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DEUXIÈME PARTIE
DOCUMENTS PRÉSENTÉS LORS DE L'ATELIER

I. RÉGULATION DE L'ACCÈS ET GESTION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE DANS LA ZONE DU COPACE - EN RÉFÉRENCE À LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN D'ACTION INTERNATIONAL POUR LA GESTION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNNENE

par Dominique Gréboval

RÉSUMÉ

Ce document examine la problématique de la gestion de la capacité de pêche et de l'accès aux pêcheries en référence à la zone COPACE. Il rappelle les principaux éléments du Plan d'action international pour la gestion de la capacité de pêche et présente, en outre, les conclusions et recommandations de l'atelier régional de réflexion organisé par la FAO en 2001 sur ce sujet. Le Comité est invité à donner des indications sur les progrès réalisés, les contraintes rencontrées et l'orientation des travaux et politiques publiques à mettre en œuvre pour accélérer la mise en application du Plan d'action international pour la gestion des capacités dans la zone COPACE, y compris par le biais d'une régulation de l'accès à la pêche artisanale.

1. INTRODUCTION

Partie intégrante de l'aménagement des pêches, la gestion de la capacité se comprend comme l'élaboration et la mise en œuvre de politiques et mesures visant à équilibrer intrants de pêche et production en référence à un objectif d'exploitation donné. La régulation de l'accès est une condition sine qua non de la gestion des capacités. Reconnue comme une question importante par le Comité des pêches de la FAO (COFI) depuis 1997, la gestion de la capacité de pêche a pour objectif d'éviter la surcapacité et la surexploitation des stocks. Pour faire face à ce phénomène, un Plan d'action international pour la gestion des capacités de pêche (PAI) a été adopté par COFI en 1999.

La surcapacité affecte en effet de nombreuses pêcheries nationales à travers le monde ainsi que la pêche en haute mer. Elle se manifeste principalement à travers le surdimensionnement des moyens de capture, et la surexploitation des stocks, dont les stocks à haute valeur commerciale en particulier. La globalisation de ce phénomène est illustrée par l'écart croissant qui existe depuis la fin des années 1980 entre la croissance de la flotte mondiale et la relative stagnation du volume des captures des principales espèces commerciales.

Selon la FAO, la taille nominale de la flotte mondiale a atteint son point maximum au milieu des années 1990. Néanmoins, la capacité de pêche actuelle a probablement continué à s'accroître si l'on prend en compte l'amélioration de l'efficacité des navires et si l'on note qu'un nombre croissant de pêcheries semblent être affectées par ce phénomène. En bref, même si la capacité de pêche est mieux maîtrisée dans certains pays, la situation générale demeure préoccupante, y compris dans la zone COPACE.

Pour appuyer la mise en œuvre du PAI dans la zone COPACE, un Atelier de réflexion sur la gestion des capacités de pêche en Afrique de l'Ouest a été organisé par la FAO à Saly, Sénégal, du 25 au 28 septembre 2001, en collaboration étroite avec la Commission sous-régionale des pêches (CSRP) de l'Afrique de l'Ouest. Les recommandations élaborées et adoptées dans ce contexte par les experts présents à l'atelier sont incluses en annexe. Un atelier complémentaire portant sur la régulation de l'accès a été organisé similairement en octobre 2003. La FAO a également appuyé un certain nombre d'initiatives nationales, comme au Sénégal ou en Mauritanie par exemple.

La FAO organisera du 26 au 28 juin 2004 une Consultation technique visant à examiner les progrès réalisés par ces membres dans la mise en œuvre du Plan d'action international pour la gestion de la capacité de pêche. De manière générale, il semble que les pays côtiers du COPACE soient, pour la plupart, engagés dans un processus de réflexion et d'études qui débouche progressivement sur des mesures concrètes. L'inflexion de la politique des pêches du Sénégal où du Maroc en est un bon exemple. Toutefois, nombre de pays font face à des contraintes importantes pour maîtriser progressivement l'accès à leurs pêcheries et quand nécessaire, pour réduire les capacités excédentaires. Les principales difficultés, conceptuelles et pratiques, rencontrées pourélaborer et mettre en œuvre les politiques publiques nécessaires sont discutées dans ce document.

2. RÉFÉRENCE INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE CAPACIT É

Au niveau international, deux principaux instruments juridiques font référence en matière de gestion de la capacité: le Code de conduite pour une pêche responsable (CCPR) et le Plan d'action international pour la gestion de la capacité de pêche. Le Plan d'action international pour la gestion de la capacité de pêche précise et complète un certain nombre de dispositions du CCPR adopté en 1995. Le CCPR identifie la surcapacité comme étant un problème clé (Articles 6 et 7). Le CCPR cherche à prévenir à la fois la surpêche, qui découlerait d'un effort de pêche trop important, et la surcapacité liée à la mobilisation d'intrants de pêche excessifs qui pourraient être, ou ne pas être, utilisés dans toute leur potentialité. Le Code met également l'accent tant sur l'élimination de l'excédent de capacité de pêche, que sur la prévention de son augmentation excessive. Enfin, le Code fait référence à des niveaux de stocks cibles, base nécessaire pour définir un niveau de capacité cible.

Le PAI est un instrument volontaire, basé sur les principes majeurs du Code. L'objectif immédiat du PAI est d'amener «les Etats et les organisations régionales de pêche, dans le cadre de leurs compétences respectives, et conformément avec la loi internationale, à mettre en place dans le monde entier, de préférence avant 2003, mais pas plus tard qu'en 2005, une gestion efficace, équitable et transparente de la capacité de pêche». A cette fin, l'application du PAI est envisagée en trois phases: i) évaluation et diagnostic; ii) adoption de mesures préliminaires de gestion; et iii) études et d'ajustements périodiques. Le PAI stipule également que là où il a un problème de surcapacité, les Etats et les organisations régionales devraient essayer de limiter au niveau actuel ou de réduire progressivement la capacité de pêche des pêcheries affectées par ce phénomène. D'une manière générale, le PAI demande aux États et aux organisations de veiller à éviter l'accroissement de la capacité qui menace la durabilité des pêcheries. Le PAI recommande également d'utiliser une approche globale, qui permette d'intégrer tous les facteurs susceptibles d'affecter la capacité, tout en tenant compte de la mobilité des flottilles et de l'évolution des technologies.

Le PAI ne fait pas mention d'objectifs d'aménagement, étant donné que ceux-ci restent la prérogative des États et des organisations régionales. La définition d'objectifs d'aménagement peut être établie en référence à la durabilité des ressources, à l'efficacité économique et au principe de précaution. Un point de référence minimum est d'établir un équilibre à long terme entre les intrants de pêche et le rendement maximum soutenable (RMS) - ou un objectif de capture propre à assurer l'utilisation durable des ressources. Dans ce contexte, le PAI préconise implicitement une efficacité économique accrue en évitant le surdimensionnement des flottes (au-delà du niveau du niveau minimal requis pour capturer les quantités correspondant au point de référence). Tandis que des mesures d'aménagement requises pour gérer la capacité de pêche ne sont pas vraiment spécifiées dans le PAI, un équilibre entre les intrants et la production requiert clairement un contrôle direct ou indirect de la taille de la flotte et de la capacité de production.

3. AMÉNAGEMENT ET CAPACITÉ DE PÊCHE

La gestion de la capacité de pêche doit être perçue comme faisant partie intégrante de l'aménagement des pêcheries. Par pêcherie, on entend un ensemble connexe de stocks de poissons et d'unités de pêche pouvant être géré dans une grande mesure comme une entité à part - en tenant compte, en plus, des aspects pertinents de l'après capture. Bien évidemment, plus il y a d'interactions (effectives ou potentielles) entre les stocks d'une part et entre les stocks et les unités de pêche d'autre part, plus il est difficile d'isoler et donc d'identifier les unités de gestion.

D'une façon générale, et quelque peu caricaturale, l'aménagement des pêches comprend quatre types de mesures:

-   Les mesures visant à protéger et améliorer la productivité des stocks, par exemple en établissant des zones protégées pour les nurseries ou des restrictions sur les maillages.

-   Les mesures visant à gérer l'allocation de l'effort de pêche, par exemple en limitant l'effort de pêche appliqué à un stock, lorsque l'effort peut être ciblé sur plusieurs stocks.

-   Les mesures visant à gérer la configuration des flottilles, à savoir la taille des navires et des engins. Ces mesures comprennent: les zones réservées à certaines unités de pêche (par exemple, à la petite pêche); les restrictions imposées sur la taille des navires et sur le nombre et la taille des engins.

-   Les mesures visant à gérer la capacité de pêche. Celles-ci impliquent le contrôle de l'accès et la gestion directe ou indirecte de la taille des flottes.

Les quatre types de mesure ci-dessus décrits sont généralement requis pour un bon aménagement des pêches. Chacun a un objectif spécifique, ce qui signifie, entre autres, que l'introduction de nouvelles mesures visant à gérer la capacité de pêche devra entraîner l'examen des autres mesures d'aménagement des pêches déjà en place.

Il est important de noter que les quatre types de mesures impliquent une définition et une délimitation des pêcheries qui peuvent être spécifiques. Par exemple, des mesures visant à préserver et renforcer la productivité des stocks peuvent impliquer une délimitation des pêcheries largement fondée sur un stock, ou des stocks montrant des caractéristiques communes ou faisant partie d'un écosystème donné. Des mesures visant à contrôler l'allocation de l'effort peuvent impliquer une délimitation confinée à des stocks spécifiques et aux flottilles les exploitant. Des mesures relatives à la protection d'un certain mode de production reposent sur une définition essentiellement basée sur les caractéristiques de la flotte.

La gestion de la capacité de pêche implique une définition des pêcheries qui tiennent pleinement compte des principales interactions entre les stocks et les flottes. Elle ne concerne pas seulement les interactions existantes mais vise certainement aussi, du moins initialement, à contrôler certaines de ces interactions et en conséquence à redéfinir les pêcheries en tant qu'unités de gestion de la capacité. C'est une démarche déjà suivie dans un certain nombre de pays du COPACE, tels la Mauritanie ou la Guinée.

Dans la pratique, la gestion de la capacité de pêche implique surtout un contrôle efficace de l'accès aux pêcheries - que ce contrôle soit direct (comme l'octroi restrictif de licence) où indirect (comme les quotas individuels transférables). La gestion de la capacité est donc étroitement liée à la question de l'accès - une question assez sensible, et qui le devient plus encore dans les pays qui ont mis trop de temps à prendre des décisions en la matière.

