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Les jalons vers la Conférence européenne du bois de construction


Première tentatives - Le CIB
Le sous comité du bois l'EECE
Premières démarches de la FAO
La situation des sciages européens
La préparation de la conférence

LA CONFÉRENCE de Marianské-Lazné a permis à l'ensemble des nations européennes de réaliser un pas important vers la coopération en ce qui concerne l'élaboration de leur politique forestière et l'échange de leurs produits forestiers.

C'est une tendance générale, peut-être, qui s'est ainsi manifestée. Il tombe sous le sens que les pays dont les dimensions relativement restreintes ne leur permettent pas de produire, ou du moins de produire en quantité suffisante, les matières premières indispensables pour assurer à leurs peuples un niveau de vie en rapport avec le développement de la civilisation, ne peuvent pas rester enfermés dans leurs frontières, et que le commerce international est pour eux une nécessité absolue. Il est clair aussi que la concurrence sur les marchés mondiaux ne peut se résoudre harmonieusement que par des ententes entre pays, nécessitant des échanges de vues fréquents et un contact permanent.

En matière de bois, néanmoins, ce n'est qu'assez récement que cette tendance à la coopération s'est manifestée. Et cependant on peut dire que déjà la Conférence de Marianské-Lazné est l'aboutissement de tentatives diverses qui ont eu pour but de faciliter les échanges commerciaux portant sur ce matériau.

Cette Conférence, pour la première fois, a cherché à traiter le problème du bois non seulement en liant de façon intime les points de vue à brève échéance et à longue échéance, mais encore en le rattachant aux problèmes forestiers qui le conditionnent. Nous vaudrions seulement ici jeter un regard sur le passé, et dire les tentatives qui ont précédé celle de Marianské-Lazné, ainsi que les démarches qui ont abouti à l'organisation de cette Conférence.

Première tentatives - Le CIB

C'est du mois d'avril 1932 qu'on peut dater le premier essai de coopération internationale en matière de produits forestiers. Comme toute l'économie mondiale, le commerce et l'industrie du bois traversaient alors une de leurs plus sombres crises. En Europe, à la rareté relative des produits qui avait, après la première guerre mondiale, tenu les prix nationaux et internationaux du bois à des niveaux relativement élevés succédait une ére d'encombrement des marchés et de chute vertigineuse des prix. Cette circonstance était due en particulier au fait que, tandis que des pays nouvellement créés avaient, aussitôt après la guerre, développé leurs industries du bois, de façon à occuper sur le marché d'exportation une place déjà importante, la Russie, sortie de sa période d'organisation interne, cherchait elle aussi à reprendre sur ce même marché la place qu'elle y avait autrefois occupée. L'abondance de la production, coïncidant avec un amenuisement des demandes, mena rapidement à un état chaotique, auquel la société des Nations essaya de remédier.

Ce fut elle qui, au début de 1932, convoqua à Genève une conférence d'experts de tous des pays dont le but était de rechercher une solution à la crise du bois. Le simple contact des personnalités responsables de tous les pays eut un effet des plus heureux, mais le but de la conférence ne put être atteint. La raison essentielle en fut que les renseignements statistiques indispensables pour servir de base à une solution manquaient alors d'une façon totale.

Cependant, quelques mois après, en vue de parer aux insuffisances constatées, le comte Krystin Ostrovski, Président du Conseil suprême du Bois de Pologne, proposait la création d'une institution permanente, le Comité international du Bois (CIB) qui fut effectivement organisé en septembre 1932.

Le Comité international du Bois réunissait soit les Gouvernements eux-mêmes, soit leurs associations commerciales nationales, et, en beaucoup de cas, les deux à la fois. Il groupa rapidement tous les pays européens importateurs et exportateurs, à l'exception de l'Allemagne. Plus tard le Canada et les Etats-Unis s'y joignirent, tandis qu'une coopération suivie était établie avec l'Amérique du Sud et l'Afrique.

Le Comité international du Bois avait pour but de rassembler les données statistiques du commerce et de l'industrie mondiale des produits forestiers et d'en assurer la diffusion, de coordonner les recherches relatives à l'utilisation du bois, d'organiser des conférences régulières, d'élaborer des accords et, de façon générale, de favoriser par tous les moyens possibles la coopération entre pays producteurs et pays consommateurs.

C'est sous l'égide du CIB que fut constitué en novembre 1935, après de longues et délicates négocier fions, le Comité des Exportateurs de bois européens (ETEC), qui subsista jusqu'au déclenchement de la seconde guerre mondiale, et qui groupait tous les principaux pays exportateurs d'Europe: la Suède, la Russie, la Finlande, la Lettonie, la Pologne, l'Autriche, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Roumanie.

Des critiques se sont élevées contre ce groupement d'exportateurs qui à première vue, pouvait paraître dirigé contre les intérêts légitimes du groupe des pays importateurs.

Mais il faut bien reconnaître qu'en réalité la constitution de ce groupement fut une sorte de réaction, de défense contre les manoeuvres, dès cette époque, largement entamées, d'un pays qui, en vue de ses futures agressions, cherchait non seulement à occuper la première place sur le marché de l'importation en vue d'y dicter sa loi, mais encore à concentrer entre ses mains, toute la puissance des industries européennes du bois. Ce pays, c'était l'Allemagne du National-Socialisme.

