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La pénurie de bois en Europe


La consommation du bois en Europe
Besoins d'importation
Disponibilitiés pour l'exportation
Le déficit du bois
Moyens de lutte contre le déficit du bois
Moyens pratiques d'assurer une coopération internationale
Prévisions pour l'avenir

APRÈS la deuxième guerre mondiale l'Europe se trouva à la veille d'une famine général. Du reste, on avait prévu depuis longtemps que la guerre serait suivie d'une pénurie de nourriture et que la distribution de cette dernière rencontrerait de graves difficultés; les armées alliées d'abord, et l'UNRRA ensuite avaient pu heureusement envoyer des approvisionnements dans les régions du continent où la misère était la plus grande et éviter ainsi une véritable catastrophe. Ce n'est qu'alors que les pays de l'Europe ont pu se rendre compte de la grave situation qui régnait sur le continent.

On put bientôt s'apercevoir plus clairement que l'insuffisance générale de l'approvisionnement en bois était en train de devenir un des principaux facteurs pouvant retarder la reconstruction de l'Europe. Le commerce international et les systèmes normaux de distribution du bois ont été désorganisés, mais aucun organisme international efficace n'était plus sur pied qui aurait pu faciliter le mouvement des produits forestiers et localiser une crise le cas échéant. Du reste, un semblable organisme ne peut se former que lentement. Malgré les précédents dont les enseignements auraient pu être appliqués, et une tendance´ toujours croissante vers une coopération internationale plus complète, on avait adopté, en vue de la solution du problème du bois, des plans de caractère plutôt régional que national. Actuellement, par contre, on cherche à réunir toutes les ressources disponibles dans l'intérêt de tous les pays et il n'y a pas de doute possible que ce principe, surtout s'il est appliqué rationnellement, pourra permettre d'alléger la grave situation actuelle de l'Europe.

La consommation du bois en Europe

Environ 30%, de la superficie de l'Europe, y compris le territoire de l'U.RS.S, est couverte par des forêts. Cela signifie qu'il y a approximativement un hectare de superficie boisée fournissant une moyenne d'un mètre cube de bois par tête d'habitant, ce qui est considéré comme un montant suffisant quant aux besoins courants des nations industrialisées.

Par conséquent, l'Europe prise dans son ensemble pourrait produire tout le bois dont elle a besoin. Du reste elle a toujours exporté plus de produits forestiers qu'elle, n'en a importés. Au cours des années précédant immédiatement la deuxième guerre mondiale, l'équivalent en bois rond de l'excédent des exportations de pâte de papier était de 12 millions de mètres cubes environ. Toutefois, pour cette même raison, on a eu en même temps un déficit de sciages. Certains pays européens étaient par tradition exportateurs de quantités considérables de sciages résineux à destination de l'Union Sud-Africaine, de l'Amérique du Sud, de l'Australie et d'autres territoires d'outremer. La production des sciages en Europe ne pouvait pas suffire en même temps à ces exportations et à ses besoins intérieurs, de sorte que les Etats-Unis et le Canada devaient exporter un demi million de standards par an environ pour parer à ce déficit. Cet état de choses a existé dès le début du vingtième siècle.

Naturellement pendant la guerre on n'a practiquement pas pu exporter du bois de l'Europe, mais immédiatement après la fin du conflit, le commerce a été rapidement repris vu le grand besoin en denrées alimentaires, en machines et en autres marchandises qui pouvaient être obtenues en
échange des produits forestiers.

Il fallait s'attendre à ce qu'à la fin de la guerre la demande de bois pour les travaux de construction et de reconstruction à l'intérieur de l'Europe devint énorme. Il devint donc difficile de satisfaire les exigences du commerce extérieur, sans avoir recours à la surexploitation de toutes les forêts accessibles et sans renoncer à la nécessité de conserver le patrimoine forestier qui est un principe dont l'abandon est inconcevable en Europe. Par conséquent il devint inévitable qu'un très grand déséquilibre se produise entre le montant de la production et les besoins de la consommation.

Toutefois, le niveau de la consommation n'a pas atteint les proportions prévues. (Voir Tableau 1.)