En effet, lorsque les pêcheries d'un pays ou d'une zone donnée commencent à se développer, la surcapacité n'est, en principe, pas encore un problème. S'il y a surexploitation localisée, l'effort excessif peut être reporté sur d'autres pêcheries en introduisant des mesures appropriées. Tant qu'il est possible de procéder à des redéploiements à moindre coût, la surcapacité n'existe pas véritablement et il est encore relativement facile d'introduire un système progressif de contrôle de l'accès à la pêche.

Lorsque les pêcheries sont relativement développées, il devient de plus en plus difficile de procéder à une réallocation de l'effort et la capacité de pêche devient progressivement trop grande par rapport à l'éventail d'opportunités existantes. Ceci arrive souvent en cascade et la capacité excédentaire commence à s'étendre à tout le secteur. Si des mesures n'ont pas été prises, on se trouve confronté à un véritable défi: introduire des mesures visant à contrôler la capacité, en présence d'une surexploitation de nombreux stocks et d'un surinvestissement quasi-généralisé - et alors même que les problèmes financiers qui en découlent affectent l'industrie de la pêche. Nombre de pêcheries artisanales du COPACE sont confrontées à cette situation, comme au Sénégal, au Nigeria ou au Ghana par exemple. Il en est de même pour nombre de pêcheries démersales de la zone nord du COPACE.

Un des problèmes clés en aménagement est que, face à la difficulté d'introduire un contrôle efficace de l'accès et de la capacité de pêche, les autorités en charge de l'aménagement des pêches ont trop souvent tendance à confondre les objectifs des quatre types de mesures présentés ci-dessus. Un exemple classique est celui de l'utilisation extensive des quotas de capture (TAC). Dans l'hémisphère nord, les TAC ont été fixés initialement pour contrôler l'allocation de l'effort de pêche disponible par stock mais aussi progressivement pour réduire le niveau général d'utilisation afin de faire face à la surcapacité. Lorsque la plupart des pêcheries est ainsi gérée, il s'ensuit une sous utilisation d'une grande partie des flottes - ce qui signifie surcapacité et coûts additionnels. Cela peut aussi aboutir à une capacité excédentaire dans les installations à terre.

D'autres mesures ont également été utilisées «inefficacement» pour réduire l'impact de la surcapacité, comme: les restrictions sur la puissance des navires, sur les engins ou jours en mer autorisés, sur la prolongation des périodes de fermetures saisonnières introduites initialement pour des raisons biologiques. Les conséquences de l'application excessive de ces mesures sont nombreuses: gaspillage économique; accroissement des réglementations et un faible degré d'application; difficulté accrue de traiter de la question de fonds, à savoir, la maîtrise de l'accès et de la capacité.

4. RÉGULATION DEL'ACCÈS ET GESTION DE LA CAPACITÉ

La gestion de la capacité sous-entend régulation de l'accès et contrôle direct ou indirect de la taille des flottilles - ceci en tenant compte d'un souci de maintenir un niveau d'utilisation adéquate des unités de pêche. Les principaux instruments disponibles pour la mise en oeuvre d'une politique destinée à gérer l'accès et la capacité sont discutés ci-après en référence à leur application dans la zone COPACE et en Afrique subsahariennene. Les contraintes et difficultés y afférentes sont également soulignées.
Accès et gestion de la capacité.

L'octroi restrictif de licences de pêches est le système qui demeure le plus utilisé pour la gestion directe de la capacité dans les pêcheries africaines. Il s'applique à presque toutes les flottes industrielles nationales et internationales opérant dans la zone.

L'octroi restrictif de licence de pêche est un outil complexe dont l'efficacité requiert bon nombre de conditions: définition de pêcheries; suivi adéquat des niveaux d'exploitation; conditions d'allocation et de réallocation par pêcheries; conditions d'octroi, de renouvellement et de retrait. De manière générale, on note que la plupart des pays affinent progressivement leur système, mais que des progrès importants reste à réaliser, par exemple en matière: d'évaluation des pêcheries; de contrôle des conditions d'octroi (nationalité, caractéristiques réelles des navires, etc.); de suivi de l'efficacité croissante des unités (impact du progrès technique et de la modernisation des flottes) et de prise en compte des interactions entre pêcheries.

Ces aspects font l'objet d'une meilleure prise en compte dans certains pays, comme à Madagascar, par exemple, en ce qui concerne l'évaluation et la gestion participative des licences de pêche crevettière; en Mauritanie et en Guinée pour ce qui est de la définition des pêcheries et la prise en compte des interactions; et au Sénégal où un audit du pavillon et des caractéristiques de la flotte nationale est prévu.

La gestion des pêcheries industrielles par licence se heurte également à la difficulté de gérer l'accès des flottes étrangères. Outre le piratage et la pêche illicite, un problème de gouvernance continue à se poser dans certain pays de la région, sous la forme d'une gestion laxiste de l'octroi de licence et/ou de l'exercice des licences octroyées à la pêche étrangère. Dans les pays où ces problèmes ont été surmontés, il demeure que la gestion de la capacité industrielle présume un contrôle conjoint et harmonisé des flottes nationales et internationales. Pour cela, certains pays Africain tentent de négocier des condition d'accès plus robustes et mieux adaptées aux exigences de durabilité, tels l'adoption de stratégies à plus long terme, l'adoption de plans d'aménagement par pêcheries, ou le recours à des outils de suivi, contrôle et surveillance (SCS) améliorés.

Concernant la pêche artisanale, celle-ci demeure largement en accès libre et gratuit, même si des licences ou autorisations administratives sont parfois octroyées. Le contrôle de l'accès aux pêcheries artisanales constitue un défi à plusieurs titres: grand nombre de participants, multi-spécificité, mobilité, pauvreté, etc. D'où la difficulté d'introduire des moyens de contrôle de la participation à la pêche en général et à des pêcheries spécifiques.

Deux évolutions importantes sont à noter en Afrique subsaharienne. Une tendance, généralement promue par les autorités, à l'organisation des communautés pour la gestion des pêches, comme par exemple en Afrique du Sud, au Ghana, et au Sénégal; et une tendance des communautés elles-mêmes à réagir plus systématiquement en commun à des problèmes spécifiques de gestion, par exemple pour se protéger des incursions des chalutiers où pour réduire leur captures en cas de surproduction épisodique. Ces tendances se renforcent et devraient progressivement déboucher sur des formes de co-gestion impliquant des accords de concession (octroi de droits d'usage assorti à des obligations, sous forme de cahier des charges).

Un atelier de réflexion sur la régulation de l'accès et le développement des pêcheries en Afrique de l'Ouest, a été organisé par la FAO à Saly, Sénégal, du 7 au 10 octobre 2003, en collaboration étroite avec la Commission sous-régionale des pêches (CSRP). L'atelier a conclu à la nécessité d'orchestrer de façon systématique une politique de rupture avec le paradigme du libre accès. Il a été proposé en outre que les pays adopte un plan du rupture reposant sur: -

-   Une déclaration de politique à un haut niveau de responsabilité qui permettrait: de notifier les parties prenantes de la rupture; de libérer l'action publique; et de fixer les responsabilités en précisant qui va faire quoi, à quelle fin et selon quel échéancier.

-   Une mobilisation des acteurs dans une démarche consensuelle d'envergure qui permettrait la concertation et l'adhésion des acteurs sur les évaluations et diagnostics; les objectifs et les rôles respectifs; ainsi que sur les principes de régulation de l'accès.

-   La négociation et l'adoption d'un plan de transition reposant sur l'application de mesures immédiates (comme par exemple le gel des licences industrielles, l'immatriculation des embarcations artisanales, une meilleure protection des zones de pêches réservées à la pêche artisanale et la promotion des organisations communautaires).

-   La recherche de mécanismes de régulation de l'accès en partenariat (concertation et négociation pour: le choix des critères et conditions de définition des droits, les formes de droits applicables; et les cahiers des charges devant accompagner ces droits).

-   L'application de ces mécanismes, même à titre expérimental, dans le cadre de pêcheries données (élaboration de plan d'aménagement reposant sur un contrôle de l'accès).

D'un point de vue stratégique on peut considérer la maîtrise globale de l'accès à la pêche - y compris pour la pêche artisanale - comme une condition sine qua non à l'aménagement. En effet, les interactions entre types de pêche (artisanal, industriel national, industriel étranger) sont importantes et la gestion systématique de l'accès est nécessaire - non seulement pour gérer la capacité, mais aussi comme base d'une éventuelle redistribution entre types d'exploitation. Les pêcheries céphalopodières du Maroc et de la Mauritanie montre par exemple que l'efficacité des politiques de gestion des flottes industrielles a été très affectée par l'essor des flottes artisanales, initialement non réglementé ou mal maîtrisé. Il en est de même dans de nombreuses pêcheries crevettières, comme à Madagascar ou en Tanzanie - le libre accès au segment artisanal de la pêcherie anéantissant progressivement les efforts de gestion entrepris par ailleurs.

La mise en œuvre d'une telle stratégie de rupture requiert un important travail de recherche appliquée, d'analyse et d'information. Ce travail peut concerner, par exemple: la réalisation d'un bilan social, économique et technique des flux humains, physique et financiers et des dynamiques correspondantes (investissements, renouvellement des équipements, financement et incitations, migrations, commercialisation, etc.); l'analyse du rôle actuel et potentiel des institutions, y compris les institutions décentralisées et les organisations professionnelles et communautaires; l'étude des comportements collectifs et communautaires pour la gestion des ressources; ou la formulation d'une politique de sensibilisation de la société civile et de concertation avec les acteurs les plus directement concernés.

Enfin, la gestion de la capacité requiert de s'intéresser à la rente (bénéfices économiques pouvant être réalisés au-delà des coûts de production). Dans une pêcherie en libre accès, la tendance est à la dissipation progressive de la rente, suite à l'augmentation de la capacité. Quand cette pêcherie devient plus fortement exploitée, toute subvention à l'investissement et à l'opération des navires devient contreproductive, et la taxation peut a contrario réduire l'incitation au surdéveloppement. Dans la zone COPACE, comme dans le reste de l'Afrique, on note une tendance à une meilleure maîtrise des incitations financières pratiquées dans le secteur: réduction des subventions et détaxes; augmentation des taxes «d'accès aux ressources» sous forme de redevances pour la pêche industrielle. Il demeure néanmoins difficile pour les Etats de taxer l'accès à la pêche artisanale, même quand cet accès est régulé et que la taxe d'accès reste symbolique, comme en Mauritanie par exemple.

