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CONCLUSIONS DE LA RÉUNION


A. INTRODUCTION

6. La Consultation a rappelé que les droits et obligations des États en matière de pêche sont définis par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer en date du 10 décembre 1982 (ci-après appelée la Convention de 1982) ainsi que par divers accords internationaux ayant spécifiquement trait à la pêche. Il s'agit notamment de la Convention de la CITES et de plusieurs autres instruments tels que la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), la Convention RAMSAR sur les zones humides et la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Convention MARPOL). En dépit des divergences de vues entre les États membres de la FAO sur les rôles respectifs de la FAO, des organisations régionales de gestion des pêches et de la CITES quant aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales, la Consultation est convenue qu'il y a lieu de rechercher les synergies entre différents régimes aux mandats complémentaires. Les États membres de la FAO ont fait valoir que la CITES ne saurait se substituer aux mesures classiques d'aménagement des pêcheries, et rappelé l'importance fondamentale des organismes nationaux et des organisations régionales de gestion des pêches et de la FAO dans ce domaine.

7. La Consultation a estimé qu'il convenait d'examiner la relation générale entre la CITES, la Convention de 1982 et les instruments internationaux relatifs à la pêche avant de se pencher sur les incidences juridiques de l'application de la CITES aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales, et plus particulièrement des dispositions relatives à toute "introduction en provenance de la mer».

La CITES et ses liens avec la Convention de 1982 et le droit international relatif à la pêche

8. La Consultation a noté que l'application d'instruments successifs traitant du même sujet de droit international est un aspect essentiel de l'analyse des conséquences juridiques de la CITES par rapport à la Convention de 1982 et à d'autres instruments internationaux relatifs à la gestion des pêches. En règle générale, les traités sont interprétés et appliqués de manière à garantir leur compatibilité. Diverses règles de droit international permettent en outre de résoudre les éventuels problèmes de compatibilité; ainsi, les textes les plus récents et les plus spécifiques prévalent sur les textes plus anciens et plus généraux. Étant donné que la CITES (1973) est antérieure à la plupart de ces accords, l'application d'un texte plus tardif et non d'instruments antérieurs sur la même question revêt une importance particulière. Les États sont libres de déroger à ces règles pour tenter de résoudre les difficultés que pose l'application de traités successifs concernant les mêmes questions.

9. La Consultation a souligné que le recours aux clauses de conflit (incompatibilité) est extrêmement important pour l'examen des liens entre les instruments internationaux. Le droit international général dispose que les Parties peuvent se prévaloir de telles clauses pour déterminer les liens entre une nouvelle convention qu'elles élaborent et tout autre accord international pertinent. La Consultation s'est donc penchée sur les clauses de conflit de plusieurs instruments relatifs à la question considérée.

10. La Convention de 1982 énonce à l'article 311 une règle spécifique régissant les liens susvisés. Cet article dispose qu'en cas d'incompatibilité, la Convention de 1982 prévaut sur tous les autres traités; ces dispositions sont toutefois atténuées par le fait que la Convention de 1982 elle-même peut déroger à cette règle et l'a déjà fait. La Convention de 1982 contient donc un ensemble de dispositions simples qui semblent pouvoir s'appliquer à des cas de figure très différents.

11. La CITES est quant à elle bien plus respectueuse des accords précédemment conclus par un État Partie. L'article XIV 2) dispose en effet que la Convention ne saurait affecter tout autre traité qui a ou pourrait être conclu par un État Partie à la CITES concernant «le commerce, la capture ou la récolte, la détention ou le transport de spécimens d'espèces». Le même article gouverne les relations entre la CITES et les autres traités internationaux déjà conclus par des États Parties et relatifs aux espèces marines inscrites à l'Annexe II (article XIV 4) et 5).

12. L'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons[1] comporte une clause analogue à celle de la Convention de 1982 selon laquelle, en cas d'incompatibilité, les dispositions de cet Accord prévalent sur tous les autres instruments actuels ou futurs, mais non sur la Convention de 1982.

13. La Consultation a noté qu'il existe en droit international moderne plusieurs règles régissant les liens entre les différents traités relatifs à la conservation et à la gestion des espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales. À toutes fins pratiques, ce sont les clauses de conflit contenues dans ces différents instruments qui font toute la différence. Selon la Consultation, aucune difficulté majeure n'est à noter dans les clauses de conflit rencontrées dans les actes constitutifs gouvernant les liens entre la CITES et les autres accords examinés par la Consultation. Les points de conflit éventuels devront être analysés et évalués en fonction de leurs mérites respectifs, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, afin de parvenir au meilleur dénominateur commun jugé acceptable par les États Parties à ces accords. Tous les systèmes ayant leurs points forts et leurs faiblesses, une coopération plus étroite pourrait grandement améliorer le niveau mondial de conservation des espèces aquatiques commercialement exploitées.

