Previous PageTable Of ContentsNext Page

ANNEXE VIII: RAPPORT NATIONAL SUR LE SECTEUR FORESTIER (Cont.)

NIGER

par

Mohamed Islamane

Hamissou Garba

CONTEXTE

Economie et politique économique

Général

Le Niger est l'un des pays les plus pauvres du monde, car il occupe les derniers rangs en se référant aux indices de développement économique du PNUD. Le revenu par habitant est estimé à US$200 (Banque Mondiale, 1997), et plus de 60% de la population dispose de moins d'un dollar par jour pour vivre. La pauvreté augmente progressivement depuis trente-cinq ans. Le PIB réel par habitant a chuté de plus de 2% par an pendant cette période.

D'après L'UNICEF (1999), un enfant sur cinq présente le risque de mourir avant l'âge de cinq ans. Quatre adultes sur 5 sont analphabètes. Le taux net d'inscription et de fréquentation de l'école primaire est de 24%. Le taux de mortalité infantile est actuellement de 250 pour mille.

La population s'accroît, passant de 3,8 millions en 1967 à 9,8 millions en 1999 et, au taux actuel de croissance de la population de 3,3%, elle aura doublé d'ici vingt ans.

Ce fardeau de la pauvreté touche plus spécifiquement les femmes. Les ménages ruraux sont plus pauvres quand le chef de famille est une femme que lorsque c'est un homme (même si l'on tient compte d'autres différences). Parmi les femmes, les analphabètes sont deux fois plus nombreuses que chez les hommes. L'âge de la mère lors de la première naissance s'est abaissé et le taux de mortalité maternelle est élevé. Bien que les femmes constituent un segment important de la main d'_uvre agricole, elles ont peu accès à la terre, au crédit et aux services de base.

Croissance économique

D'une manière générale, l'économie est faible depuis les années 60. En effet, les études de la Banque Mondiale et du FMI ont montré que le PIB n'a pas augmenté - le taux de croissance réelle étant de 0,3% pour les trente dernières années - alors que la population a plus que doublé. Alors que la contribution de l'agriculture à l'économie nigérienne est la plus importante, le PIB agricole a décliné pendant cette période. Durant ces trois décennies, on a noté seulement deux courtes périodes durant lesquelles la croissance du PIB a été positive au titre de plus de deux années consécutives: la première pendant le boom de l'uranium en 1977/80 et la seconde en 1993/96 lors des pluies relativement favorables et de la dévaluation du franc CFA.

La faible performance économique et sociale a eu comme conséquence la suspension de la mise en _uvre de beaucoup de projets de développement par les bailleurs de fonds.

L'incapacité de gérer et d'appliquer les réformes économiques a conduit les finances publiques du Niger dans une situation délicate au début des années 90, les recettes publiques sont faiblement mobilisées alors que la mauvaise gestion des entreprises nationales continue. En décembre 1995, le gouvernement a adopté un autre programme de stabilisation et de réformes qu'il a exécuté de façon satisfaisante. Il a notamment augmenté la mobilisation des recettes de 20% en un an, réduit la masse salariale de plus de 10% et lancé un grand programme de privatisation.

D'autre part, les conditions économiques et sociales sont très sensibles aux conditions climatiques et en particulier à la fluctuation des précipitations. Ainsi, des pluies tardives ou inadéquates mènent rapidement le pays à une crise alimentaire. Si la croissance du PIB a été négative pendant certaines années, la raison principale est la précarité des pluies. De plus, les tendances à long terme ne sont pas encourageantes car la moyenne des pluies décroît progressivement depuis trente ans. Toutefois, pendant les deux dernières années 1998 et 1999, le Niger a été excédentaire du point de vue production agricole et pastorale.

Une autre source de l'économie nationale est l'uranium qui représente environ 7% du PIB, 50% des recettes d'exportation et 9% des revenus de l'Etat. Mais la chute du prix de l'uranium ces 10 dernières années a beaucoup contribué à l'affaiblissement de l'économie nationale.

Le Niger est un pays très tributaire de l'aide étrangère au développement. Il faut évoquer le poids de la dette sur l'économie, multipliée par deux suite à la dévaluation (350 milliards à 812 milliards en 1997). Avant la suspension de plusieurs programmes d'aide à la suite du coup d'état de 1996, l'aide se chiffrait à environ 50 $ par habitant et représentait environ un quart du PIB et 86% du PNB (UNICEF, 1999).

