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Chapitre 2: Les services d'information sur les marchés


2.1 La collecte des données
2.2 Transmission et traitement des données
2.3 Diffusion des prix
2.4 Utilisation des informations
2.5 Duplication d'activités
2.6 Interférences politiques ou autres
2.7 Le coût de l'information sur les marchés

Compte tenu des avantages que présente l'information sur les marchés, on aurait tendance à croire que la plupart des pays possèdent un SIM florissant. Mais si l'on en juge par les résultats de l'enquête menée par la FAO, ceci n'est exact. Même en adoptant des critères extrêmement peu exigeants pour établir ce que pourrait être un SIM acceptable[6], le résultat, sur 120 pays, a été de 53 SIM en état de fonctionnement. De plus, sur la base des commentaires recueillis, l'utilité de ces 53 services est assez contestable.

En fait, l'absence de SIM, ou leur fonctionnement inadéquat, ne semble pas être dû à un manque d'appréciation de leur importance, du moins parmi ceux qui s'occupent de commercialisation. La FAO reçoit constamment des demandes d'assistance pour créer ou améliorer des SIM. Le problème consiste à les faire fonctionner. L'un des plus gros problèmes semble être celui du manque de ressources, pas tant pour les créer, car il y a des bailleurs de fonds prêts à le faire, que pour les faire fonctionner ensuite, une fois que les bailleurs de fonds ont terminé leur tâche. Actuellement, les gouvernements étant soumis à de fortes pressions pour limiter les dépenses de l'Etat, il leur est souvent difficile de continuer à procurer leur appui politique à des services qui n'ont que de faibles avantages apparents.

2.1 La collecte des données

Les SIM fonctionnent ou meurent selon la qualité de leur information. Il est malheureusement fréquent que cet aspect soit négligé. Après un premier moment d'enthousiasme à l'idée de créer un nouveau SIM, ses responsables oublient trop souvent de former les agents qui doivent aller collecter les informations. Par ailleurs, l'inévitable roulement du personnel fait que, très rapidement, les collecteurs n'ont plus aucune formation. Les collecteurs souffrent souvent d'un manque de ressources en matière de transport, même pour se rendre sur les marchés et en revenir. Lorsque les bailleurs de fonds ont pensé à fournir un moyen de transport, comme par exemple une motocyclette, les budgets locaux sont trop pauvres pour fournir le carburant nécessaire ou se charger des frais d'entretien. Lors de l'enquête, les agents préposés à la collecte des prix à Sana'a, au Yémen, se payaient leurs propres frais de transport, dans l'espoir d'être un jour remboursés quand seraient arrivés des fonds. Le manque de ressources empêche les responsables de mettre en oeuvre des activités de formation et les gêne également dans la supervision des agents sur le terrain. Les salaires sont infimes. Ceci a pour résultat que les les prix sont reportés machinalement, les agents n'attachant qu'une attention marginale à leur travail. A tout cela s'ajoute le fait que le moment de pointe des échanges commerciaux se situe souvent tôt le matin, alors que les employés administratifs préfèrent travailler de 9 à 17 heures. Ils sont souvent tentés de deviner les prix du marché plutôt que d'aller les constater de visu.

Le choix du responsable de la collecte des informations représente un autre problème. L'idéal serait de nommer une personne ayant pour unique tâche de s'occuper des informations sur les marchés. C'est là l'une des forces du SIM indonésien, décrit à l'encadré 3. Toutefois, un personnel s'occupant à temps plein des informations des marchés coûte cher et beaucoup de pays préfèrent donc avoir recours à des agents ayant déjà d'autres responsabilités. Il a été remarqué que c'est là l'une des faiblesses du SIM béninois, ses responsables ayant la nette sensation de n'avoir pratiquement pas de possibilités de contrôle sur les agents préposés à la collecte des informations. En Mongolie, les prix sont relevés par les mêmes agents qui procèdent à l'encaissement des redevances que les commerçants doivent payer pour s'installer dans les marchés. Ces redevances étant calculées en pourcentage sur le chiffre d'affaires, il est évident que les commerçants ont tout intérêt à déclarer des prix particulièrement bas, ce qui fausse l'information.