14. La Consultation n'a pas cherché à hiérarchiser les différents régimes de conservation et de gestion des espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales, mais s'est davantage attachée à rechercher des synergies et des complémentarités entre ces régimes et à mettre en évidence leurs points forts et leurs domaines de spécialisation. Une comparaison des systèmes à l'œuvre dans le monde met en évidence leurs avantages et inconvénients respectifs, et permet d'associer divers aspects tels que le nombre d'adhérents et la manière dont sont prescrites les obligations spécifiques ou générales. Loin de constituer un inconvénient, ces différences pourraient aisément être mises à profit pour renforcer le niveau général de conservation des espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales. Des modalités de coopération tangible pourraient être mises en place pour permettre aux différents systèmes de se compléter les uns les autres en cas de besoin.

B. INTRODUCTION EN PROVENANCE DE LA MER

15. La Consultation s'est penchée sur les applications de l'expression «introduction en provenance de la mer», conformément au mandat qui lui était confié. Elle a toutefois jugé impossible de déterminer les coûts administratifs liés aux différentes interprétations de cette expression sur la base de l'information disponible. Usant de son pouvoir de formuler des recommandations pour améliorer l'efficacité de la CITES, la Conférence des Parties a adopté la Résolution Conf. 2.8 (1979) (désormais intégrée à la Résolution Conf. 11.4 (2000) qui apporte en préambule des précisions complémentaires, à savoir que les compétences des Parties au regard des ressources marines des zones maritimes adjacentes à leurs côtes «ne sont pas uniformes quant à leur étendue, qu'elles sont de natures différentes et qu'elles n'ont pas encore été agréées sur le plan international». Même si l'on considère que cette résolution n'est qu'une simple recommandation n'ayant pas force contraignante, elle n'en constitue pas moins une interprétation de la Convention par son organe représentatif où sont représentés tous les États membres, ce qui lui confère un poids particulier.

16. L'historique des négociations de la CITES révèle que l'ajout de la notion "d'introduction en provenance de la mer" n'est pas passé inaperçu. Le document de travail qui a servi de base aux négociations contenait une disposition analogue, mais l'expression utilisée était "au-delà de la mer territoriale" et non "n'étant pas sous la juridiction d'un État". Il fut finalement décidé d'inclure l'environnement marin dans le champ d'application de la CITES sans pour autant perturber l'application des accords d'ores et déjà en vigueur à cette époque, comme la Convention internationale pour la réglementation de la pêche à la baleine et la Convention internationale pour les pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest.

17. La consultation a jugé que cette expression pourrait être clarifiée, en développant tout d'abord le terme "introduction", puis l'expression "en provenance de la mer".

Introduction

18. S'agissant du terme «introduction», la Consultation a cherché à déterminer si l'introduction est constituée par la remontée d'un spécimen de poisson à bord d'un navire de pêche (faisant ainsi de l'État du pavillon l'État d'introduction), ou par le débarquement du poisson au port et par son dédouanement (l'État du port devenant ainsi l'État d'introduction). De son point de vue, une simple lecture de l'acte fondateur de la CITES qui utilise le terme "le transport, dans un État" ferait plutôt pencher pour la seconde option. Cette interprétation est conforme à l'évolution récente du droit halieutique international qui met davantage l'accent sur les États du port dans ce domaine. Il a donc été convenu de retenir cette position par défaut. Parallèlement, la Consultation a noté qu'outre cette position par défaut, il pourrait s'avérer utile et pratique dans certains cas de recourir à la compétence de l'État du pavillon, ce qui irait dans le sens de l'importance accrue accordée aux responsabilités de l'État du pavillon par les récents instruments de droit halieutique international. Dans les deux cas, des pratiques tels que les transbordements, la transformation et le traitement à bord de prises capturées au cours d'une même sortie de pêche dont certaines proviennent des eaux sous juridiction nationale et d'autres des zones de haute mer soulèvent des questions complexes qui devront être examinées au cas par cas.

19. La Consultation s'est également demandée si un permis d'exportation ou de réexportation est nécessaire dès lors qu'une "introduction" est intervenue. Si l'État du port est l'État d'introduction et que l'on tient compte de la définition du terme "réexportation" donnée à l'article I de la CITES, la Consultation est d'avis que tout transport hors du pays d'introduction - à savoir le pays de premier débarquement et de dédouanement - constitue une exportation.