Dans certains pays, comme Madagascar par exemple, le principe d'une régulation stricte de la capacité de pêche industrielle est aujourd'hui négocié entre armateurs et autorités publiques. Dans ce contexte, les parties s'accordent également sur le principe d'une répartition entre l'industrie et le trésor public de la rente qui peut ainsi être créé. L'état peut également utiliser une partie de la rente perçue pour financer des mesures complémentaires, comme la recherche, l'aide à la modernisation, ou si nécessaire la réduction de la capacité.

Réduction de la capacité et transition

Les autorités chargées des pêches ont à leur disposition un certain nombre d'options pour réduire la capacité dans une pêcherie sous licence. Une première possibilité consiste à utiliser l'érosion naturelle du nombre de licences. Après un gel de l'entrée dans une pêcherie et si les licences ne sont pas transférables, les autorités peuvent laisser le nombre de licences se réduire de lui même, conséquence soit d'un non renouvellement par les pêcheurs, soit de l'introduction de règlements destinés à éliminer les licences inactives. Cette approche est utilisée dans de nombreux pays du COPACE pour limiter l'essor des flottes chalutières nationales. Le problème évident qui se pose est qu'elle met du temps à montrer son efficacité. Il est également peu probable qu'elle puisse conduire à l'amélioration des performances économiques.

Une autre possibilité pour les gouvernements est de racheter les licences et éventuellement les navires. L'expérience montre qu'il est très difficile de concevoir des programmes de rachat qui aient un impact mesurable sur la capacité à un coût qui ne soit pas prohibitif. Une question connexe est celle du retrait des navires. Faute de pouvoir éliminer tous les navires considérés d'un point de vue national comme redondants, les programmes de rachat risquent d'entraîner des transferts de capacité vers la haute mer ou vers les ZEE d'autres pays. Le transfert de la capacité excédentaire vers les ZEE d'autres pays peut être entrepris par le biais de la vente de navires ou de leur redéploiement dans le cadre d'accords internationaux. En référence à ces transferts, le PAI demande aux Etats de s'assurer qu'aucun transfert de capacité à la juridiction d'un autre Etat ne soit effectué sans le consentement exprès et l'autorisation officielle de cet Etat (Article 37).

Les transferts de capacité vers les pays en développement peuvent avoir des impacts négatifs importants: prix des intrants dénaturés; conflits exacerbés avec la pêche artisanale; et renforcement de la capacité excédentaire dans beaucoup de pêcheries. Même quand ces transferts interviennent dans le cadre d'accords de pêche internationaux négociés entre Etats souverains, les impératifs économiques peuvent conduire les pays en développement à préférer un bénéfice immédiat à la durabilité de la ressource. C'est le cas en particulier des pays en crise, comme la Guinée-Bissau actuellement. En général, cette situation ne facilite ni la conception, ni la mise en œuvre des politiques d'aménagement des pêches dans la zone COPACE.

La gestion de la capacité par licence et quotas de capture interposés commence également à se développer en Afrique - comme en Namibie, en Afrique du Sud, où au Mozambique pour la pêche crevettière. Ces approches tentent à la fois de contenir la taille de la flotte et sa puissance de pêche, et de limiter les prises d'espèces cibles. Dans la zone COPACE une approche équivalente tend aussi à ce développer sous forme de «repos biologiques», comme pratiqué au Maroc où en Mauritanie pour les céphalopodes. Dans la plupart des exemples précités, une surcapacité de pêche existe cependant. Comme indiqué au paragraphe 18, cette approche tend à limiter l'impact de cette surcapacité sur la ressource au détriment de l'efficacité économique. Pour être efficace, l'approche doit donc dépasser le simple gel de la capacité et s'inscrire dans le cadre d'une politique de réduction progressive des capacités.

Les problèmes de mise en œuvre d'une gestion par licence et quota amène certains pays à étudier, pour certaines pêcheries spécifiques, la possibilité d'introduire un système de quotas individuels transférable (QIT). Ces systèmes de gestion possèdent une caractéristique unique: celle d'inciter les bénéficiaires à n'utiliser que les intrants nécessaires à la capture de leur quota et, qui plus est, de façon économiquement efficace. L'introduction d'un système de gestion QIT est actuellement à l'étude en Afrique australe, pour les pêcheries céphalopodières du Maroc et de la Mauritanie, mais aussi pour la pêcherie crevettière malgache.

Dans les pêcheries strictement artisanales, il y a en Afrique que très peu d'exemples de réduction des capacités de pêche. Une exception notable concerne l'Ile Maurice, où le Gouvernement subventionne la réduction de la capacité et de l'effort. Toutefois, quand les pêcheurs sont confrontés à des problèmes de surexploitation et de surcapacité, ils ont généralement tendance à s'organiser et à élaborer euxmêmes des principes de contrôle visant à réduire la capture où l'effort de pêche -à défaut de pouvoir contrôler l'accès et la capacité. Il en est ainsi au Sénégal, au Nigeria et au Ghana, par exemple - les pêcheurs s'organisant pour limiter le temps de pêche, les engins emportés, ou les captures journalières. L'impact de ces mesures est mitigé, comme indiqué au paragraphe 19.

La pêche en haute mer

La gestion de la capacité en haute mer est complexe. Outre la prévalence de l'accès libre, on note aussi l'intensification de l'effort appliqué par les États côtiers dans les zones de haute mer adjacentes à leur ZEE, et une tendance au transfert des capacités de pêche excédentaires vers la haute mer.

En vertu du cadre juridique relatif à la haute mer, tel que reflété dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, la gestion de la capacité en haute mer est à peu de choses près englobée dans un système de quota de capture; les organisations régionales des pêches administrant les quotas étant encore souvent dans l'incapacité de réglementer l'accès aux navires des Etats membres et de refuser l'accès aux Etats non membres. Cependant, cette situation évolue rapidement et nombre d'organisations régionales, comme la Commission internationale pour la conservation des thonidés del'Atlantique (CICTA) par exemple, s'organisent pour mieux maîtriser l'accès à la pêche.

L'Accord des Nations Unis de 1995 relatif à la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs ne se réfère pas de manière spécifique à la gestion de la capacité. Cependant, l'Accord a renforcé les obligations des Etats du pavillon d'adhérer aux mesures de conservation et de gestion adoptées par les organisations régionales s'occupant des pêches. Il permet également à ces organisations de mieux surveiller la capacité et le déploiement des flottilles et d'ajuster les points de référence cibles afin de prendre en compte les considérations liées à la capacité de pêche. De son côté, l'Accord FAO visant à favoriser le respect des mesures de conservation et de gestion prévoit un système de collecte d'information au niveau international ainsi qu'un système garantissant le respect et l'application des autorisations octroyées. Le PAI rappelle que pour une gestion améliorée de la pêche hauturière, il est urgent dans un premier temps de ratifier les Accords susmentionnés.

Certaines des questions se référant au problème des Etats qui n'assument pas leurs responsabilités en vertu du droit international, ainsi qu'au problème du suivi des flottes en général ont été examinées dans le cadre du Plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, adopté par le Comité des pêches de la FAO en 2001.

Facteur de non durabilité

Pour élaborer leur plan national, le PAI recommande aux Etats d'évaluer, de réduire et de progressivement éliminer tous les facteurs, y compris les subventions et autres incitations économiques, contribuant directement ou indirectement à la surcapacité (Article 25).

Ces considérations et autres facteurs de non durabilité ont été analysés par la FAO. Certains de ces facteurs sont liés à la prévalence de l'accès libre - en dépit des efforts déployés pour limiter ces impacts sur la ressource. Le manque de conditions d'accès adéquates et de participation au contrôle direct ou indirect des intrants et de la production apparaît comme le principal facteur de non durabilité et de surcapacité. Le recours aux subventions et à d'autres incitations économiques et fiscales a aussi un impact direct sur la capacité. L'octroi de subventions importantes a sans aucun doute contribué à la croissance rapide et souvent excessive du nombre de navires dans les années 1970 et 1980. Bien que ceci reste insuffisamment documenté, les programmes de subventions semblent avoir été considérablement réduits dans de nombreux pays depuis la fin des années 1980, y compris dans la région COPACE.

5. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

La gestion de la capacité de pêche pose une question essentielle: celle du contrôle conjoint des intrants et de la production. La gestion de la capacité de pêche implique d'aborder les conditions d'accès et de participation dans les pêches. Elle se réfère ainsi à deux notions émergentes et liées, celle des schémas d'aménagement fondés sur les droits d'accès où d'usage et celle de la co-gestion. Dans l'immédiat il conviendra aussi d'adopter une stratégie de transition pour aborder les questions portant, quand cela est nécessaire, sur la réduction de la capacité de pêche (désinvestissement et reconversion) et la reconstitution des stocks. Un contrôle accru de la mobilité des flottes est également nécessaire.

6. ACTIONS SUGGÉRÉES POUR LE COMITÉ

Le Comité est invité à faire état des progrès réalisés et les contraintes rencontrées dans l'application du Plan d'action international pour la gestion des capacités. Il est en outre invité à donner des indications quant à l'orientation et à l'ampleur des travaux et politiques publiques à mettre en œuvre pour accélérer sa mise en application dans la zone COPACE, y compris par le biais d'une régulation de l'accès à la pêche artisanale.

ANNEXE
RECOMMANDATIONS DE L'ATELIER DE RÉFLEXION SUR LA GESTION DES CAPACITÉS DE PÊCHE EN AFRIQUE DE L'OUEST

L'Atelier de réflexion sur la gestion des capacités de pêche en Afrique de l'Ouest, organisé par la FAO à Saly, Sénégal, du 25 au 28 septembre 2001, en collaboration étroite avec la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), a élaboré et adopté un certain nombre de recommandations (FAO, 2001b). Celles-ci ont pour objectif de faciliter la mise en oeuvre du Plan d'action international pour la gestion des capacités de pêche et, de manière plus générale, de promouvoir une gestion plus efficace des capacités de pêche dans la région. Les recommandations sont les suivantes:

  1. Politique sectorielle

  2. Eléments de base pour la gestion des capacités de pêche

  3. Problème particulier de la pêche artisanale

  4. Indicateurs de capacité et évaluation

    Au niveau sectoriel

    Adopter un indicateur simple et unique de capacité (par exemple, TJB pour la pêche industrielle et nombre d'embarcation pour la pêche artisanale) pour le suivi de la capacité totale.

