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Mise en valeur des forêts et des montagnes après la CNUED: nouveaux défis pour la FAO


M. Chipeta et T. Michaelsen

Mafa Chipeta est forestier principal (analyse des politiques) et interlocuteur pour le rôle de maître d'ouvre de la FAO pour l'application du Chapitre 11 (Lutte contre le déboisement) d'Action 21 et des Principes forestiers.

Tage Michaelsen est forestier principal (conservation des forêts) et interlocuteur pour le rôle de maître d'ouvre de la FAO pour l'application du Chapitre 13 d'Action 21 de la CNUED (Gestion des écosystèmes fragiles: mise en valeur durable des montagnes).

L'activité de la FAO, et plus particulièrement du Département des forêts, vise à atteindre l'objectif d'une mise en valeur durable des forêts et des montagnes, qui a été fixé lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED).

La décennie 1985-1995 a été marquée par une recrudescence des débats politiques portant sur la sylviculture. Depuis le lancement du Plan d'action forestier tropical (PAFT) dans le dessein de "sauver les forêts tropicales du monde au bénéfice de l'humanité tout enttière" jusqu'au débat actuel sur des questions telles que les avantages et les inconvénients de l'adoption d'un accord international juridiquement contraignant sur les forêts, ou la certification du bois, la communauté internationale a parcouru beaucoup de chemin pour pouvoir débattre des questions de sylviculture en pleine connaissance des incidences politiques et socioculturelles et des préjugés économiques que cela comporte. La FAO, dans le cadre de son mandat qui consiste à offrir une tribune neutre, a été le lieu où se sont déroulés bon nombre de ces débats, qui ont souvent ressemblé à des pugilats.

Les forestiers ont fini par comprendre que les politiciens et les diplomates parlaient sérieusement quand, à l'occasion du lancement du PAFT, ils avaient déclaré que "les forêts étaint bien trop importantes pour être laissées aux forestiers". Il est de fait que les organes internationaux officiels en matière de sylviculture qui dépendaient du Département des forêts de la FAO, comme le Comité des forêts (COFO), les commissions régionales des forêts et le Comité de la mise en valeur des forêts dans les tropiques, qui à un certain moment étaient les principales tribunes en place dans le monde pour procéder à un dialogue sur la politique relative à la sylviculture, ont vu les grandes questions de politique qu'elles avaient soulevées transférées à des décideurs plus haut placés au sein du Conseil ou de la Conférence de la FAO ou encore à la Commission du développement durable créée après la Conférence de Rio. Les différents comités servent plus désormais de secrétariats techniques et d'organes consultatifs et préparent la voie pour ces instances plus politiques. L'action des organes consultatifs existants s'est souvent doublée d'une action menée par des instances ad hoc sous l'effet d'une vague d'initiatives internationales déclenchées par l'intérêt général auquel ne suffisait plus l'allure mesurée des décisions par consensus mises dans le cadre des organes existants.

L'évolution se poursuit, mais elle est loin d'être sans heurts. A divers moments, les forestiers professionnels ont vu avec un sentiment de frustration et d'incrédulité leurs avis annulés ou écartés par des politiciens soucieux de l'opinion publique et des vues exprimées par des organisations non gouvernementales, bien que certaines de ces dernières étaient considérées par les forestiers comme ayant des connaissances techniques limitées dans ce domaine. Or, cette situation s'est transformée de façon spectaculaire au cours des 10 dernières années. Les forestiers, reconnaissant qu'une opinion publique bien informée pourrait être un allié solide dans la recherche d'appuis pour la cause des forêts, ont de plus en plus pris l'habitude d'alimenter directement l'opinion publique et les politiciens en renseignements dignes de foi. C'est pourquoi il arrive parfois que des forestiers écoutent maintenant avec admiration des ministres, des diplomates et des planificateurs participer à des débats sur des questions forestières en faisant preuve d'une connaissance approfondie de la question. Parallèlement, bon nombre d'ONG nationales et internationales sont devenues des partenaires réfléchis et respectés qui ont un rôle décisif à jouer aussi bien pour la défense que pour la mise en ouvre des programmes de développement.