En provenance de la mer

20. La Consultation a jugé que la question essentielle que pose cet article est l'interprétation de l'expression" n'étant pas sous la juridiction d'un État". Elle a commencé par poser le problème fondamental de l'époque à considérer pour interpréter cette définition. S'agit-il de la situation ex nunc, c'est-à-dire le moment où ces dispositions sont appliquées, ou de la situation ex tunc, à savoir l'époque où la CITES a été conclue. À cet égard, le droit international général applique l'interprétation ex tunc par principe et par défaut, les Parties étant libres d'y déroger si elles le souhaitent.

21. On peut dès lors se demander si les Parties contractantes à la CITES n'ont pas adopté les dispositions de l'article XIV 6) dans le but d'écarter le régime par défaut décrit ci-dessus. La Consultation a estimé que ce n'est pas le cas. Cet article a pour seul objet de stipuler qu'aucune des dispositions de la CITES ne peut influer positivement ou négativement sur l'évolution du droit de la mer qui, en 1973, était sur le point d'être renégocié dans le cadre de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. L'opinion de la Consultation est en outre appuyée par l'analyse grammaticale de l'article XIV 6) et par le fait que de nombreux instruments contiennent des dispositions quasiment identiques.

22. Une fois l'article XIV 6) de la CITES replacé dans cette perspective plus vaste, la Consultation est tombée d'accord sur le fait que cet article se rapporte expressément aux négociations de la troisième Conférence des Nations unies sur le droit de la mer et qu'il ne permet pas de clarifier les liens entre la Convention de 1982 et la CITES, en dépit des arguments persistants à l'effet contraire.

23. Par ailleurs, la Consultation a fait valoir que l'article 311 2) de la Convention de 1982 ne permet pas non plus en lui-même de préciser l'expression" n'étant pas sous la juridiction d'un État" étant donné que d'autres dispositions de cette même Convention pourraient également s'appliquer.

24. En conséquence, la Consultation a estimé que de lege lata, à savoir conformément à la loi en l'état, l'expression" n'étant pas sous la juridiction d'un État" doit être interprétée à la lumière du droit international tel qu'il existait à l'époque où la CITES a été conclue. Elle a toutefois considéré que cette interprétation serait incompatible avec la pratique d'État, notamment la manière dont la gestion des pêches est assurée en vertu de la Convention de 1982, la compétence halieutique étant généralement exercée sur les espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales dans la zone économique exclusive ou dans des zones équivalentes relevant de la juridiction nationale. La Consultation a donc suggéré que les Parties à la CITES envisagent d'adopter une résolution pour clarifier ce point. Il existe plusieurs possibilités à cet égard et la Consultation a proposé les trois options suivantes pour guider les États Parties dans leur réflexion.

a. L'expression «l'environnement marin n'étant pas placé sous la juridiction d'un État» est interprétée à la lumière du droit international en vigueur au moment de l'application ou de l'interprétation de la présente Convention. Aux fins de cette Convention, cette expression désigne actuellement toutes les parties de l'environnement marin à l'exception de la zone économique exclusive ou des zones équivalentes où la pêche relève de la juridiction nationale, le plateau continental, la mer territoriale, les eaux intérieures d'un État ou les eaux archipélagiques dans le cas des États-archipels.

b. L'expression «l'environnement marin n'étant pas placé sous la juridiction d'un État» est interprétée à la lumière du droit international en vigueur au moment de l'application ou de l'interprétation de la présente Convention.

Cette définition a la simplicité et la souplesse pour avantages. De plus, elle est complète en ce sens qu'aucun aspect n'est exclu de son champ d'application et elle permet à la Convention de se développer en parallèle du droit international, sans qu'il soit besoin d'y apporter de nouvelles adaptations.

Son inconvénient est qu'elle est assez vague quant au contenu qui lui sera attribué au moment de son application. Dans la pratique, son application risque donc d'être plus problématique pour les parties concernées qui pourraient fort bien n'être pas en mesure de lui attribuer sa substance.

c. Aux fins de la présente Convention, l'expression «l'environnement marin n'étant pas placé sous la juridiction d'un État» désigne toutes les parties de l'environnement marin à l'exception de la zone économique exclusive ou des zones équivalentes où la pêche relève de la juridiction nationale, le plateau continental, la mer territoriale, les eaux intérieures d'un État ou les eaux archipélagiques dans le cas des États-archipels.