On estime qu'en 1948 les Etats-Unis consommeront 14 millions de standards de sciages résineux, c'est-à-dire 25% de plus qu'en 1937, tandis que le Canada en aura probablement besoin de 33% de plus. On devrait s'attendre à ce qu'une semblable tendance vers l'augmentation de la consommation se produise aussi en Europe; toutefois les besoins en bois pour 1948 de ce continent, y compris les pays non européens de la zone méditerrannéenne et l'U.R.S.S. exceptée, seront de 11,5 à 12 millions de standards, c'est-à-dire 10% environ au-dessous de la quantité de bois consommée par ces territoires en 1937.

L'insuffisance de la production n'est pas la raison première de cet état de choses. D'autres facteurs contingents ont limité la demande, tels que le manque de monnaie étrangère ainsi que la pénurie d'autres matériaux de construction que le bois, du charbon, de la main-d'œuvre et de l'outillage, la situation économique générale de l'Europe et la grande hausse des prix des bois résineux dans le monde entier. Les cotations actuelles des sciages résineux de Scandinavie, c.a.f. Londres, par exemple, sont trois fois supérieures à celles de l'été 1939; malgré cela, certains pays européens ne peuvent vendre avec bénéfice les sciages à ces prix que très difficilement étant donnée la hausse continue du coût de la main-d'œuvre, de la production et des transports. En conséquence, la consommation a dû être réduite aux exigences essentielles et satisfaire surtout le besoin en maisons d'habitation. Nombre de pays ont été obligés d'exercer un sévère contrôle sur l'usage du bois, de limiter, par exemple, la quantité du bois employé dans la construction des logements ou de ne pas autoriser l'acquisition de ce matériau pour tout besoin «non essentiel». Une semblable économie est par elle-même indésirable surtout parce qu'elle peut porter à une réduction permanente de la demande. Toutefois une pareille éventualité est peu probable. Dans les circonstances actuelles de semblables restrictions sont inévitables, mais ou peut espérer que lorsque le bois deviendra plus abondant et que toute espèce de contrôle sera aboli, les méthodes d'emploi économique du bois auront simplement enseigné d'employer rationnellement ce matériel.

TABLEAU 1. - BESOINS ET PRODUCTION DES SCIAGES RÉSINEUX

(Y compris l'équivalent des grumes converties en sciages)

(Milliers de standards)

Pays

1937

1946

Demande

Production

Demande

Production

Principalement importateurs

Royaume-Uni

1.400

(115)*

11.200

89

Irlande

110

33

110

13

France

(900)*

674

843

2700

Belgique

275

(100)*

95

21

Luxembourg

...

1

9

4

Pays-Bas

640

35*

128

5

Danemark

300

40

168

55

Allemagne

(3.500)*

(3.000)*

31.194

31.461

Suisse

230

170

304

230

Hongrie

184

4

90

8

Espagne

(200)*

(80)*

(174)*

(124)*

Italie

420

187

188

172

Grèce

86

17

68

34

Afrique du Nord fr.

67

7

53

10

Egypte

98

...

32

...

Irak

(14)

...

(13)

...

Palestine

(54)

...

(58)

...

Total

9.478

4.463

4.727

2.926

Principalement exportateurs

Norvège

290

290

340

320

Suède

545

1.406

725

1.200

Finlande

355

1.330

280

620

U.R.S.S

(7.500)*

(8.750)*

(8.370)*

(8.000)*

Pologne

428

770*

663*

320*

Tchécoslovaquie

393

555*

504

535

Autriche

90

400*

193

300

Yougoslavie

(350)*

(600)*

(275)*

(325)*

Bulgarie

75

75

68

68

Roumanie

360

535

154

225

Portugal

(300)*

(300)*

(285)*

(300)*

Total

10.686

15.011

11.857

12.213

TOTAL GÉNÉRAL

20.164

19.474

16.584

15.139

Les chiffres entre parenthèses représentent des évaluations faites par ou pour la Conférence internationale du bois de construction.

*Bois résineux et bois durs.

1 Les chiffres se référant au Royaume-Uni pour 1946 représentent la consommation effective pendant cette année et non le montant de la demande national pour cette période.

