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ANNEXE VII
(Document de séance 1A)

DEUXIÈME FORUM MONDIAL FAO/OMS DES RESPONSABLES DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS
Bangkok (Thaïlande), 12-14 octobre 2004

Allocution prononcée par
M. Richard Fadden, Président de
l'Agence canadienne d'inspection des aliments

INTRODUCTION

Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler dans le cadre de cet important et prestigieux rassemblement. Au nom du Canada, je tiens à féliciter l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ainsi que l'Organisation mondiale de la santé d'avoir mis au point un programme aussi inspirant et instructif. Je souhaite également remercier le gouvernement de la Thaïlande, hôte de ce deuxième Forum mondial des responsables de la sécurité sanitaire des aliments.

Lors du premier Forum mondial, tenu à Marrakech, les pays ont très rapidement compris l'importance de se réunir afin d'échanger des renseignements et de faire connaître leurs expériences. Nous nous réunissons donc ici pour mettre à profit les résultats fructueux du premier Forum et examiner les aspects pratiques de systèmes efficaces de salubrité des aliments.

Pourquoi ce forum est-il si important?

Le Canada reconnaît qu'il y a beaucoup à apprendre de la réunion des plus hauts responsables de la salubrité des aliments des divers gouvernements du monde entier. Dans une économie mondiale où les problèmes d'un pays peuvent rapidement devenir les problèmes de tous, la création de réseaux d'échange de renseignements et la mise en valeur du potentiel serviront sans aucun doute à améliorer l'efficacité des systèmes mondiaux d'assurance de la salubrité des aliments. Cependant, le présent forum ne permet pas seulement l'échange d'expériences et de meilleures pratiques, mais il donne également l'occasion d'amorcer des discussions sur la façon de gérer les défis nouveaux et émergents que nous devons tous affronter.

Défis actuels et futurs

Nous qui travaillons tous au sein du continuum alimentaire faisons quotidiennement face à de nouveaux défis d'importance. J'aimerais prendre quelques minutes pour en aborder quelques-uns.

Au cours des dernières années, nous avons assisté à l'évolution de méthodes de production des aliments qui remettent en question les approches traditionnelles en matière de salubrité. De nombreux changements sont survenus depuis 1963, année où les gouvernements ont créé le Codex. La mondialisation du commerce des aliments a remis en cause la réglementation de ces derniers. La valeur globale du commerce de ces mêmes aliments dépasse maintenant les 500 milliards de dollars américains. À lui seul, en 2003, le Canada a exporté pour 24,3 milliards de dollars en produits agricoles et agroalimentaires vers plus de 180 pays, et importé de 190 pays des produits d'une valeur totale de 20,6 milliards de dollars. Le commerce mondial des aliments est en soi une bonne chose, puisqu'il offre aux consommateurs une vaste gamme de produits et contribue à la salubrité de ces derniers dans plusieurs pays. Cependant, il exige également que nous, les responsables de la réglementation en matière de salubrité des aliments, soyons plus alertes face à la contamination, peu importe la région du monde avec laquelle nous entretenons des liens commerciaux.

Les changements apportés aux méthodes de production des aliments dans les exploitations agricoles intensives du secteur des produits animaux posent un autre défi d'envergure. En effet, ces pratiques reposent sur l'utilisation d'antimicrobiens et peuvent mener à l'émergence de bactéries résistantes chez les animaux d'élevage, source potentielle d'infection pour les humains. L'élevage intensif peut également avoir des répercussions négatives sur l'environnement. Il peut en résulter la propagation rapide de maladies animales et zoonoses potentielles, comme plusieurs d'entre nous en ont été témoins ici avec l'influenza aviaire.

Les progrès scientifiques et technologiques constituent un autre défi de taille. Ainsi, les chercheurs en salubrité des aliments ont maintenant des outils à leur disposition pour détecter et mesurer les risques potentiels auparavant inconnus ou dont la détection aurait nécessité des concentrations plus élevées. Ces progrès ont engendré des conséquences à la fois positives et négatives. Il est clair qu'en fournissant plus de renseignements aux évaluateurs de risques, les progrès scientifiques peuvent améliorer la salubrité des aliments. Toutefois, certaines de ces nouvelles techniques exigeront probablement des mesures de contrôle coûteuses même si les risques sont minimes et ne nécessitent pas réellement de tels moyens. À cela s'ajoute l'exercice délicat qui consiste à communiquer les risques au public, qui pourra ainsi prendre des décisions éclairées.