Les agents préposés à la collecte des prix se heurtent, de leur côté, à une certaine méfiance naturelle des commerçants vis-à-vis des fonctionnaires de l'Administration (car ils sont nombreux à frauder le fisc). Ils ont également d'autres problèmes, comme celui de devoir identifier la variété du produit concerné et son poids alors que dans de nombreux pays les échanges commerciaux se font encore selon des unités de mesure qui diffèrent très largement les unes des autres ou se font même au «tas» , ce «tas» pouvant changer de taille d'une heure à l'autre. Or, pour calculer correctement un prix, cet aspect est essentiel. Et comment faire dans les pays où le marchandage est chose courante? Au Kenya, par exemple, l'enquête a montré que les agents préposés à la collecte des prix recueillaient le premier prix offert par le négociant et non celui établi à conclusion du marchandage (Holtzman et al, 1993). Cela est d'ailleurs assez compréhensible puisque les commerçants connaissent parfaitement le collecteur qui fréquente quotidiennement le marché, le prix final décliné par eux serait donc tout à fait sujet à caution. La plupart des marchés étant à la fois des marchés de gros et de détail, confondre les deux prix est usuel. De plus, les prix peuvent fluctuer de façon très importante durant la journée, soit parce que l'offre augmente ou diminue, soit parce que les commerçants désirent vendre le plus possible avant que leurs produits ne soient défraîchis. Les commerçants indonésiens critiquent souvent leur SIM parce qu'il ne leur offre qu'un prix par jour, alors que les prix dans les marchés de groupage présentent des fluctuations d'heure en heure.

Un expert international envoyé en Sierra Leone a eu l'idée de donner une somme d'argent aux épouses des fonctionnaires locaux pour qu'elles aillent faire leurs courses au marché local, en leur demandant de noter le prix qu'elles avaient payé, puis de passer par le bureau de leurs maris pour peser leurs achats avant de rentrer chez elles. Ceci a permis d'éliminer le danger de ne pas connaître le prix réellement payé et le vrai poids des achats puisque les épouses en question avaient tout intérêt à obtenir le plus bas prix et qu'elles avaient la possibilité de peser les produits achetés sur des balances bien tarées. Cela a également résolu le problème rencontré au Ghana où les commerçants se plaignaient d'avoir affaire à des badauds qui leur demandaient constamment des prix sans rien acheter. Toutefois, il est peu probable que cette technique puisse être efficace à long terme, car le coût d'achat quotidien devient trop cher.

2.2 Transmission et traitement des données

Tout retard dans la transmission, le traitement ou la diffusion des prix peut miner la crédibilité d'un SIM. Quand les informations sont périmées, elles n'ont plus aucune valeur pour les personnes concernées. A l'époque où la communication entre les grandes villes et les préposés sur le terrain se faisait essentiellement par l'intermédiaire de la radio étatique, la transmission des informations destinées au SIM présentait déjà de nombreux problèmes, à commencer par le fait d'avoir accès à la radio qui, le plus souvent, était utilisée en commun par tous les services de l'Administration. A l'heure actuelle les communications modernes s'effectuent par téléphone, télécopie, modem et même, de plus en plus, par E-mail, et transmettre à un ordinateur central les informations recueillies sur un marché déterminé ne devrait plus présenter autant de problèmes. Mais les problèmes subsistent, car, bien que de nombreux pays disposent de systèmes sophistiqués de communications, l'Administration ne peut pas, le plus souvent, se permettre les équipements de base (télécopieurs, par exemple). Dans les pays où la fourniture d'énergie électrique est aléatoire, ces équipements sont souvent inutilisables ou très rapidement hors-service. Les pays à qui les bailleurs de fonds ont fourni les équipements nécessaires ont souvent des problèmes à les remplacer lorsqu'ils cassent, avant ou même après le départ des bailleurs. Dans certains pays aux ressources limitées, il arrive que le SIM soit mieux équipé que le bureau de l'Autorité suprême de la ville ou du département, et il arrive donc qu'un fonctionnaire haut gradé réquisitionne l'équipement du SIM, ce qui interrompt naturellement le service. Par ailleurs, les budgets alloués aux communications sont également souvent limités, et on en arrive même à des difficultés de paiement des factures, notamment quand l'utilisation du téléphone n'est pas rigoureusement contrôlée.

Parfois, les informations recueillies sur les marchés sont encore traitées à la main, à l'aide de calculettes. Bien que cette pratique disparaisse petit à petit, l'utilisation d'un ordinateur n'est pas sans inconvénient, à commencer par le logiciel utilisé. Par le passé, quand des bailleurs de fonds ont créé les premiers SIM, ils ont fourni les informaticiens nécessaires, lesquels ont écrit leurs propres programmes. Une fois l'informaticien parti, plus personne n'est en mesure de gérer le logiciel et si un problème surgit, personne, dans le SIM, n'est capable de le résoudre. On constate actuellement un effort de standardisation, grâce essentiellement à la disponibilité de logiciels commerciaux valables (feuilles de calcul ou banques de données). Les projets financés par USAID tendent à utiliser le logiciel SPSS alors que la FAO a développé son propre logiciel FAO-Agrimarket, version du logiciel dBase IV. Actuellement, la FAO s'oriente vers l'utilisation de logiciels fonctionnant sous Windows.