MISE EN VALEUR DES FORETS ET DES MONTAGNES: PORTÉE DE LA CONFÉRENCE DE RIO

Sylviculture

Pour la FAO, et plus particulièrement pour son Département des forêts, la CNUED s'est révélée à bien des égards comme la réalisation d'un rêve, même si cela n'a pas toujours été reconnu au cours de la phase préparatoire. Dans le Programme d'action forestier tropical, pour reprendre le nouveau nom donné au PAFT en 1990, l'accent a été mis sur l'importance de la contribution de la sylviculture à l'ensemble du développement économique et social à l'échelon national. La direction et la coordination des programmes nationaux d'action dans le domaine forestier devaient incomber aux services de planification ou de développement du gouvernement central plutôt qu'au seul secteur forestier, ce processus devant être à "impulsion nationale", et devaient faire appel à la planification participative et faire intervenir les habitants des forêts, les autochtones, les ONG, le secteur privé et d'autres groupes d'intérêt. Cette approche a été entérinée par le 10e Congrès forestier mondial, qui a eu lieu à Paris en 1991.

En outre, dès le début des années 90, le Département des forêts de la FAO et la communauté forestière mondiale en général avaient élaboré à partir d'un principe directeur axé sur un "rendement durable" pour le bois la notion de la contribution des forêts au "développement durable". La communauté forestière internationale s'est donc estimée particulièrement bien préparée pour les débats sur les forêts auxquels ont procédé les gouvernements à partir de la première réunion du Comité préparatoire de la CNUED (PrepCom 1) qui a eu lieu à Nairobi en août 1990. Toutefois, les politiciens et les diplomates, qui ont à ce moment pris la relève de ce qui avait jusque-là été un dialogue interne entre spécialistes des forêts, lui conférèrent rapidement de nouvelles dimensions.

Le maintien des ressources et la remise en état des zones détériorées seront essentiels...

Parmi les résultats de la CNUED figuraient certains objectifs que la communauté forestière s'efforçait d'atteindre depuis des décennies: un plan d'action négocié au niveau politique sous forme d'Action 21, en général, et du Chapitre 11 (Lutte contre le déboisement), en particulier; également une "déclaration de principes non juridiquement contraignants mais faisant autorité , pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l'exploitation écologiquement viable des tous types de fôrets" (ci-après désignée sous le nom de Principes forestiers), qui fournirait le point de départ pour une discussion plus constructive et équilibrée en reconnaissant notamment le principe de la souveraineté nationale sur les ressources naturelles et en accordant une attention accrue à tous les types de forêts.

... de même que la conservation des zones protégées et des habitats de la flore et de la faune sauvages

Le fait qu'un noyau de politiciens et de fonctionnaires se soient intéressés de très près aux débats sur les forêts dans le cadre du Comité préparatoire de la CNUED et soient devenus très bien informés est l'un des résultats les plus significatifs de la CNUED. Ils sont à l'origine d'un groupe de personnalités de haut niveau extrêmement bien informées qui exercent désormais une influence dans les débats sur des questions ayant trait aux forêts qui se déroulent dans des enceintes politiques et qui, depuis la CNUED, ont été encore institutionnalisés sous l'effet de la Commission du développement durable.

Ce processus a été grandement facilité par la participation active de la FAO, qui a fourni des renseignements de base, rédigé des documents officiels et fait fonction de conseiller. La FAO demeure la principale instance intergouvernementale ayant des connaissances techniques en matière de sylviculture (par l'intermédiaire du Comité des forêts, de réunions des ministres responsables des forêts), et elle a été désignée comme maître d'oeuvre pour l'application du Chapitre 11 et des Principes forestiers.

Mise en valeur des montagnes

Contrairement à ce qui s'était passé pour les forêts, les montagnes n'ont pas été choisies comme Chapitre spécial d'Action 21 jusqu'à un stade assez avancé des négociations préparatoires pour la CNUED. De fait, l'inclusion de la mise en valeur durable des montagnes dans Action 21 a été essentiellement le résultat des efforts d'un groupe qui s'était baptisé "Mountain Agenda" et qui comprenait l'International Mountain Society (IMS), la Société Suisse de développement, l'Université des Nations Unies, le Centre Orient-Occident, l'Alliance mondiale pour la nature (UICN), l'Université de Berne, l'Académie des sciences de Russie et le Centre international de mise en valeur intégrée des montagnes. Plusieurs institutions des Nations Unies, y compris la FAO, ainsi que la Banque mondiale, ont aussi fourni des apports, notamment sous forme d'estimations de coûts, au secrétariat de la CNUED. La question de la mise en valeur des montagnes au titre du Chapitre 13 ayant été introduite à un stade assez avancé des préparatifs de la CNUED, elle a été approuvée sans avoir été beaucoup débattue. En septembre 1993, le Comité interinstitutions du développement durable (CIDD) a décidé de confier à la FAO le rôle de maître d'oeuvre pour l'application du Chapitre 13.