Cette définition présente l'avantage d'être précise et claire et donc, simple à interpréter et à mettre en pratique. Elle tient également compte du concept de zone de pêche.

Son inconvénient est qu'elle reflète l'état du droit au moment de l'adoption. Elle permet également d'exclure des aspects spécifiques que l'on pourrait souhaiter écarter pour adopter un point de vue plus général, par exemple non limité aux seules espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales.

La première de ces définitions a la préférence des participants à la Consultation car elle associe les avantages des deux autres options et limite les inconvénients autant que faire se peut.

Problèmes juridiques posés par les critères d'inscription de la CITES et par les propositions en la matière

Critères d'inscription

25. La Consultation est convenue que l'inscription des espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales relève de la compétence de la CITES. Certains participants ont rappelé qu'il existe des divergences d'opinion entre la FAO et la CITES quant à la finalité première de l'inscription des espèces à l'Annexe II: s'agit-il de protéger les espèces du risque d'extinction ou d'en promouvoir l'utilisation durable? Selon certains participants, ces points de vue ne sont pas sans conséquences juridiques.

26. Les critères de la CITES ont jusqu'ici été appliqués au cas par cas, et leur application a évolué dans le temps, comme l'attestent les récents progrès des négociations en cours au sein de la CITES pour modifier les critères d'inscription. La Consultation a considéré comme une évolution positive le fait que les critères révisés soumis à l'examen de la treizième Conférence des Parties font référence aux facteurs socio-économiques qui doivent être pris en considération en vue de la modification des annexes.

Processus de consultation

27. La Consultation a insisté sur le fait qu'il convenait de développer les consultations entre la CITES, la FAO, les organisations régionales de gestion des pêches et les autres organisations compétentes. Pour faciliter l'évaluation des propositions soumises à la CITES en vertu de son article XV en vue de la modification des Annexes I et II, la Consultation a souligné que la FAO et les organisations régionales des pêches compétentes devraient apporter des informations et des conseils pertinents en temps opportun. La constitution, par la vingt-cinquième session du COFI, d'un groupe spécial chargé d'examiner les demandes d'inscription aux Annexes de la CITES est une évolution positive et bienvenue. Les participants ont jugé important que les Parties proposant l'inscription d'espèces engagent en temps utile des consultations approfondies avec les États concernés et identifient les organisations régionales de gestion des pêches ayant pour mandat d'assurer la gestion des espèces considérées (comme l'exige la Résolution Conf. 9.24 de la CITES (Rev. CoP12). Une fois ces organisations identifiées, le Secrétariat de la CITES serait en mesure d'entreprendre plus efficacement les consultations prévues à l'article XV. La Consultation a également jugé important que la FAO et la CITES concluent un protocole d'accord. Elle a rappelé que les dispositions de l'article 8 6) de l'Accord des Nations unies sur les stocks de poissons appellent à l'engagement de consultations, illustrant ainsi l'obligation faite aux parties concernées de consulter les organismes intergouvernementaux.

Application du principe de précaution

28. Les divergences dans l'application du principe de précaution pourraient devenir une source de difficultés, les membres de la FAO ayant déjà fait valoir que le libellé actuel de la Résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP12) de la CITES pourrait donner lieu à des interprétations extrêmes. À cet égard, la Consultation s'est référée au rapport de la Consultation d'experts sur les questions de mise en œuvre.[2] Il a également été signalé que le projet de critères d'inscription révisés règle le problème des interprétations extrêmes, et la Consultation a de nouveau souligné qu'il convenait que ces critères révisés, actuellement examinés par la CITES, soient adoptés par la treizième Conférence des Parties; elle a aussi rappelé l'importance de la Résolution Conf. 8.3 de la CITES relative à la reconnaissance des avantages du commerce de la faune et de la flore sauvages, considération essentielle pour l'éventuelle inscription de toute espèce de poissons faisant l'objet d'une exploitation commerciale.

Questions juridiques découlant de la mise en œuvre de la CITES

Souplesse de la CITES

29. Le fait que les Partie à la CITES interprètent la Convention au moyen de résolutions permet une très grande souplesse de mise en œuvre. Les participants sont tombés d'accord sur le fait que cette souplesse présente à la fois des avantages et d'éventuels problèmes d'application aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales.