2 La production de la zone française d'occupation de l'Allemagne comprise.

3 Les zones d'occupation française, britannique et américaine en Allemagne seulement.

De grands efforts ont aussi été faits dans le but de réduire le besoin total en bois moyennant une plus complète utilisation de tout le bois disponible et l'élimination du gaspillage au cours de la transformation de la matière première en produits manufacturés.

Au fur et à mesure que les conditions économiques de l'Europe s'amélioreront, la demande du bois aura tendance à correspondre d'une manière toujours plus précise aux besoins effectifs. En même temps une production mieux équilibrée pourra augmenter le rendement en sciages résineux, ce qui permettra de contrebalancer jusqu'à un certain point l'accroissement de la demande.

Besoins d'importation

Le Tableau 1 montre comment les difficultés inhérentes à l'achat et à l'utilisation des sciages résineux ont eu pour résultat en 1946 la réduction de la différence entre l'offre et la demande. L'Europe n'a pas pu, évidemment, satisfaire ne fût-ce que ses bésoins essentiels, sans un commerce inter-européen et des importations de bois d'outre-mer. Le montant de ces besoins d'importations, en tenant compte de la production intérieure, est indiqué dans le Tableau 2.

La plupart des pays importateurs de bois représentés dans le Sous-Comité du Bois du Comité économique provisoire pour l'Europe (EECE) ont consenti à réduire leur demande de sciages à des chiffres de beaucoup inférieurs à ceux de leurs évaluations primitives. De cette façon les besoins en importations ont été réduits à 2,73 millions de standards seulement pour l'Europe et les pays non européens de la zone méditerranéenne, c'est-à-dire à un montant ne surpassant que de 221.000 standards le montant des fournitures prévues.

TABLEAU 2 - BESOINS D'IMPORTATION DE BOIS RÉSINEUX EN EUROPE

(Y compris l'équivalent des grumes converties en sciages)

(Milliers de standards)

Pays

1937

1946

1947

1948

Europe proprement dite

 

 

 

 

Royaume-Uni

2.316

810

1.621

1.500 à 2.000

Irlande

73

13

60

80

France

226

165

455

450

Belgique

175

74

220

325

Luxembourg

1...

3

5

7

Pays-Bas

598

124

330

445

Danemark

200

129

142

182

Suisse

41

48

110

110

Hongrie

192

9

80

90 à 100

Espagne

2120

2 (50)

(50)

(50)

Italie

232

16

366

587

Grèce

270

232

130

140

Norvège

241

226

18

18

Pologne

...

256

...

225

Allemagne

731

...

...

...

Total

5.015

1.755

3.587

4.209 à 4.719

Région méditerrannéenne et Proche Orient

Afrique du Nord fr.

60

43

106

106

Egypte

98

32

96

100

Irak

14

13

(15)

(15)

Palestine

54

58

(60)

(60)

Total

226

146

277

281

U.R.S.S.3

...

(400)

(150)

(100)

Antres besoins d'importation

50

40

30

300

TOTAL GÉNÉRAL

5.291

2.341

4.044

4.890 à 5.400

Les chiffres entre parenthèses représentant des évaluations faites par on pour la Conférence internationale du bois de construction.

1 Compris dans les chiffres concernant la Belgique.
2 Importations du bois dur comprises.
3 Importé en compte de réparations.

Une semblable mesure n'est certainement pas compatible avec la nécessité d'une rapide reconstruction de l'Europe. Il est indispensable que l'approvisionnement en bois résineux atteigne le plus vite possible le niveau correspondant aux besoins essentiels des pays particuliers et que graduellement tous les contrôles et toutes les limitations de la consommation soient abolis de façon à mettre un montant adéquat de cette matière première essentielle à la disposition de toutes les nations européennes.

Disponibilitiés pour l'exportation

On ne se rend peut-être pas suffisamment compte du fait que ce n'est pas une demande exceptionnelle qui a précipité la crise du bois en Europe, mais surtout la réduction exceptionnelle des quantités disponibles de ce matériau pour l'exportation. L'inconvénient principal est que le rendement des forêts européennes et les importations du bois de l'Amérique du Nord ne peuvent plus couvrir les besoins de l'Europe et des pays non européens de la zone méditerrannéenne.

