illégales, qui avaient pu croître sans aucun contrôle. Les organisations coopératives opèrent toujours hors du contrôle et de la réglementation de la banque centrale et sans aucune autre forme de contrôle appropriée, ce qui a favorisé le nombre élevé de faillites dans ce secteur. Dans les pays en développement, contrairement aux problèmes causés par un manque d'intervention, certaines politiques gouvernementales concernant les prêts ciblés, le crédit "à bon marché" et la création d'institutions financières gouvernementales non-fiables n'ont fait qu'aggraver l'instabilité du marché financier.

Dans le reste de ce chapitre figurent des recommandations d'actions qui aideront à promouvoir la stabilité financière des institutions et par conséquent à protéger les dépôts des épargnants, en tirant parti des constatations et des expériences faites dans différents pays et différentes situations. Il sera ensuite question de l'assurance sur dépôts destinée à protéger les épargnants contre d'éventuelles pertes en cas de faillite, et des différentes mesures qui peuvent être prises pour sauver les institutions financières en crise.

6.2 Recommandations pour la gestion des institutions financières

6.2.1. Evaluation des prêts
6.2.2. Politiques de prêts
6.2.3. Recouvrement des prêts
6.2.4. Activité s commerciales non-financières
6.2.5. Investissements interbancaires
6.2.6. Systèmes de gestion

6.2.1. Evaluation des prêts

La tâche la plus importante des directeurs des institutions financières consiste à s'assurer que les dépôts sont utilisés pour accorder des prêts qui rapportent une rémunération adéquate et peuvent être remboursés. Par conséquent, l'évaluation des utilisations des prêts doit entraîner une analyse soignée des risques liés au crédit, à savoir le danger lié au non-paiement de l'emprunteur. L'absence systématique de toute évaluation des risques liés au crédit provoqua l'effondrement de nombreuses institutions financières dans les années 80. Le souci des institutions d'augmenter leur part de marché, notamment en période de forte croissance économique et de déréglementation financière, conduisit à la baisse du niveau concernant les procédures d'évaluation du crédit et à une augmentation du nombre des impayés. Il existe de nombreux écrits concernant les procédures efficaces d'évaluation du crédit, mais leur application demeure dans de nombreux cas inadéquate. Etant donné la nature de l'intermédiation financière, le risque lié au crédit ne peut jamais être complètement éliminé. Toutefois, une application systématique des techniques correctes d'évaluation des prêts pourrait aider de nombreuses institutions à développer un portefeuille financier ayant un taux de recouvrement satisfaisant.

Les coopératives d'épargne et de crédit ainsi que les associations de crédit mutuel de nombreux pays en développement ont souvent appliqué le "droit", quasi automatique, à l'emprunt d'une certaine somme basée sur un coefficient de la différence existant entre le montant de l'emprunt et le solde du compte d'épargne du membre, par exemple, 2: 1, 3:1 ou 5: 1. Dans ces conditions, rares étaient les efforts visant à évaluer la capacité de remboursement de l'emprunteur et à fixer le montant du prêt en conséquence. Cette pratique tend à augmenter le non-remboursement des prêts, puisque certains emprunteurs ne remboursent que le montant net perçu en plus de leur épargne. Les coopératives peuvent utiliser le compte d'épargne pour le déduire du solde du prêt, mais elles courent le risque de perdre une partie de leur revenu provenant des intérêts non perçus et à recouvrir sur le solde du prêt.(37) Afin d'améliorer l'évaluation du prêt, le Conseil mondial des Coopératives d'Epargne et de Crédit a recommandé aux coopératives d'épargne et de crédit ainsi qu'aux associations de crédit mutuel les stratégies suivantes:

(i) N'accorder des prêts qu'aux membres;
(ii) Baser le consentement des prêts sur la capacité réelle du membre à rembourser en liquide, plutôt que sur un quelconque coefficient arbitraire se situant entre le montant du prêt et celui de l'épargne ou sur le pourcentage de la valeur de nantissement;
(iii) Déterminer les coefficients d'endettement spécifiques (paiements divisés par le revenu en liquide) à chaque type de prêt et d'activité financée;
(iv) Fixer le montant du prêt en se basant sur le montant des paiements réguliers, des conditions du prêt et du taux d'intérêt.