    Au niveau des pêcheries

    Accords de pêche et transfert de capacité

    Collaboration régionale

II. L'AJUSTEMENT DES CAPACITÉS DE PÊCHE MARITIME AU SÉNÉGAL

par Joseph Catanzano
Institut du développement durable et des ressources aquatiques

PREMIÈRE PARTIE: PRÉSENTATION GÉNÉRALE

RÉSUMÉ

Ce document a été élaboré sur la base des rapports techniques produits dans le cadre de la mission TCP/SEN2909 à laquelle l'auteur a apporté sa contribution en tant que spécialiste en aménagement des pêches. Par ailleurs, les chercheurs de l'Institut du développement durable et des ressources aquatiques (IDDRA) ont contribué depuis le début des années 2000 à la conduite de plusieurs travaux spécifiques au Sénégal et ont rédigé dans ce cadre des documents relatifs à: (i) l'aménagement et au développement des pêches au Sénégal (doc. FAO TCP/SEN 8925, nov. 2000), (ii) à l'évaluation des accords de pêche avec l'Union européenne (UE) (doc. MP/MGP Afrique-IDDRA, juillet 2002) et, à l'heure actuelle, il poursuit ses travaux d'appui à un groupe national sur les mécanismes de concession de droits d'accès pour la régulation des pêcheries sénégalaises (doc. MP/SCAC/UE/IDDRA, mars 2004). Sur le thème des capacités de pêche, l'IDDRA a contribué depuis plusieurs années à la rédaction de contributions techniques apportées en soutien aux ateliers de la FAO (Cf. liste des références bibliographiques).

1. LES ACQUIS À CONSIDÉRER AFIN DE RÉDUIRE LES CAPACITÉS

La littérature et les expériences internationales en matière de plan de sortie de flotte ou de rachat de droits de pêche permettent d'identifier quelques précautions avec lesquelles les autorités publiques et professionnelles devront agir. Les publications sont nombreuses qui décrivent les plans de rachat d'unités de pêche et plus généralement les programmes destinés à réduire les capacités dans des contextes nationaux différents. Les travaux récents de J.M. Gates pour la FAO («Vessel buyback programmes: problems and prospects», à paraître dans la série FAO Fisheries Technical Papers), ainsi que les documents présentés dans le cadre d'une réunion récente de l'OCDE1 appellent plusieurs commentaires et rappels parmi lesquels on retiendra ici en particulier2:

-   Des différentes définition que l'on peut trouver de la capacité, il ressort clairement que celle-ci peut induire un rapport explicite aux outputs ou un rapport explicite aux inputs; dans le premier cas on parle de capacité en référence à un volume de capture plus ou moins précis en terme d'espèces, de tailles, de lieu de capture, de période, etc. (FAO, 1998), dans le second cas on parle de moyens de captures mis en œuvre (ou de coûts liés à ces moyens de production) et de fait on doit parler de mécanismes de régulation des inputs. Dans la réalité la combinaison des espèces dans un écosystème exploité, la diversité des systèmes de production en place et la multiplicité des systèmes de régulation existant dans un contexte économique et social donné, conduit à penser qu'il n'y a pas a priori davantage définitif à l'une ou l'autre des options, input ou output. Les nombreuses références aux cas existants décrits par J.M. Gates fournissent une illustration claire à propos de ce débat (J.M. Gates, 2003).

-   Comme le souligne cet auteur, les objectifs communs aux plans de réduction des capacités de pêche sont en général: (i) une réduction des taux d'exploitation des ressources halieutiques, (ii) le soutien aux économies du secteur ou à des régions maritimes plus ou moins dépendantes de la pêche.

-   Par rapport à ces objectifs communs, des questions se posent qui renvoient aux problèmes: (i) des emplois (déplacés ou aidés pour la reconversion sur place), (ii) du partage équitable des bénéfices attendus de la réduction, (iii) des conséquences en terme d'équité du maintien du statu quo en situation de surexploitation, (iv) de formes de réduction des capacités susceptibles d'être retenues pour des raisons non économiques (raisons juridiques, politique), (v) de l'utilisation des bénéfices générés par le redressement de la rente halieutique pour couvrir tout ou partie des coûts de certains services de l'aménagement (recherche, administration, surveillance).

-   Les subventions et le libre accès aux ressources marines sont parmi les causes principales de la surexploitation et la surcapitalisation dans le domaine des pêches maritimes (FAO, 1993, OMC, 1997, Porter 2001).

-   Les aides en faveur de la réduction des coûts ou du soutien direct des résultats d'exploitation contribuent à l'augmentation de l'effort de pêche dans des systèmes dépourvus de mesures effectives de limitation des captures ou de limitation de l'effort de pêche.

-   L'existence de subventions peut inhiber toute tentative d'ajustement des capacités, les signaux que constituent les prix étant biaisés dans de tels contextes;

-   la réduction des capacités par des plans de sortie de flotte peuvent conduire, selon les modalités retenues, à un transfert d'effort en direction de zones maritimes dépourvues de mécanismes de contrôle de l'accès3;

-   les subventions destinées à agir en faveur d'une réduction des capacités de pêche sont considérées généralement comme des subventions positives dans des transitions vers des systèmes d'exploitation durables (Gooday, 2002); néanmoins ce constat est à moduler si on se trouve en situation de faiblesse du système de contrôle de l'accès et notamment en situation d'absence de mécanismes d'allocation de droits de pêche (Arnason, 1998). Dans ce cas en effet, à long terme les effets positifs des plans de réduction des capacités vont être effacés par les incitations à poursuivre la course au poisson;

-   les plans de réduction des capacités peuvent se justifier pour des raisons économiques, biologiques ou simplement pour réduire des conflits sur zone de pêche;

-   différents mécanismes de retrait de capacités ou de retraits de droits de pêche existent qui reposent sur: (i) des barèmes fixés selon des caractéristiques techniques d'unités de

-   pêche visées par un plan de réduction ou de rachat de droits, pour finalités des objectifs, (ii) des processus de négociation par navire mettant en présence des institutions publiques et des opérateurs ou organisations professionnelles, (iii) des mécanismes concurrentiels d'enchères mettant en jeu plusieurs candidats potentiels à la sortie (Metzner et Rawlinson, 1998);

-   agir par le biais de plan de réduction de capacités ne peut s'envisager de façon répétitive sans risquer d'introduire des distorsions de comportement en matière d'investissement car l'anticipation de plans réguliers de rachat de navire biaise l'appréciation du risque pour les investisseurs privés qui peuvent tenté alors de surinvestir en escomptant en cas de problème dans la pêcherie, une option de rachat public de leur navire (Munro, 1998; Munro et Sumalia, 2001);

-   il est préférable de délimiter dans le temps le plan de réduction ciblé des capacités quitte à garder ouvert un schéma de sortie volontaire;

-   les programmes de réduction des capacités par rachat d'unités de pêche peuvent reposer sur des principes de volontariats et/ou des actions dirigées;

-   la maîtrise et l'impact des effets induits par les plans de réduction de flotte sont renforcés par la mise en place simultanée de plans d'aménagement fondés sur des mécanismes d'allocation de droits de pêche; en quelques cas, le traitement des effets induits d'un plan de réduction des capacités peut favoriser une mise en place accélérée de droits de propriété individuels (quotas par exemple);

-   même si l'évaluation de l'impact des plans de réduction des capacités n'est pas chose facile dans les premières années de la mise en œuvre d'un plan de réduction, il faut définir au moment de sa mise en œuvre un programme de suivi des effets sur les stocks et les entreprises de pêche pour corriger les orientations annuelles du plan et si nécessaire les objectifs ciblés;

-   la réduction des capacités sera plus effective et performante dans un contexte de droits de pêche existants;

-   la mise en place d'un plan d'ajustement des capacités prenant en compte un solide volet information -éducation -formation, appuyé par la mise en place de mécanismes de participation et de co-management du plan, offre une garantie plus forte d'introduction de mécanismes de régulation de l'accès; l'absence de régulation de l'accès à l'inverse rend peu probable l'obtention des effets d'un plan en termes de réduction des taux d'exploitation du fait de la modernisation et de l'entrée de nouveaux acteurs.

2. CONTEXTE GÉNÉRAL DANS LEQUEL S'INSCRIT LE PACPM AU SÉNÉGAL

Depuis 1990, des rapports de l'Administration en charge du secteur de la pêche maritime au Sénégal, et des organisations professionnelles ont signalé la chute de la productivité des unités de pêche et les grandes fluctuations des captures débarquées, avec une nette tendance à la baisse. Les travaux d'expertise conduits à la demande du Gouvernement sénégalais sous l'égide de la FAO (TCP/SEN 8925, nov. 2000) ont souligné les faiblesses de la politique d'aménagement des pêches à l'échelle nationale. Ces faiblesses exposent le pays à des dépréciations croissantes de ses ressources naturelles, par le fait de pratiques illicites et par le maintien d'un effort de pêche excessif. Les recommandations issues de ces travaux ont mis en évidence le besoin urgent de geler et de réduire l'effort de pêche pour engager un processus de lutte contre la surexploitation des ressources et rendre possible la mise en place d'un mode de régulation de l'accès à l'ensemble des ressources naturelles. Ces recommandations et objectifs s'adressent à l'ensemble des activités industrielle et artisanale, et à toutes les formes d'exploitation de ces ressources.

Reprises lors des journées de concertation en 2001, ces recommandations ont amené le Gouvernement, en accord avec les associations professionnelles de la pêche, à préconiser l'étude d'un mode de régulation global par concession de droits d'accès aux ressources halieutiques4, afin de permettre une régulation transparente et équitable du secteur des pêches, en conformité avec les objectifs nationaux de développement, notamment de réduction de la pauvreté, et les recommandations de plusieurs conférences internationales dont celles placées sous l'égide des Nations Unies, et portant sur une pêche responsable et le rétablissement des potentiels halieutiques des mers à l'horizon 2015.

Dans ce contexte et dans un premier temps, la Banque africaine de développement (BAD) a demandé l'assistance de la FAO afin d'identifier des opportunités de projet d'investissement en appui aux efforts du Gouvernement pour mieux exploiter ses ressources naturelles dans le domaine de l'Agriculture dont la Pêche. L'un des projets retenus, porte sur un Programme de redressement du secteur de la pêche et de l'aquaculture (PRSPA). Le rapport d'identification a été favorablement accueilli par la BAD qui a exprimé sa disponibilité afin d'étudier les propositions qui résulteront du travail technique d'approfondissement du PRSPA. C'est afin de finaliser ces propositions que le Gouvernement du Sénégal a sollicité et obtenu l'assistance de la FAO, objet du TCP/SEN/2909 «Assistance à l'élaboration d'un programme d'appui au secteur de la pêche et de l'aquaculture, PRSPA».