En général la capacité des forêts européennes de fournir des grumes de dimensions suffisantes pour la fabrication des sciages a diminué rapidement. En outre, par suite de la guerre, la quantité des sciages qui auraient pu être mis sur le marché européen avait subi encore une reduction. Les causes de ce phénomène sont en partie temporaires et en partie permanentes. La demande à l'intérieur des pays est en train d'augmenter très considérablement même au sein des nations qui n'ont subi qu'indirectement les suites de la guerre; les excédents existants y ont, par conséquent, la tendance d'être absorbés sur place. En outre, la plupart des nations exportatrices ont été obligées de réduire leur production totale de sciages. Ainsi, par exemple, la Suède qui souffre d'une pénurie de charbon a dû employer une partie de sa main-d'œuvre et de son outillage pour obtenir du bois à brûler. La Finlande a perdu 12% de sa superficie boisée et 25% environ de ses industries forestières.

Toutefois même dans les pays où la production n'a pas diminué, d'autres facteurs ont provoqué la contraction des exportations. L'U.R.S.S., par exemple, absorbe actuellement la plus grande partie de ses sciages pour ses travaux de reconstruction et d'extension. Les pays de l'Europe centrale ont chacun leurs propres soucis. La Roumanie souffre de la pénurie des produits alimentaires et devra pour en obtenir, envoyer des quantités considérables de bois à l'Union soviétique pendant la période de sa reconstruction. Les transports sont en mauvais état en Yougoslavie. L'Autriche, de son côté manque de denrées alimentaires et la présence des troupes alliées d'occupation n'a pas amélioré sa situation. La Tchécoslovaquie n'a pas assez de main-d'œuvre et manque d'outillage industriel. Les forêts polonaises ont souffert considérablement pendant l'occupation allemande et ce pays a besoin à présent d'importer du bois.

En guise de compensation partielle, l'Allemagne qui a été un pays importateur avant la guerre, est devenu le plus grand pays exportateur de bois en Europe; toutefois, on ne peut pas prévoir avec exactitude combien de temps encore cet état de choses pourra subsister

Depuis la fin des hostilités les exportations du bois de provenance européenne se sont réduites à 50% de leur niveau d'avant-guerre. En même temps il a été impossible d'obtenir aucune augmentation substantielle des importations du bois de l'Amérique du Nord et d'autres territoires d'outre-mer. Ceci résulte clairement du Tableau 3.

TABLEAU 3 - EXPORTATIONS DE BOIS RÉSINEUX

(Y compris l'équivalent des grumes converties en sciages)

(Milliers de standards)

Pays d'origine
Pays européens

1937

1946

1947

1948

Allemagne

...

267*

328*

(200)

Suède

903

457

400

400

Finlande

1.045

359

410

(410)

U.R.S.S

1.362

30

(75)

(90)

Tchécoslovaquie

176

43

98

66

Autriche

310

107

64

64

Yougoslavie

222

50

(100)

(100)

Roumanie

353

125

104

111

Autres pays

385

50

50

50

Total

4.756

1.488

1.629

1.491

Pays d'outre-mer

Canada

509

530

550

550

Etats-Unis

109

120

250

300

Chili

...

7

(10)

(15)

Brésil

...

60

70

90

Total

618

717

1 880

955

TOTAL GÉNÉRAL

5.374

2.205

2.509

2. 446

*Des zones d'occupation française, britannique et américaine Allemagne.
Les chiffres entre parenthèses sont des évaluations de la FAO.

Le déficit du bois

La Conférence internationale du bois qui a eu lieu en Tchécoslovaquie a établi que le montant des sciages résineux importés en Europe en 1948, sera d'environ 2,5 à 3 millions de standards (6,5 à 7,5 millions de tonnes métriques) inférieur aux besoins essentiels de l'importation. En supposant qu'à peu près la moitié du total des sciages résineux utilisés va directement à l'industrie du bâtiment et qu'on a besoin de deux standards de sciages résineux pour la construction d'une unité d'habitation, le manque de bois obligera vraisemblablement les pays européens à renoncer à la construction d'environ 600 à 700.000 de ces unités et a réduire considérablement le montant des autres travaux dans lesquels l'emploi du bois est essentiel - tels que l'extraction du charbon, l'entretien des lignes de chemin de fer, la construction des voies de transport ainsi que la fabrication des emballages pour les denrées alimentaires et autres articles d'exportation.