De nombreux SIM utilisent des feuilles de calcul Lotus ou Excel pour mémoriser les prix relevés sur les marchés et publient des bulletins quotidiens ou hebdomadaires. Toutefois, bien qu'une feuille de calcul soit facile à installer et permette de mémoriser immédiatement les informations recueillies sur les marchés et de les diffuser sans besoin d'un personnel particulièrement bien formé, elle présente un certain nombre de problèmes. En Guyane, par exemple, la FAO avait, à l'origine, choisi un système Excel qui combinait des feuilles interconnectées à la possibilité de «coupe et colle» de Windows. Des macros avaient été développées pour faciliter ces opérations de découpage et de collage d'une feuille à l'autre. Mais ces macros furent rapidement abandonnées car elles avaient besoin d'un entretien que le personnel de saisie était incapable de fournir. Créer des macros pour travailler sur des feuilles de calcul n'est pas à conseiller car il faut que le personnel de saisie leur fournissent certaines informations étant donné qu'elles ne sont jamais totalement automatiques.

Il arrive souvent que les SIM se concentrent trop sur la question du traitement et de l'analyse des informations, déviant ainsi de leur but principal qui est de fournir rapidement des informations qui soient utiles aux agriculteurs et aux négociants. Cet inconvénient provient souvent du manque de mentalité commerciale des fonctionnaires de l'Administration, notamment chez ceux qui ont été habitués aux systèmes d'économie planifiée au niveau central car, pour eux, ces informations servent essentiellement à planifier ou à contrôler le secteur. La force du SIM indonésien, décrit à l'encadré 3, réside dans le fait que les informations collectées sont diffusées dans les heures qui suivent. S'il pêche au niveau de l'organisation subséquente des données, nul doute qu'il accomplit parfaitement sa fonction primordiale d'informer sur les prix le plus rapidement possible.

2.3 Diffusion des prix

L'enquête effectuée a montré que seuls 13 pays assurent une diffusion quotidienne des prix. On pourrait penser que la diffusion quotidienne des informations soit une condition préalable à la validité commerciale d'un SIM. Mais, par exemple, les agriculteurs vendant chaque jour sur le marché leurs produits horticoles n'ont aucun intérêt à connaître les prix pratiqués trois jours avant. Par contre, les produits de base étant beaucoup moins périssables, leurs prix changent moins rapidement, et une diffusion hebdomadaire peut alors suffire.

Les problèmes de diffusion des informations naissent de la nécessité d'assurer au groupe visé les informations dont il a besoin sous une forme qui puisse lui être compréhensible. Là aussi, le manque de ressources est souvent mis en cause. La plupart des pays visités par la mission FAO ont reconnu connaître des difficultés sur ce plan-là. De nombreux SIM ont indiqué qu'ils n'ont pas les moyens de financer la diffusion des prix par radio, alors que c'est le moyen le plus efficace d'atteindre les agriculteurs dans la plupart des pays. Les stations émettrices, dans leur grande majorité, ne considèrent pas la diffusion des cours et des prix comme étant un service d'actualités mais plutôt comme un service publicitaire payant. Ce problème est loin d'être réglé car, sous l'emprise des réformes d'ajustement structurel, les stations d'émission radio ont tendance à être privatisées et donc à couvrir la plupart de leurs coûts au moyen d'émissions payantes. Les SIM ont peu de possibilités de collecter de l'argent, bien qu'ils aient sérieusement recherché des sponsors.

Encadré 3: Le SIM Indonésien

Le SIM indonésien (Shepherd & Schalke, 1995) a été mis en place en 1978, grâce à l'assistance technique de l'Etat allemand. Le travail de préparation sur le terrain a été long et exhaustif et a permis d'identifier les besoins des utilisateurs potentiels. Les Allemands ont suivi avec énormément d'attention le processus de planification du SIM (Schubert et al, 1988). Le résultat de ce travail sur le terrain a été de décider de donner une place prépondérante aux prix au niveau de la ferme, ou à l'endroit où les négociants entrent en contact avec les agriculteurs, ou encore au niveau du marché de groupage local. La recherche a démontré que les prix à ce niveau-là étaient ceux dont les agriculteurs avaient le plus besoin. Il fut également décidé de se concentrer sur les légumes, du fait que les légumes étaient cultivés pour être vendus dans le commerce alors que les fruits étaient souvent cultivés comme produits secondaires, du moins par les petits agriculteurs.

