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Chapitre 5 Réexamen: structure d'analyse et étapes


1. Déterminer l'importance de l'eau
2. Matrice des problèmes et des enjeux les plus importants
3. Quantifier les pressions sur les ressources en eau
4. Identifier les options
5. Etablir une stratégie de l'eau
6. Définir un programme d'action, et un plan de suivi de la bonne conduite des politiques

Ce chapitre propose une approche structurée pour entreprendre un réexamen des politiques de l'eau, en présentant une méthode pour organiser le contenu des chapitres précédents.

Il commence par une évaluation de l'importance de l'eau dans la vie économique et sociale des pays, puis poursuit avec une matrice des problèmes et des enjeux les plus importants, une quantification des pressions qui s'exercent, l'identification des options, la formulation d'une stratégie pour la mise en oeuvre des politiques, et enfin conclut par le programme d'action et le calendrier d'exécution.

Les chapitres précédents ont présenté les problèmes susceptibles de se poser, les principes généraux selon lesquels on devait y faire face, et certaines des méthodes et techniques disponibles. Ce chapitre propose un cadre organisationnel pour entreprendre un réexamen des politiques, et ceci en six étapes (énumérées dans l'encadré 10 et développées dans la suite du chapitre).

ENCADRE 10: STRUCTURE OU PROCESSUS DE RÉEXAMEN

1. Déterminer l'importance de l'eau dans la vie économique et sociale du pays.

2. Préparer une matrice des problèmes et des enjeux les plus importants.

3. Quantifier et hiérarchiser les pressions exercées sur la ressource en eau.

4. Identifier des options pour atténuer ces pressions.

5. Formuler une stratégie pour l'eau.

6. Définir un programme d'action et un plan de suivi de la bonne conduite des politiques.

1. Déterminer l'importance de l'eau

Pour démontrer aux responsables, au public et aux groupes plus particulièrement concernés, l'importance des questions relatives à l'eau, certains indicateurs généraux doivent être identifiés comme critères de l'importance du secteur de l'eau par rapport aux autres secteurs. Ces indicateurs serviraient aussi d'arguments pour mettre en avant les ressources dont ce secteur a besoin, en concurrence avec les exigences des autres secteurs et projets.

Les indicateurs généraux utiles comprennent:

· la taille des secteurs gros consommateurs d'eau dans l'économie nationale; agriculture, industrie lourde, de transformation, tourisme et loisirs aquatiques, navigation, et autres secteurs attentifs à la qualité de l'environnement tels que la santé;

· l'importance de l'agriculture irriguée dans la sécurité alimentaire, le PNB et les exportations du pays;

· le coût que représentent pour le budget et le programme d'investissement public la fourniture et la subvention des services de l'eau. La proportion de l'aide étrangère prévue pour le secteur de l'eau;

· la part des maladies d'origine hydrique dans la situation sanitaire du pays, et les estimations de leurs coûts économiques et financiers;

· les implications du secteur de l'eau pour la balance des paiements, par exemple: service de la dette des aménagements hydrauliques, coût des importations alimentaires dues à un déficit d'eau, sécurité alimentaire au niveau local et national, etc.; et

· les estimations des coûts économiques de la pollution de l'eau pour le pays.

ENCADRE 11: MATRICE DES PROBLÈMES ET DES ENJEUX LES PLUS IMPORTANTS

 

Type de problème

Informations/révélatrices

Origine

Importance relative

Déséquilibre offre-demande

Par secteur et/ou région. Tendances futures.

Accroissement de la population, de la demande par habitant, changements climatiques, sur-utilisation des nappes, etc.


Niveau et qualité du service fourni

Proportion de la population qui, actuellement ou dans l'avenir, ne reçoit pas, ou trop peu, d'eau salubre, d'approvisionnements pour l'irrigation à prix abordables, d'équipements sanitaires et d'évacuation des eaux usées: consommation par habitant; fiabilité de l'approvisionnement; etc.

