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V. Les maraîchers péri-urbains


V.1. Les principales contraintes de production
V.2. Les stratégies de production, de gestion de la trésorerie et les finalités économiques
V.3. La typologie des exploitations maraîchères

V.1. Les principales contraintes de production


V.1.1. La contrainte climatique
V.1.2. La contrainte foncière
V.1.3. L'accès aux intrants

V.1.1. La contrainte climatique

La contrainte climatique majeure est la force des pluies quatre à six mois de l'année. Ces pluies causent des dégâts physiques et parasitaires très importants. Par ailleurs, en fin de saison sèche, pépinières et cultures souffrent du manque d'eau. Certains maraîchers s'affranchissent de ces contraintes:

a) sur de grands terrains, rotations et jachères allègent le problème parasitaire;

b) une bonne irrigation, une gestion adéquate de la matière organique, des traitements phytosanitaires, adoucissent également les problèmes parasitaires; cependant, l'accès aux intrants est une contrainte forte dans tous les pays;

c) au Congo, les abris plastiques diffusés par Agricongo évitent la contrainte de dégâts physiques; c'est également le cas à Bissau du paillage des pépinières.

La possibilité de mise en valeur des terrains dépend de leur situation topographique:
a) en bas-fonds, exploitation limitée à la saison sèche;

b) sur une pente douce, mise en valeur du bas vers le point d'eau en saison sèche et du haut en saison des pluies. Pour une mise en valeur permanente, l'irrigation est nécessaire.

On ne peut donc considérer le foncier sans prendre en compte cettre rente différentielle de situation et l'enjeu de l'aménagement.

V.1.2. La contrainte foncière

L'agricuture urbaine se loge dans les interstices d'urbanité, les zones non encore touchées par la pression immobilière. Mais dès que le front des lotissements la touche, il la déloge. D'autre part, des effets induits de l'urbanisation sont inévitables: vols des légumes dans les jardins (plus particulièrement pour les légumes de type tempéré), érosion, etc.

La poussée de l'urbanisation entraîne des surfaces faibles:

a) une enquête réalisée par l'auteur en 1989 à Brazzaville sur 65 maraîchers des centres de production urbains répartis sur 7 zones montre que 80% cultivent une surface de moins de 700 m2;

b) à Bangui, la surface moyenne a été estimée par l'AFVP à 1 500 m2 en 1991 (Dejours et Chanu, 1991);

c) à Bissau, la surface moyenne par productrice est de 760 à 900 m2 selon les saisons (David et Moustier, 1993);

d) à Madagascar, la moyenne de surface potentiellement cultivée (bas-fonds et”tanety”) de 3,000 exploitations maraîchères est de 700 m2 (Rakotoarisoa et al., 1994).

D'où l'enjeu de la protection de zones péri-urbaines à vocation agricole.

V.1.3. L'accès aux intrants

Dans aucun des pays étudié il n'existe de structure privée spécialisée dans l'approvisionnement en intrants et équipements maraîchers (semences améliorées, engrais, pesticides, petit matériel). L'approvisionnement est assuré principalement:

a) par des projets qui n'ont pas toujours le professionnalisme ou la durée nécessaire;

b) par des boutiques de vente d'autres produits (par ex, supermarchés), pour qui la vente de produits maraîchers est secondaire donc parfois discontinue.

En ce qui concerne l'approvisionnement en matière organique, le maraîchage péri-urbain récupère toute une série de déchets urbains: ordures ménagères, fumier d'élevages péri-urbains, drêches de brasserie. Outre le problème du triage des ordures ménagères, les maraîchers sont souvent confrontés à un manque d'information sur les doses et les mélanges nécessaires à un bon équilibre de la matière organique utilisée.

V.2. Les stratégies de production, de gestion de la trésorerie et les finalités économiques

La plupart des systèmes de culture maraîchers sont peu exigeants en capital de départ. En revanche, l'installation comme maraîcher réclame une importante force de travail. Ainsi, dans un contexte d'emploi précaire, le maraîchage peut représenter une activité de repli en milieu urbain.

Dans tous les cas, le maraîchage péri-urbain est une activité à quasiment plein temps, spécialisée, pratiquée par des urbains qui en tirent l'essentiel de leurs revenus. Si d'autres cultures sont pratiquées, soit elles sont auto-consommées, soit leur apport est très périodique. Ainsi, à Bissau, la vente de l'arachide, de la noix de cajou et l'élevage procurent de la trésorerie de manière périodique. Le riz y est toujours produit pour l'auto-consommation et la consommation de la récolte ne dure qu'une saison. Au Nord-Cameroun, les productions vivrières (sorgho principalement) pratiquées par les maraîchers péri-urbains apportent un complément alimentaire saisonnier.