Prenant acte des diagnostics disponibles et des chantiers déjà ouverts par le gouvernement en coopération avec différentes agences nationales ou internationales, la mission du TCP a orienté ses investigations en direction du traitement de la question des surcapacités de pêche et de la surexploitation des ressources. Elle s'est fixée comme objectif de proposer aux autorités nationales, aux acteurs du secteur, et aux partenaires au développement un Programme d'ajustement des capacités de pêche maritime (PACPM).

3. RÉDUIRE LES CAPACITÉS DE PÊCHE

3.1 Les conditionnalités qui s'imposent aux décideurs publics

Les décideurs politiques qui se trouvent en situation de devoir réguler une pêcherie en état de surexploitation des ressources halieutiques dans leur pays doivent se mettre en situation:

  1. De disposer, par le biais de l'évaluation scientifique, des données sur le niveau de surexploitation existant ainsi que des taux de correction à appliquer par rapport à l'objectif de retour au MSY. Cela se traduira concrètement par une estimation de taux de réduction, exprimés en pourcentage par rapport à la situation actuelle, et auxquels il faudrait parvenir en fonction de l'état de surexploitation des ressources visées (réduire de 20, 30 ou 40 pour cent l'effort de pêche pour ramener la production d'une quantité actuelle Q1 à une quantité supérieure Q2 en gérant la transition d'une baisse des débarquements en deçà de Q1. Mais la recherche pourra également indiquer, en terme d'équivalent « unité de pêche type», à quel niveau pourrait être ramené la flotte en activité pour assurer ce niveau de production équivalent au MSY (on parlera ainsi de réduire de 10, 20, 30 ou 40 pour cent la flotte en activité considérée alors comme un indicateur synthétique et simple des capacités).

  2. D'apprécier les coûts financiers et sociaux d'une application des corrections suggérées;

  3. De définir au travers d'un plan ou d'un programme pluriannuel, un projet de mise en œuvre des ajustements des capacités de pêche, adapté aux capacités financières et techniques de traitement des effets. Cela se traduira par un objectif premier de reconstitution de la rente halieutique puis par le ciblage d'objectifs portant sur l'utilisation des nouveaux bénéfices escomptés en recettes publiques selon différentes options possibles: retour dans le secteur, traitement social et financier des sorties, recettes publiques redirigées hors du secteur pour contribuer au développement de l'économie nationale, etc.;

  4. De convaincre les opérateurs, sur la base des données retenues en 1 et 2, du bien fondé de cette politique de limitation de l'effort et leur faire accepter l'intérêt d'agir malgré le coût social et pour certain le changement de situation professionnelle ou le changement de situation de droit auxquels ils auront à faire face;

  5. De convaincre de l'avantage à réguler les capacités de pêche plutôt que de maintenir simplement une stratégie de régulation de l'effort dans un contexte d'inefficience des mesures de contrôle de l'accès mais aussi de complexité des pêcheries en présence (pêcheries multispécifiques, conjonction des effets de plusieurs flottilles régies par des mécanismes de droits différents).

S'il s'avère que les décideurs sont dans l'impossibilité de remplir ces conditionnalités, il est peu probable qu'un plan d'ajustement des capacités puisse voir le jour (conditions 1, 2, et 3) ou être opérationnalisé (conditions 3, 4 et 5) ou aboutir à des résultats tangibles (conditions 4 et 5). Si les trois premières conditionnalités peuvent être remplies avec l'aide de partenaires au développement et avec une assistance technique externe, il demeure essentiel que l'adhésion et l'engagement politique des autorités publiques et professionnelles se fasse de façon consensuelle pour assurer la mise en œuvre des actions de sensibilisation et de partenariat en direction des opérateurs individuels (conditionnalités 4 et 5), mais aussi et préalablement en direction des hautes autorités publiques de l'Etat, notamment les autorités économiques, sociales et politiques (ministères des finances, du budget, assemblées nationales et députés, ensemble du gouvernement, etc.).

3.2 Quels avantages à agir sur les capacités de pêche

Pour mieux saisir les avantages à attendre d'une action sur les capacités de pêche, intéressons-nous au cas de figure suivant où l'objectif serait de ramener la pêcherie à un niveau d'exploitation durable dans la situation où le MSY se situe pour une ressource donnée à 12 000 tonnes alors que le niveau actuel de production en situation de surexploitation et de rente halieutique nulle (cas où le chiffre d'affaires de la pêcherie est égal aux coûts de production de la pêcherie) se situe à 10 000 tonnes.

Pour atteindre cet objectif, si on a agi par le biais unique des mesures de réduction de l'effort de pêche, sans toucher aux capacités de pêche, c'est à dire pour simplifier dans notre cas, sans toucher par exemple au nombre de navires en activité, alors on fera évoluer la rente halieutique de son état actuel (0) à un état que l'on peut estimer (toute chose égale par ailleurs), à 2 000 tonnes multipliées par le prix moyen de l'espèce concernée par cette régulation5.

En réalité, ce premier résultat positif ne permet pas d'optimiser les gains en matière de rente (ni au niveau global, ni au niveau individuel pour chaque bateau).

Cette situation peut correspondre par exemple à l'allongement des périodes d'arrêt biologique. Par là, on agit au terme du redressement de la pêcherie sur les recettes avec un impact moindre sur les dépenses engagées dans le processus de production.

A contrario, si plutôt que d'agir sur l'effort de pêche par le biais des mesures techniques on s'engage dans une réduction de l'effort par une réduction des capacités de capture, en suivant en cela l'autre partie de la recommandation scientifique qui porte non plus sur le MSY mais sur le nombre de navires suffisants pour capturer ce MSY, on peut alors combiner deux effets positifs sur la rente: (i) d'abord l'effet d'augmentation du niveau de capture (+20 pour cent comme on l'a vu plus haut), auquel s'ajoutera en cas d'exécution d'un plan de réduction de flotte, (ii) l'effet de réduction des coûts dans la pêcherie.

Ainsi, par le retour au nombre d'unités de pêche suffisant pour capturer les quantités équivalentes au MSY, on pourra escompter au total un gain de +20 pour cent en valeur (augmentation des débarquements), accru d'un gain complémentaire de x pour cent, qui découlera de la réduction du nombre de navires engagés dans la pêcherie. Cela portera alors le niveau de la rente à un niveau encore supérieur à celui atteint suite à la simple réduction de l'effort de pêche par des mesures techniques.

Mieux encore, en agissant ainsi, on cumulera le traitement de la surexploitation (effet positif sur les ressources et effet positif sur la rente), avec le début du traitement du surinvestissement (situation causée par la course au poisson et théoriquement antérieure à la surexploitation).

Cette conjonction des effets sera également de nature à favoriser le redressement des situations économiques des sociétés de pêche restant dans la pêcherie. Moins d'acteurs pourront alors se partager une rente halieutique en augmentation, ce qui facilitera d'autant l'application des mesures de régulation de l'accès par la réduction d'un nombre d'opérateurs et par le retour à une situation bioéconomique plus stable sur le moyen et le long termes, les risques de variabilité accrue des recrutements se trouvant réduits dans un contexte d'exploitation équilibrée des ressources. Cette situation pourra permettre également de recouvrir par prélèvement public et selon les choix d'allocation de la rente halieutique, les coûts des traitements financiers et sociaux du plan d'ajustement des capacités de pêche durant les premières années d'amélioration des résultats de l'exploitation. Cela pourra se faire par une remise en ordre des mécanismes fiscaux préalablement plutôt incitatifs au surinvestissement.

4. POURQUOI UN PACPM DANS LE CAS DU SÉNÉGAL

Un tel programme s'impose aujourd'hui au Sénégal car, malgré son importance économique et son poids social (Cf. Encadré 1 et annexe 1), le secteur de la pêche maritime est confronté à des difficultés structurelles qui se traduisent par les chutes de productivité des embarcations artisanales et des unités industrielles de pêche des poissons démersaux côtiers et la diminution de la biodiversité marine le long du littoral sénégalais.

La surexploitation des principaux stocks (Cf. Annexe 2 et Tableau 1) a pour conséquence la dégradation des conditions de rentabilité des flottilles, le sous approvisionnement des entreprises de transformation, l'érosion de la sécurité alimentaire. Cette surexploitation est la conséquence d'une surcapacité de pêche, tant artisanale qu'industrielle, qui s'est développée à travers le temps, en réponse aux politiques successives d'incitation économique et fiscale dans un contexte d'absence de contrôle maîtrisé de l'accès aux ressources.

Encadré 1: L e secteur des pêches au Sénégal6

L'essentiel des activités de pêche au Sénégal porte sur la pêche maritime dont les produits occupent aujourd'hui une forte place dans l'alimentation des populations côtières avec 75 pour cent des apports en protéines animales. Sur la période 1997–2002, le secteur de la pêche a représenté en moyenne 12,5 pour cent du produit intérieur brut (PIB) du secteur primaire. Il vient ainsi en troisième position des contributions au PIB sectoriel derrière l'agriculture et l'élevage. Par rapport au PIB total de l'économie, la contribution de la pêche sur la période est passée en moyenne de 2,5 à 2 pour cent du fait de la chute des tonnages de produits halieutiques capturés et malgré l'augmentation des prix à l'exportation. Le secteur de pêche a une incidence encore plus marquée sur les comptes extérieurs. Il a procuré sur la période 1997–2002 en moyenne 37 pour cent des exportations en valeur. Cette performance le situe, avec les phosphates, très nettement au premier rang des secteurs d'exportation devant ceux des produits arachidiers (12 pour cent) et pétroliers (11 pour cent). Le chiffre d'affaires des débarquements et des exportations des produits de la pêche était estimé à 278 milliards de FCFA en 1999. La valeur ajoutée du secteur des pêches est estimée à 199 milliards de FCFA dont 60 pour cent sur le segment de la capture et 40 pour cent sur le segment de la transformation. Les emplois dans le secteur de la pêche et dans les activités de transformation et de commercialisation sont évalués à 600 000 au total, principalement dans la pêche artisanale et la transformation artisanale. L'effectif du secteur représente 17 pour cent de la population active soit un actif sur six.