Etant donné que le montant prévu de la production mondiale des sciages résineux est de 40 millions de standards environ, le déficit européen ne représente qu'à peu près 6% de son rendement total; il peut étre considéré, par conséquent, comme relativement réduit même par rapport à la production actuelle des sciages en Europe qui est approximativement de 16 millions de standards. On doit faire observer toutefois que ce déficit frappe en premier lieu les pays importateurs de l'Europe occidentale et méridionale, y compris les pays non européens du bassin de la Méditerrannée. Les besoins essentiels en sciages de ces pays en 1948 ont été évalués à 7,8 à 8,3 millions de standards environ; ils ne pourront donc en satisfaire que les deux tiers. Une situation vraiment alarmante due à l'insuffisance des approvisionnements en bois s'est vérifiée dans ces pays, dont beaucoup ont sérieusement souffert des suites de la guerre et de l'occupation.

Le déficit ne se borne malheureusement pas aux sciages résineux seulement. A un degré moins prononcé, le manque d'autres produits forestiers tels que le bois de mine, les traverses de chemin de fer, les bois durs et les bois de pâte, se fera durement sentir. Le manque de ces derniers va être bientôt pris en considération sur le plan international. Cependant tout progrès sur le marché des sciages résineux pourra améliorer la situation quant à ces produits forestiers, et c'est pour cette raison que leur importance est moindre que celle des sciages.

Le déficit d'environ 3 millions de standards de sciages prévu pour 1948 est réel et il se pourrait même qu'il augmente si les approvisionnements n'atteignent pas un volume considérablement plus élevé que leur niveau actuel.

Pour cette raison, la Conférence de Marianské-Lazné a dû conclure que le déficit des sciages ne représente pas un problème pressant à brève échéance, mais qu'il semble devoir se transformer en une caractéristique permanente de l'économie forestière européenne et qu'il devra exiger, par conséquent, toute l'attention et une action appropriée de la part des organisations internationales compétentes.

Les conclusions ci-dessus doivent être précisées quant à l'un de leurs aspects importants et plus précisément la position spéciale de l'Union soviétique qui n'était pas représentée à la Conférence internationale du bois. L'U.R.S.S. a des réserves énormes de forêts. Son territoire boisé a une superficie quatre fois supérieure à celle de tous les autres pays européens mis ensemble. Si l'Union soviétique était capable d'intensifier l'exploitation de ses ressources sylvicoles ainsi que les exportations de ses produits forestiers, le danger d'une pénurie continue des sciages en Europe pourrait étre en grande partie éliminé.

Moyens de lutte contre le déficit du bois

L'objectif principal de la Conférence internationale du bois était de réduire ou d'éliminer dans la mesure du possible la différence entre les besoins essentiels et les quantités disponibles des sciages résineux pendant l'année en cours, ainsi qu'en 1948 et 1949. A cette fin, une série de mesures ont été préconisées qui pourraient permettre éventuellement de résoudre d'une façon satisfaisante le problème du bois, à condition toutefois qu'elles soient appliquées simultanément.

Coupe jardinatoire, Poitiers, France (Photo: U. S. Forest Service)

a) Augmentation des coupes. - Tous les pays se sont engagés à augmenter leurs coupes de 10% pour la production de sciages résineux pendant les exercices 1947-1948 et 1948-1949. L'augmentation du rendement qui en résulterait, devrait soit intensifier les exportations, soit réduire la demande en sciages importés. Certains pays, comme le Royaume-Uni par exemple, se trouvent dans une situation particulière; ils auront la faculté d'atteindre le but ci-dessus à leur gré, c'est-à-dire par d'autres moyens que l'augmentation des coupes, tels que des restrictions sur l'utilisation du bois ou le contrôle de sa consommation.