Le rôle de la FAO en tant que maître d'oeuvre pour la mise en valeur des forêts diffère fondamentalement de son rôle à ce même titre pour la mise en valeur des montagnes dans la mesure où l'Organisation ne dispose pas d'un Département des montagnes. Afin de veiller à ce que toute la gamme des connaissances techniques soit mise au service de cette nouvelle tâche, un Groupe interdépartemental des montagnes a été constitué avec la participation de neuf unités techniques en plus du Département des forêts.

Encadré: Rôle de la FAO comme maître d'oeuvre

DOMAINES D'ACTION FUTURE: ROLE DE LA FAO

Sylviculture

L'examen des facteurs extérieurs qui influent sur la durabilité des forêts n'a que peu progressé. Les mesures d'incitation dont bénéficie l'agriculture continuent de favoriser le détournement des terres forestières au profit de l'agriculture ou de l'élevage. Dans de nombreux pays en développement, la rapidité de la croissance démographique, la pauvreté et des politiques encourageant la conversion des terres forestières à d'autres usages continuent de menacer la survie des forêts. Dans les pays développés, la pollution industrielle reste une grave menace pour les forêts. La FAO continuera d'insister sur la nécessité de veiller à ce que le développement d'autres secteurs soit compatible avec l'objectif d'une mise en valeur durable des forêts, en insistant tout particulièrement sur l'utilisation des terres, l'agriculture, la désertification, la diversité biologique, les changements climatiques et l'énergie. [NDLR: pour un exposé plus approfondi sur l'importance des rapports intersectoriels pour le développement durable des forêts, voir iarticle par de Montalembert].

Dans le secteur forestier proprement dit, un certain nombre de questions qui appellent encore une attention particulière, de même que la contribution de la FAO à la réalisation de progrès dans ce sens, sont étudiées ci-après. Ces questions sont présentées en suivant les principaux domaines d'activité du Chapitre 11 d'Action 21 (Lutte contre le déboisement): développement des institutions; gestion écologiquement viable des forêts et activités de "verdissage"; développement fondé sur la transformation, l'utilisation et le commerce ainsi qu'une valeur améliorée des forêts; et enfin évaluation et observation systématique des forêts.

Pour qu'une action constructive puisse être durable, la première priorité pour la FAO et d'autres institutions consiste à appuyer au niveau national le développement des moyens et des capacités qui permettent d'élaborer des politiques, de prendre des décisions et d'exploiter les forêts d'une manière rationnelle. Le renforcement des capacités est devenu un domaine prioritaire pour l'aide internationale et la FAO continue d'être une institution de pointe à cet égard, en particulier par le biais de projets financés par le PNUD ou par des fonds fiduciaires de gouvernements donateurs. La FAO demeurera active dans ce domaine et intensifiera de plus en plus son appui aux groupes d'intérêts non gouvernementaux parallèlement à l'assistance aux gouvernements, qui occupait jusqu'ici le premier plan. Un domaine important consistera à aider les pays à définir le rôle du gouvernement et des groupes d'intérêt et à les aider à fonctionner d'une manière complémentaire, en respectant mieux les avantages respectifs de chaque partenaire.

Développement des institutions

L'efficacité des institutions se trouvera améliorée si elles oeuvrent toutes dans la même direction. C'est pourquoi la FAO encouragera le développement des mécanismes aux niveaux mondial, national et autres pour encourager le dialogue et la recherche de consensus entre les gouvernements, les ONG, les représentants du secteur commercial privé et d'autres groupes d'intérêt en tant que facteur décisif pour le renforcement des capacités. Cet objectif pourrait être partiellement atteint par le biais des organes officiels établis que, au niveau international, la FAO pourrait envisager de modifier de telle sorte que leur composition ne soit pas limitée aux gouvernements lorsqu'il s'agit de rechercher des terrains d'entente. Les instances constituées uniquement de représentants des gouvernements n'en resteront pas moins nécessaires pour la négociation d'accords officiels. [NDLR: voir ce qui a trait à la participation des ONG dans le résumé des débats de la 17e session de la Commission des forêts pour l'Amérique du Nord].