La capacité d'évaluer le remboursement des prêts dépend de l'usage du prêt et des sources de revenu disponibles. Les prêts à la consommation sont remboursés à partir des traitements, des salaires et des revenus; les prêts à la production devraient être remboursés à partir de la vente des biens ou des services produits; les prêts à l'investissement devraient être remboursés par les bénéfices nets d'exploitation et les amortissements.

L'un des principaux facteurs de risque en ce qui concerne l'évaluation des prêts réside dans la pénétration de nouveaux marchés jusqu'alors jamais testés. Selon les théories économiques, la diversification réduit le risque lié à la concentration sur un segment du marché. Toutefois, pour les institutions financières, la réalité s'est avérée être un dangereux saut dans l'inconnu, comme le domaine du financement des entreprises ou de l'immobilier. Faute des qualités nécessaires pour évaluer le projet, examiner les aspects secondaires et le problème du contrôle, les opérateurs financiers sans expérience rencontrèrent très vite des problèmes. Par conséquent, aucune diversification ne devrait être entreprise sans une expertise adaptée au préalable. Une mauvaise gestion de la diversification met immanquablement en danger les dépôts des épargnants.

6.2.2. Politiques de prêts

Concentration des risques. Un certain nombre de faillites bancaires ont été, du moins en partie, le résultat de situations dans lesquelles une part élevée du capital de l'institution avait été prêtée à un unique emprunteur ou à un groupe restreint d'emprunteurs ou encore à un secteur de l'industrie. Il se peut que ces situations aient été causées par des pressions politiques, comme ce fut le cas de plusieurs banques en Hongrie, ou qu'elles aient été le résultat de décisions volontaires prises par la direction de ces institutions, comme ce fut le cas par exemple des coopératives en Malaisie et de certaines des banques en faillite en Italie. La concentration des risques graves peut représenter un danger réel pour l'ensemble du système financier. Au Ghana, la concentration des portefeuilles a conduit à l'insolvabilité technique de plusieurs banques parmi les plus importantes, et à une baisse drastique de la sécurité de l'épargne.(38) Dans de nombreux cas, la concentration des risques a un rapport avec les prêts accordés aux personnes liées à la société.

Prêts aux personnes lices à la société. Dans les pays en développement, il n'est pas rare que les institutions financières prêtent une grande partie de leur capital à des personnes directement ou indirectement liées à elles. Dans de nombreux cas, les prêts de ce genre entraînent un risque important. La concentration, la défaillance et la renégociation permanente des prêts sont les caractéristiques communes des prêts aux personnes liées à la société. De Juan(39) signale quatre dangers spécifiques aux prêts accordés aux personnes liées à la société:

(i) les prêts sont établis selon des critères moins rigoureux que ceux utilisés normalement par les banques;
(ii) l'attitude de gestion des directions des filiales se détériore à cause de leur accès facile et systématique au crédit;
(iii) les représentants des banques développent des relations avantageuses avec les filiales et les personnes qu'ils sont censés contrôler; en conséquence, ils deviennent un obstacle plutôt qu'un instrument d'information et de contrôle; et
(iv) il est rare que la banque mère reconnaisse qu'un prêt accordé à l'une de ses filiales soit échu ou douteux.

De plus, le prêt aux personnes liées à la société a souvent un caractère frauduleux, comme cela s'est avéré dans le cas de certains opérateurs financiers en Malaisie, en Hongrie et en Italie.

