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COMPTE RENDU DES SESSIONS

SESSION 1: REPEUPLEMENT - LES NON-SALMONIDES

(a) BROCHET ET CYPRINIDES (B. Steinmetz) (Documents No. 1, 2, 3, 13, 31)

Les stocks de brochets sont très exploités aux Pays-Bas puisque le quart environ des 14 millions de pêcheurs que compte ce pays pêchent ce poisson, ne serait ce qu'occasionnellement, dans les 100 00 ha d'eaux intérieures (1). (Les 200 000 ha du lac IJssel ne sont pas compris dans ce chiffre.) Les objectifs de l'aménagement de cette espèce sont en général de maximiser les populations et d'augmenter le nombre de gros poissons.

Ces objectifs sont atteints par les associations et clubs de pêcheurs compétents: (i) en repeuplant avec des alevins (4–6 cm) et, à l'occasion, avec des brochets plus gros et (ii) en rejetant à l'eau certaines captures. L'Organisation pour l'amélioration des pêches intérieures, entre autres responsables de la production de poisson de repeuplement, a produit ces dernières années plus d'un million d'alevins de brochet par an pour repeupler les eaux intérieures.

Des recherches ont été entreprises en 1974 pour déterminer la valeur du repeuplement avec des alevins dans deux plans d'eau fermés “naturels”. Vu les résultats obtenus cette année-là, on se demandait si les alevins de repeuplement accroissaient la biomasse ou remplaçaient simplement le recrutement naturel. Par ailleurs, des expériences effectuées dans des étangs susceptibles de se vider permettaient de penser que la longueur de la ceinture de végétation avait une importance majeure. A computer de 1975, on s'est donc surtout intéressé aux facteurs pouvant influer sur l'abondance des brochets. On a choisi deux autres plans d'eau fermés et par un échantillonnage intensif en automne, on a déterminé que:

  1. La biomasse totale des brochets de moins de 54 cm (longucur à la fourche caudale) dépend dans une très large mesure de la superficie de la végétation et correspond au maximum à 100–120 kg de brochets de toute longueur par hectare d'habitat;

  2. La biomasse des brochets de moins de 41 cm est fonction de la biomasse des brochets de plus de 41 cm et de moins de 54 cm. Le repeuplement avec des alevins et des brochets d'une longueur allant jusqu'à 23 cm n'a pas pour effet d'augmenter la population.

  3. Les brochets de moins de 41 cm se trouvent normalement dans la végétation submergée tandis que ceux de 41 à 54 cm vivent aussi bien dans les zones de végétation qu'à l'extérieur. Les brochets de plus de 54 cm semblent se trouver dans les zones sans et avec végétation, selon les possibilités d'accès aux zones de végétation et les dimensions des nappes d'eau.

  4. Les variations de la densité des populations de poissons proies en hiver sont sans influence sur la biomasse des brochets de moins de 54 cm par hectare d'habitat.

Ces résultats montrent que la maximisation des populations de brochets dépend avant tout de l'habitat disponible. Il est donc plus utile d'agir sur l'habitat de cette espèce que de repeupler.

Ces résultats sont dans une certaine mesure confirmés par le cas de la Finlande (13) où l'on a repeuplé les eaux intérieures avec environ 18 millions de brochetons (frai et alevins) en 1980 sans obtenir d'effet notable sur les captures de brochets.

Aux Pays-Bas, de plus en plus d'associations et de clubs de pêcheurs s'efforcent de prélever une partie des stocks de brèmes (Abramis brama L.) en vue de favoriser la croissance de cette espèce (et donc d'améliorer les résultats de la pêche) (2). Cependant les résultats sont parfois douteux. Deux lacs ont été sélectionnés pour examiner l'efficacité de cette méthode; il s'agissait de déterminer s'il était possible de favoriser la croissance de brèmes peu développées en leur permettant de mieux se nourrir; dans le premier lac, la population de brèmes était réduite mais leur croissance était rapide; dans le second, elle était dense mais les brèmes étaient petites et se développaient lentement. Un certain nombre de ces dernières ont été transplantées dans le lac où les conditions étaient plus favorables à la croissance des brèmes.