30. Cette souplesse a permis à la CITES d'adopter diverses mesures pour améliorer la mise en œuvre de la Convention, notamment la révision des critères d'inscription mentionnée ci-dessus, la révision des annexes actuelles et l'ouverture de discussions pour formaliser sa coopération avec la FAO. La Consultation encourage vivement toute mesure visant à améliorer la mise en œuvre de la Convention. Toujours au plan positif, les critères, tant actuels que proposés, d'inscription à l'Annexe II (la plus pertinente pour les espèces aquatiques faisant l'objet d'une exploitation commerciale) appliqués conformément aux connaissances scientifiques les plus récentes sont suffisamment souples pour garantir qu'une espèce dont la survie n'est pas menacée ne se retrouve pas inscrite sur les listes en vertu des dispositions de l'article II 2a).

31. La Consultation s'est demandée" pourquoi les gestionnaires des pêches sont-ils si préoccupés par la participation de la CITES en dépit des mesures susvisées? "L'une des importantes explications évoquées est que les membres de la FAO n'ont pas cessé de soulever les problèmes que posent le déclassement ou la radiation des espèces. La situation des éléphants illustre fort bien leurs préoccupations; en effet, bien qu'il existe désormais des populations en bonne santé, il reste difficile de déclasser ces espèces. S'agissant de l'application future de ces dispositions aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales, le problème ne sera probablement pas tant de transférer une espèce de l'Annexe I à l'Annexe II, mais plutôt d'obtenir sa suppression de l'Annexe II. Outre que cette procédure a déjà été reconnue très lourde au plan administratif, elle présente un problème juridique dans la mesure où la formulation des critères de déclassement ou de radiation est plus restrictive que celle des critères d'inscription, du fait de l'application de l'approche de précaution. La Consultation a recommandé que la FAO et la CITES engagent des consultations sur les problèmes de déclassement (transfert) et de suppression (radiation) des espèces pouvant survenir en raison, par exemple, de l'application de l'approche de précaution.

32. Plusieurs participants à la Consultation on fait valoir que l'apparent manque de flexibilité des procédures de la CITES pourrait donner lieu à des difficultés. La majorité des deux tiers exigée pour l'adoption d'une proposition par la CITES a notamment été considérée comme une contrainte majeure, constituant souvent un frein tant à l'inscription des espèces sur les listes qu'à leur radiation. Selon certains participants, cette majorité des deux tiers pourrait cependant faciliter la prise de décisions au sein de la CITES. Il convient aussi de noter les préoccupations tout aussi valables que suscitent les autres procédures relatives à la prise de décisions. Ainsi, la prise de décisions par consensus souvent appliquée par les organisations régionales de gestion des pêches peut aboutir à des impasses qui empêchent l'adoption des mesures de gestion nécessaires.

33. La récente décision relative à la tenue des Conférences des Parties tous les trois ans a également été considérée comme un obstacle potentiel aux procédures de la CITES en matière d'inscription, de déclassement et de suppression des espèces aquatiques faisant l'objet d'une exploitation commerciale étant donné que le niveau des stocks halieutiques est susceptible de se modifier plus rapidement. En théorie, les procédures de la CITES sont suffisamment souples pour résoudre ces difficultés au moyen d'amendements intersessions mais dans la pratique, ces procédures ont été difficiles à appliquer, sauf dans le cas d'espèces ne prêtant pas à controverse. Il a toutefois été signalé que pour les espèces inscrites à l'Annexe II, les pays disposent de la latitude nécessaire pour adapter leurs mesures de gestion lors même que les espèces considérées demeurent inscrites à cette Annexe.

La CITES et la Convention de 1982

34. La Consultation a cherché à déterminer si la manière dont la CITES est appliquée pouvait être incompatible avec les dispositions de la Convention de 1982. L'article 61 2) de cette Convention appelle notamment à la détermination des niveaux de capture sur la base des données scientifiques les plus fiables. L'article 61 3) dispose que la fixation du volume admissible des captures doit être fondée sur le concept de rendement constant maximum ainsi que sur des considérations économiques. S'agissant de l'application des avis de commerce non préjudiciable et de l'étude majeure sur les questions commerciales engagée dans le cadre de la CITES, la Consultation ne s'attend pas à des conflits avec la Convention de 1982 ou avec les instruments connexes sur la pêche étant donné que la CITES ne peut empêcher une Partie d'exploiter une espèce inscrite dans sa propre ZEE et qu'elle se borne à réglementer le commerce international des espèces. Toutefois, compte tenu de la latitude que la CITES autorise aux Parties pour la mise en œuvre de mesures intérieures plus rigoureuses, notamment lorsque ces mesures vont à l'encontre des avis de commerce non préjudiciable formulés par d'autres Parties à la CITES, la Consultation a exprimé l'avis que ces mesures pourraient être incompatibles avec la Convention de 1982 et la législation halieutique connexe, notamment au regard du droit exclusif des États côtiers (articles 61 et 297) de fixer le volume admissible des captures dans leurs ZEE. La Consultation a recommandé au COFI de tenir compte de cette possibilité de conflit et d'envisager les suites qu'il convient d'y donner auprès de la CITES.