Prêts aux personnes initiées. Le prêt aux personnes initiées consiste à accorder des prêts, souvent sur une base préférentielle, à des élus, des membres du personnel et leur famille ainsi qu'aux associés des institutions financières. Souvent, peu d'efforts sont faits pour recouvrer les prêts lorsque le remboursement est dû. Dans les coopératives, l'accès au crédit est quelquefois considéré comme l'un des avantages à accepter une position d'élu, qui serait sinon pénible. De nombreuses coopératives ont fait faillite, ou connu des problèmes, lorsque des élus ont contracté un prêt et n'ont pas été en mesure de le rembourser, donnant ainsi un mauvais exemple aux autres. Le manque de contrôle externe adéquat, la complicité régnant parmi les groupes ou les commissions de direction et le favoritisme intervenant dans l'accord de prêts aux membres d'une institution peuvent tous concourir à faciliter le prêt aux personnes initiées et à causer ainsi la perte de l'épargne. La documentation qui existe sur les coopératives est remplie de cas de ce genre.

Inadéquation du terme. Dans presque tous les cas récents de faillites d'institutions financières dans les pays en développement, l'octroi de prêts à termes différents de ceux des dépôts a constitué l'une des raisons expliquant les faillites. Généralement, l'inadéquation conduit à de sérieux problèmes de liquidité et, pour les résoudre, l'organisation peut avoir à payer des taux excessifs de refinancement. Lorsque l'inadéquation devient sérieuse, les problèmes de liquidité peuvent s'aggraver et conduire à une situation de panique. Comme l'a montré le cas du Kenya, les situations de panique dans les pays en développement conduisent souvent à la fermeture des institutions financières et fréquemment à la perte des fonds des déposants. Dans certains cas, l'inadéquation dans les coopératives d'épargne et de crédit a été causé par des prêts hypothécaires au logement des membres et a généralement provoqué des manques de liquidité, remédiés par des réductions dans l'octroi de prêts.

Les coopératives et les caisses de crédit mutuel dans les pays en développement connaissent souvent une inadéquation inverse à ceux des banques et autres institutions financières à but lucratif, c'est-à-dire que l'inadéquation se produit entre l'épargne à long terme représentée par des actions et les prêts à la consommation à court terme. Bien qu'il protège les liquidités, ce décalage produit de faibles bénéfices, des dividendes insuffisants pour attirer de nouvelles actions d'épargne ainsi qu'une accumulation du capital social (bénéfices non distribués et réserves de capital) inadaptée à la protection de la valeur nominale de l'épargne. De plus, la direction des coopératives peut s'habituer à la stabilité de l'épargne-actions et de la liquidité, et commencer à augmenter les conditions de crédit, par exemple sur les prêts au logement. S'ils "découvrent" alors qu'ils ont un problème de liquidité, et qu'ils tentent de le résoudre en empruntant à l'extérieur ou en offrant des comptes de dépôt au taux du marché, cela peut coûter plus cher que les rendements de leur portefeuille de prêts à long terme parfois déjà écrasé sous le poids des non-remboursements, et la coopérative peut se retrouver face à l'un des cas les plus courants d'inadéquation entre l'épargne à court terme et les prêts à long terme à taux fixes. A cela peut s'ajouter une marge négative, un capital institutionnel et des réserves de capital insuffisants pour passer par pertes et profits les mauvaises créances de la coopérative ou de réduire la valeur de ses prêts actuels à un niveau inférieur à celui du marché. Généralement, ces pertes n'auront pas de conséquence directe, en raison de la loyauté des membres et de leur difficulté à liquider leurs épargne-actions. Au lieu de cela, il se peut que la coopérative ralentisse, et que ses membres soient réticents à investir à nouveau leur épargne.