Une industrie productive, fondée sur une récolte et une transformation des produits forestiers à la fois ligneux et non ligneux qui respectent l'environnement est nécessaire pour assurer la durabilité

Mise en valeur durable des forêts

S'agissant du verdissage et d'autres aspects de la mise en valeur durable des forêts, l'un des rôles essentiels de la FAO consiste à encourager l'élaboration de politiques cohérentes et la recherche d'un développement coordonné dans tous les secteurs d'exploitation des terres afin de garantir leur compatibilité avec la conservation et l'utilisation durable des forêts. On s'efforcera d'atteindre cet objectif au moyen d'une interaction améliorée entre les comités de la FAO qui s'occupent d'agriculture, d'élevage, de sécurité alimentaire et de sylviculture. Dans ce domaine, l'accent sera placé sur le transfert et le développement des techniques, et plus particulièrement sur le renforcement des moyens de recherche. L'amélioration des semences et de la qualité génétique d'espèces importantes, la diffusion de procédés pour le reboisement des zones dégradées, l'appui au développement d'écosystèmes représentatifs et d'habitats pour la faune sauvage, l'élaboration de programmes d'action nationaux pour une mise en valeur durable sont des exemples parmi d'autres des services que la FAO continuera d'assurer dans les limites des moyens dont elle dispose. [NDLR: voir article de Lanly sur la recherche d'une mise en valeur durable des forêts]. Compte tenu du rôle important que les habitants des forêts sont appelés à jouer, la FAO cherchera à mettre à profit les connaissances et les pratiques des autochtones lorsqu'elle développera les capacités de la science et de la technologie modernes.

L'amélioration des semences et de la qualité génétique des essences est un élément important d'une gestion durable des forêts

Transformation, utilisation et échanges

Dans le domaine de la transformation, de l'utilisation et des échanges, une contribution importante de la FAO consisterait à aider à corriger les déséquilibres dans l'exécution des plans d'action compte tenu de la tendance observée depuis la CNUED, qui veut que l'assistance internationale soit plus axée sur la conservation que sur le développement. La FAO collaborera avec d'autres institutions pour diffuser et encourager l'application des codes d'usages types qu'elle a déjà mis au point en matière de récolte écologiquement valable et élaborera des codes pour la transformation et l'utilisation aussi bien pour le bois que pour les produits forestiers autres que le bois. La FAO apportera aussi une aide aux industries forestières qui sont une source de revenus et de prospérité durables, à condition que ces activités soient compatibles avec les objectifs d'une exploitation viable des forêts et avec les intérêts des populations autochtones et d'autres communautés qui sont directement tributaires des forêts. [NDLR: voir article de Schmincke sur le rôle de l'industrie forestière dans le développement forestier en général].

Etant donné l'importance que revêt le commerce pour le développement, la FAO utilisera toutes les instances dont elle dispose pour décourager l'application unilatérale de restrictions aux échanges de produits forestiers. Elle appuiera donc les efforts de l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) et d'autres organisations qui ont des rapports étroits avec le commerce afin d'encourager le dialogue, en particulier avec des groupements de défense de l'environnement. Elle encouragera aussi l'élaboration rapide et l'adoption au plan international de critères et d'indicateurs neutres permettant d'évaluer si des produits proviennent de sources renouvelables. [NDLR: les problèmes que soulèvent les échanges et la commercialisation des produits forestiers sera le thème du numéro 183 d'Unasylva].

Evaluation et surveillance

Dans le domaine de l'observation systématique des forêts, la FAO institutionnalisera les travaux liés à l'évaluation des ressources forestières mondiales (actuellement effectuée tous les 10 ans) et évoluera dans le sens d'une évaluation continue. Les effectifs chargés de cette tâche continueront d'être progressivement augmentés. La FAO estime qu'une forte capacité nationale est indispensable dans ce domaine et continuera donc de chercher à obtenir un financement international pour le développement des capacités. Une autre priorité liée à l'information sur les forêts consistera à mettre au point et à diffuser une méthodologie pour l'évaluation des biens et des services forestiers afin d'améliorer les considérations économiques utilisées pour justifier l'appui des secteurs public et politique.