La Conférence a constaté qu'un certain nombre de pays ne pourra pas faire l'effort supplémentaire demandé sans une assistance de l'extérieur, provenant soit d'une organisation internationale appropriée, soit de quelqu'autre coté, cette impossibilité étant due au manque de main-d'œuvre, de nourriture, de charbon, d'outillage, de crédits, etc.

b) Augmentation des exportations des pays européens. - On avait espéré qu'un certain nombre des principaux pays exportateurs d'Europe, et en particulier l'U.R.S.S., seraient capables d'augmenter d'environ 10% leurs exportations de sciages en 1948 et 1949. Avant la guerre le montant des exportations du territoire actuel de l'U.R.S.S. était de 1,5 million de standards environ. Cependant en 1946 et 1947 moins de 100.000 standards par an de provenance soviétique furent envoyés en Europe. Si l'Union soviétique pouvait recommencer à exporter des quantités de sciages dont le montant s'approcherait du niveau de ses exportations d'avant-guerre, le déficit pourra être à peu près éliminé.

c) Possibilités d'exportations supplémentaires de l'Allemagne. - Un certain nombre de pays ont fait observer que l'Allemagne était responsable de l'insuffisance de leurs disponibilités actuelles en bois pour la reconstruction et que les armées allemandes n'avaient pas hésité à détruire les forêts dans les pays qu'elles avaient occupés, et tout particulièrement en Pologne. Ils en conclurent qu'ils avaient droit à ce que leurs besoins soient pris tout spécialement en considération et que les puissances occupantes ne devraient pas hésiter à leur tour à surexploiter les forêts allemandes tant en réduisant la durée de la révolution qu'en transformant certains terrains boisés en terrains agricoles. Il a aussi été suggéré qu'un «plafond» soit établi pour la consommation du bois en Allemagne par tête d'habitant ainsi qu'il a été prévu par le «Plan de nivellement de l'industrie» pour l'acier et pour d'autres produits manufacturés. Dans le cas où de telles mesures seraient appliquées, on pourrait obtenir des quantités considérables de bois, et probablement aussi de pâte, pour couvrir les besoins des autres pays.

Certaines parmi les puissances d'occupation ont été contraires à cette mesure et ont rappelé la nécessité immédiate d'accélérer la remis en état de l'Allemagne afin que l'Europe puisse profiter de la reconstruction du potentiel industriel de ce pays. Elles ont aussi fait observer que la destruction des forêts allemandes pourrait avoir des conséquences extrêmement défavorables d'ici quelques années et ont recommandé l'emploi de systèmes d'exploitation plus conservateurs.

En 1947 la production dans les zones d'occupation américaine, britannique et française a été organisée de façon à fournir l'équivalent de 328.000 standards pour les besoins de la reconstruction dans les autres pays européens, ainsi qu'une quantité non spécifiée de bois dans la zone d'occupation soviétique.

La Conférence décida, en outre, d'attirer l'attention des puissances d'occupation sur la nécessité et la possibilité d'obtenir des quantités importantes de produits forestiers de l'Allemagne, et il n'y a aucun doute possible que cette question sera de nouveau examinée et prise en considération d'ici quelque temps.

d) Possibilités d'exportations supplémentaires des pays d'outre-mer. - Lors de l'évaluation du déficit du bois en 1948, on avait assumé que le Canada, les Etats-Unis, le Chili et le Brésil pourraient fournir 955.000 standards de sciages pour couvrir les besoins de l'Europe. Ce chiffre représente une hausse par rapport au montant des exportations prévues pour 1947 et il est aussi tant soit peu supérieur à la moyenne des fournitures d'avant-guerre. On a pris note avec satisfaction de la possibilité d'augmenter ultérieurement les exportations de bois de provenance américaine.

e) Economie dans l'utilisation du bois et limitation de son emploi. - La Conférence a examiné une série de mesures qui se réfèrent à l'établissement de contrôles gouvernementaux réduisant l'emploi du bois à ses usages essentiels; on espère pouvoir réaliser une diminution considérable dans l'emploi prévu du bois à l'aide de l'introduction de méthodes modernes de travail dans le bâtiment et dans les autres industries du bois, ainsi que grâce à la diffusion de l'emploi de panneaux de fibres et d'autres matériaux de construction obtenus en partant des déchets. Tous les pays ont été invités à encourager par tous les moyens disponibles de semblables économies et à s'adresser à la FAO pour obtenir des suggestions techniques en cette matière.