Parallèlement à ces éléments qui suffisent à justifier la nécessité d'un plan, on peut penser que la mise en œuvre d'un tel plan est de nature à conforter la décision de réforme de la politique d'aménagement et faciliter notamment la mise en place de mécanismes de concession de droits d'accès. Ceci en particulier dans le contexte de la pêche artisanale laissé jusqu'à ce jour, institutionnellement en accès libre.

Ainsi l'existence de fortes capacités de prélèvement et la dégradation des principaux stocks font de la pêche maritime un secteur particulièrement sensible aux crises. En l'absence de régulations efficaces, cette situation favorise la «course au poisson», exacerbant ainsi les conflits entre usagers dans les pêcheries les plus menacées.

Tableau 1: Recommandations émises par le CRODT en fonction de l'état des ressources côtières

RessourcesPrise maximale à l'équilibre (MSY) Etat e l'exploitation Recommandations en matière d'aménagement
STOCKS PÉLAGIQUES CÔTIERS
Sardinelles
(Sardinelles ronde et plate) ou Sardinella spp.
775000 t en 2003 du sud Maroc au SénégalModérément exploitéApproche de précaution avec un niveau de prise de 500 000 tonnes pour les deux espèces de sardinelles combinées dans l'ensemble de la sous-région
Chinchards ou
Trachurus spp.
417 000 t en 2003 du sud Maroc au SénégalModérément exploitéMaintien de l'effort de pêche actuel
Suivi de l'effort en raison des fluctuations d'abondance
STOCKS DÉMERSAUX CÔTIERS
Pageot ou Pagelllus bellottiiEntre 5 600 et 7 000 tSurexploitéRéduction d'au moins 50 % de l'effort de pêche
Mâchoirons ou Arius spp.Biomasse actuelle en baisseSurexploitéRéduction de l'effort de pêche surtout dans les eaux dont la profondeur est inférieure à 30 mètres
Otolithes ou
Pseudotolithus spp.
2 825 t
Biomasse actuelle en baisse
SurexploitéRéduction significative de l'effort de pêche
Thiof ou Epinephelus aeneus3870 tRisque de disparitionArrêter la pêche ciblant cette espèce menacée
Rouget ou
Pseudupeneus prayensis
Entre 1 700 et 1 920 tPleinement exploitéGel de l'effort de pêche
Pagre ou Pagrus caeruleostictusEntre 4 800 et 5 650 tSurexploitéRéduction de moitié de l'effort de pêche
Petit capitaine ou Galeoides decadactylusEntre 4 300 et 4 500 tSurexploitéRéduction de l'effort de pêche industrielle
Seiche ou Sepia officinalis2680 t
Tendance à la hausse des indices d'abondance
Pleinement exploitéGel de l'effort de pêche
Poulpe ou Octopus vulgarisIncertitudes sur les résultats des évaluations en raison des fortes explosions périodiquesPleinement exploitéGel de l'effort de pêche
Crevette côtière ou Penaeus notialisRendements en baisseSignes probables de surexploitation pour le stock sudNe pas augmenter l'effort de pêche en attendant les prochaines évaluations avec des données plus récentes
STOCKS DÉMERSAUX PROFONDS
Merlus ou Merluccius polli et Merluccius senegalensis4200 tonnes pour une biomasse de 50000 tonnes
Biomasse prévisionnelle inférieure à la biomasse à l'équilibre
Modérément exploitéPossibilités d'augmenter l'effort de pêche dans les eaux sénégalaises
Crevette profonde ou Parapenaeus longirostris2 560 tonnes pour une biomasse de 5198 tonnes
Biomasse prévisionnelle proche de la biomasse à l'équilibre
Pleinement exploitéNe pas augmenter l'effort de pêche en attendant les prochaines évaluations avec des données plus récentes

Source: CRODT 2003

Par le retour à des capacités de pêche suffisantes pour capturer les quantités potentielles exploitables de façon durable, on pourra escompter au total un gain en valeur (augmentation des débarquements), accru d'un gain complémentaire de compétitivité qui découlera de la réduction du nombre de navires engagés dans la pêcherie. Cela portera alors le niveau de la rente économique halieutique à un niveau supérieur. De plus, en agissant sur la capacité, on agira pour traiter la surexploitation (effet positif sur les ressources et effet positif sur la rente), tout en oeuvrant déjà dans le sens d'un traitement du surinvestissement (situation causée par la course au poisson et théoriquement antérieure à la surexploitation).

Cette conjonction des effets est de nature à favoriser le redressement des situations économiques des sociétés de pêche restant dans la pêcherie. Moins d'acteurs pourront alors se partager une rente halieutique en augmentation, ce qui facilitera d'autant l'application des mesures de régulation de l'accès par la réduction du nombre d'opérateurs et par le retour à une situation bioéconomique plus stable sur le moyen et le long termes.

5. POTENTIALITÉS ET CONTRAINTES À CONSIDÉRER

Force est de constater que le secteur des pêches maritimes ne bénéficie pas au Sénégal d'un niveau d'encadrement administratif, financier et technique à la hauteur des enjeux d'un développement durable. Les principales tâches de l'administration se résument trop souvent à la régulation de conflits multiformes avec ou entre les exploitants ou à des tâches quotidiennes liées aux exigences d'une gestion à très court terme des problèmes de la pêche.

Cela s'explique notamment par l'absence d'un véritable système d'aménagement des pêcheries fondé sur en priorité sur une maîtrise de l'accès aux ressources et assortie de mesures techniques, sociales et économiques cohérentes articulées autour d'objectifs clairs de contribution du secteur au développement économique national.

Mais cela s'explique aussi par l'absence d'une culture de pêche responsable chez les professionnels. Dans ce contexte, les lacunes observées depuis quelques années dans le système de contrôle et de surveillance des pêches, aggravent fortement les risques d'effondrement des stocks et par voie de conséquence, d'instabilité puis de faillite de l'économie halieutique. Ainsi, de réelles menaces pèsent aujourd'hui sur la viabilité des flottes dont en particulier la flotte chalutière captive des espèces démersales exploités en commun avec les artisans et les navires étrangers et destinées aux marchés d'exportation.

Les diagnostics successifs qui ont porté sur le secteur des pêches font apparaître au regard d'objectifs de développement, les potentialités et contraintes suivantes:

Au titre des potentialités on peut noter que la pêche maritime dispose:

  1. d'un domaine maritime et côtier important sur lequel interviennent des opérateurs (pêcheurs et agents du traitement et de la commercialisation) qualifiés;
  2. d'un armement artisanal dont les techniques de pêche sont efficaces, et un armement industriel présent sur toutes les pêcheries;
  3. d'infrastructures d'accueil et de traitement des captures majoritairement adéquates;
  4. de groupements d'opérateurs bien organisés;
  5. d'un encadrement technique motivé, mais insuffisant en nombre et qu'il convient de perfectionner et d'équiper.

Au titre des potentialités socioéconomiques on doit mentionner:

  1. L'émergence d'organisations professionnelles et communautaires de pêcheurs artisans, capables, à terme, de prendre elles-mêmes en main leur destin et la défense de leurs intérêts; et la prise de conscience des communautés de pêcheurs de l'urgence de préserver les ressources et de s'adonner à des activités alternatives;
  2. l'existence d'une population féminine très active et organisée parfois en groupements, qui a pris en charge l'ensemble des activités de transformation et de commercialisation des produits de la pêche;
  3. l'existence de systèmes d'organisation traditionnels de la gestion communautaire de certaines infrastructures sociales, sur lesquels pourra reposer tout schéma d'organisation et de gestion communautaire;
  4. la demande intérieure et extérieure en produits halieutiques dépassant l'offre, les facilités de transport interne, pour l'exportation et la proximité du marché européen grâce aux infrastructures portuaires et aéroportuaires;
  5. le développement rapide des services de proximité, la production maraîchère, ainsi que le développement des petits élevages tels que les petits ruminants, l'aviculture, etc., pourraient constituer des activités alternatives aux Pêcheurs et opérateurs dont 80 pour cent exercent leur activité à l'intérieur ou à proximité des grands centres urbain;
  6. la présence d'ONG et d'institutions gouvernementales actives dans le développement de la pêche et de l'agriculture, qui peuvent constituer d'éventuels partenaires du Programme.

Mais face à ces potentialités, des contraintes au développement du secteur des pêches demeurent qui se traduisent de façon générale par:

-   Une régression de la productivité des embarcations artisanales et des unités industrielles de pêche des poissons démersaux côtiers et la diminution de la biodiversité marine le long du littoral sénégalais. En effet, en réponse à l'augmentation de l'effort de pêche, la production moyenne, s'est effondrée de 32 pour cent durant les quinze dernières années. Certaines espèces se sont raréfiées et d'autres ont même disparu. L'effondrement est nettement plus marqué pour la pêche industrielle orientée essentiellement vers les pêcheries démersales que la pêche piroguière qui s'est saisonnièrement reconvertie à la pêche des petits poissons pélagiques côtiers.

-   Un état de pauvreté des populations dans les communautés de pêcheurs ainsi que le non-respect des règles traditionnelles de gestion des plans d'eau côtiers et des textes réglementaires; cela favorise une exploitation anarchique du domaine maritime et l'utilisation d'engins de pêche prohibés. Cette situation aboutit à une surexploitation de certaines espèces côtières, caractérisée par la réduction de la taille des poissons capturés, ce qui est de nature à compromettre le renouvellement de la ressource, et à favoriser le développement de conflits entre les communautés de pêcheurs. Pour un grand nombre des populations riveraines, la pêche constitue l'unique activité. Pour ces populations, il existe peu ou pas d'activités alternatives attrayantes comparées à la pêche.

…et qui se traduisent de façon spécifique par rapport:

-   aux activités de pêche par: (i) la concentration des embarcations au niveau des centres administratifs; et (ii) l'exploitation par les pêcheurs industriels des zones de pêche traditionnelle et artisanale entraînant des préjudices importants aux petits pêcheurs;

-   aux institutions par: une administration des pêches en manque de moyens humains et matériels et une prise en charge de ce secteur au niveau des communes et des villages très insuffisante. Le secteur de la pêche est sous-représenté dans les cadres d'élaboration des actions de développement aux niveaux provincial et communal. De ce fait, les fonctions d'élaboration et d'exécution des politiques de développement de la pêche, ainsi que les règles de gestion des ressources, d'organisation communautaire et de contrôle ne peuvent être correctement menées. Par ailleurs, le manque de moyens financiers empêche la collecte régulière des données, ce qui réduit la fiabilité des statistiques de pêche;

-   à la recherche-développement par: une insuffisante qui tend à constituer une urgence face à la surexploitation des ressources côtières. Le suivi des pêcheries et des principales espèces capturées, nécessite un renforcement indispensable au plan biologique et économique;

-   aux actions et relations vis-à-vis des bailleurs de fonds par: la multiplicité des interventions des projets et des programmes multisectoriels, malgré l'existence de cadres de coordination et de concertation aux niveaux national et local; une même carence est à noter entre bailleurs de fonds du secteur, ce qui ne favorise pas l'harmonisation des approches et la complémentarité pourtant impérative des interventions.