Manque de fonds pour l'investissement; critères excessifs pour les raccordements; croissance rapide des zones d'habitations urbaines non planifiées; entretien insuffisant; pénurie de fonds pour le traitement efficace de l'eau.


Qualité de l'eau insuffisante

Indicateurs de qualité de l'eau sur les sites clés; incidence des maladies d'origine hydrique; coûts croissants du traitement de l'eau par les utilisateurs; mesures légales; etc.

Industries polluantes en augmentation; extension de l'urbanisation; manque de rigueur dans la législation. l'application des lois et les sanctions; pratiques peu productives dans l'irrigation; critères nationaux et internationaux de qualité en hausse; etc.


Coûts de l'approvisionnement futur

Coûts unitaires des aménagements prévus pour l'approvisionnement, la réhabilitation, le traitement, l'évacuation des eaux usées, comparés aux niveaux actuels et passés; coûts futurs en fonction de l'investissement public/budget de l'aide; coût des mesures d'atténuation pour l'environnement.

Fin des options faciles face à une demande croissante; examen insuffisant des alternatives; régulation insuffisante de la demande; recouvrement des coûts médiocre; etc.

Utiliser des données internationales ou historiques.

Quand, dans le futur, la situation est-elle susceptible de devenir grave?

Utilisation non-performante

Dans l'agriculture: mesures de performance telles que l'efficience des réseaux, les normes agronomiques, la valeur économique de l'eau; proportion des pertes d'eau dans les réseaux municipaux; diffusion limitée des dispositifs ménagers pour économiser l'eau; etc.

Absences d'incitations à économiser l'eau; entretien médiocre des réseaux; prise de conscience limitée de la situation dans la population: usines obsolètes et inefficientes; accès limité aux technologies importées; etc.


Conflits croissants entre usagers

Coexistence de surplus et de déficits dans différents secteurs/régions; pénuries croissantes pour certains usages; concurrence pour des disponibilités limitées par ex. entra l'agriculture et les zones urbaines; pressions croissantes sur l'environnement; litiges pour l'eau; tensions sociales; développement de marchés et de transferts de l'eau; hausse du prix de l'approvisionnement marginal; différents internationaux; etc.

Déséquilibre croissant entre l'offre et la demande en eau; moyens inexistants pour régler les différents à l'amiable ou efficacement (lois, procédures de consultation, marchés, prix); échec de la planification et de fa prévision; etc.


Ces indicateurs doivent à la fois présenter la situation actuelle et regarder plus loin en accordant toute son importance à ce qui se passera dans 10 ou 15 ans par exemple. Ceci est particulièrement important pour les pays:

· ayant une croissance démographique et/ou urbaine rapide;

· où l'équilibre entre les secteurs risque de changer;

· où des changements sont prévus dans le domaine du logement et des goûts des consommateurs;

· où il y a un important retard à rattraper dans la fourniture de services;

· où on envisage de gros investissements dans de nouvelles ressources, dans l'amélioration de la qualité, la réhabilitation de réseaux et dans d'autres entreprises de ce type.

2. Matrice des problèmes et des enjeux les plus importants

A partir de la liste de contrôle des enjeux les plus importants du chapitre 2, on peut créer une matrice qui contienne pour chaque cas, l'aperçu du problème, son origine et son importance par rapport aux autres. Ce dernier point peut être quantifié sur une échelle de 1 à 5, où 1 indique un problème relativement mineur et facilement gérable, et 5 un problème très grave, dont la solution présente des difficultés et/ou un coût très important. L'encadré 11 illustre le type d'information requis et comment elle peut être organisée. Les problèmes choisis ici n'ont pas la prétention d'être une liste complète ou même représentative, chaque pays ayant une liste spécifique.

Ces informations, notamment l'évaluation du degré relatif de gravité des différents problèmes, devraient être utilisées pour élaborer une liste courte des problèmes prioritaires, avec leurs causes principales, classés par ordre d'importance.