Il est évident que pour maintenir une certaine stabilité, les institutions financières ont besoin de politiques claires qui limitent ou empêchent la concentration excessive de prêts, les prêts aux personnes associées ou initiées, et l'inadéquation entre les prêts et l'épargne. De vraies méthodes de contrôle et de surveillance doivent également être établies afin de garantir le respect des politiques. Parmi les mesures les plus importantes pouvant être prises afin de réduire les abus liés aux prêts aux personnes initiées figurent par exemple un strict audit externe avec des spécifications précises, le renforcement de la responsabilité personnelle en cas d'abus, l'engagement de poursuites judiciaires en cas de détournement volontaire, l'établissement de codes de conduite morale et l'exigence que tous les prêts aux personnes initiées ainsi qu'aux relations d'affaires soient divulgués.

6.2.3. Recouvrement des prêts

Outre les problèmes créés par une mauvaise évaluation des prêts, une grande partie des actifs non-productifs des portefeuilles des institutions financières dans les pays en développement provient du manque de pression exercée pour exiger le remboursement des prêts. De nombreux intermédiaires financiers ne disposent d'aucune procédure automatique visant à dater et à classifier les prêts, à recouvrer les prêts échus et à constituer des provisions adaptées aux mauvaises créances. Au lieu de cela, une série de procédés ont été utilisés pour dissimuler les défauts de recouvrement des prêts. Les prêts non-productifs sont renouvelés, leur intérêt est accumulé, qu'il ait été effectivement payé ou pas, et de nouveaux prêts sont accordés pour combler les dettes non remboursées. S'il est probable que de nombreux facteurs extérieurs aux banques, comme par exemple les pressions exercées par le gouvernement, de mauvais systèmes ou politiques d'application, aient augmenté le volume des prêts non-productifs, une grande partie du problème reste liée aux politiques internes impuissantes et à l'indifférence manifestée par les institutions financières elles-mêmes face au recouvrement des prêts.

D'après une étude récente de l'O.C.D.E.(40), au moins 20 pour cent de la totalité des prêts dans les pays en développement sont non-productifs. Il est difficile de couvrir des pertes de cette ampleur par la différence entre le taux d'intérêt sur les dépôts et celui sur les crédits dans les pays en développement, même si elle est généralement supérieure à celle des pays industrialisés. Cela signifie que les intermédiaires demeureront financièrement faibles et potentiellement dangereux pour les déposants jusqu'à ce que des taux de recouvrement supérieurs soient obtenus. En ce qui concerne les coopératives d'épargne et de crédit, ainsi que les caisses de crédit mutuel, le non-remboursement des prêts constitue le danger le plus grave pour la sécurité des dépôts et les mesures suivantes ont été recommandées afin d'améliorer les taux de recouvrement des prêts dans de telles organisations.(41)

(i) Si possible, évaluer le défaut de paiement quotidiennement, sinon au moins une fois par mois;(42)
(ii) Appliquer une politique de recouvrement efficace, comportant des procédures permettant d'identifier rapidement les prêts non payés, de contacter immédiatement l'emprunteur et de le relancer continuellement jusqu'à ce que le prêt soit recouvré;
(iii) Créer et maintenir des provisions pour pertes sur prêts de façon à pouvoir parer à toute éventualité de pertes, basées sur une analyse mensuelle du portefeuille et la classification des prêts non payés par ancienneté;
(iv) Fournir aux nouveaux membres de la coopérative et à ceux ayant peu d'expérience dans le domaine du crédit institutionnel une formation rudimentaire sur les droits d'emprunt et les obligations de remboursement;
(v) Ne pas accumuler l'intérêt sur les prêts non payés et ne jamais refinancer un prêt à la seule fin de réduire le taux de défaillance;
(vi) Ne pas permettre que les élus soient défaillants et conservent leurs fonctions;
(vii) Affecter régulièrement tous les prêts non-recouvrables aux provisions pour pertes sur prêts.