Dans les quatre domaines d'activité du Chapitre 11 d'Action 21, la première place sera accordée aux activités nationales. Toutefois, la FAO continuera d'insister sur un renforcement de l'appui international qui a jusqu'ici été limité au niveau du financement. Par ailleurs, ce financement a été inégalement réparti et les donateurs ou leurs cadres d'action sont parfois mal coordonnés. Moyennant une stabilité et une répartition améliorées du financement, la préparation et la mise en oeuvre des Programmes d'action forestiers nationaux (PAFN) donneront de meilleurs résultats. Reconnaissant toutefois le caractère limité du financement international, la FAO encouragera aussi tous les pays à relancer les efforts du secteur privé et de groupes non gouvernementaux et à rechercher des mécanismes novateurs de financement sur le plan national afin de réduire la dépendance à l'égard de ressources internationales limitées. [NDLR: voir article de Muthoo sur la coopération multilatérale en sylviculture].

S'agissant du cadre juridique de la coopération internationale pour les questions forestières, la situation demeure ce qu'elle était au moment de la CNUED. Les Principes forestiers juridiquement non contraignants n'avaient pas encore été revus, au moment où nous écrivons, et l'existence éventuelle d'un terrain d'entente sur leur transformation en un instrument juridiquement contraignant n'était toujours pas claire. La FAO a fourni l'occasion d'examiner cette question lors de la session du Comité des forêts, et à la réunion des Ministres en mars 1995.

RÉFLEXIONS
Louis Huguet

Mise en valeur durable des montagnes

L'une des principales difficultés à laquelle s'est heurtée jusqu'ici la mise en valeur durable des forêts tient au fait que les zones montagneuses ne sont pas suffisamment reconnues comme revêtant un caractère particulier et présentant des problèmes communs qui diffèrent de ceux des basses terres et méritent donc une attention spéciale. La fragilité des écosystèmes de montagne et les répercussions néfastes qui en résultent pour les populations des plaines ne sont pas pleinement comprises, comme en témoigne l'absence de programmes relatifs aux montagnes dans les institutions internationales, mais plus encore peut-être au niveau national, où il est encore rare de trouver des ministères, des programmes ou des textes législatifs qui traitent d'une manière globale des problèmes particuliers aux montagnes. Le plus souvent, les zones de montagnes et les populations qui y habitent se trouvent en fin de course pour les grands programmes nationaux en matière d'éducation, de santé, d'infrastructure, etc., essentiellement du fait que le coût par personne de la prestation de ces services dans les régions montagneuses éloignées est supérieur à la moyenne nationale et donc considéré par les organismes sectoriels comme "antiéconomique", et aussi du fait que les communautés des régions montagneuses ne jouissent souvent pas de l'influence économique et politique nécessaire.

L'existence d'un chapitre spécial sur les montagnes dans Action 21 (Chapitre 13, Gestion des écosystèmes fragiles: mise en valeur durable des montagnes), fournit pour la première fois l'occasion de mettre l'accent d'une manière nouvelle et globale sur les problèmes particuliers aux montagnes et leurs répercussions sur les zones correspondantes en aval. Ce chapitre reconnaît indirectement le "droit au développement" des zones montagneuses et constitue une coupure nette avec le passé dans la mesure où on a compris que les populations, les cultures et les économies des régions montagneuses sont des valeurs qui méritent des investissements et que la conservation à long terme des zones montagneuses n'a rien à voir avec le développement agricole et industriel des zones en aval, suivi par un dépeuplement progressif des hautes terres.

Deux domaines d'activité ont été inclus dans Action 21 "afin d'examiner plus avant le problème des écosystèmes fragiles en ce qui concerne toutes les zones montagneuses du monde". Il s'agit des deux domaines ci-après: acquisition et renforcement des connaissances sur l'écologie et le développement durable des écosystèmes de montagne; et promotion du développement intégré des bassins hydrographiques et de nouvelles sources de revenu.