Leur taux de croissance a augmenté de façon extraordinaire puisque l'on a constaté au bout d'un certain temps que ces brèmes transplantées étaient plus belles que celles qui se trouvaient déjà dans le lac. Cela montre que les brèmes habituées à des conditions médiocres peuvent exploiter la nourriture disponible plus efficacement que les autres. On est conduit à penser qu'il existe des mécanismes qui stabilisent la densité des populations de brèmes à un niveau qui est plus ou moins propre à chaque plan d'eau. Il est possible que le prédatisme des organismes invertébrés qui détruisent les brèmes à l'état larvaire joue également un rôle en influant sur les classes d'âge. On peut en conclure que le taux de croissance est limité par la densité. Par conséquent si l'on veut prélever une partie de la population de brèmes pour améliorer la croissance, il faudrait capturer à la senne environ 200 kg de brèmes à l'hectare par an.

Les études se poursuivent pour déterminer quels sont les mécanismes qui ont une influence sur les effectifs des classes d'âge; ces connaissances seront très utiles pour l'aménagement.

Dans le sud des Pays-Bas, la pêche est très développée dans les étangs (jusqu'à 14 000 visites à l'hectare). On pêche essentiellement la carpe d'aquaculture et le gardon sauvage dont le repeuplement est assuré par les associations de pêcheurs responsables de l'aménagement des stocks.

Le repeuplement des gardons et des brèmes est subventionné jusqu'à concurrence de 40 pour cent du coût pour environ 150 000 kg de poissons par an. Les gardons sont capturés par des pêcheurs professionnels mais on a émis des doutes quant à la valeur de ce repeuplement. De 1973 à 1980, on a prélevé tous les hivers des échantillons dans différents sites de repeuplement et on les a placés dans des étangs expérimentaux où ils sont restés jusqu'au début de juillet (3).

Le taux de survie des gardons capturés à la senne et distribués par les négociants est faible: 22–24 pour cent en moyenne sur huit ans. Les expériences semblent démontrer que la manipulation et le stockage du poisson chez les poissonniers, ne serait-ce que pendant 24 heures, ont des effets préjudiciables. Le taux de survie de gardons capturés par les pêcheurs et rejetés immediatement dans les étangs expérimentaux était supérieur à 90 pour cent, ce qui permet de penser que la pêche à la senne et le transport sont des opérations qui peuvent être effectuées pratiquement sans dommages pour les poissons. Toutefois, on a noté des taux inférieurs, dus peut-être au stockage par les pêcheurs eux-mêmes. L'emploi d'un tranquilisant pendant le transport augmentait le taux de survie des gardons stockés pendant 72 heures et parfois même le multipliait par cinq, voire plus. Malheureusement, ces produits chimiques ne peuvent pas être employés dans les systèmes à circulation d'eau qu'utilisent les négociants.

On a constaté que les jeunes carpes, espèce introduite il y a 30 ans en Finlande (31), ne survivaient pas à leurs premiers hivers dans les eaux naturelles. Il faut donc conserver les alevins d'un été dans des endroits couverts pendant cette période; on les nourrit une ou deux fois par semaine avec des aliments séchés pour saumon, jusqu'à ce que la température descende à moins de 2,5°C.

Les carpes sont introduites dans les étangs au printemps lorsque la température de l'eau atteint 6° C. Durant le deuxième hiver, on les met dans les mêmes étangs que les géniteurs.

Une étude réalisée par la station de pisciculture de Porla sur le repeuplement en carpes a montré que le rendement de 13 000 carpes marquées, de deux ans et plus, variait de 0 à 32 pour cent. Toutefois, il est vraisemblable que ces chiffres sont influencés par un certain nombre de facteurs: beaucoup d'étiquettes se perdent; par ailleurs, la carpe est une espèce nouvelle de sorte que les méthodes de pêche ne sont pas adaptées.

Ce sont les carpes de deux ou trois ans, d'au moins 10 à 20 cm de longueur, qui ont donné les meilleurs résultats. On a réussi à obtenir une augmentation de poids de 1 000 à 1 800 grammes par été dans les eaux à forte végétation ou eutrophisées. La carpe, qui suscitait peu d'intérêt à l'origine, devient de plus en plus populaire dans le sud de la Finlande.

Introduite il y a 30 ans en Finlande, la carpe ne semble pas avoir d'effets préjudiciables sur les autres espèces ni sur l'écosystème des eaux réceptrices et n'a entraîné l'apparition d'aucune nouvelle maladie et d'aucun nouveau parasite.