6.2.4. Activité s commerciales non-financières

L'un des problèmes de nombreuses associations d'épargne et de crédit dans les pays en développement est l'investissement dans des activités non-financières et sa gestion. Parmi les activités les plus courantes figurent les magasins, les cabinets dentaires et médicaux, les pharmacies, les écoles et les équipements de loisirs. Les risques liés à de telles activités sont généralement financés par le capital action fourni par les épargnants et le capital institutionnel généré par les bénéfices nets des opérations d'épargne et de crédit. Ces activités sont souvent offertes aux membres comme un "service", remplaçant les dividendes ou les intérêts sur leur compte d'épargne, en accord avec le principe coopératif de rémunération limitée des capitaux. En fait, elles réduisent la liquidité et les bénéfices et peuvent contribuer à l'instabilité et à la perte de l'épargne. Il sera peut-être nécessaire de développer à l'avenir des lignes d'orientation afin de s'assurer que les coopératives qui envisagent de se lancer dans une entreprise de ce genre prennent les mesures de précaution et d'évaluation appropriées.

Au niveau primaire des coopératives, le problème peut être aggravé par des investissements non-financièrs au niveau secondaire ou des fédérations. Dans ce cas, les coopératives investissent une partie de l'épargne de leurs membres dans la fédération qui ré-investit à son tour dans des activités non-financières comme la production agricole, des installations de transformation et de commercialisation, dans l'immobilier ainsi que dans une gamme étendue d'autres coopératives et activités. Les épargnants des coopératives sont donc obligés de prendre des risques non-financièrs, aussi bien au niveau primaire que secondaire du système, et les emprunteurs des coopératives doivent financer les coûts d'exploitation non-financièrs par un accroissement des taux d'intérêt pratiqués sur leurs prêts. Un grand nombre de crises financières auxquelles les coopératives et les fédérations ont dû faire face a été causé par de mauvais résultats et par des pertes liés à leurs activités non-financières. Des exemples existent dans de nombreux pays, dont le Libéria, le Kenya, le Lesotho, la Bolivie, le Paraguay, le Pérou, le Honduras, la Jamaïque et les Philippines.

6.2.5. Investissements interbancaires

S'ajoutant aux pertes liées aux mauvaises pratiques de prêt, le risque lié à l'investissement interbancaire a provoqué de lourdes pertes dans les fonds des déposants. Les coopératives d'épargne au Kenya et en Hongrie constituent des exemples d'institutions qui, recherchant des taux d'intérêt supérieurs à la moyenne, ont investi un montant important de leur fonds dans des institutions bancaires de deuxième ordre. Lorsque ces institutions financières se sont effondrées, les pertes des coopératives ont été dans la plupart des cas totales (les dépôts interbancaires de ce genre sont généralement exclus de tout système d'assurance sur dépôts). Dans un certain nombre de cas, les recherches entreprises ont révélé que certains directeurs de coopératives avaient reçu des bénéfices personnels en dirigeant les liquidités des coopératives vers une institution financière particulière. Il est nécessaire d'améliorer les compétences d'évaluation des risques liés aux stratégies d'investissements.

Les stratégies d'investissement efficaces qui sont actuellement employées dans les mouvements d'épargne et de coopérative dans les pays en développement sont basées sur les principes "S-L-Y" développés par le mouvement des caisses de crédit mutuel des pays industrialisés.(43) Ces orientations sont fondées sur le principe qu'une coopérative ou qu'une association de crédit ne devrait pas courir de risques, et donc rechercher des rendements élevés, lorsqu'elle prend des décisions concernant l'investissement de ses liquidités.

Pour protéger l'épargne, de tels investissements doivent être réalisés selon les critères suivants:

Premièrement: "S" Sécurité du capital et des bénéfices;
Deuxièmement:"L" Liquidité - la capacité de recouvrer les fonds rapidement sans sanctions importantes;
Troisièmement: "Y" Rendements - rendement des capitaux investis.

