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SYSTEMES DE GESTION DE LA SECURITE SANITAIRE


Traditionnellement, la gestion de la sécurité sanitaire des aliments a été dans une large mesure la province de l’État. Les nations ont mis en place des agences responsables de divers aspects de la sécurité sanitaire des aliments avec pour objectif principal de protéger la santé publique. Les organismes internationaux concernés par différents aspects de la sécurité sanitaire des aliments, en particulier la Commission du Codex Alimentarius, aident les États Membres à prendre des décisions sur un grand nombre de questions de politique. Bien qu’ils reçoivent des conseils de nombreuses sources, notamment du secteur privé, leur objectif principal est de protéger la santé publique et de favoriser l’instauration de pratiques équitables sur le marché des produits alimentaires. Les normes du Codex peuvent aussi faciliter le commerce international des produits alimentaires car elles contribuent à harmoniser les réglementations nationales.

Ces dernières années, le secteur privé a joué un rôle plus important dans la gestion de la sécurité sanitaire des aliments, en particulier dans les pays développés où la capacité est plus grande. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène:

  1. Les contraintes fiscales ont en partie obligé les états à réévaluer leur rôle de garant de la sécurité des denrées alimentaires. Ils doivent désormais mettre l’accent sur une gestion de la sécurité sanitaire des aliments plus efficace tout en déléguant de plus en plus la responsabilité d’assurer la sécurité sanitaire des aliments aux différentes parties prenantes de la filière alimentaire. Dans cette nouvelle démarche de gestion de la sécurité sanitaire des aliments, l’industrie est responsable de la mise en œuvre de programmes proactifs d’assurance de la sécurité et de la qualité des aliments qui visent à prévenir les risques sanitaires à n’importe quelle étape de la filière alimentaire (comme le Programme HACCP par exemple). Il existe un large consensus pour estimer que les dispositions réglementaires en matière de sécurité sanitaire des aliments devraient stimuler l’innovation dans l’industrie car elles sont moins contraignantes et plus axées sur les résultats en matière de santé publique. Cette tendance est illustrée par les discussions permanentes qui se tiennent au niveau international sur la définition des objectifs liés à la sécurité sanitaire des aliments.

  2. L’Organisation mondiale du commerce favorise le commerce international par la réduction des droits de douane et des quotas, et la définition, au plan international, d’approches réglementaires communes en matière d’innocuité et de qualité des aliments. Les grandes chaînes de distribution ont profité de cette politique en s’approvisionnant dans le monde entier et en s’implantant dans de nombreux pays. En particulier, les régions en développement de l’Amérique latine, de l’Asie et, dans une moindre mesure, de l’Afrique enregistrent un accroissement important du nombre de chaînes de supermarché internationales dans leurs pays.

  3. Dans le secteur alimentaire, on constate que les grands distributeurs, soucieux de donner une image positive de leur industrie, se sentent plus responsables de la sécurité sanitaire des produits alimentaires qu’ils vendent. Dans certains cas, ces distributeurs exigent que tous leurs fournisseurs respectent non seulement les réglementations gouvernementales en matière de sécurité sanitaire mais aussi les normes rigoureuses en vigueur dans leur industrie ou qu’ils ont eux-mêmes définies. Pour imposer leurs propres normes, ces distributeurs peuvent exiger de leurs fournisseurs qu’ils disposent d’un certificat de conformité délivré par un organisme tiers. La certification peut donc aller au-delà de la sécurité sanitaire des aliments et concerner d’autres caractéristiques des produits comme la protection de l’environnement, les relations professionnelles et le bien-être de l’animal. Les géants de la distribution alimentaire peuvent se sentir obligés de s’engager dans de telles activités pour marquer leur différence et protéger leur marque.