Renforcement des connaissances

Dans le cadre de son activité visant à renforcer les connaissances sur les écosystèmes de montagne, la FAO contribuera à consolider un Réseau d'information et une base de données à l'échelle du monde entier. Un secrétariat réduit, éventuellement dans le cadre de l'Université des Nations Unies, devrait être créé à cette fin. Ce réseau assurerait la liaison entre les ONG, les associations régionales de montagne, les spécialistes et les instituts scientifiques qui devraient permettre de mieux faire comprendre aux responsables et à l'opinion publique intéressée les écosystèmes de montagne, les phénomènes liés aux bassins versants et les processus relatifs au développement culturel. Ce réseau encouragerait aussi les activités de recherche et de surveillance au niveau de la communauté. Les bases de données permettraient de préparer des atlas qui mettraient en lumière le rôle global et régional des écosystèmes de montagne. Un appui serait donné aux évaluations et aux enquêtes régionales, aux bases de données et aux systèmes d'information sur les montagnes ayant un caractère régional, de même qu'aux principes d'action régionaux, ainsi qu'au contrôle de la situation de l'environnement et du niveau de développement des régions montagneuses du globe.

Promotion d'un développement intégré des bassins versants

Depuis plusieurs décennies, la FAO s'occupe très activement de l'aménagement des bassins versants dans les régions montagneuses d'un grand nombre de pays. Le moment est toutefois venu de s'attacher à deux aspects de ces questions et à des programmes analogues liés à la conservation et au développement des hautes terres, c'est-à-dire de procéder à des discussions nationales sur l'élaboration de stratégies et de programmes d'ensemble pour la mise en valeur des régions montagneuses; le moment est aussi venu de réévaluer les projets et les programmes en cours d'exécution et envisagés afin de s'assurer qu'ils contribuent à la réalisation de trois grands objectifs définis lors de la CNUED, à savoir: l'élaboration, d'ici à l'an 2000, d'une planification et d'une exploitation appropriées de l'utilisation aussi bien des terres arables que des terres non arables dans les zones de bassins hydrographiques de montagne pour empêcher l'érosion des sols, accroître la production de la biomasse et maintenir l'équilibre écologique; la promotion des activités génératrices de revenu et l'amélioration de l'infrastructure et des services sociaux, en particulier afin de protéger les sources de revenus des communautés locales et des populations autochtones; et enfin la mise au point des dispositions techniques et institutionnelles pour les pays touchés afin d'atténuer les effets des catastrophes naturelles par le biais de mesures de prévention des risques, le zonage des risques, des systèmes de fournitures d'alerte, de plans d'évacuation et d'urgence.

La FAO aidera les gouvernements et les organisations intéressés à créer une capacité nationale pour la mise en valeur durable des montagnes, y compris l'élaboration de plans d'action et de programmes d'investissements nationaux pour les montagnes, la participation de représentants des communautés montagneuses à la planification du développement national, et enfin la conservation et le développement des techniques et des cultures particulières aux zones montagneuses.

L'application des principes d'équité et d'égalité aux femmes des régions montagneuses, ainsi que leur accès aux postes de décision, devraient recevoir une attention prioritaire, de même que l'amélioration des services qui répondent aux besoins particuliers des femmes, l'hygiène sexuelle et les services de nutrition; l'enseignement visant à combler le fossé qui existe actuellement entre les garçons et les filles, et aussi entre les hommes et les femmes, en matière d'alphabétisation; et enfin la possibilité pour les femmes de participer aux programmes de développement et de transfert des techniques. Il conviendrait de reconnaître aussi clairement le rôle que les enfants et les jeunes sont appelés à jouer dans la mise en valeur durable des montagnes. En effet, ils ne seront pas seulement chargés de protéger l'environnement à l'avenir, mais ils pourraient aussi appuyer activement les efforts déployés aujourd'hui. Le meilleur moyen de défendre leurs intérêts consisterait à utiliser une approche participative qui les amènerait à prendre part à tout le processus de l'élaboration des programmes et des plans d'action.

De même, dans de nombreuses régions, une mise en valeur durable des montagnes doit bien souvent commencer par une transformation des attitudes à l'égard des populations autochtones et du traitement qui leur est appliqué, par une reconnaissance de leurs droits à la terre, de leurs connaissances des conditions de vie et de mise en valeur des ressources naturelles particulières aux montagnes, et de leur besoin d'une protection contre l'exploitation par les industries extractives, les revendeurs de drogue, les agences de tourisme, les mouvements de guérilleros, etc.