35. La Consultation a jugé que l'inscription d'une espèce à l'Annexe II assortie d'un quota d'exportation zéro pose problème au plan juridique. En effet, une telle inscription est dans la pratique encore plus restrictive qu'une inscription à l'Annexe I - à moins qu'elle ne s'applique qu'aux spécimens sauvages faisant l'objet d'une exploitation commerciale - car elle interdirait par exemple les dérogations pour utilisation personnelle et non commerciale telle que le mouvement international des trophées de pêche. Il a été signalé qu'une espèce marine (le dauphin souffleur de la mer Noire, Tursiops truncatus) est d'ores et déjà inscrite à l'Annexe II, avec un quota d'exportation zéro. Étant donné que les Parties sont tenues d'appliquer les dispositions de la Convention de la CITES qui énoncent des droits et obligations spécifiques relatifs aux Annexes I et II, ce fait nouveau pourrait être vu comme une limitation de leurs droits et obligations.

36. L'inscription d'une espèce aquatique exploitée à des fins commerciales sur les listes de la CITES en raison de la structure des stocks pourrait également être source de conflit. On peut en effet imaginer une situation où un stock relevant de la juridiction d'un État est bien équilibré, son exploitation étant donc justifiée aux termes de la Convention de 1982 et des instruments halieutiques connexes, mais où les prélèvements opérés sur ce stock ne peuvent faire l'objet d'un commerce international étant donné l'inscription de cette espèce à l'Annexe I. La Consultation d'experts sur les problèmes de mise en œuvre a jugé que la CITES devait réviser ses procédures et, dans certains cas, les dispositions relatives aux inscriptions scindées et au recours aux clauses de ressemblance. Ces changements importants d'un point de vue juridique permettraient d'éviter les conflits auxquels pourrait donner lieu l'inscription d'espèces de poissons faisant l'objet d'une exploitation commerciale sur les listes de la CITES.

37. Il a été noté que la CITES comporte diverses clauses de protection visant à se prémunir contre une précaution excessive ou une surexploitation, notamment les dérogations pour utilisation personnelle, la possibilité de formuler ou d'annuler des réserves au sujet d'une inscription particulière, et la latitude laissée aux Parties en vue de la mise en œuvre de mesures intérieures plus rigoureuses.

38. S'agissant de l'inscription éventuelle d'espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales sur les listes de la CITES, des préoccupations ont été exprimées au sein de la FAO quant au fait qu'une telle inscription, notamment les Annexes I et II, contreviendrait aux dispositions de la Convention de 1982 et des instruments connexes dans la mesure où elle constituerait une entrave au droit de pêche en haute mer prévu, entre autres, à l'article 116. Le problème se pose particulièrement pour les espèces inscrites à l'Annexe I qui pourraient être pêchées en haute mer, mais ne pourraient pas être introduites dans les ports d'une Partie à la CITES. La Consultation est tombée d'accord sur le fait que les dispositions du paragraphe 5 de l'article 311 et de l'article 116 de la Convention de 1982 disposent clairement que le droit de pêche en haute mer n'a jamais été sans restriction et, compte tenu de la large application et de la participation optionnelle au régime de la CITES, elle a exprimé l'avis que de telles inscriptions ne seraient pas incompatibles avec les dispositions de la Convention de 1982.

La CITES et la pêche illicite

39. L'inscription d'une espèce sur les listes de la CITES pourrait résoudre certains problèmes liés à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche illicite). S'agissant de l'utilité de la CITES pour la lutte contre la pêche illicite, il faut distinguer la pêche illicite d'une part, et les opérations de pêche non déclarées et non réglementées, d'autre part, et reconnaître que son degré d'utilité serait fonction du problème considéré. Il a été rappelé que la pêche illicite, notamment celle qui donne lieu à un commerce international, constitue une menace majeure pour la viabilité de nombreuses espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales et que la CITES pourrait contribuer à interdire l'accès aux marchés internationaux aux espèces capturées sans droit. La Consultation a fait valoir que l'accent mis par la CITES sur des espèces spécifiques pourrait, dans certains cas, limiter son efficacité.