Les agriculteurs indonésiens producteurs de légumes bénéficient de beaucoup d'avantages. Le sol est volcanique et les précipitations régulières, ce qui leur permet de faire trois récoltes par an et de disposer d'une période de 60 jours pour les friches. Ainsi, les fluctuations saisonnières des cours sont assez faibles. De ce fait, les agriculteurs ne recherchent dans les informations sur les marchés que des renseignements pouvant leur être utiles pour traiter avec les négociants et pas seulement à des fins de planification à long terme. Ils utilisent donc le SIM pour vérifier s'ils ont bien vendu la veille ou pour avoir une indication sur le prix qu'ils demanderont le lendemain.

Par contre, le SIM ne semble pas être très utilisé par les négociants. Ceux-ci ont en effet leurs propres réseaux d'information: les communications téléphoniques sont bonnes et les marchés qu'ils fréquentent sont en général à moins de cinq heures de route des zones de culture, ce qui fait qu'ils fréquentent personnellement, ou par l'intermédiaire de leurs employés, quotidiennement les marchés terminaux. Ainsi, même si le SIM national est efficace, les négociants sont encore plus à jour que lui.

Le SIM indonésien collecte les prix pratiqués du lundi au vendredi dans 19 zones de production et dans 20 marchés de gros, en couvrant ainsi 11 provinces des 27 que compte le pays. Les agents préposés à la collecte des prix passent par une période de formation annuelle. Bien qu'il travaille hors de l'horaire normal et qu'il reçoive un salaire moyen de 75 dollars par mois, le personnel de terrain semble bien motivé et entretient de bonnes relations avec les agriculteurs comme avec les négociants. Les prix sont collectés à différentes heures de la journée, selon l'endroit. Généralement, les prix sont collectés dans les zones de production le matin, et les cours des marchés de gros l'après-midi, à l'arrivage des produits des zones de production. Les prix moyens enregistrés sont alors envoyés aux bureaux régionaux où ils sont regroupés pour être ensuite diffusés sur le réseau radio local, en langue vernaculaire, à 19 heures 30 le même jour. Ils sont également envoyés au bureau central du SIM au Ministère de l'Agriculture à Jakarta. La transmission des informations se fait essentiellement par radio, quoique le téléphone et la télécopie soient également utilisés.

Le bureau de Jakarta sélectionne les prix provenant de tout le territoire et prépare un bulletin qu'il diffuse chaque soir à 20 heures 05 sur le réseau radio national, en utilisant le langage national commun. Il envoie également les prix nationaux aux sièges régionaux pour que ceux-ci les diffusent sur les radios locales. Les cours sont également publiés dans les journaux. Enfin, le bureau de Jakarta publie des bulletins trimestriels et un rapport annuel qui présentent les moyennes mensuelles de tous les prix collectés. Les agents préposés à la collecte des prix ont la responsabilité de mettre à jour quotidiennement les tableaux d'affichage public des prix régionaux et locaux. Les agriculteurs semblent toutefois mieux apprécier les émissions radio que l'affichage des prix.

Le SIM horticole indonésien s'est démontré très fonctionnel et semble être un service sourtout apprécié des agriculteurs. Il a reçu un tel succès que le Ministère de l'Agriculture l'a depuis lors copié pour mettre en place un SIM pour la viande et le poisson.

Le coût de fonctionnement actuel du SIM horticole est d'environ 850 000 dollars par an, ce qui correspond à environ 0,1% de la valeur de la production de légumes (Shepherd & Shalke, 1995).