Les courants de ressources et de services entre les zones montagneuses et les autres, notamment en ce qui concerne l'eau, les produits de la sylviculture et de l'élevage, la main-d'oeuvre, les services gouvernementaux, etc., appellent un nouvel examen critique. La mise en place d'une nouvelle tarification ou d'une tarification révisée pour l'eau, la perception de redevances pour l'exploitation forestière et l'extraction minière, la mise en place de droits et de baux de pacage, la commercialisation des herbes médicinales et autres produits non forestiers, la perception de droits d'entrée dans les parcs nationaux et la délivrance de permis pour les activités touristiques sont des activités qui offrent des possibilités de revenu pour les communautés montagnardes; ce revenu leur permettrait d'investir dans la construction de logements et de routes, dans les communications, l'éducation et la nutrition, plutôt que de recevoir des faveurs du gouvernement. La reconnaissance de plus en plus générale du poids économique de l'eau, les rapports entre le Chapitre 18 d'Action 21 (Protection des ressources en eau douce et de leur qualité: application d'approches intégrées de la mise en valeur, de la gestion et de l'utilisation des ressources en eau), et le Document de politique générale pour la mise en valeur des ressources hydriques établi par la Banque mondiale présentent un intérêt particulier pour le financement de la mise en valeur des montagnes.

Encadré: Suivi de la CNUED

CONCLUSIONS

La CNUED a été un événement marquant pour la sylviculture. Tout d'abord, les forêts ont cessé d'être considérées comme un domaine mystérieux et allant de soi et ont commencé à recevoir plus d'attention que beaucoup d'autres secteurs lors de la CNUED. De nombreux groupes d'intérêt demandent maintenant avec insistance de participer aux efforts de conservation et de développement des forêts. En second lieu, tout en reconnaissant le rôle mondial que jouent les forêts, les gouvernements ont insisté sur la souveraineté nationale qu'ils exercent sur elles, et, par voie de conséquence, ont accepté la responsabilité d'assurer la mise en valeur durable des forêts au niveau national. En troisième lieu, les gouvernements ont accepté d'établir un équilibre entre la conservation et le développement, notamment en garantissant des sources de revenus durables grâce à la commercialisation des produits forestiers. En quatrième lieu, une place de premier plan a été accordée au caractère multisectoriel de la mise en valeur des forêts. Enfin, la CNUED a accordé une grande importance au partenariat entre les divers groupes d'intérêt à l'intérieur des pays ainsi qu'entre les nations, et elle a donc demandé un renforcement de la coopération internationale. La FAO a joué un rôle décisif dans la formulation des idées qui ont été reprises par la CNUED et continuera de faciliter leur mise en application en coopérant étroitement avec d'autres organisations intergouvernementales et d'autres groupes d'intérêt.

Certains des problèmes particuliers aux forêts se retrouvent lorsqu'il s'agit de la mise en valeur durable des montagnes. Mais, en outre, il importe par-dessus tout de s'assurer que les responsables prennent conscience des besoins spéciaux des montagnes afin que ces écosystèmes et les personnes qui y habitent reçoivent l'attention voulue, y compris sous forme de participation aux revenus dérivés des ressources de la montagne, l'eau par exemple. Les institutions qui sont actives dans les régions de montagne ou qui en dépendent doivent reconnaître leurs responsabilités à l'égard de ces régions. Il faudra pour cela des mécanismes financiers pour assurer la mise en valeur des montagnes, améliorer le statut et la participation des femmes et des populations autochtones, améliorer l'accès des populations des régions montagneuses à un enseignement approprié, et enfin diversifier et renforcer l'économie des zones de montagnes.

Aussi bien pour les forêts que pour les régions de montagne, un effort combiné de coopération nationale et internationale est nécessaire pour assurer le suivi effectif des accords de la CNUED; les mesures que pouvait prendre la FAO ont déjà été indiquées. Toutes les mesures qui seront prises, que ce soit sous forme de politiques, de stratégies, de programmes d'action, d'accords ou de conventions (qu'ils aient un caractère volontaire ou contraignant) seront jugées en fonction de leur contribution à une mise en valeur durable des forêts ou des zones de montagne. Leur réussite sera dans une large mesure liée au développement de capacités nationales suffisantes dans tous les pays, ce qui devrait donc retenir une attention particulière.


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