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III. L'importance des légumes dans la consommation urbaine


III.1. La consommation des ménages africains
III.2. La consommation des ménages expatriés
III.3. Des remarques complémentaires sur la qualité
III.4. Les modes d'approvisionnement des consommateurs

III.1. La consommation des ménages africains

Loin de constituer une partie condimentaire ou de grignotage dans l'alimentation, un certain nombre de légumes font partie de la base végétale de l'alimentation des Africains.

Les dépenses en légumes représentent de 15 à 20% du budget alimentaire des ménages. Les fréquences de consommation sont supérieures à quatre fois par semaine pour la tomate locale (de type cerise, dite tomate sauce) et les brèdes, c'est à dire les légumes feuilles (feuilles de manioc au Congo et en RCA, oseille de Guinée en Guinée-Bissau et au Nord-Cameroun, morelles noire et amère à Madagascar), ainsi que l'oignon.

La consommation de ces légumes varie faiblement d'un ménage à l'autre malgré les fortes fluctuations de prix, ce qui confirme leur caractère de produit essentiel dans la consommation. Lorsque le pouvoir d'achat des ménages diminue, la viande et le poisson sont sacrifiés avant les légumes “de base”.

Les autres légumes, en particulier les légumes de type tempéré, sont consommés moins fréquemment, avec une plus forte élasticité par rapport aux prix et aux revenus. La faible consommation des légumes de type tempéré est à mettre en relation avec:

a) leur niveau de prix; par exemple, à Bissau, la tomate de type tempéré coûtait 10. 000 PG en avril 1993 alors que la tomate locale était vendue à 4.000 PG[2];

b) les préférences des consommateurs. Les brèdes sont les légumes préférés des consommateurs africains. Loin d'être le plat du pauvre, le mets à base de feuilles de manioc est typiquement le plat de fête;

c) le mode de préparation; seuls les ménages au contact de la culture européenne par les voyages ou la profession savent préparer les légumes de type tempéré.

Les légumes de type tempéré les plus consommés sont le chou et la laitue.

Malgré la part importante des légumes dans l'alimentation, le niveau d'approvisionnement des ménages africains est loin d'être optimal.

Les quantités consommées sont estimées de 25 (Bissau) à 35 kg/habitant/an (Bangui) et restent très en deça des niveaux préconisés par la FAO (75 kg/habitant/an). Il convient de noter que la consommation sénégalaise se situe au-dessus de ces estimations: en 1989, elle atteignait 50 kg/habitant/an, dont 14 kg d'oignon, 7 kg de chou et 7 kg de tomates (Seck, 1989).

Les consommateurs signalent le manque saisonnier de légumes, sur des périodes pouvant aller de quatre à six mois, accompagné de fortes augmentations de prix. D'une manière générale les prix sont très fluctuants dans l'année (voir Schéma 1).

Schéma 1 - Exemples de variations de prix de légumes à Bissau

Cette situation est aggravée par la faiblesse des reports des légumes vers d'autres produits:

a) les légumes font généralement défaut aux mêmes périodes de l'année: pleine saison des pluies pour les légumes-fruits; fin de saison sèche pour les légumes-feuilles;

b) la substitution dans l'alimentation entre produit frais et produit transformé est faible. Par exemple, au Nord Cameroun, les feuilles fraîches et les feuilles séchées font l'objet de modes de préparation différents; par ailleurs, les ménages de tous les pays concernés préfèrent le mélange tomate fraîche-concentré de tomate au concentré de tomate seul.

En ce qui concerne les préférences de qualité, elles dépendent fortement du type de légumes et de leur utilisation dans les préparations:
a) pour les légumes-feuilles, souci de grande fraîcheur;

b) pour la tomate sauce, c'est la maturité et la rougeur qui compte, et les consommateurs souhaitent pouvoir trouver à la fois sur l'étalage des tomates “qui coulent” et que l'on pourra utiliser le jour même et des tomates moins mûres qui pourront être conservées plus longtemps.

III.2. La consommation des ménages expatriés

L'importance de la consommation des ménages expatriés doit être relativisée. Même si les expatriés consomment jusqu'à trois fois plus de légumes que les ménages africains par tête, leur nombre est limité et la valeur globale de leurs achats ne dépasse pas le quart de celle de l'ensemble des ménages africains. Cependant, ils peuvent constituer le marché privilégié des légumes de type tempéré; par exemple, à Bissau, la carotte et l'aubergine violette sont consommés à 90% par la population expatriée.

Les ménages expatriés interrogés se déclarent insatisfaits de leur approvisionnement, en termes de qualité (fraîcheur, tâches, etc.) et de diversité des produits. Les gérants des supermarchés, hôtels-restaurants, et plates-formes pétrolières, que l'on peut qualifier de “gros clients”, se déclarent insatisfaits de leur approvisionnement par la production locale en termes de qualité et de régularité de l'approvisionnement, hormis en RCA et à Madagascar. Les quantités de fruits et légumes commercialisées par ces gros clients se situent entre 2 tonnes par an pour un supermarché de Bangui et 300 tonnes par an pour les exploitations en mer de Pointe-Noire (Moustier, 1994).

III.3. Des remarques complémentaires sur la qualité

L'exigence de fraîcheur favorise l'origine “péri-urbain” pour les légumes-feuilles et les légumes de type tempéré. Par contre, les longs trajets subis par la tomate ne sont pas trop pénalisants en termes de qualité, si on la définit par rapport aux préférences effectives des consommateurs mentionnées plus haut.

Des entretiens informels auprès des ménagères africaines suggèrent une certaine méfiance vis-à-vis des légumes produits dans les jardins de la ville du fait de l'utilisation possible d'ordures ménagères et d'eau insalubre, mais cette méfiance n'est pas rédhibitoire à leurs achats. Il y a de la part des expatriés un souci plus important d'hygiène, ce qui les conduit à s'approvisionner en priorité dans les supermarchés qui commercialisent des légumes importés.

III.4. Les modes d'approvisionnement des consommateurs

La liaison production-consommation s'effectue essentiellement par les marchés, même si l'auto-consommation ne doit pas être négligée. A Brazzaville, le pourcentage de ménages possédant un champ est de 25%, et l'équivalent en valeur monétaire de l'auto-consommation représente de 1 à 40% selon les ménages. Dans les autres pays, le mode d'accès dominant aux légumes reste le marché de détail. A Bissau, 30% des ménages cultivent des légumes, dont 40% seulement en saison des pluies. A Garoua et Maroua, l'auto-consommation touche 10% des ménages. Elle concerne les légumes-feuilles locaux et se pratique essentiellement en saison des pluies. A Antananarivo, la moitié des ménages déclarent cultiver des légumes, mais c'est seulement pour 25% d'entre eux que l'activité procure plus d'un mois d'approvisionnement.

L'approvisionnement par les supermarchés, hôtels et restaurants ne concerne qu'une fraction des urbains aisés. Par exemple à Brazzaville, en 1994, le tonnage de tomates commercialisé sur l'année par les supermarchés, hôtels et restaurants a été estimé à 15-20 tonnes, alors que la consommation des ménages africains s'élevait aux environs de 4 000 tonnes (Moustier, 1994).


[2] Cette année-là, 1 PG = 0.00057 FF.

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