De nombreux pays ont des difficultés à diffuser sur l'ensemble de leur territoire. En Afrique australe, par exemple, c'est le cas de la Zambie et du Lésotho. Pour beaucoup d'agriculteurs ou de petits négociants, la publication des cours dans les journaux ou sur des panneaux d'affichage ne peut avoir le même impact immédiat. Parmi les différents problèmes relevés, on trouve celui de diffuser les informations à une heure où les agriculteurs et les petits négociants soient en mesure de les écouter. Au Ghana, par exemple, les prix sont diffusés à 17 heures 45, c'est-à-dire à l'heure où la plupart des négociants se trouvent sur les marchés, alors qu'au Bénin, la diffusion se fait à l'heure où les agriculteurs se trouvent normalement dans leurs champs. Aux Caraïbes, le SIM dominicain, après avoir mené une enquête parmi ses utilisateurs, a conclu que la diffusion des prix se faisait à une mauvaise heure. Malheureusement, il ne pouvait y remédier car, à l'heure convenant aux agriculteurs, les émissions coûtaient trop cher. Il est également essentiel de prévoir des émissions dans les langues ou les dialectes locaux, pour éviter que seuls les agriculteurs les plus cultivés puissent en bénéficier. A titre d'exemple, en Guinée-Bissau les prix sont diffusés en portugais alors qu'en fait la grande majorité des agriculteurs parle créole. La diffusion en plusieurs langues allonge le temps d'émission et comporte bien entendu de plus grands frais.

Il est faux de penser que la possession d'un appareil radio soit universel. Ainsi, dans de nombreux pays, les concepteurs de SIM ont pensé à utiliser des panneaux d'affichage public, ce qui a connu des résultats variables. En Indonésie, les panneaux d'affichage installés dans les zones de production sont utilisés par les agriculteurs, alors que ceux installés dans les marchés urbains sont peu consultés. En Malaisie, ils ne sont pratiquement pas consultés non plus. Le Bureau Fédéral de Commercialisation Agricole (FAMA) attribue cet échec au fait que ces affichages ne fournissaient que des informations sur les prix. Il a donc ensuite affiché des informations concernant l'offre, la demande, les débouchés potentiels et les activités agricoles locales (Singh, 1991). Dans certains pays, ces affichages sont une preuve visible du manque d'efficacité du SIM. Ils manquent d'entretien et les prix affichés sont rarement actualisés. Ces affichages se trouvent le plus souvent au voisinage des locaux administratifs mais loin de tout marché. Même quand ils sont régulièrement actualisés, ils ne sont utiles qu'aux agriculteurs qui viennent sur place vendre leurs produits. Pour les négociants itinérants qui font la tournée des villages en vue d'acheter les récoltes, les affichages installés dans les centres provinciaux ou de départements ne peuvent leur servir. De plus, pour pouvoir utiliser ces affichages, il faut savoir lire, ce qui, dans de nombreux pays, n'est pas le cas de tous, loin s'en faut. Par conséquent, si les affichages sont peu coûteux et indiquent que tout est fait pour assurer une information sur les marchés, il faut toutefois veiller à ne les mettre en place que lorsqu'on est en mesure d'en assurer l'actualisation de façon régulière. En outre, il faut choisir des emplacements que les agriculteurs ont l'habitude de fréquenter, en s'assurant au préalable qu'ils sont en mesure de les comprendre.

Les unités de mesure utilisées peuvent également être matière à incompréhensions. Holtzman (Holtzman et al, 1993) raconte qu'un négociant kényan lui avait dit d'avoir rapidement perdu tout intérêt pour les prix publiés quand il s'est aperçu, à ses dépens, qu'un «sac» à Nairobi avait à peu près trois fois la taille du «sac» en usage dans sa ville d'origine. Il faut donc trouver des solutions pour standardiser les informations présentées. Il faut ainsi veiller à éviter de bouleverser le système de commercialisation courant en changeant ses habitudes pour établir un système qui soit plus pratique pour le SIM. Au Yémen, le projet FAO a institué une revue permanente des conditionnements standards utilisés dans le commerce: les prix sont indiqués au kilo, mais collectés selon leur conditionnement usuel (carton, boîte), ces conditionnements étant aussi surveillés pour éviter un éventuel changement de taille.

2.4 Utilisation des informations

Il faut que les informations puissent être utiles à ceux à qui elles sont destinées. Il faut donc veiller de très près à ce que le type d'information fourni sur les prix soit celui que l'utilisateur considère comme le plus utile. Les petits agriculteurs, par exemple, s'intéressent sans doute plus aux cours pratiqués dans leurs marchés de groupage locaux qu'à ceux pratiqués par les halles de gros des grandes villes. En Ouganda et au Bénin, les agriculteurs déplorent que les prix diffusés ne correspondent pas à leurs nécessités, parce qu'ils ne tiennent pas compte du coût de transport qu'ils ont à supporter jusqu'aux grandes villes. Dans les pays où les gouvernements fixent ou fixaient des prix officiels pour certaines denrées, les agriculteurs risquent de confondre le prix diffusé avec le prix officiel. Il faut donc que toute introduction de SIM soit accompagnée par des services de divulgation et par une campagne médiatique qui explique aux agriculteurs la signification des prix diffusés, et il faut régulièrement répéter cette campagne. Certains SIM aimeraient s'adresser également aux consommateurs, mais pour la plupart ils ne diffusent que des prix de gros, et non des prix de détail. Au Sénégal, par exemple, l'enquête a fait état de consommateurs qui avaient une attitude très critique vis-à-vis du SIM national.