Du fait que les coopératives dans les pays en développement ne doivent que rarement maintenir des réserves obligatoires auprès des banques centrales, l'idéal serait qu'elles constituent volontairement des systèmes de réserve. Les réserves peuvent être conservées dans le mouvement coopératif, notamment l'institution faîtière de services financiers lorsque celle-ci existe, dans des banques ou dans toute autre institution à bas risque.

6.2.6. Systèmes de gestion

La situation actuelle montre que pour éviter l'insolvabilité et la perte des fonds des déposants, différents systèmes et pratiques de gestion, outre les politiques fermes lices au prêt et à l'investissement, devraient être améliorés dans les institutions financières des pays en développement. Ainsi que le fait remarquer M. Polizatto:

"La principale défense contre l'insolvabilité et les problèmes du système financier ne réside ni dans le contrôle bancaire, ni dans la réglementation de prévention. Elle réside au contraire dans la qualité et le caractère de la gestion au sein des banques elles-mêmes. Par conséquent, les efforts visant à renforcer le système financier doivent également se concentrer sur le renforcement de la gestion et des systèmes de gestion, grâce à un processus de développement institutionnel.(44)

Lorsque le chiffre d'affaires dans une institution financière dépasse celui d'un club-d'épargne, la tâche principale des conseils ou des commissions d'administration consiste à recruter des cadres supérieurs compétents pour ces institutions. Ces cadres peuvent prendre en charge les affaires quotidiennes de l'institution, faire appliquer les politiques établies par le conseil d'administration, recruter et former les employés. Pour que cela soit fait de manière satisfaisante, il est important d'adopter toute une série de mesures de gestion dans le cadre du système global de gestion. M. Polizatto les a identifiées de la façon suivante:(45)

(i) Politiques et procédures écrites. Pour s'assurer que la direction exécute les plans d'action et évalue les risques de manière appropriée, des politiques écrites devraient être formulées pour chaque activité ou fonction commerciale importante dont l'intermédiaire s'occupe;
(ii) Contrôles internes. Un système de comptabilité et de contrôle administratif solide est nécessaire afin de protéger les actifs, vérifier l'exactitude et la fiabilité des données comptables, promouvoir l'efficacité et encourager le respect des politiques établies;
(iii) Conformité. Des systèmes de conformité sont nécessaires afin de s'assurer que l'institution opère dans les limites de la loi;
(iv) Planification. La planification est une condition fondamentale pour une gestion efficace, car elle constitue le seul moyen de faire face aux changements dans des conditions de concurrence, de volatilité des marchés financiers, de progrès technologiques et de déréglementation;
(v) Audit interne. Généralement, le contrôle interne a eu pour objectifs premiers le dépistage des irrégularités et la détermination du respect des politiques et des procédures des institutions. Toutefois, au cours des dernières années, les responsabilités des contrôleurs internes se sont étendues à d'autres fonctions importantes comme l'évaluation de la comptabilité, les contrôles opérationnel et administratif;
(vi) Systèmes d'information de gestion. Outre les bilans mensuels et les comptes de pertes et profits, la direction a besoin d'informations régulières, précises et pertinentes concernant le portefeuille de prêts, les sources de financement, les risques de changes, les imprévus qui n'apparaissent pas sur le bilan, les taux d'intérêt, etc.

Suite à une mauvaise gestion financière et à l'absence d'un système solide, les intermédiaires de tous les sous-secteurs des marchés financiers des pays en développement se trouvent souvent dans une position où l'institution perd de sa fiabilité financière. Face à une telle situation, un bon conseil ou comité d'administration, ou encore un contrôleur externe, devrait exiger de l'institution qu'elle reconnaisse les problèmes et prenne les mesures qui s'imposent. Toutefois, les bons conseils d'administration et les contrôleurs efficaces sont difficiles à trouver dans beaucoup de pays en développement. Par conséquent, les banques en difficulté sont souvent autorisées à continuer d'opérer, même après la découverte de leur insolvabilité technique.