40. Les inscriptions à l'Annexe III de la CITES sont spécifiquement destinées à aider les pays à empêcher ou à limiter l'exploitation à des fins commerciales d'une ressource faisant l'objet de mesures intérieures de gestion, notamment quand cette ressource est la cible de la pêche illicite. Cette approche permet aux Parties à la CITES de solliciter la coopération d'autres Parties et de les engager à appliquer leur réglementation nationale.

41. La récente inscription à l'Annexe III de l'holothurie Isostichopus fuscus par l'Équateur illustre bien comment cette approche peut être appliquée à une espèce aquatique exploitée à des fins commerciales et qui était gravement surexploitée du fait du braconnage. L'Annexe III offre aux Parties davantage de souplesse que les Annexes I et II dans la mesure où elle autorise une application limitée à certaines sous-espèces ou produits dérivés, et où une Partie peut prendre l'initiative d'y ajouter ou d'y supprimer une espèce. Il est important de noter qu'aucune disposition ne vise la délivrance de permis pour l'introduction en provenance de la mer d'espèces inscrites à l'Annexe III; son application aux espèces essentiellement présentes dans les zones de haute mer pourrait donc s'avérer assez limitée.

42. Bien que la plupart des instruments sur la pêche adoptés au cours des 15 dernières années - notamment l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable et le Plan d'action international visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (PAI - pêche illicite) - comportent des dispositions spécifiques concernant le renforcement des capacités et l'aide aux pays en développement, cette assistance n'a pas été fournie dans une mesure susceptible de promouvoir une évolution durablement positive dans la plupart des régions. Étant donné que les problèmes posés par la pêche illicite se résument dans bien des cas à l'aptitude des États à passer et à appliquer des lois, il convient que la CITES et la FAO s'associent pour promouvoir le renforcement des capacités dans les pays en développement. La CITES pourrait notamment apporter son concours à l'élaboration et à la mise en œuvre de législations ainsi qu'au suivi du commerce des espèces inscrites sur ses listes. S'agissant du renforcement des capacités de police, la CITES entretient des relations étroites avec Interpol et l'Organisation mondiale des douanes, ce qui pourrait être d'une grande utilité pour la coordination des efforts engagés en vue du respect des législations halieutiques.

Aspects juridiques des clauses de ressemblance et des inscriptions scindées

43. Comme on l'a déjà signalé ici et lors de la Consultation d'experts sur les problèmes de mise en œuvre, il est essentiel de limiter autant que possible le recours aux clauses de ressemblance et de développer les inscriptions scindées pour faire de la CITES un outil efficace de conservation des espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales, tant au plan juridique que pratique. La Consultation a pris note de la proposition visant à assouplir le traitement juridique des problèmes de ressemblance qui sera examinée par la treizième Conférence des Parties; il s'agit d'amender le libellé de l'Annexe 2 b de la Résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP12) en remplaçant l'expression "devraient être inscrites" par "peuvent être inscrites". La Consultation est en faveur de cet amendement.

44. En ce qui concerne les inscriptions scindées, les participants ont pris bonne note des préoccupations exprimées dans les sections pertinentes du rapport de la Consultation d'experts sur les problèmes de mise en œuvre. La Consultation est d'avis qu'il convient d'examiner le texte relatif aux inscriptions scindées pour déterminer s'il a la souplesse nécessaire pour s'appliquer aux espèces aquatiques exploitées à des fins commerciales. La Consultation a repris à son compte la recommandation de la précédente Consultation d'experts, selon laquelle les Parties à la CITES devraient examiner les préoccupations exprimées par la FAO quant au fait que la stricte application des indications relatives aux inscriptions scindées pourrait avoir pour résultat l'inscription à l'Annexe II d'espèces ou de stocks aquatiques qui, en cas contraire, ne satisferaient pas aux critères d'inscription.

45. Il a également été question de l'inclusion du nouveau libellé suivant au paragraphe B de l'Annexe 2 b du projet de révision des critères d'inscription: «Il existe des raisons impérieuses, autres que celles énoncées dans le critère A ci-dessus, pour assurer un contrôle efficace du commerce des espèces inscrites actuellement». La Consultation a pris acte des préoccupations exprimées quant au fait que ce critère pourrait être interprété de manière à autoriser l'inscription d'espèces ciblées dans le but de protéger des espèces d'ores et déjà inscrites et accidentellement capturées dans certaines pêcheries. La Consultation a toutefois jugé que le libellé proposé pour la révision de la Résolution Conf. 9.24 (Rev. CoP12),"pour assurer un contrôle efficace du commerce" est suffisamment précis pour ne pas donner lieu à une interprétation exagérément vaste de ce paragraphe.