  4. Les distributeurs alimentaires contournent les filières d’approvisionnement traditionnelles au profit d’un mode de contractualisation direct avec les fermiers et les transformateurs pour des produits particuliers, livrés à des moments particuliers, selon des spécifications particulières. Par ce moyen, ils évitent les niveaux élevés de perte de produits inhérents à la production locale et qui pénalisent la filière d’approvisionnement traditionnelle, ainsi que les niveaux variables ou faibles de sécurité sanitaire des aliments.

  5. De plus en plus, les consommateurs des nations industrielles souhaitent que les produits frais ou faiblement transformés soient disponibles pendant douze mois par an. Les distributeurs alimentaires ont encouragé cette tendance car de tels produits dégagent une marge plus grande. Cependant, par leur nature même, ces produits peuvent poser plus de problèmes de sécurité sanitaire, que les distributeurs traitent en utilisant leurs propres systèmes de sécurité sanitaire des aliments.

  6. Dans la plupart des nations, l’urbanisation exige des filières d’approvisionnement plus longues car le lieu de la consommation des aliments est éloigné du site de production. Les grands distributeurs alimentaires profitent de ce phénomène pour sacrifier les petits fournisseurs afin d’offrir un niveau d’assurance plus élevé en matière de sécurité sanitaire des aliments.

Le transfert des systèmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments des gouvernements vers l’industrie alimentaire n’a pas été très positif en ce qui concerne la sécurité sanitaire des aliments et soulève le problème de l’équité sociale et économique entre les pays. Si certains fermiers ont bénéficié de prix plus élevés grâce aux contrats de production, beaucoup d’autres n’ont pas pu participer à ces marchés lucratifs parce qu’ils manquaient de compétences ou de capitaux. Par ailleurs, de nombreux petits distributeurs alimentaires ont vu leurs parts de marché diminuer rapidement.

L’efficacité du contrôle a diminué dans les pays où la réponse du gouvernement aux contraintes fiscales a été d’abandonner la gestion complète de la sécurité sanitaire des aliments au lieu de réévaluer et de réorganiser son rôle en réduisant, par exemple, l’importance des inspections administratives coûteuses au profit d’un recours accru à l’audit des programmes de sécurité sanitaire et d’assurance qualité mis en œuvre par l’industrie. Le même résultat peut être constaté lorsque l’engagement du gouvernement est certes constant ou en augmentation sensible mais dépassé par la demande sur un marché alimentaire mondial en expansion. Dans ce cas, on peut assister au développement d’un système à deux étages dans lequel les producteurs qui visent les marchés internationaux se conforment à une série de normes et les producteurs qui ciblent les marchés locaux se conforment à des normes moins contraignantes.

L’environnement dynamique des systèmes de gouvernance de la sécurité sanitaire des aliments peut avoir des conséquences multiples sur les consommateurs. Par exemple, on constate un impact négatif lorsque la mise en place d’un système pluriel de protection des consommateurs permet aux consommateurs aisés d’accéder à des niveaux de sécurité sanitaire plus élevés que les consommateurs plus pauvres. Cette situation est clairement incompatible avec l’objectif des systèmes nationaux de sécurité sanitaire des aliments, en particulier l’égale protection de chacun contre les dangers d’origine alimentaire. De même, la confiance du consommateur dans la capacité du gouvernement à assurer la sécurité sanitaire de la filière alimentaire pourrait aussi être compromise. En outre, les producteurs pourraient perdre l’accès aux marchés internationaux à cause des niveaux de sécurité sanitaire plus faibles des produits locaux. Il faut aussi tenir compte des principaux résultats positifs donnés par la réévaluation et la réorganisation réussies des systèmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments. L’une des conséquences positives constatée est l’utilisation plus efficace et efficiente des ressources disponibles pour assurer la protection de la santé publique contre les maladies d’origine alimentaire. Dans certains cas, on constate aussi l’instauration ou le renforcement des procédures et des mécanismes en vigueur dans les systèmes nationaux de contrôle alimentaire qui favorisent la transparence et la responsabilisation. Ces aspects positifs constituent une base solide pour susciter la confiance des parties prenantes dans la gouvernance de la sécurité sanitaire des aliments.


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