Politique économique actuelle du pays

Le gouvernement a adopté une politique de développement économique composée de cinq axes:

la réforme du régime fiscal;

l'amélioration de l'efficacité des dépenses publiques, y compris la réforme des entreprises publiques et de la fonction publique;

la promotion de l'activité du secteur privé;

le développement rural et la gestion des ressources naturelles;

le renforcement du secteur de l'éducation, de la santé et du transport.

Pour atteindre ces performances, le gouvernement du Niger doit faire appel à d'autres sources de croissance, notamment à travers l'augmentation de l'investissement public, le secteur privé et le secteur minier.

Politique environnementale

Dès le début des années 80, un processus de réflexion a été engagé au plan national qui a abouti à l'Engagement de Maradi en 1984. et à l'élaboration en 1992 des "principes directeurs d'une politique de développement rural" qui laissent une place importante à i) la gestion intégrée des ressources naturelles; ii) l'organisation du monde rural, la responsabilisation des populations et la modification du rôle de l'Etat; iii) la recherche de la sécurité alimentaire et iv) l'intensification et la diversification des productions.

En 1993 une ordonnance fixant les principes d'orientation du code rural a été adoptée. Ce texte a pour objet de fixer le cadre juridique des activités agricoles, sylvicoles et pastorales dans la perspective de l'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la promotion humaine. Elle assure la sécurité des opérateurs ruraux par la reconnaissance de leurs droits et favorise le développement par une organisation rationnelle du monde rural.

Parallèlement, au cours de la même période, le Niger s'est lancé dans un processus participatif d'élaboration d'un Plan National de l'Environnement pour un Développement Durable (PNEDD). Ce plan devrait permettre au Niger de préserver l'environnement urbain et rural contre la dégradation des ressources forestières, les pollutions et nuisances diverses d'une part et d'utiliser rationnellement et durablement les ressources naturelles renouvelables au bénéfice des populations et de l'économie nationale. D'autre part, le PNEDD, cadre de référence en matière de planification des actions environnementales, repose sur six programmes majeurs à savoir:

la Stratégie Nationale de la Conservation de la Diversité Biologique;

le Programme d'Action National de Lutte Contre la Désertification et la Gestion des Ressources Naturelles (PAN/LCD/GRN);

le Programme National sur les Changements Climatiques et la Protection de la Couche d'Ozone;

le Programme National d'Amélioration du Cadre de Vie, de la Lutte contre les Pollutions et les Nuisances;

le Programme National de Lutte contre la Pauvreté;

le Schéma Directeur de l'Eau.

Le secteur forestier et son rôle social

Les ressources forestières

La superficie totale des forêts et autres terres boisées était estimée à 10 442 000 ha en 1990 (FAO, 1995). Selon Lanly (1980), le domaine forestier s'étendait sur environ 9 000 000 ha dont 6 000 000 ha en zone sahélo-saharienne, 2 600 000 ha en zone sahélienne et 300 000 ha en zone sahélo-soudanienne:

les forêts classées au nombre de 84 couvrant une superficie de 600 000 ha;

les périmètres de restauration et de mise en défens (70 000 ha);

les parcs et réserves de faune (8 413 000 ha).

En 1994, une étude de vulnérabilité des formations forestières nigériennes aux changements climatiques a estimé la superficie des forêts naturelles à 5 741 917 ha et celles des plantations à 40 984 ha. Selon une récente étude sur le défrichement au Niger (République du Niger, 1997), on estime que de 1958 à 1997 la perte de superficie des forêts est de l'ordre de 40 à 50% au profit essentiellement de l'agriculture, des besoins énergétiques par la production de bois de feu et du développement urbain. Les forêts classées ont été fortement dégradées et plus de 50% d'entre elles ont perdu une grande partie de leur potentiel végétal.

Les types d'utilisation des ressources forestières

Au Niger, l'espace forestier est en général utilisé à de multiples fins par les populations locales, urbaines ou rurales: agriculture, élevage, artisanat, prélèvement de bois de feu et de bois de service, la chasse et la cueillette des sous-produits forestiers.

Au plan alimentaire: Beaucoup d'espèces forestières, notamment le néré (Parkia biglobosa), le baobab (Adansonia digitata) sont très riches en protéines, en sucre et en certains oligo-éléments tels le fer, le magnésium et le zinc. En période de graves crises alimentaires, les populations nigériennes font souvent recours à l'usage de certains sous-produits forestiers (feuilles, fruits, noix) de certaines espèces ligneuses et herbacées comme base ou complément alimentaire (Saadou, Soumana, 1993); les espèces les plus couramment utilisées sont Boscia senegalensis (feuilles et fruits), Parkia biglobosa (farine obtenue à partir de la pulpe), Murua crassifolia, Cenchrus biflorus, Panicum turgidum, leptadania hastata, Cassia tora, Adansonia digitata, Ceratitheca sesamoides.

