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Chapitre 4: CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS


4.1 - La complémentarité des secteurs formel et informel
4.2 - L’évolution dynamique
4.3 - Le rôle du secteur informel et de la sécurité alimentaire
4.4 - Les implications pour les décideurs politiques
4.5 - Les interventions durables

4.1 - La complémentarité des secteurs formel et informel

Le premier constat est que chaque type d’entreprise de commercialisation des vivres, formel ou informel, est une réponse aux contraintes exogènes ou endogènes au niveau de la filière où l’entreprise se situe. Il y a quatre contraintes qui déterminent presque totalement la structure d’une filière:

Les trois premières contraintes sont liées directement au niveau de développement du pays, la quatrième contrainte ne l’est que de façon indirecte. Le PNB est un paramètre approximatif à ce niveau. Ainsi, la thèse principale de ce livre est confirmée.

Le profil du consommateur détermine le type de vivres, de valeur ajoutée et de services du marché demandé. La demande des consommateurs à revenu bas est surtout satisfaite par les filières informelles. Le secteur formel n’est jamais concurrentiel dans la distribution au détail des vivres à des bas revenus, parce qu’il ne sait pas créer de réseau compétitif de points de vente qui s’adressent à la masse populaire.

Le cadre général influence la compétitivité du secteur formel vis-à-vis du secteur informel. Le secteur formel nécessite une certaine stabilité macroéconomique et un cadre institutionnel transparent. Il évite un environnement d’investissement à haut risque. L’incertitude et le risque impliquent une rentabilité plus basse de l’investissement et de la main-d’oeuvre. Donc, dans une situation de croissance économique, le secteur formel devient plus compétitif et vice versa.

La structure des unités de production agricole et la collecte rurale des vivres déterminent la compétitivité d’entreprises (formelles) de collecte avec un gros capital vis-à-vis d’entreprises (informelles) basées sur la main-d’oeuvre la moins chère. Dans la collecte des légumes, du manioc frais, de l’igname, des fruits, du lait local, du poisson local, les commerçants informels (souvent des colporteurs) sont concurrentiels. Le secteur formel n’est pas concurrentiel quand la structure de l’entreprise agricole et les caractéristiques du produit impliquent une collecte à fort emploi de main-d’oeuvre. Le secteur formel ou semi-formel (les semi-grossistes et les grossistes) n’intervient dans les filières des colporteurs que pour le financement des stocks ou pour une transformation procurant des avantages comparatifs aux entreprises formelles.

La théorie économique suppose des produits homogènes et parfaitement divisibles. Le secteur informel est compétitif lorsqu’un produit vivrier ne correspond pas aux caractéristiques d’un produit parfait et que la technologie n’est pas disponible ou rentable pour transformer ce produit en un produit parfait. La rentabilité dépend généralement de l’échelle des opérations. D’une manière générale, le secteur formel se développe d’abord dans le marché des céréales et à un stade de développement plus avancé dans le secteur des tubercules, des légumes et des fruits. Une analyse par produit permet d’identifier les contraintes et les avantages comparatifs pour le secteur formel dans chaque filière.

En conclusion, les secteurs formel et informel sont complémentaires. Les deux formes sont en compétition permanente et la meilleure domine la filière concernée: le secteur informel est compétitif dans les segments où il existe une nécessité de main-d’oeuvre bon marché et de contrôle des transactions. En effet:

Au fur et à mesure qu’un pays se développe, les contraintes quant aux caractéristiques d’un produit sont levées par l’adoption d’une technologie de commercialisation et de transformation, et les circuits se formalisent.

Les spécialisations des entreprises formelles et informelles aboutissent donc à trois catégories de filières qu’on retrouve dans tous les pays de l’Afrique subsaharienne, à savoir:

4.2 - L’évolution dynamique

S’il y a une détérioration significative de la situation macroéconomique dans un pays, il y aura toujours une renaissance du commerce informel des vivres, en raison du rôle social du commerce de détail et des colporteurs, et des imperfections dans les filières de commercialisation. Braudel (1979) mentionne quelques exemples de ce phénomène. La France, affamée de 1940 à 1945, a connu, avec le marché noir, une poussée de colportage anormale. En Russie, la période de 1917 à 1922, avec ses troubles, sa circulation imparfaite, a vu réapparaître les intermédiaires ambulants. Depuis 1990, elle connaît une nouvelle vague. Actuellement au Zaïre, le rôle du colportage est plus grand que jamais. Les détaillants et les colporteurs ne trouvent pas d’emploi dans d’autres secteurs de la société, ils évitent des innovations et ils ne prennent pas de risques. Ils restent dans le secteur de distribution, même s’ils ne gagnent presque rien. L’accès aux systèmes de solidarité et une protection des moyens financiers contre l’inflation sont souvent une motivation suffisante.

Suite à la dévaluation du FCFA et aux Programmes d’ajustement structurel dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, il y a eu toute une vague d’initiatives informelles dans le secteur de la transformation des vivres locaux dans plusieurs pays. Souvent, l’industrie formelle n’est pas compétitive dans ces segments du marché, raison pour laquelle ces vivres n’étaient souvent pas concurrentiels vis-à-vis des produits importés (riz, pain) dans le passé.

En cas de croissance économique, il y a un impact immédiat sur les différents niveaux de la chaîne de commercialisation. Les contraintes pour une transition d’un système informel sur petite échelle, avec une productivité de main-d’oeuvre basse et des marges de distribution élevées, versus un système formel avec une productivité de main-d’oeuvre élevée, sont levées. On assiste donc à:

Le résultat final se traduit par une augmentation de la productivité à tous les niveaux de la chaîne et une diminution des risques. Il y a un glissement vers le secteur formel.

4.3 - Le rôle du secteur informel et de la sécurité alimentaire

Il y a toujours la mise en place d’activités substitutives dans les villes africaines durant les périodes de crise qui tendent, dans le domaine alimentaire notamment, non seulement à résorber les goulots d’étranglement des circuits d’approvisionnement et de commercialisation, mais aussi à générer des revenus supplémentaires favorables à la sécurité alimentaire (Frey, 1995). Frey mentionne quatre types d’activités qui dominent actuellement:

Goossens (1994) démontre que ces activités empêchent une compétition saine dans la distribution des vivres.

4.4 - Les implications pour les décideurs politiques

Les conclusions de cette étude diminuent de façon significative l’assortiment d’interventions dans la filière de commercialisation des vivres. Les gouvernements et les planificateurs doivent bien se convaincre que les politiques qu’ils mettent en place fixent effectivement le cadre de l’action des paysans et des acteurs des filières agroalimentaires de sorte que la pertinence de ces politiques est tout à fait déterminante (Spore, n° 61). Des interventions durables dans la commercialisation des vivres doivent nécessairement respecter les contraintes imposées par:

Toute intervention des décideurs politiques et des bailleurs de fonds qui ne respecte pas ces quatre contraintes n’est pas durable. En outre, il est presque impossible de réorganiser une filière dont le rôle social domine le rôle économique, avec des instruments pour renforcer la concurrence. Les secteurs à basses barrières à l’entrée peuvent être dans une telle situation pendant des périodes de crise.

4.5 - Les interventions durables

Quelques remarques concrètes peuvent être faites:


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