L'Allemagne, en effet, avait dès avant le déclenchement de la guerre, commencé - à son seul profit - à «organiser» la production et la répartition du bois par des manœuvres mi-commerciales mi-politiques, reposant principalement sur des procédés d'intimidation. Lorsque les succès de ses armées lui permirent d'imposer sa volonté à tout le continent européen, cette organisation fut complétée par ses soins de façon parfaite. Le centre de cette organisation fut constituée par le Trust allemand du bois Deutsche Forst - und Holzwirtschaftsgellschesellschaft) établi à Berlin dans le courant de l'été 1941. Ce Trust détenait la majorité des parts d'organisations similaires établies dans tous les pays exportateurs d'Europe: Roumanie, Croatie, Slovaquie, Hongrie, Bohème-Moravie, Pologne, Bulgarie, et, plus tard, la zone occupée de la Russie. Les pays scandinaves purent échapper à ce contrôle, mais non à celui d'une «Commission forestière permanente pour la zone nord» qui, dans l'esprit des dirigeants berlinois, devait constituer le premier pas vers leur incorporation pure et simple dans l'organisation générale. En outre, dans les pays importateurs, tels que la Belgique, la Hollande, la France, des «pools» d'importateurs, strictement controlés par l'Allemagne avaient été soigneusement établis.

Si l'organisation allemande avait pour but essentiel d'assurer au Reich les énormes quantités de bois qui lui étaient nécessaires pour la conduite de la guerre, l'Allemagne n'avait pas négligé les possibilités qu'elle aurait pu lui offrir pour le temps de paix. Les problèmes de production et de répartition qui se posent maintenant ne lui avaient pas échappé et elle était prête à les résoudre, bien entendu par la force et à son profit exclusif.

Le sous comité du bois l'EECE

Ces problèmes se sont posés effectivement dès que la libération de l'Europe fut un fait accompli. Ils n'étaient d'ailleurs pas les seuls de leur espèce et c'est pour rechercher, mais cette fois pour le profit de chacun d'eux et avec le libre consentement des peuples libérés, les solutions à appliquer à ces problèmes que les Alliés avaient organisé le Comité économique provisoire pour l'Europe (Economic Emergency Committe for Europe - EECE). Celui-ci comprenait un Sous-Comité du Bois, qui a joué jusqu'à ce jour un rôle des plus importants en recherchant les quantités de bois disponibles pour l'exportation et en assurant leur répartition entre les pays européens dans les meilleures conditions possibles.

Cependant, le but de ce Sous-Comité était limité. Appelé à susciter des mesures d'urgence, il ne pouvait ni organiser un plan d'ensemble à longue échéance pour la répartition des produits forestiers, ni envisager une action efficace en vue de déterminer les mesures propres à en augmenter la production ou a en limiter temporairement la consommation. Bien moins encore pouvait-il songer à agir directement, soit à brève, soit à longue échéance, sur la politique forestière des pays europeens.

On a fait au Sous-Comité du Bois de l'EECE, mais en sens inverse, le même reproche qu'on avait adressé à l'ETEC: celui de ne comprendre que les pays importateurs d'Europe. En réalité, le Sous-Comité entretenait des rapports suivis avec les pays exportateurs mais, malgré son action très prudente la méfiance de ces derniers aurait peut-être pu, un jour, trouver une justification apparente.

Premières démarches de la FAO

En mai 1943, les Nations Unies tenaient leur première réunion à Hot Springs (Etats-Unis d'Amérique) et décidaient de créer une «Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture» (Food and Agriculture Organisation of the United Nations - FAO) chargée d'assurer au monde, après la guerre, un approvisionnement régulier en denrées alimentaires. Une «Commission intérimaire» reçut pour mission de rechercher la forme à donner à cette Organisation et de déterminer ses tâches.

Il n'avait pas été question des forêts et des produits forestiers à Hot Springs. Cependant leur importance apparut bien vite et, en décembre 1943 la Commission intérimaire adopta une recommandation en vue de confier à la FAO en matière forestière une action analogue à celle qu'elle allait exercer dans les autres domaines la concernant.

En mars 1944, la Commission intérimaire confia à un «Comité technique de la forêt et des produits forestiers» présidé par M. H. S. Graves, Doyen de l'Ecole forestière de l'Université de Yale, ancien Chef du Service forestier des Etats-Unis, le soin de rechercher comment les problèmes forestiers et des produits de la forêt pourraient être intégrés dans le plan d'activité de l'Organisation de la FAO.

Le rapport de ce Comité1 fut présenté, en automne 1945 à la première Conférence annuelle de la FAO à Québec. Ce rapport qui eut pour résultat l'incorporation des forêts et des produits forestiers dans les attributions de la FAO démontra la nécessité d'une action internationale les concernant.

1Commission intérimaire des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture Forestry and Primary Forest Products, Washington, 20 aout 1945.