Cela m'amène à vous parler d'un autre défi: celui du consommateur mieux avisé et plus exigeant. Les consommateurs d'aujourd'hui sont davantage conscients des problèmes de santé et des risques que peuvent présenter les aliments pour la santé. Ils affirment plus que jamais leur droit de participer à la prise de décisions. Des incidents ayant retenu l'attention du public, comme l'ESB, la bactérie E. coli, ainsi que la contamination d'aliments à la dioxine et à la salmonelle, ont grandement attiré l'attention des médias sur les risques d'intoxication alimentaire. Bien que la prise de conscience des consommateurs soit une bonne chose, les répercussions négatives des reportages des médias préoccupent les responsables de la salubrité des aliments.

Le dernier défi dont j'aimerais vous parler concerne le bioterrorisme. Le monde a changé depuis le 11 septembre. La chaîne alimentaire humaine est devenue une cible potentielle des terroristes. En tant qu'organisme de réglementation de la salubrité des aliments, nous devons être des plus vigilants si nous voulons protéger la sûreté de l'approvisionnement.

Moyens de relever ces défis

Pour faire face à ces défis, nous devons tout d'abord nous assurer que les systèmes responsables de la salubrité des aliments reposent sur des données scientifiques transparentes.

Au Canada, notre système s'appuie sur trois principes fondamentaux:

1. la santé de la population doit demeurer la priorité;
2. les décisions relatives aux politiques doivent reposer sur des preuves scientifiques;
3. tous les secteurs et toutes les administrations provinciales et territoriales doivent collaborer afin d'assurer la salubrité des aliments.

Des organismes internationaux tels que le Codex Alimentarius et l'Organisation mondiale de la santé animale ont élaboré des méthodes d'analyse des risques pour guider les pays. Ces organismes ont établi trois mesures importantes en la matière:

Nous nous sommes servis de ces éléments pour fixer notre propre cadre. L'approche canadienne, à l'échelon fédéral, consiste à répartir les responsabilités gouvernementales au sujet de l'analyse des risques que posent les aliments entre deux organismes: Santé Canada et mon organisation, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA).

Pour mettre en place des méthodes communes, cohérentes et exhaustives de détermination, d'évaluation et de gestion des risques pour la santé, Santé Canada a élaboré un cadre décisionnel cohérent et compatible avec la démarche adoptée par la Commission du Codex Alimentarius. Ce cadre énonce les valeurs et les principes fondamentaux liés à la prise de décision.

Tout comme Santé Canada, l'ACIA a élaboré un Cadre d'analyse des risques afin de guider ses processus d'exécution, de conformité et de contrôle.

Un système efficace d'assurance de la salubrité des aliments exige des automatismes régulateurs afin de s'assurer que les activités de gestion des risques s'adaptent adéquatement aux divers risques.

Ainsi, par exemple, Santé Canada évalue régulièrement l'efficacité de l'ACIA dans l'application de ses normes de salubrité des aliments.

Intégration des systèmes

Le gouvernement joue un rôle fondamental, mais non exclusif, dans la protection de la santé, y compris la salubrité des aliments. La collaboration de tous les intervenants du secteur de l'alimentation (fabricants d'aliments pour animaux, producteurs primaires, manufacturiers ou exploitants d'aliments, responsables gouvernementaux, consommateurs) est essentielle à l'adoption d'une approche exhaustive et intégrée en matière d'approvisionnement d'aliments salubres et nutritifs.

En plus du travail effectué par le gouvernement canadien relativement au cadre d'analyse des risques, le succès de notre système de salubrité des aliments dépend de l'étroite collaboration des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que de l'industrie et des consommateurs. Les divers paliers de gouvernement collaborent avec les intervenants pour veiller à son intégrité et à son intégralité. L'accroissement des activités de contrôle des produits et des processus a également permis aux industries d'instaurer et de respecter elles-mêmes des normes de salubrité des aliments. Le gouvernement doit néanmoins continuer d'exercer son rôle de supervision et d'intervention en la matière.

Un système d'assurance de la salubrité des aliments efficace fonctionne mieux lorsque l'industrie peut prouver qu'elle applique d'elle-même les mesures prescrites. Afin de maintenir l'intégrité et la crédibilité du système d'inspection, l'ACIA doit continuer d'appliquer des moyens rigoureux en matière de certification, de conformité et d'application au nom du gouvernement; son niveau de surveillance et d'intervention étant fonction de la conformité que chaque entreprise a démontrée par le passé et du risque inhérent au produit.

La transparence lors de la prise de décision et de la consultation avec les intervenants fait partie intégrante de l'élaboration des politiques. Nous devons faire participer le plus souvent possible les intervenants au processus décisionnel. Les communications sont vitales dans le système canadien: communications entre Santé Canada et l'ACIA, communications entre les responsables de la salubrité des aliments et l'industrie, communications entre les responsables et les consommateurs, communications entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et avec nos partenaires internationaux.