M. De Juan propose une bonne description des phases potentielles de mauvaise gestion.(46) La première phase, qui pourrait être appelée "gestion maquillée", consiste à cacher les pertes passées et présentes de façon à gagner du temps et à garder le contrôle, tout en cherchant ou en attendant des solutions. Les banques peuvent maquiller leur compte d'exploitation de manière à faire ressortir un profit. Elles peu vent réduire leurs provisions, faire passer les accumulations des intérêts pour un revenu et réévaluer leurs actifs. Dans une deuxième phase, dite de "gestion désespérée", les administrateurs et les directeurs courent le risque de devoir déclarer une perte de capital ou de devoir payer des dividendes inférieurs. Généralement, cette situation les amène à s'engager dans des activités à caractère spéculatif, comme par exemple des opérations immobilières en période d'inflation ou des achats d'actions à court terme; ou bien encore à prendre la décision d'offrir aux déposants des taux d'intérêt exceptionnellement élevés ou de faire payer aux emprunteurs des intérêts au-dessus de la valeur du marché. Dans la dernière phase de ce processus, lorsque la crise de liquidité est imminente et que les directeurs sentent que la fin pourrait être proche, la tentation de détourner des sommes d'argent de l'institution augmente. Cela peut être fait, par exemple, par le biais de prêts frauduleux aux personnes initiées ou en "faisant modifier la propriété apparente" des sociétés liées à la banque.

Un grand nombre de ces pratiques de mauvaise gestion ont été mises en évidence dans les études de cas des crises financières et des faillites des institutions décrites dans les chapitres précédents; leur importance peut être largement attribuée au manque de systèmes de gestion et aux faiblesses de la culture de gestion. De plus, l'insuffisance de réglementation adaptée et de contrôle des institutions financières dans de nombreux pays en développement offre un terrain idéal aux mauvaises pratiques.

Les coopératives d'épargne et de crédit et les caisses de crédit mutuel dans les pays en développement ont en commun avec les institutions bancaires un grand nombre de problèmes en ce qui concerne leurs systèmes de gestion. Toutefois, les coopératives sont en général beaucoup plus petites que les banques et offrent des services différents comme par exemple des comptes d'épargne plutôt que des comptes courants des prêts à la consommation et des prêts industriels moins importants basés sur la capacité de remboursement plutôt que des prêts commerciaux importants basés sur les garanties. La gestion des coopératives est généralement moins sophistiquée. De par leur taille restreinte, les coopératives se regroupent souvent en fédérations pour réaliser des économies d'échelle et obtenir un soutien à la gestion important ainsi que d'autres services qu'elles ne pourraient pas se permettre d'avoir individuellement. L'annexe B indique dans les grandes lignes les besoins minimum de gestion, de systèmes, de politiques et de services de soutien externes (fédération) dont les coopératives ont besoin pour protéger l'épargne de leurs membres et croître.

6.3 Recommandations pour une politique publique

6.3.1. Cadre l'égal
6.3.2. Contrôle externe
6.3.3. Prêts ciblés

L'instabilité financière peut avoir des effets négatifs sur l'économie d'une nation et poser de sérieux problèmes aux déposants, particulièrement aux petits épargnants. C'est pourquoi la plupart des gouvernements ont établi une série de dispositions institutionnelles destinées à maintenir la stabilité des marchés financiers. Parmi ces dispositions figurent généralement:

- des lois et réglementations bancaires qui établissent les règles de base des opérations bancaires et tentent de diminuer toute prise de risque inutile de la part des banques;
- le contrôle et l'examen des institutions financières afin de garantir le respect des lois et des réglementations et d'empêcher les banques de s'engager dans des opérations bancaires peu sûres et peu sérieuses; et
- des possibilités de prêt de dernier recours destinées à prévenir les problèmes temporaires de liquidité des banques de se transformer en panique bancaire et en insolvabilité(47)


Table des matières - Précédente - Suivante