Préalablement à l'organisation de la Division des Forêts et produits forestiers au sein de la FAO, un petit groupe de techniciens fut chargé de préparer un bilan provisoire de la situation forestière mondiale. Il remit le 1er février 1946 au Directeur général un rapport dont les conclusions étaient particulièrement alarmantes.

La situation des sciages européens

Des enquêtes entreprises dans le courant de 1946 à travers l'Europe confirmèrent les conclusions statistiques, et montrèrent; entre autres que, pour l'Europe seule, le nombre de personnes sans abri pourrait être évalué à 100 millions. Elles firent ressortir également, pour ce continent, un déséquilibre profond entre des besoins et la production de bois de construction, déséquilibre qui semblait devoir s'accentuer encore dans les années à venir.

Ces conclusions furent incorporées dans le rapport forestier dit «Rapport de Stockholm»2 qui fut présenté à la deuxième Conférence annuelle de la FAO, tenue à Copenhague en septembre 1946. C'est cette deuxième conférence qui adopta la recommandation suivante:

2 FAO, Forestry and Forest Products, World Situation 1937-1946, Stockholm, 15 aout 1946.

«En considération de la gravité des problèmes de la reconstruction dans les pays dévastés de l'Europe, il est recommandé que l'autorité internationale compétente réunisse d'urgence une conférence des Gouvernements européens pour examiner les mesures immédiates à prendre en vue d'aider ces pays à surmonter leurs difficultés actuelles d'approvisionnement en sciages, notamment en ce qui concerne leurs besoins essentiels pour les travaux de reconstruction.»

La préparation de la conférence

C'est ainsi que l'idée de la Conférence internationale du bois de construction pour l'Europe prit officiellement corps, bien qu'elle eût été envisagée depuis longtemps déjà et que de nombreux pays eussent poussé la FAO à s'engager plus rapidement dans cette voie.

La Commission préparatoire chargée de l'étude des propositions pour l'alimentation mondiale (Preparatory Commission on World Food Proposals) qui siégea à Washington d'octobre 1946 à janvier 1947, alla plus loin encore. Elle déclara en effet que la situation des sciages nécessitait une action immédiate, basée sur des programmes internationaux et tenant compte à la fois des aspects à court terme et à long terme du problème, et suggéra qu'une conférence internationale examine les moyens qui pourraient être mis en œuvre par la FAO pour faire face à cette situation.

Bien avant que les rapports complets de la Conférence de Copenhague et de la Commission préparatoire n'aient été mis sous les yeux du public, la Division des Forêts et produits forestiers de la FAO avait commencé la préparation immédiate de la Conférence du bois de construction. Il ne s'agissait pas seulement d'envoyer des invitations. Le Directeur de la Division devait d'abord s'assurer des concours qu'il allait rencontrer dans tous les pays, sonder l'opinion, officielle et non officielle, examiner les réactions probables.

Dès ce travail accompli et le terrain préparé, les lettres d'invitation furent rédigées et le Gouvernement tchécoslovaque, qui depuis longtemps avait affirmé son désir d'étroite coopération à l'œuvre entreprise par la Division des Forêts et des produits forestiers invita les pay à tenir leur réunion en Tchécoslovaquie en leur proposant comme siège de, leur conférence le site admirable de Marianské-Lazné, au milieu des forêts de la Bohème. Furent invités non seulement tous les pays d'Europe mais aussi ceux du bassin méditerranéen dont les intérêts, en ce qui concerne le bois de construction, sont intimement liés à ceux de l'Europe et, en outre, un certain nombre de pays non européens étroitement intéressés aux problèmes qui allaient être discutés, ainsi que diverses organisations internationales. Les réponses obtenues furent des plus satisfaisantes.

Un important travail statistique était effectué par la Division des Forêts et produits forestiers dans le but de réunir la documentation nécessaire aux délibérations de la Conférence. Des questionnaires avaient été envoyés à tous les pays intéressés. A mesure que les réponses parvenaient à la Division, les renseignements fournis étaient incorporés aux documents et aux feuilles de travail qui devaient être distribués aux délégués et dont les premiers éléments avaient été tirés des matériaux fournis par le Sous-Comité du Bois de l'EECE. Jusqu'au dernier moment ces documents, discutés aussi à la conférence statistique de Rome qui se tint quelques semaines avant la Conférence de Marianské-Lazné, furent remaniés afin d'arriver à des conclusions plus exactes.

Pendant ce temps, à Prague le Comité d'organisation institué par le Gouvernement tchécoslovaque s'occupait activement des tâches matérielles inhérentes à la préparation d'une conférence internationale. Ces tâches étaient loin d'être aisées. A Marianské-Lazné des hôtels avaient été fermés pour l'hiver et n'avaient encore que partiellement réparé les dégâts de la guerre. Cependant, grâce à la coopération empressée des autorités municipales, au dévouement du Président du Comité, l'Ingénieur Z. Urban du Ministère de l'Industrie, ainsi que de son secrétaire et de son secrétaire adjoint, le Dr G. Zverina et le Dr J Sobota, Marianské-Lazné était prête le 28 avril 1947 à recevoir les délégués à la Conférence dans d'excellentes conditions de confort.


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