3. Quantifier les pressions sur les ressources en eau

Les informations rassemblées dans la matrice (encadré 11) pourraient être extraites pour déterminer des degrés de gravité pour les problèmes de l'eau, maintenant et à des moments cruciaux au cours d'une période de planification pertinente (entre 10 et 25 ans dans le futur). Ces données pourraient informer les planificateurs et les responsables sur la gravité de la situation actuelle, de différents points de vue, et sur les prévisions d'évolution pour le futur.

TABLEAU 2
Indicateurs clés pour le secteur de l'eau

Physiques et hydrologiques

Economiques et financiers

Environnement

Balance disponibilités/utilisation par habitant.

Niveau (profondeur) des eaux souterraines dans les aquifères.

Taille des secteurs à consommation d'eau intensive ou nécessitant de l'eau, dans l'économie.

Agriculture et production vivrière reposant sur l'irrigation.

Prix de l'eau sur les marchés libres (par ex: revendeurs urbains ou adjudication).

Proportion du budget national absorbé par l'eau (par ex: déficits d'exploitation, subventions avouées).

Proportion du programme d'investissement public, de l'aide internationale, ou des deux, représentée par les investissements dans l'eau.

Indicateurs de qualité de l'eau aux endroits critiques.

Coûts environnementaux de l'alimentation en eau et de son usage (par ex: barrages, pollution de l'eau).

Incidence des maladies d'origine hydrique et estimation de leur coût pour les malades et pour les services de santé.

Ces informations pourraient être organisées en trois volets: physique et hydrologique; économique et financier; et environnement. Certains des indicateurs clés sont portés dans le tableau 2.

4. Identifier les options

Une fois les problèmes principaux identifiés et qu'on s'est fait une idée précise de leur gravité relative, l'étape suivante consiste à examiner les options disponibles pour répondre aux plus importants d'entre eux. La matrice d'analyse des politiques (encadré 4) peut s'avérer utile pour classifier les actions. Cette matrice envisage des actions à quatre niveaux principaux:

· Planification et analyse, ceci impliquant la création de systèmes de données et de cadres d'analyse qui peuvent être composés de documents de stratégie, d'évaluations des ressources en eau, de banques de données, de systèmes de contrôle, de modélisation et de recherche.

· Réformes juridiques et institutionnelles, comprenant l'élaboration de structures de gestion et de réglementations. Ces mesures peuvent inclure la réforme de la législation sur l'eau et sur la terre, la reconnaissance de critères de qualité de l'eau et l'adoption de lois pour qu'ils soient respectés, la création de nouvelles autorités ou systèmes de coordination, la privatisation ou le passage au statut d'entreprise des services publics de l'eau, le transfert de pouvoir aux groupes d'usagers, la mise en place d'un cadre réglementaire pour le secteur privé, etc.

· Politiques économiques, dans le but de fournir un environnement favorable pour l'utilisation de l'eau. Il est souhaitable que les politiques économiques générales soient examinées pour ajuster leurs effets sur l'eau (par exemple, les mesures de soutien à l'agriculture, l'autosuffisance alimentaire, le développement de l'industrie, les nouvelles zones de peuplement). Pour persuader les utilisateurs que l'eau est une ressource limitée qu'il faut traiter comme telle, il conviendrait de créer des incitations spécifiques telles que la fixation de prix économiques, favoriser l'émergence de marchés et de transactions commerciales, et introduire des redevances de pollution.

· Projets et programmes, tels que les investissements publics, les campagnes d'information et d'éducation, et des programmes pour encourager l'utilisation rationnelle de l'eau.

En choisissant dans ce "menu" de mesures, il convient de garder à l'esprit l'ensemble de critères définis au chapitre trois, qui étaient:

· l'efficacité;
· l'efficience;
· l'impact sur la répartition;
· l'impact sur l'environnement;
· l'impact financier;
· l'acceptabilité politique et pour les populations;
· la durabilité; et
· la faisabilité administrative.