46. La Consultation a reconnu que la réduction des inscriptions d'espèces ressemblantes et l'augmentation des inscriptions scindées occasionneraient probablement des problèmes de mise en œuvre et a préconisé la recherche de solutions créatives pour y parer. Des difficultés risquent notamment de se poser dans le cas des espèces aquatiques capturées en haute mer à des fins commerciales qui ne nécessiteraient plus de certificat d'introduction en provenance de la mer lors même que les captures pourraient avoir été transbordées, avoir changé de main ou de forme et avoir transité par plusieurs pays.

Relations entre la CITES et les organisations régionales de gestion des pêches

47. Comme l'a signalé la Consultation d'experts sur les difficultés de mise en œuvre, si les États s'acquittaient pleinement de leurs obligations au titre de la Convention de 1982 et des organisations régionales de gestion des pêches et appliquaient le Code de conduite, la fréquence des inscriptions ou propositions d'inscription sur les listes de la CITES serait considérablement réduite, ce qui limiterait d'autant le risque de conflit juridique entre ces deux instruments. Les discussions sur ce point ont essentiellement porté sur la nécessité d'harmoniser les pratiques et de resserrer la coopération entre les organisations régionales et la CITES. De nombreux participants à la Consultation ont fait valoir que ces deux instruments évoluent de manière très semblable, qu'il s'agisse du suivi des échanges, du resserrement des mesures de gestion ou des mesures commerciales destinées à favoriser le respect de la réglementation. C'est une évolution positive pour l'utilisation durable des ressources halieutiques et il convient de la soutenir.

48. Pour le cas où une espèce relevant du mandat d'une organisation régionale de gestion des pêches viendrait à être inscrite sur les listes de la CITES, la Consultation est d'avis qu'il existe des possibilités de coopération entre la CITES et les organisations régionales permettant d'harmoniser les procédures de documentation et notamment, les permis exigés par la CITES. Elle en outre constaté qu'il n'existe aucun obstacle juridique à l'harmonisation des procédures de documentation, dès lors que cette harmonisation est sans préjudice des droits et obligations de la CITES. Elle a cependant fait valoir que la CITES n'a encore jamais inscrit sur ses listes des espèces dont la gestion relève d'une organisation régionale et que ce type d'inscription demeurerait probablement exceptionnel.

49. Dans des cas appropriés, l'obligation de fournir la preuve de l'acquisition légale ainsi qu'un avis de commerce non préjudiciable pour les espèces relevant de l'Annexe II pourrait appuyer l'action des organisations régionales, dans la mesure où la CITES pourrait s'appliquer à celles de ses Parties qui ne sont pas tenues d'appliquer les mesures de l'organisation régionale compétente ou qui n'appliquent pas pleinement les mesures de gestion convenues. La CITES et les organisations régionales de gestion des pêches devraient examiner les avantages à retirer de leur collaboration, notamment dans la lutte contre le problème persistant posé par la pêche illicite (voir le paragraphe 39).

50. Pour ce qui est des relations entre la CITES et les organisations régionales de gestion des pêches, il convient de s'interroger sur le statut juridique de ces organisations au regard des dispositions de l'article XIV de la CITES. Les alinéas 4) et 5) de l'article XIV disposent que les États Parties à la CITES qui sont également partie à un autre traité, à une autre convention ou à un autre accord international (portant création d'un organe de gestion) en vigueur au moment de l'entrée en vigueur de la CITES (1975) seront dégagées, dans certains cas, des obligations qui leur sont imposées concernant les espèces marines inscrites à l'Annexe II. Par ailleurs, l'article XIV dispose en son alinéa 2) que, dans le cas d'organisations régionales créées aux termes de traités, conventions ou accords internationaux entrés en vigueur après 1975, les États Parties à la CITES et à ces organisations régionales seront tenus d'appliquer pleinement les obligations découlant des deux instruments. Certaines organisations régionales relèveront clairement de l'une ou l'autre catégorie; la question se posera pour les organisations dont l'acte constitutif a été renégocié depuis l'entrée en vigueur de la CITES. Cette question mérite d'être examinée et discutée plus avant.


[1] Accord aux fins de l'Application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs.
[2] FAO. 2004. Rapport de la Consultation d'experts sur les problèmes de mise en œuvre liés à l'inscription sur les listes de la CITES d'espèces aquatiques faisant l'objet d'une exploitation commerciale, Rome, 25 – 28 mai 2004. FAO Fish.Rep. 741. (sous presse).

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