Les informations sur les prix pourraient être plus utiles si elles s'accompagnaient d'une série d'autres informations, concernant, par exemple, les quantités disponibles sur les marchés ou dans les principales zones de production, les tendances de l'offre et de la demande, et les problèmes de transport (embouteillages, etc.). Au Sri Lanka, le SIM a débuté par la diffusion du nombre de camions qui arrivaient aux halles de gros. Il faut toutefois rappeler qu'il vaut mieux ne diffuser aucune information que des informations fausses ou déroutantes. Par exemple, sans le système hautement sophistiqué utilisé pour collecter les informations dans les marchés de gros de l'Afrique du Sud, il serait très difficile à un SIM privé de pouvoir diffuser des informations exactes sur les quantitatifs qui arrivent sur les marchés. En Indonésie, 12 produits différents transportés sur un même camion mèneraient la vie dure à un agent collecteur chargé d'enregistrer les quantitatifs de chaque produit arrivant au marché de gros de Jakarta. L'enquête menée par la FAO sur le SIM du Sénégal a noté l'absence d'une méthodologie appropriée pour relever les quantitatifs et préconise d'en développer une. Ceci présente toutefois un problème, car si la collecte des prix pratiquée par des employés administratifs provoque déjà une certaine suspicion chez les commerçants, la collecte des quantitatifs le ferait plus encore. Au Mexique, par exemple, le SIM relève les prix des fruits et des légumes dans 26 marchés de gros, mais les quantitatifs ne sont relevés que dans trois d'entre eux. La raison évoquée est que les grossistes refusent de coopérer parce qu'ils craignent que ces informations soient passées au fisc.

2.5 Duplication d'activités

Si de nombreux pays ressentent le manque d'un SIM efficace, de nombreux autres souffrent d'une duplication de services. Au Bénin, par exemple, il existe au moins quatre institutions qui collectent les cours au plan national et qui les diffusent ensuite par l'intermédiaire de différents bulletins. Cela peut créer une certaine confusion, notamment quand les différents cours publiés ne sont pas cohérents entre eux. Au Cambodge, début 1996, les prix des produits agricoles étaient relevés par le Ministère de l'Agriculture, par le Ministère du Commerce, par le Service statistique pour l'établissement de l'indice des prix de détails ainsi que par une radio locale (voir encadré 8). Seule la radio locale diffusait ces prix sous une forme qui pouvait être utile aux agriculteurs et aux négociants. Dans les pays dont les ressources sont limitées, et qui, donc, manquent de moyens suffisants pour faire fonctionner un SIM fiable et viable, commercialement utile, cette duplication devient totalement absurde. La première amélioration à apporter est de regrouper les activités existantes, au risque de se heurter aux différents Ministères peu disposés à céder un terrain qu'ils considèrent comme le leur. Cela est donc plus facile à dire qu'à faire.

2.6 Interférences politiques ou autres

Au fur et à mesure que se libéralisent les marchés agricoles, la fixation des prix par les gouvernements devient moins fréquente. Toutefois, dans les pays qui, autrefois, établissaient des prix «minimum» ou des prix «officiels» , on constate que les agriculteurs ont de la peine à comprendre la signification des cours diffusés par le SIM. La plupart pensent qu'il s'agit encore de prix imposés par le gouvernement. Certains SIM trouvent des difficultés à publier les cours les plus fréquents, notamment pour les produits de base, parce que ces cours sont au-dessus des prix fixés officiellement par le gouvernement et l'Administration s'oppose à la diffusion des prix véritables. Si, d'un côté, il est reconnu que le SIM peut aider les agriculteurs à améliorer leur pouvoir de marchandage, il peut, par ailleurs, porter à une réduction des marges de bénéfices des négociants. De leur côté, les gros négociants peuvent contester qu'ils ont investi pour obtenir les informations dont ils avaient besoin et que, désormais, par la création d'un SIM, leur position au sein de la concurrence sera diminuée par rapport aux négociants plus faibles. C'est d'ailleurs pourquoi certains négociants ont mis en oeuvre, par le passé, des tactiques qui portaient à une information très certainement erronée sur les cours. Mais des actions plus déterminées, ayant porté à la destruction des panneaux d'affichage public de certains marchés, ont eu lieu.