La faiblesse générale des revenus maraîchers (voir Tableau 3 p. 31) se traduit par une épargne très limitée, et une trésorerie tendue. D'où la faiblesse observée de l'équipement, la préférence pour l'auto-production de semences et la récupération de toute une gamme de matière organique bon marché comme fumier. La diversité des légumes produits offre l'avantage de pouvoir répondre à toute une gamme d'exigences de trésorerie.

La production irriguée d'oignons, qui est cantonnée à des zones climatiques spécifiques, procure des revenus substantiels. Ils étaient estimés en 91/92 à 526.000 FCFA au Nord-Cameroun, alors qu'un producteur de coton en culture manuelle avait un revenu moyen de 120 000 FCFA (Madi Ali, 1994).

Les types de légumes cultivés peuvent être distingués selon leurs longueurs de cycle, l'achat d'intrants qu'ils nécessitent et le degré de risque à la production (sensibilité aux maladies) et à la commercialisation. La sensibilité aux maladies dépend du degré d'adaptation des variétés aux caractéristiques climatiques et édaphiques du milieu considéré.

Les légumes-feuilles de cycle court (moins d'un mois): amaranthe, chou chinois, oseille locale, peu sensibles aux maladies, ne nécessitant que peu d'intrants, et s'adressant à une large clientèle régulièrement consommatrice de ces légumes “de base”, assurent une garantie de rentrée d'argent quasi-quotidienne. Leurs marges par hectare sont les plus faibles.

Les légumes-feuilles de cycle long (un à deux mois), peu risqués à la production, et à la commercialisation: morelles, choux, ciboule, épinard, permettent de disposer de fortes recettes périodiques qui peuvent répondre à des besoins financiers importants: problème de santé, épargne pour construction de maison.

Les légumes d'origine tempérée à cycle court (moins de deux mois), peu risqués à la production et à la commercialisation: salade et persil, peuvent servir de tête de cycle pour financer le reste de la campagne maraîchère: c'est le cas en Guinée-Bissau.

Les légumes d'origine tempérée à cycle long (plus de deux mois),: tomates, carottes, aubergines violettes, concombres, etc., sont risqués à la production et à la commercialisation Leurs marges par hectare sont les plus élevées.

On peut relier l'importance dans les systèmes de culture de ces différents types de légumes aux objectifs de trésorerie des exploitants et à leurs contraintes de capital:

a) légumes-feuilles de cycle court dominants pour les femmes sans autre source de revenu dans le ménage et avec de lourdes charges familiales, installées sur de faibles surfaces (moins de 700 m²) et nécessitant des rentrées d'argent régulières et stables;

b) légumes de cycle long peu risqués dominants pour des niveaux de surface et capital intermédiaires (700-1000 m²; accés au foncier et à l'outillage par un emploi préalable, héritage, ou installation par les autorités). L'activité est la source principale de revenus dans le ménage;

c) légumes de type tempéré dominants pour des niveaux de surface et de capital importants (plus de 1000 m²; activité préalable salariée ayant permis d'acquérir le foncier et l'outillage par voie monétaire).

Le recours à l'achat d'intrants et le niveau de technicité des exploitations suit la même différenciation.

V.3. La typologie des exploitations maraîchères

Le premier facteur de différenciation des systèmes de culture et des revenus est la taille des parcelles. Plus les parcelles sont importantes, plus les maraîchers sont prêts à utiliser de nouvelles variétés, des intrants agricoles et de l'équipement adéquat. Les principaux invariants des systèmes de production sont les suivants:

a) culture de légumes sur planches rectangulaires;
b) apport de matière organique;
c) arrosage.
Les systèmes de production comportent des variations dans les caractéristiques suivantes:
a) taille et statut du foncier;

b) âge de l'exploitant;

c) taille de la famille;

d) nature de la main-d'oeuvre;

e) niveau de capital;

f) mode de commercialisation;

d) type de matière organique utilisée: ordures ménagères; fumier d'élevage; drêches de brasserie;

g) recours à l'achat d'intrants: semences; engrais; pesticides;

h) type d'arrosage: manuel à partir de puits; gravitaire à partir de motopompe et tuyaux;

i) disponibilité en appui technique (souvent liée à l'organisation en groupement).

La typologie des exploitations maraîchères de Brazzaville est présentée dans le Tableau 2.


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