6. FLOTTES CIBLÉES PAR LE PACPM AU SÉNÉGAL

Selon Samba (2004) «globalement le nombre de navires de pêche n'a cessé d'augmenter dans les eaux sénégalaises malgré la situation de baisse générale des ressources exploitées: cette augmentation est plus sensible pour les pirogues si on se réfère aux estimations provenant des résultats des derniers recensements du CRODT (entre Saint-Louis et Djiffer) ramenés à tout le littoral». On constate également que le nombre de bateaux sénégalais est nettement plus important que celui des étrangers. La réduction des capacités de pêche devant porter sur les unités ciblant les démersaux côtiers concerne les chalutiers et pirogues visant les poissons de fonds, céphalopodes et crevettes du plateau continental.

6.1 Pêche industrielle

Pour la pêche industrielle, qui se compose d'unités de pêche nationales et d'unités de pêche étrangères ciblant les espèces démersales ou pélagiques par chalutage, senne, canne ou palangre (Cf. Tab. 2), 122 chalutiers sénégalais ont été recensés actifs en 2003: 77 congélateurs dont 36 crevettiers, et 45 glaciers dont 1 crevettier. Le GAIPES en a recensé 117 en 2003 dont 37 crevettiers. Ce nombre est inférieur aux 145 chalutiers déclarés en moyenne par la DPM car on constate qu'il existe au port de Dakar des bateaux en arrêt depuis des mois, voire des années (cas de l'armement Promel). Pour certains, les licences continuent à être renouvelées chaque année. Des enquêtes révèlent également que les chalutiers font preuve d'une grande mobilité selon les saisons de pêche: ils peuvent se baser temporairement dans les pays voisins, et quelquefois les crevettiers deviennent poissonniers en dehors de la saison des crevettes. Des demandes de changement de type de pêche, destinés à permettre un passage des stocks côtiers vers les stocks profonds peuvent être enregistrées. De la même façon les armateurs procèdent si nécessaire au remplacement des vieux moteurs et peuvent ainsi augmenter la puissance de pêche des bateaux. Les nouvelles sénégalisations de bateaux se font souvent avec les sorties de chalutiers européens de la flotte sous accord. Ceci explique la difficulté de procéder à une typologie des chalutiers en fonction des principales espèces cibles retenues pour l'analyse.

Tableau 2: Etat des flottes en activité dans la ZEE sénégalaise7

AnnéesPêche industriellePêche artisanale
 Flotte nationale (chalutiers)Flotte étrangère (chalutiers)Total (chalutiers)Nombre de pirogues (CRODT)Nombre de pêcheurs
1997182 (176)55 (35)237(211)7 61644 257
2000177 (167)93 (34)270(201)(6 329)*
2001161 (155)80 (40)241(196)(7 910)*
2002148 (142)104 (50)252(192)(8 351)*
2003*n. d.(8 557)*

Source: Rapports annuels DPM

7 Selon le rapport du consultant FAO spécialiste de biologie marine (A. Samba., TCPSEN 2909 doc. de travail avril 2004) «ces chiffres sont à manier avec prudence car ceux disponibles par exemple auprès du bureau de gestion des licences de pêche chalutière de la DPM montrent quelques différences pour la flotte nationale: entre 2000 et 2003, ce service a délivré 159, 165, 125 et 118 licences à des nationaux. Des remarques de ce type avaient entraîné des tentatives d'harmonisation des systèmes de collecte sous la coordination de l'OEPS. Le nombre de pirogues de mer publié par l'OEPS associé au CRODT et à la DPM est le résultat d'un recensement qui a couvert toute la côte sénégalaise en septembre 1997; pour les autres années fournies par le CRODT (chiffres entre parenthèses), la couverture concerne la saison chaude et la zone comprise entre Saint Louis et Djiffer, qui en 1997 représentait 89% du parc piroguier de mer. On constate une légère tendance à la hausse du nombre de pirogues dans les années récentes: un recensement effectué en septembre 2003 a permis de dénombrer 8 557 pirogues de mer dans la même zone.»

6.2 Pêche artisanale

Pour la pêche artisanale, sur les 8 557 unités recensées en 2003 entre Saint-Louis et Djiffer, (CRODT, enquête en cours de traitement), 6 700 pêchent des espèces démersales au moment de l'enquête. En dehors des pirogues à ligne poulpe ou seiche lors de la période d'abondance de ces espèces (2 021 unités), toutes les autres ciblent les poissons, les requins-raies et les gastéropodes (yeet). Les mouvements d'unités de pêche vers ou en provenance des pays voisins ne sont pas maîtrisés. Les pêcheurs artisans disposent également de divers engins et il est fréquent selon les saisons de voir des pirogues passer des cibles pélagiques aux démersales: les pirogues de senne tournante servent en saison chaude de pirogue glacière ou participent à la campagne de pêche du poulpe».

6.3 Autres réalités pour les flottilles ciblant les ressources démersales côtières

Pour les chalutiers nationaux, l'analyse détaillée des captures effectuées fait apparaître une forte contribution de six espèces principales aux résultats économiques de l'activité. Ces six espèces (crevettes blanches et crevettes profondes, poulpe, sole langue, seiche et rouget) représentent 39 pour cent des volumes capturés par les unités chalutières nationales soit plus de 74 pour cent en valeur des débarquements effectués par ces mêmes chalutiers nationaux. Ces chiffres évoluent pour atteindre respectivement 84,6 pour cent et 90,5 pour cent lorsqu'on élargi le panel d'espèces aux 12 premières espèces les plus capturées auxquelles on ajoute l'ensemble regroupant des espèces non identifiées (catégorie divers poissons).

Cette forte concentration doit être considérée comme déterminante pour la suite des projets de régulation des pêches et notamment les plans et programmes de régulation puisque la valeur des débarquements (source d'incitation économique pour les entreprises de pêche), représente avec la désignation des espèces ciblées, les indicateurs essentiels sur lesquels on doit faire porter la définition des droits d'accès, des mesures techniques, des plans d'aménagement y compris des mesures fiscale.

La réalité de la situation des flottes industrielles au Sénégal, et notamment la structure d'âge des flottes démersales côtières (Cf. Tableau 3) conduit à envisager un plan d'ajustement des capacités de pêche (PACPM) dans une perspective obligée de modernisation des unités restantes. Cela doit se traduire par un couplage simultanée du PACPM avec un plan de modernisation des capacités (PMC).

Cette réalité relative à l'âge des unités de pêche industrielle conduit néanmoins à envisager un décalage d'une ou deux années, selon les enveloppes budgétaires disponibles à court terme, pour les plans d'ajustement et de modernisation à engager.

Tableau 3: Caractéristiques moyennes des navires industriels sénegalais de pêche côtière démersale

Type de navireNombre de naviresAge moyenTjb moyenPuissance moyenne
Glaciers poissons4326118,0547,6
Glaciers crustacés140148,0575,0
Congélateurs poissons4127225,7804,0
Congélateurs crustacés3634165,1645,8

Le traitement prioritaire du PACPM doit être bien avancé et l'enregistrement de résultats significatifs confirmé avant d'envisager l'amorce d'un plan de modernisation. Pour cela un décalage de deux ans semble une option minimale à considérer si on retient le principe selon lequel la première année du

PACPM risque de porter essentiellement sur le traitement des capacités latentes ou dormantes (navires non opérationnels disposant d'un droit ou navires inactifs et techniquement arrêtés mais ne disposant pas de droits de pêche).

Ce constat (exception faite de la question spécifique, des droits acquis sous forme de licence), est également valable pour des unités artisanales non actives mais potentiellement mobilisables en cas de besoin.

Ce volant de capacités de pêche industrielle et artisanale dormantes doit être mesuré préalablement à la définition des objectifs des plans en discriminant pour les pêches industrielles les navires peu ou pas actifs qui disposent néanmoins d'une licence de pêche, de ceux totalement inactifs mais susceptibles d'être réactivés bien qu'ils ne disposent pas officiellement de licence de pêche.

La réalité de la situation actuelle du contrôle de l'accès, libre en pêche artisanale et déficient en pêche industrielle, si on en juge notamment par les infractions aux mesures techniques ou même les pressions à l'entrée dans le cadre des revendications nationales ou les négociations d'accords internationaux comme c'est le cas avec l'UE, oblige à prévoir un PAC qui soit mis en cohérence, selon un chronogramme précis, avec les actions de renforcement et de réforme des mesures de contrôle de l'accès conformément aux propositions issues des travaux préparatoires nationaux (Cf. Catanzano et Cunningham, 2004).

C'est à cette fin, que ce document technique traitera successivement des actions programmées et des procédures de mise en œuvre du plan de réduction des capacités en considérant les incidences et mesures socio-économiques nécessaires à l'application de ce plan, avant de rappeler les éléments impératifs de réforme des conditions d'accès aux ressources halieutiques.

7. LA CONCEPTION GÉNÉRALE DU PACPM AU SÉNÉGAL

Le PACPM est conçu de façon à donner systématiquement la préférence à des options pragmatiques et en respectant une exigence de non discrimination, selon des principes d'équité, de partenariat entre opérateurs et institutions publiques et en incitant à la combinaison d'initiatives reposant sur le volontariat et sur un ciblage des sorties.

Chaque volet du PACPM donnera lieu à des incitations spécifiques. Les situations distinctes entre les flottilles industrielle et artisanale auxquelles s'adresse le PACPM font que l'on doit distinguer à la fois les critères, mais aussi les formes et modalités de désignation et de mise en œuvre du PACPM. Ceci sera aussi valable pour le Plan de Modernisation des Capacités (PMC) qui devra être enclenché au terme de la deuxième année de fonctionnement du PACPM.