Il semble que l'on puisse raisonnablement espérer que l'ensemble de toutes les mesures mentionnées ci-dessus permette de réduire, et même d'éliminer le déficit du bois, à condition bien entendu qu'elles soient appliquées d'une manière efficace. Toutefois, on doit faire observer qu'au point de vue général ces mesures ne devraient être appliquées qu'en cas de grande nécessité, que certaines parmi elles ne sont pas désirables par elles-mêmes, et on doit aussi relever que quelques unes de ces mesures pourraient même provoquer d'ici quelques années une crise encore plus grave que celle que nous vivons à présent.

M. V. Ropelewski (Pologne) à la réception de M. Bénès

De fait, un grand nombre de forestiers, se rendant compte des dommages causés aux ressources sylvicoles européennes par la guerre, craignent qu'une surexploitation puisse entraîner des dommages durables dans les forêts existantes. La réduction obligatoire de l'emploi du bois est également indésirable, puisqu'elle signifie le prolongement d'un état de grande misère pour un grand nombre de personnes dans beaucoup de pays et se trouve en opposition avec le désir d'améliorer les conditions de logement et le niveau de vie que les Nations Unies et la FAO considèrent comme étant un de leurs objectifs principaux. Il est, par conséquent, nécessaire d'élaborer un certain nombre de mesures à longue échéance, capables de contrebalancer les effets négatifs des solutions ci-dessus qui ont été dictées par le besoin et de rétablir graduellement, en Europe et ailleurs, un équilibre stable entre l'emploi adéquat du bois et son approvisionnement.

La Conférence s'est aussi occupée de la nécessité d'instaurer une politique forestière saine en Europe et a voté la suivante série de recommandations dans ce but:

1. réalisation des conditions adéquates de logement et de vie en Europe;

2. reconstruction et amélioration des ressources forestières de l'Europe; augmentation substantielle de leur rendement;

3. une plus complète utilisation des coupes annuelles;

4. utilisation des ressources forestières non encore exploitées dans le but de compléter l'approvisionnement inadéquat en bois fourni par les forêts européennes actuellement exploitables.

La Conférence a décidé de donner tout son appui à la proposition de la FAO d'organiser des conférences sur les forêts et les produits forestiers dans d'autres parties du monde afin de faciliter la réalisation de semblables objectifs.

Moyens pratiques d'assurer une coopération internationale

La coopération internationale en ce qui concerne les problèmes du bois en Europe, ne représente pas une nouveauté. Avant la guerre, le Comité international du Bois (CIB) et le Comité des Exportateurs de bois européens (ETEC) ont essayé de stabiliser le marché du bois européen au moyen d'accords sur les contingentements et d'autres conventions conclus surtout entre les principaux pays exportateurs. Depuis 1945 le Sous-Comité du Bois du Comité économique provisoire pour l'Europe (EECE) avait cherché à porter à bonne fin des négociations sur la répartition du bois disponible entre les principaux pays importateurs de bois.

Toutefois, la plupart de ces arrangements avaient un but trop délimité et le nombre de leurs participants était trop restreint pour qu'ils aient pu avoir des résultats de grande portée. Les délégués à la Conférence de Marianské-Lazné s'étaient bien rendus compte qu'il était nécessaire de chercher la solution du problème sur une plus vaste échelle pour pouvoir résoudre la crise actuelle et déblayer la voie à une solution définitive satisfaisante. En particulier, ils reconnurent comme extrêmement importante la nécessité de considérer la production, la distribution et l'utilisation du bois comme un tout inséparable et ils reconnurent aussi l'importance d'une coordination appropriée de la politique forestière à long et à court terme.

Tandis que l'application des mesures techniques et économiques recommandées par la Conférence de Marianské-Lazné est du ressort des gouvernements particuliers, elle a besoin aussi de l'aide et de l'assistance continuelle de plusieurs organisations internationales et tout particulièrement de celles de la Commission économique pour l'Europe (ECE) et de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'Agriculture (FAO).