Au plan médical: Les populations rurales ainsi qu'un nombre croissant de citadins depuis la dévaluation du franc CFA font recours à la médecine traditionnelle, essentiellement basée sur la pharmacopée. Selon l'OMS, 80% de la population nigérienne a recours à la pharmacopée traditionnelle. Les espèces les plus couramment utilisées sont: Khaya senegalensis, Guera senegalensis, Eucalyptus camaldulensis, Cassia sieberiana, Cassia siamea, Cassia singureana, Azadirachta indica, Bauhinia rufesens, Schweita americana, Boswellia odorata, Acacia nilotica var. adansonii.

Au plan alimentation du bétail: Les sous-produits forestiers (fruits et feuilles) rentrent pour 25% dans la ration alimentaire des ruminants au Niger. Cet apport est d'autant plus important qu'il intervient en période de grand déficit alimentaire (saison sèche). Cette alimentation très riche en protéine n'est malheureusement pas sans conséquences sur les formations forestières qui subissent de graves mutilations. Les espèces les plus sollicitées sont: Faidherbia albida, Prosopis africana, Balanites aegyptiaca, Acacia radiana, Comiphora africana, bauhinia rufescens.

Au plan économique: Les communautés rurales récoltent des matériaux forestiers ligneux et non ligneux aussi bien pour les besoins des ménages que pour la commercialisation. Dans le domaine de l'artisanat, elles fabriquent des meubles en rachis de rônier (Borassus aethiopum), des paniers, cordes et des nattes en feuilles de palmiers doum (Hyphaene thebaica), et tirent de l'huile de cuisine, des aliments, des fruits et des noix, des produits de tannage (Acacia nilotica). Le bois tiré de diverses espèces forestières est utilisé dans la fabrication de nombreux objets (tam-tam, selles des animaux, construction d'habitats, manches d'instruments aratoires, pirogues, récipients et ustensiles de cuisine, lits, forge). Les fruits sauvages sont vendus sur les marchés locaux, favorisant le développement d'une importante filière de commercialisation de fruits dans différentes villes (Ziziphus mauritiana, Hyphaene thebaica, etc.), de gomme de Acacia senegal, (etc.), et des graines de Parkia biglobosa. Le revenu issu de la commercialisation des sous-produits forestiers et des matériaux forestiers non ligneux en milieu rural est estimé à près d'un tiers du revenu extra-agricole.

Au Sud du pays, la pression exercée sur le foncier par l'agriculture se traduit par la disparition progressive des jachères et des zones de pâturage et, par conséquent le transfert de la fonction pastorale sur les forêts déjà fortement sollicitées pour le bois de chauffage et les feuilles. La compétition pour l'espace entre agriculteurs et éleveurs a atteint un tel point de rupture que les pratiques coutumières aussi anciennes que les contrats de fumure ont disparu de même que les aires de pâturage et les couloirs de passage. Ce dérèglement de la complémentarité naturelle entre le Nord pastoral et le Sud agricole, conjugué aux effets d'un accroissement massif de la population et du cheptel dans les zones sédentaires est un facteur de dégradation de la forêt dans toute la bande Sud du pays.

Les structures communautaires de gestions des ressources forestières

Au Niger, il existe deux types de structures communautaires de gestion des ressources forestières:

Les structures créées en dehors des lois et règlements concernent essentiellement les Comités de Gestion des Terroirs Villageois (CGTV), les Comités de Gestions des Ressources Pastorales (CGRP) ou les Comités de Gestion de l'Environnement (CGE). Ces comités regroupent souvent les personnes les plus influentes du village et sont créés pour servir d'interlocuteur entre les projets et les services techniques d'appui, mais également comme organe de réflexion pour les populations concernées et de caution morale du projet pour les engagements éventuels à prendre par la communauté ou les individus.

Quant aux structures dont la création est prévue par les lois et règlement sont les coopératives créées par la loi du 20 septembre 1962, des Associations - ONG - Groupement d'intérêts économique créés par ordonnance N°84-6 du 1er mars, 1984 et des Structures Locales de Gestion des marchés ruraux de bois instituées par l'ordonnance n°92-037 du 21 août 1992 portant organisation de la commercialisation et du transport de bois.

Previous PageTop Of PageNext Page