5. Etablir une stratégie de l'eau

Certains des choix de stratégie qui doivent être faits sont énoncés ci-dessous:

· Priorités intersectorielles: là où est prévu un déséquilibre croissant entre l'offre et la demande et où les conflits entre les usagers sont susceptibles de s'accroître, il sera nécessaire de prendre des décisions sur les exigences respectives de l'agriculture, de l'industrie, des villes, des loisirs, de l'environnement, etc.

· Autosuffisance alimentaire: II peut s'avérer nécessaire d'évaluer ses implications à long terme pour l'eau.

· Intérêts internationaux à long terme: le plan d'action envisagé par un pays peut avoir des implications au-delà de ses frontières ou même à un niveau global.

· Mode de gestion: choix entre centralisé et décentralisé d'une part et une distribution publique et privée d'autre part. Ensuite il existe diverses options pour introduire le secteur privé. Il y a encore un autre choix à faire, entre des institutions autoritaires ou participatives.

· Agir sur l'offre ou réguler la demande: pour ce qui est de la deuxième solution, il faut trouver un équilibre entre des méthodes dirigistes et des incitations économiques.

6. Définir un programme d'action, et un plan de suivi de la bonne conduite des politiques

II est souhaitable de passer à cette étape finale quand il apparaît clairement, d'après ce qui précède, quelle est la stratégie suivie, ce qui doit être fait, à quel panachage de mesures il faut procéder et quelles sont les priorités. La stratégie fournit alors les grandes lignes pour la mise en oeuvre des mesures aux différents niveaux administratifs. Il est difficile de donner des directives précises sur les modalités du processus de réexamen, qui dépendent largement du pays considéré. Le chapitre suivant montre comment certains pays ont abordé la question du réexamen des politiques de l'eau et quels ont été les résultats.

Cependant, les politiques de l'eau sont projetées sur de longues périodes, ont normalement un impact très large qu'il est difficile de mesurer, et risquent de ne pas être mises en oeuvre telles qu'elles ont été proposées, pour répondre aux besoins et priorités du moment. Il peut ne pas toujours être possible d'évaluer par avance les répercussions, et l'exécution des politiques peut nécessiter un contrôle continu de la progression, une réévaluation et parfois un réexamen des priorités qui rencontrent des obstacles.

La bonne conduite des politiques tirerait bénéfice d'un contrôle des mesures prises, avec des renvois internes parmi les objectifs, des considérations opérationnelles telles que les priorités, les horizons, les niveaux de responsabilité et les institutions responsables. Le plan de suivi des politiques porte et articule donc la stratégie adoptée, et contient aussi des indicateurs d'EIE, étant donné que les contraintes et les conflits dans l'exécution sont des sources probables d'impact sur l'environnement.

Pour faciliter une acceptation positive des mesures, il est recommandé d'avoir recours à une approche préventive plutôt que d'atténuation à posteriori. Il faut porter son attention sur les sources potentielles de conflit de façon à fournir une assistance pour une compréhension, une anticipation et une correction précoce des problèmes plutôt que de faire appel aux responsabilités politiques et financières du gouvernement pour les résoudre et les atténuer. Des effets négatifs involontaires peuvent naître de l'interaction entre la politique de l'eau et les autres politiques nationales à des points de rencontre conflictuels. Les objectifs et les actions des politiques du secteur de l'eau, telles qu'elles sont formulées, résultent des négociations politiques nécessaires à une réconciliation des besoins concurrents en matières d'actions à mener.

Des actions directes, s'agissant de politiques de l'eau, peuvent aussi être des sources potentielles d'effets négatifs. C'est là un risque encore plus probable si des mesures isolées sont fondées sur des concepts importés qui ne sont pas testés localement et là où les ces actions sont fondées sur une intervention accrue de l'état dans des secteurs d'activité traditionnels.

L'interaction entre un plan de suivi des politiques et l'EIE est illustré dans la figure 3 ci-dessous, basée sur le rapport Feld (1994).

FIGURE 3 Diagramme de l'interaction entre le plan de suive des politiques et l'EIE

EVALUATION D'IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT ET SYSTEME DE CONTROLE DE LA GESTION POUR LA POLITIQUE NATIONALE DE L'EAU


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