Encadré 4: Le SIM zambien

Comme dans la plupart des pays d'Afrique orientale ou australe, la commercialisation des produits agricoles a subi, ces derniers temps, une transformation radicale en Zambie. L'Etat a libéralisé le commerce du maïs et est sur le point de libéraliser le commerce des intrants. Le SIM (Ministère de l'Agriculture, Zambie, 1995), mis en place par le Ministère de l'Agriculture avec l'assistance de la FAO, a joué un rôle important pour faciliter ce processus, notamment vis-à-vis des petits producteurs de maïs.

Contrairement à la Tanzanie où se pratiquait déjà, avant la libéralisation du marché, un commerce parallèle de céréales florissant, en Zambie, la commercialisation du maïs a toujours été contrôlée par l'Etat, tout d'abord par l'intermédiaire du NAM-BOARD puis par le biais de coopératives. Si, en Tanzanie, le secteur privé a donc pu facilement relever les activités commerciales anciennement paraétatiques, en Zambie les négociants ont dû commencer à la base. La fourniture d'informations sur les marchés a donc été considérée comme un pas essentiellement encourageant en ce sens.

Le ZAMIS a commencé à fonctionner en mai 1993, et différents membres de son personnel avaient déjà travaillé pour un système d'information coopératif sur la gestion des stocks. Au début, la priorité a été donnée aux nécessités des négociants puis, peu à peu, comme cela avait, depuis toujours, été l'intention du ZAMIS, le service a été étendu aux besoins des agriculteurs, ce qui s'est fait fin 1995. Le SIM est coordonné par le Ministère de l'Agriculture à Lusaka. Localement, l'information sur les prix et sur l'offre est recueillie par des employés des services provinciaux et départementaux.

Le SIM collecte les prix de gros et de détail du maïs, de la farine de maïs, de différentes denrées alimentaires, des engrais et des semences. En particulier, les prix de gros du maïs servent de prix de référence au secteur privé et, de ce fait, jouent un rôle important pour le mouvement des produits agricoles entre les zones de production et les zones de consommation.

Lors de la mise en place du ZAMIS, les prix pratiqués et la demande enregistrée dans les marchés étaient diffusés de trois façons: diffusion hebdomadaire par radio; bulletins hebdomadaires, et panneaux d'affichage public. Les trois solutions ont connu des problèmes. Les impayés d'un autre service du Ministère firent que la station radio refusa de continuer à diffuser les informations. Une augmentation des tarifs postaux de 40% fit qu'il ne fut plus possible pour le Ministère de continuer sa distribution hebdomadaire des bulletins et les panneaux d'affichage furent dédaignés par les agriculteurs. La plupart de ces problèmes finirent par se résoudre et les informations furent de nouveau diffusées par radio et publiées deux fois par semaine dans un journal à tirage national. Le bulletin, quant à lui, put reprendre sa publication grâce à la sponsorisation d'une banque locale. Sa viabilité future dépendra beaucoup de sa capacité d'attirer l'intérêt des sponsors et surtout de la conserver.

Le ZAMIS s'est aperçu qu'une simple publication des cours et des prix ne suffisait pas. Il faut que les agriculteurs puissent interpréter les données et être à connaissance des débouchés potentiels. C'est pourquoi le Ministère essaye actuellement de lancer un nouveau bulletin provincial destiné à informer les agriculteurs sur les négociants qui achètent, et sur les endroits où ils achètent. Un petit projet FAO a pour but de former des divulgateurs et des agriculteurs sur la manière dont un marché libéralisé fonctionne. Ce projet cherche à mettre l'accent sur l'amélioration des stocks à la ferme, ce qui semble d'un intérêt croissant maintenant que les agriculteurs n'ont plus de débouchés immédiats après la moisson.

2.7 Le coût de l'information sur les marchés

La grande majorité des SIM des pays en développement ou émergents relèvent de l'Administration. Il est bien évident que les services publics sont limités dans leurs dépenses et que les utilisateurs privés désirant plus qu'une simple information de base doivent payer. En Colombie, par exemple, le nouveau SIM fournit un service quotidien sur dix cours. Cette information est transmise à Bogota par satellite, où un bulletin détaillé est préparé et sort à midi le jour même. Les négociants, ou toute autre personne concernée, peuvent se le procurer, en payant. Cette même information, sous forme résumée, est ensuite publiée dans différents journaux et diffusée à la radio. En Chine, l'information sur les marchés est distribuée sur une ligne de téléphone spécialisée ou par modem. Les intéressés qui appellent payent un supplément sur le prix de la communication, et l'organisme responsable du SIM perçoit une somme de la société des télécommunications.