Le Canada a pris des dispositions bilatérales avec d'autres gouvernements afin de partager des renseignements. Cependant, ici, nous voyons clairement les avantages d'une communication internationale. Je crois que l'OMS nous a rendu un fier service en créant un réseau international de communication de renseignements pour le grand public. Nous avons vu la démonstration d'INFOSAN hier - un exemple concret de la manière dont nous pouvons nous servir de la technologie et de l'organisation pour réagir rapidement aux incidents internationaux. Il s'agit-là d'une première étape importante.

EXEMPLE D'UNE ANALYSE DES RISQUES

Comme exemple de l'application de ce que j'estime être un système efficace de salubrité des aliments, permettez-moi de vous entretenir brièvement de la réaction du Canada à la suite de la découverte d'un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) l'an dernier.

Lors de l'évaluation des risques, Santé Canada et l'ACIA ont surveillé les répercussions des éclosions d'ESB survenues auparavant dans d'autres pays. Ces organismes sont demeurés au fait, du point de vue scientifique, de la nature de la maladie et de ses répercussions, tant pour la santé des humains - responsabilité de Santé Canada - que pour la santé des animaux - responsabilité de l'ACIA.

À la suite de la détection d'une vache infectée à l'ESB, en mai 2003, notre système de gestion des risques a réagi rapidement. L'ACIA a mis en quarantaine 18 sites et a mené des enquêtes de retraçage en amont et en aval et a aussi analysé des aliments destinés au bétail. Nous n'avons trouvé aucun autre animal infecté ayant un lien avec cette vache. Ces nouvelles très encourageantes signifiaient que le Canada n'aurait pas d'épidémie d'ESB et confirmaient l'efficacité des mesures de contrôle de cette maladie au pays: la réglementation canadienne existante a empêché les produits de cette seule vache infectée de se retrouver dans la chaîne alimentaire humaine.

La réaction du Canada en matière de politiques a été rapide. À la suite de l'incident de l'ESB, Santé Canada et l'ACIA ont rapidement effectué de nouvelles évaluations liées respectivement à la salubrité des aliments et à la santé des animaux. Notre première préoccupation en matière de gestion des risques a été d'instaurer la mise en place de mesures appropriées pour prévenir l'exposition des humains à l'agent pathogène de l'ESB. Après les évaluations, Santé Canada et l'ACIA ont modifié les règlements afin d'empêcher que des matières à risques spécifiées (MRS) n'entrent dans la chaîne alimentaire des consommateurs canadiens et étrangers. L'ACIA a pris les mesures nécessaires pour retirer les MRS des abattoirs. Nous n'aurions pu prendre de mesure de protection de la santé du public plus importante.

La communication des risques constituait également un élément fondamental de nos mesures correctives. Tout au long de notre enquête, nous avons organisé des points de presse quotidiens auprès des médias et avons dialogué avec les intervenants afin de communiquer l'information et de veiller à ce que les Canadiens et les gouvernements étrangers soient bien informés des mesures prises. Lorsque nous nous trouvions devant le choix de rendre l'information publique immédiatement ou de le faire plus tard, nous la rendions publique dès que nous l'avions. Nous avons pêché par excès de transparence.

Un groupe d'experts internationaux a louangé le Canada pour la rapidité et la rigueur de ses mesures correctives, à la suite de la découverte de l'ESB. Les intervenants ont également fait l'éloge de la transparence de nos communications.

La réaction du Canada à l'égard de l'ESB a été efficace en grande partie parce que nous avons suivi les cadres décisionnels que nous avions déjà établis pour des urgences semblables. Nous disposions de lignes directrices pour analyser scientifiquement les risques et les suivions. Nous avons travaillé avec nos collègues des gouvernements fédéral et provinciaux et avec ceux de l'industrie. Nous avons informé les consommateurs et nos partenaires internationaux de chaque fait nouveau.

CONCLUSION

La mondialisation gagne en importance. La technologie a bien sûr changé et nous impose à tous de nouveaux défis. Nous ne devrions cependant pas perdre de vue le principe fondamental selon lequel nos systèmes d'assurance de la salubrité des aliments doivent reposer sur des données scientifiques.

Nos systèmes de réglementation doivent être suffisamment souples pour s'adapter à chaque nouveau défi. Notre objectif ultime doit être de protéger la santé et d'assurer la sécurité de nos citoyens par une gestion efficace des risques.

Nous pouvons relever ces défis en collaborant, en échangeant nos expériences et nos idées et en mettant en place les meilleures pratiques. Le présent forum nous permettra d'exercer une action dans chacun de ces domaines. Dans nos pays respectifs, les systèmes d'assurance de la salubrité des aliments évoluent constamment pour être en mesure de surmonter de nouveaux défis. Cette semaine, nous avons l'occasion de discuter de ces défis. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres et aurions tout intérêt à maintenir ouvertes les voies de communication entre nous.

Merci.


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