Les moyens par lesquels ces organisations pourraient continuer le travail de la Conférence, ainsi que la portée de l'assistance qui pourrait leur être demandée, sont encore matière à discussion. Au cours de la prochaine Conférence annuelle de la FAO des efforts seront faits certainement pour coordonner les différentes idées mises à la base des suggestions concernant son activité future dans ce sens. La Conférence devra aussi coordonner les mesures prévues afin d'éliminer tout double emploi dans les efforts et d'assurer l'unification des tendances divergentes qui se sont déjà partiellement manifestées.

Prévisions pour l'avenir

La Conférence de Marianské-Lazné a donc pu conclure des accords de longue durée sur une série de mesures permettant d'éliminer jusqu'à un certain point la différence entre l'offre et la demande en 1948 et 1949. Le répit ainsi obtenu pourra être utilisé pour l'élaboration des mesures à longue échéance de caractère plus précis. La Conférence a aussi constaté que les ressources forestières exploitées à présent ne pourront pas dans l'avenir satisfaire les besoins toujours croissants de l'univers et que, par conséquent, de nouvelles sources encore inexploitées d'approvisionnement devraient être aménagées et leur exploitation systématique assurée. Le nord du Canada, l'Alaska, l'Amérique du Sud, l'Afrique, certains territoires de l'Asie du sud-est et l'U.R.S.S. représentent de semblables sources d'approvisionnement éventuel.

La Conférence a aussi mis en évidence que la production, la consommation et la distribution du bois ne sont que les aspects complémentaires d'un même problème. Par conséquent, la politique économique forestière et les industries du bois doivent être coordonnées beaucoup plus et beaucoup mieux qu'elles ne l'ont été jusqu'à présent. C'est l'idée fondamentale que la FAO a adoptée et qu'elle tâche de propager parmi les milieux intéressés. Une politique à long terme doit être élaborée en tenant compte des problèmes à brève échéance; ces derniers doivent, à leur tour, être résolus sans perdre de vue les exigences d'une politique à long terme.

Le fait que la sylviculture occupe quant à son importance, la deuxième place après l'agriculture parmi les différents systèmes d'exploitation du sol et que le bois est un des produits les plus importants de la terre, commence à être reconnu d'une façon beaucoup plus générale qu'il ne l'a été avant la guerre. Les propriétaires forestiers privés, les communes et les sociétés commerciales ont été encouragés par tous les moyens à adopter des systèmes rationnels d'exploitation qui seuls peuvent assurer le rendement stable de leurs forêts. On ne peut plus considérer ces dernières comme des sources illimitées de rendement. Les gouvernements des différents pays sont désormais tout disposés à offrir leurs conseils, et leur appui financier si nécessaire, pour assurer l'exploitation rationelle du patrimoine forestier national. Ils sont même prêts, le cas échéant, à exercer un contrôle obligatoire dans ce sens.

En même temps des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de vie et de travail des ouvriers employés en forêt, ainsi que de ceux travaillant dans les industries du bois. A cette fin on a augmenté leurs salaires, on a cherché à leur assurer un standard de vie plus élevé ainsi que des possibilités d'avancement, telles qu'elles existent actuellement pour les travailleurs des autres industries. Une meilleure instruction du personnel administratif, des techniciens et de la main-d'œuvre est aussi considérée comme prémisse indispensable de l'augmentation du rendement des forêts et du montant de la production des industries du bois.

La Conférence internationale du bois avait espéré pouvoir réussir à améliorer l'approvisionnement en bois de l'Europe en 1948 et même à obtenir quelques changements en mieux au cours de 1947.

La quatorzième réunion du Sous-Comité du Bois du Comité économique provisoire pour l'Europe, tenue en juin, a pris en considération le fait que le montant total de sciages résineux disponibles surpasse de 300.000 standards environ les chiffres prévus au commencement de l'année. Pour cette raison, elle a proposé de hausser les limites établies par les contingentements de bois accordés aux divers pays. Cette proposition a été acceptée. Il semble, par conséquent, que la Conférence de Marianské-Lazné a déjà exercé une influence favorable sur la situation du marché du bois en Europe.


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