Bureau régional de la FAO pour l'Afrique

Réaliser l'accès universel à la protection sociale pour mettre fin au travail des enfants en Afrique

Dévoiler les couches complexes du travail des enfants en Afrique

11/06/2024

par Greta Campora et Ariane Genthon, expertes techniques de la Division de la transformation rurale et de l'égalité des sexes de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Le 12 juin, le monde entier se réunira pour célébrer la Journée mondiale contre le travail des enfants, mettant en lumière un défi crucial qui continue d'affecter des millions d'enfants dans le monde.

Le travail des enfants est une activité inappropriée pour leur âge, qui affecte leur éducation ou qui est susceptible de nuire à leur santé, sécurité ou morale. C'est une réalité sombre pour 160 millions d'enfants dans le monde. Soixante-dix pour cent du travail des enfants se trouve dans l'agriculture et ses sous-secteurs. On estime actuellement que 112 millions de garçons et de filles travaillent de longues heures et effectuent souvent des tâches dangereuses dans l'agriculture, l'élevage, la foresterie, les pêches et l'aquaculture, souvent au détriment de leur éducation et de leurs perspectives futures.

En Afrique subsaharienne, la situation est encore plus alarmante. Il y a plus d'enfants engagés dans le travail des enfants dans cette région que dans le reste du monde combiné. Près de 82 % de ces enfants travaillent dans des conditions dangereuses, principalement dans l'agriculture, soulignant un domaine critique où une intervention est désespérément nécessaire. La plupart de ces enfants aident leurs familles à cultiver des récoltes, élever du bétail ou pêcher, principalement pour répondre aux besoins de leur famille.

Les taux élevés de travail des enfants dans la région sont alimentés par une interaction complexe de facteurs, notamment la pauvreté, l'insécurité alimentaire, les liens socioculturels forts, le manque d'accès à une éducation de qualité et à une protection sociale adéquate et des services complémentaires.

Atteindre les objectifs mondiaux contre le travail des enfants nécessite des progrès significatifs en Afrique

Suite à la 5e Conférence mondiale sur l'élimination du travail des enfants à Durban, mettre fin au travail des enfants dans l'agriculture et réaliser l'accès universel à la protection sociale sont apparus comme des priorités essentielles, en particulier en Afrique.

La protection sociale joue un rôle vital dans la lutte contre le travail des enfants dans l'agriculture. Elle sert de bouclier contre les vulnérabilités, augmentant la résilience des ménages ruraux et soutenant l'accès des enfants à l'éducation, tout en réduisant le besoin pour les parents de recourir au travail des enfants pour joindre les deux bouts. En s'attaquant à la pauvreté, à l'instabilité économique et à d'autres crises touchant les ménages ruraux, la protection sociale frappe au cœur des causes profondes du travail des enfants. Pourtant, malgré les efforts, sa portée reste bien trop limitée, laissant de nombreux enfants à risque. La protection sociale reste sous-utilisée dans la lutte contre le travail des enfants, en particulier en Afrique, où la couverture est alarmante avec seulement 17 % de la population totale, affectant de manière disproportionnée les enfants.

L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a récemment développé une note d'orientation visant à présenter des stratégies pour aider les praticiens à adapter les systèmes de protection sociale pour lutter contre le travail des enfants dans les zones rurales, en particulier dans le secteur agricole.

Le document souligne que les programmes de protection sociale peuvent aider à réduire le travail des enfants en favorisant les opportunités économiques qui réduisent la pauvreté des ménages et l'insécurité économique, réduisant ainsi la dépendance des familles rurales au travail des enfants. De plus, la protection sociale peut agir comme un puissant outil pour renforcer la résilience aux chocs, y compris en période de crises humanitaires, réduisant ainsi les stratégies d'adaptation nuisibles telles que le travail des enfants. Les programmes de protection sociale jouent également un rôle essentiel dans l'amélioration de l'accès des enfants à l'éducation, favorisant ainsi le développement humain dans les zones rurales.

En substance, intégrer la protection sociale dans un cadre politique global qui aborde les causes sous-jacentes du travail des enfants est essentiel. Cela inclut l'alignement des initiatives de protection sociale avec les politiques nationales en matière d'agriculture, d'éducation, de santé et de bien-être social. Cette intégration devrait compléter les systèmes existants de surveillance et de protection des enfants contre l'exploitation par le travail, parallèlement aux efforts visant à réduire la demande de travail des enfants dans l'agriculture.

La protection sociale est un pilier dans le cadre politique nécessaire pour accélérer les progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), en particulier la cible 8.7 qui appelle à des mesures immédiates et efficaces pour mettre fin au travail des enfants sous toutes ses formes.

Les preuves s'accumulent dans le monde entier

Au Burkina Faso, par exemple, la FAO, en collaboration avec l'Organisation internationale du travail (OIT), a mis en œuvre des programmes de transferts monétaires conditionnels dans les régions productrices de coton, grâce au projet CLEAR Cotton financé par l'Union européenne. Une des conditions pour recevoir les fonds était d'envoyer les enfants à l'école. Alignée avec la ratification par le Burkina Faso des conventions pour réduire et combattre le travail des enfants et accompagnée de campagnes de sensibilisation et de formations sur les lois relatives au travail des enfants et à la littératie financière, l'initiative a permis de retirer 637 enfants des champs de coton. Ces enfants ont ensuite été inscrits dans l'éducation formelle, et la résilience des ménages a été améliorée grâce à la diversification des sources de revenus et à l'activité accrue des marchés locaux, tout en substituant le travail des enfants par du travail adulte rémunéré dans la production de coton.

En cette Journée mondiale contre le travail des enfants, continuons à plaider pour que les enfants aient une enfance. Étendre progressivement l'accès à une protection sociale complète, adéquate, durable, sensible au genre et à l'âge, y compris la mise en place de socles de protection sociale nationaux, est essentiel pour mettre fin au travail des enfants, protéger les enfants du monde et garantir notre avenir commun.