Le PACPM est envisagé sur une période de 5 ans. Cette période se découpe selon deux étapes:

-   les deux premières années concernant exclusivement la réduction des capacités de pêche, puis,

-   dès l'année 3, par l'enclenchement du Plan de Modernisation des Capacités (PMC) selon des objectifs et des critères jumelés à la fois au PACPM mais aussi aux nouvelles conditions d'accès aux ressources halieutiques afin de contrôler l'ensemble de la dynamique des flottilles.

Le PACPM et le PMC doivent faire l'objet d'une programmation et d'une évaluation annuelle. Tous deux sont assortis d'un programme pluriannuel d'information, éducation et communication (PPIEC) ainsi que de missions techniques d'appui destinées à renforcer notamment la programmation en consolidant les liens avec d'autres programmes visant directement l'éducation, le développement social et la lutte contre la pauvreté ou l'amélioration des conditions et moyens d'existence des populations littorales.

Au terme de la deuxième année et parallèlement à la préparation du PMC, il conviendra de prévoir les modalités techniques de renégociation des allocations de droits de pêche aux flottes étrangères et notamment aux flottes placées dans le cadre de l'accord de pêche avec l'UE (2006).

Cette renégociation imposera une préparation coordonnée dès l'année 2005 en fonction des premiers résultats du PACPM et des nouvelles modalités de contrôle de l'accès aux ressources halieutiques (concessions de droit et plans d'aménagement).

Les objectifs du PACPM seront atteints grâce à la mise en œuvre successive:

  1. d'un volet de «sortie volontaire», (VSV) répondant à des incitations et modalités spécifiques;

  2. puis d'un volet de «sortie ciblée», (VSC) qui devra venir en complément des résultats du volet précédent et ce, en fonction des objectifs globaux du PACPM.

Pour l'un et l'autre de ces volets, trois chapitres spécifiques sont à envisager, indépendamment de la nature artisanale ou industrielle des unités de pêche concernées.

Il s'agit:

  1. C1: d'un chapitre relatif au traitement de l'indemnisation de sortie du capital physique que constitue l'unité de pêche et son équipement de pêche. Cela suppose que l'on retienne comme condition première d'éligibilité au plan d'ajustement des capacités, uniquement les unités de pêche en état de pêcher, donc motorisées et dotées de matériel de pêche;

  2. C2: d'un chapitre relatif au traitement de la perte de revenu du propriétaire du capital au titre du rendement de son investissement et de l'entretien de ce capital. Ce chapitre devant considérer deux cas de figure, (C2A) selon que le propriétaire du capital est embarqué et travaille à bord de l'unité de pêche et celui (C2B) où le propriétaire du capital n'est pas embarqué. Car il convient de distinguer le traitement de la perte de rendement financier lié à l'investissement dans les moyens de production, du traitement de la perte d'emploi;

  3. C3: d'un chapitre relatif au traitement de la perte d'emploi des personnels embarqués, soit au titre de propriétaire embarqué en considérant alors les distinctions faites en C2.

Organisé ainsi selon deux volets (VSV et VSC) et trois chapitres (C1, C2 et C3), le PACPM pourra s'exécuter sous le principe d'un Fonds d'intervention pour l'ajustement des capacités (FIAC). La dotation globale du fonds résultera de dotations publiques (ou parapubliques) et de dotations privées (directes ou indirectes par le biais par exemple d'une fiscalité dirigée au profit du fonds), nationales et internationales. Aux fonds ciblés pour chacune des composantes du secteur s'ajouteront des fonds de garantie pour la reconversion des personnes actives vers d'autres Activités génératrices de revenus et des crédits de financement complémentaires (Cf. Figure 1).

Figure 1: Structuration du PACPM par rapport au FIAC

Figure 1

Les procédures d'indemnisation selon les 2 volets et les 3 chapitres pourront mettre en jeu des mécanismes d'indemnisation forfaitaire individualisée et nominatif, ou des mécanismes de négociation groupée via un mécanisme d'intermédiation ou encore des mécanismes d'enchères suivant un principe «du moins demandant» dans des «enchères descendantes aveugles»8.

Le FIAC opèrera selon des modalités d'accès individualisées et collectives. Pour des raisons techniques, de réduction de coûts et afin de jouer un rôle intégrateur du secteur dans l'économie nationale, le FIAC n'a pas vocation à constituer un fonds isolé et spécifique. La solution d'un positionnement au sein d'une institution déjà habilitée et expérimentée dans la gestion de fonds doit être préférée à toute autre solution. Ceci de façon à permettre à la fois la prise en compte des effets du PACPM sur des zones géographiques par le biais d'institutions territoriales (point de débarquement, port, commune ou même région), mais aussi des effets sur des communautés professionnelles spécifiques (métiers à terre dépendant de la présence d'unités de pêche).

Ces interventions du FIAC sur des dossiers collectifs viendront en complément du traitement des effets directs supportés par les acteurs professionnels retirant leurs revenus du travail effectué sur l'unité de pêche. Dans ce cadre certaines institutions territoriales ou institutions professionnelles qui seront particulièrement impliquées dans le PACPM pourront jouer un rôle de médiation au nom des acteurs indirectement et collectivement concernés par le plan.

De la même façon, cela autorisera une médiation d'appui pour des professionnels de la pêche qui souhaiteraient mettre en commun, pour la réalisation de projets collectifs, tout ou partie des compensations auxquelles ils pourraient avoir droit individuellement. Des mécanismes de bonification pourront être prévus dans ce cas compte tenu des assurances fournies par ces institutions d'intermédiation.

Compte tenu de l'architecture générale du PACPM, il n'est pas exclu de dépasser certaines années et notamment dès la première année les objectifs du PACPM, dès lors que le volet de sortie volontaire (VSV) enregistre des sorties dans des segments non prioritaires ou des sorties plus importantes que prévues dans des segments ciblés.

Dans ce cas, c'est la contrainte budgétaire qui définira le seuil d'acceptation annuel des sorties, selon un calendrier de candidature qui doit être fixe et non négociable, afin de faire apparaître des bilans réguliers de l'exécution du PACPM et permettre ainsi d'une année sur l'autre de corriger à la marge les objectifs du VSC.

Le PPIEC, au travers de l'information sur la contrainte budgétaire, pourra agir également dans le sens d'une réactivité accrue des candidats au VSV, ceux-ci craignant peut-être de ne pas pouvoir être pris en compte au moment où eux envisagent de sortir en réaction à une situation particulière (accident de pêche, programmation de projet hors du secteur, mobilité géographique prévue, etc.).

Une programmation de report de sorties volontaires d'une année sur l'autre peut également être envisagée, afin d'anticiper notamment la planification des besoins financiers nécessaires au plan ainsi que la programmation des mesures sociales d'accompagnement.

1 A l'occasion de la quatre-vingt-troisième session du Comité des pêches de l'OCDE qui s'est tenue à Paris du 21 au 23 avril 2004.

2 Les commentaires repris ici ainsi que les références bibliographiques sont extraites du document technique préparé par le consultant de «Australian Bureau of Agricultural and Resources Economics»; réf. AGR/FI (2004) 9. Le «Northern Prawn Fishery» sur lequel s'appuie cette communication a été l'un des plus drastique jamais réalisé à travers le monde puisqu'il a permis de passer de 302 bateaux dans les années 80 à un maximum de 137 unités de pêche en 1995 puis 118 unités en 2002–2003. Le groupe d'évaluation de la cette pêcherie australienne a considéré que sous l'effet des innovations technologiques apportées dans le cadre de la modernisation ou substitution de navires, l'accroissement de l'effort de pêche moyen était de l'ordre de cinq pour cent par an.

3 Discours souvent répandu à propos des accords de pêche européens et des plans d'orientation des pêches dans le cadre de la PCP et par rapport auquel on peut se poser la question aujourd'hui d'une coordination des plans de réduction des capacités européennes avec la politique de modernisation régulée à laquelle le Sénégal devra faire face dans le contexte de vieillissement de sa flotte nationale. D'où on peut escompter un partage équitable des avantages liés aux mécanismes de soutien européens et sénégalais, notamment de nature à favoriser la remise en état de la fiscalité sectorielle au profit de mesures exceptionnelles inscrites dans un plan de réduction de capacité couplé à un plan de modernisation des flottes. Les deux ne peuvent être dissociés même si on peut considérer préférable d'envisager un décalage dans leur mise en œuvre au profit d'abord du plan de réduction des capacités.

4 Travail engagé sur financement du Service de Coopération et d'Actions Culturelles et de l'Union européenne, dans le cadre du projet FSP «Appui à une gestion durable et paritaire du secteur pêche au Sénégal» et PAPASUD. Un groupe d'experts nationaux assisté par l'IDDRA, et s'appuyant sur les travaux en cours dans d'autres projets au Sénégal, a étudié toutes les orientations possibles pour la mise en place de systèmes de droits d'accès aux ressources de la Zone économique exclusive du Sénégal.

5 Cette estimation est bien évidemment caricaturale en ce sens que dans la réalité les prix peuvent évoluer en fonction du niveau de l'offre (selon les élasticités spécifiques aux paramètres du marché), et que les coûts de production de la flotte, qui reste quant à elle inchangée, peuvent se réduire partiellement des coûts proportionnels dans le cas notamment où on agit sur l'effort par des mesures de restriction du temps de pêche ou d'autres mesures techniques (moins de gas-oil consommé, moins de risque d'avarie, de perte de matériel en pêche…). Mais les coûts incompressibles demeurent, supportés par la pêcherie, quelque soit le temps d'activité ou les conditions techniques d'exploitation.

6 Parmi les documents techniques qui contribuent à asseoir le diagnostic sectoriel on notera en particulier: CRODT, 2001; CRODT 2004; Catanzano et Samb, 2000; Catanzano, 2003; Catanzano et Cunningham, 2004; MGP-IDDRA, 2002; UNEP-ENDA, 2001 et ENDA, 2004; IUCN, 2004; SIAP, 2003.

8 Ce type d'enchère consiste à demander à chaque acteur habilité à participer à un programme de retrait ou d'indemnisation de notifier par écrit sous pli cacheté et certifié une proposition d'indemnisation pour un lot de matériel technique clairement spécifié. L'enchère retiendra alors le «moins demandant» en fonction de critères techniques définis préalablement et de barème indicé préalablement publiés. Dans ce cas par exemple la pondération entre l'âge du matériel, les caractéristiques techniques, le statut ou des critères socioprofessionnels comme par exemple la préférence donnée à des offre provenant de propriétaire disposant de plusieurs unités prises en compte dans le plan… Ces éléments seront détaillés plus loin dans le document à propos notamment de la pêche industrielle.


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