Tous ceux qui sont prêts à payer pour obtenir des informations sur les marchés sont, d'une manière générale, intéressés à recevoir des informations en sus de ce que fournit le service public. Ils veulent également pouvoir disposer de l'information plus rapidement. Un service commercial présuppose donc des télécommunications économiques et efficaces. A longue échéance, le potentiel qu'offrent les systèmes avancés de communications, comme par exemple Internet, est énorme.

Il est peut probable qu'un SIM ayant commencé par offrir des services gratuits puisse jamais passer à un type de gestion commerciale. Le SIM de Papouasie-Nouvelle-Guinée, mis en place dans le cadre d'un projet financé par la Nouvelle-Zélande, avait l'intention de se transformer en service commercial. Comme il a pu le constater très rapidement, la plupart de ses utilisateurs - petits négociants ou agriculteurs plus ou moins engagés dans la production des produits agricoles de base - n'auraientt jamais pu payer. Et même s'ils avaient pu payer, le problème restait de savoir comment les facturer puisqu'il est incontestable de le système le plus rapide pour diffuser l'information aux petits utilisateurs est certainement la radio.

En Zambie, le bulletin sur les cours a connu un accueil favorable chez les négociants. Toutefois, quand il s'est agi de leur demander de payer un abonnement, pratiquement personne ne l'a fait, certainement parce que cette information était en partie reportée dans un quotidien de diffusion nationale. On a donc envisagé, pour l'avenir, la possibilité d'inclure l'abonnement dans le prix de la redevance annuelle que doivent payer les négociants.

Encadré 5: Le SIM privé d'Afrique du Sud

Agritel est un service d'information géré par des privés qui fournit des informations sur les marchés de gros et sur onze grands abattoirs d'Afrique du Sud. Les cours sont saisis informatiquement et toutes les transactions (en prix et en volume) sont enregistrées. Agritel reçoit quotidiennement les informations qu'il traite ensuite pour les présenter sous le format le plus approprié pour les utilisateurs. Il en résulte un service global qui couvre aussi bien les prix que les volumes échangés de tous les produits, leurs variétés, leurs catégories, leurs tailles et leur conditionnement.

Agritel a environ 400 utilisateurs qui paient des abonnements mensuels allant de 28 à 38 dollars, selon le nombre de services et de cours requis. Parmi ses utilisateurs, on trouve des producteurs, des conditionneurs, des intermédiaires, des bouchers, des grossistes, des commissionnaires et des responsables de marchés. En plus d'un abonnement payant, les utilisateurs doivent pouvoir accéder au réseau Beltel, qui est le réseau télématique national. Cet accès peut se faire à partir d'un terminal loué à Beltel, ou par l'intermédiaire d'un PC et d'un modem. L'appel sur le réseau Beltel est gratuit.

Le service offert par Agritel se fonde sur un menu et il est facile à utiliser. Il fournit les informations suivantes sur les cours du jour actuel et de la veille, pour chaque place de marché:

  • le plus haut prix et le volume vendu au plus haut prix;
  • le prix moyen pondéré du jour;
  • le plus bas prix et le volume vendu au plus bas prix;
  • le volume vendu entre le prix moyen et le plus haut prix du jour, ainsi que le prix moyen pondéré de ces transactions;
  • le volume vendu entre le prix moyen et les plus bas prix du jour;
  • le volume offert en début de journée;
  • la quantité totale vendue dans la journée;
  • le volume non vendu et reporté sur le lendemain.

En plus des informations sur les ventes du jour, les utilisateurs peuvent consulter les informations historiques en utilisant un progiciel graphique fourni gratuitement par Agritel à ses principaux clients. Ces informations historiques permettent de dégager des tendances depuis le début de la disponibilité du service. Agritel permet d'utiliser les informations sur les marchés dans tout leur potentiel. Malheureusement, il n'est rentable que parce qu'il est facilement accessible et se fonde sur des données entièrement informatisées. Il est peu probable qu'Agritel soit commercialement rentable si la société qui le gère devait collecter elle-même les informations, au lieu de simplement recueillir les informations que lui fournissent des sources fiables.


[6] Un minimum de rassemblement des cours et prix pratiqués une fois par semaine, diffusion hebdomadaire de ces prix aux maraîchers et diffusion bimensuelle en en ce qui concerne les produits de base.

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