(b) ANGUILLES (C. Moriarty/D. McCarthy) (Documents No. 4, 5, 6, 7, 8)

L'amélioration des stocks d'anguilles présente des caractéristiques tout à fait particulières puisqu'elle porte davantage sur la capture et le transport terrestre de juvéniles que sur la reproduction.

La transplantation de petites anguilles à une certaine distance de la côte n'est pas chose nouvelle. En revanche, cela fait infiniment moins de temps que l'on s'intéresse aux effets du transport sur les rendements. De ce point de vue, les documents présentés au Symposium peuvent être considérés comme le premier examen global de cette question.

En Suède, la transplantation des anguilles est une pratique qui remonte à plus de 200 ans (1770); en 1894, Trybom recommandait déjà de construire des échelles à anguilles (4). Les anguilles ont été introduites dans le Danube et ses affluents en Bavière en 1881 et la pratique du repeuplement s'est intensifiée au cours des années 50. De petites expériences de transplantation ont débuté en Finlande en 1894 et, depuis 20 ans, le transport des anguilles y est pratique courante (7). En Irlande, le transport des civelles transparentes a débuté à Lough Neagh en 1933 et dans les lacs formés par le Shannon en 1959 (6). En Pologne, les transplantations ont commencé il y a quelques dizaines d'années; elles se sont faites plus intenses et plus régulières depuis 1950 (5).

Le transport de jeunes anguilles par l'homme se justifie pour les trois raisons suivantes. Premièrement, la migration naturelle vers l'amont a été rendue impossible par la construction de barrages de plus en plus nombreux au fil des siècles. Deuxièmement, le nombre des jeunes anguilles entrant dans certains rivières à partir de la mer a diminué. Troisièmement, il n'y a pas d'anguilles dans des habitats qui sont pourtant très bien adaptés à cette espèce parce qu'il existe des obstacles naturels ou que l'embouchure des cours d'eau est trop éloignée de ces habitats.

On a constaté en Allemagne, en Finlande, en Irlande et en Suède que la construction de barrages avait interrompu la remontré des anguilles. En Irlande, l'aménagement hydro-électrique du Shannon, le fleuve le plus important, a entraîné une diminution des captures d'anguilles après la construction d'un barrage à proximité de l'estuaire en 1928.

En Suède, la diminution des captures commerciales d'anguilles est attribuée à une réduction du nombre des civelles et des petites anguilles jaunes en provenance de la Baltique (8). Les changements intervenus en mer du Nord en seraient la cause.

En Allemagne, des obstacles naturels gênent la migration des anguilles; les chutes de Schaffhausen les empêchent de remonter le cours supérieur du Rhin, lac de Constance compris; c'est ce qui explique qu'elles aient été pratiquement absentes de ces eaux. Un problème analogue se pose en Irlande; dans beaucoup de cours d'eau, il n'y a pas d'obstacles naturels véritablement infranchissables mais les anguilles jaunes mettent tellement de temps à traverser les lacs qui se trouvent en aval qu'elles sont très peu nombreuses dans les lacs situés en amont.

Le bassin du Danube n'a pas de population naturelle d'anguilles parce que le Danube se jette dans la mer Noire. Les populations d'anguilles dans les eaux intérieures de la Finlande n'ont probablement jamais été très denses en raison de la position septentrionale de ce pays et de son éloignement de l'Atlantique. On y a néanmoins capturé de jeunes anguilles migrant vers l'amont; il s'agissait de femelles d'assez grande longueur (27–54 cm).

Tous les pays ayant présenté des rapports utilisent ou ont utilisé des civelles transparentes ou pigmentées et des anguilles jaunes pour le repeuplement. En Finlande, l'utilisation des civelles transparentes pose des problèmes car elles sont disponibles en début d'année, c'est-à-dire à un moment où les lacs sont souvent gelés ou du moins très froids; on envisage de les élever jusqu'au stade de l'alevin, ce qui permettrait de les mettre à l'eau à un moment où la température est plus clémente. Les anguilles jaunes ne semblent pas poser ce genre de problème.

Les anguilles utilisées pour le repeuplement ont diverses origines selon les pays. En Irlande, le repeuplement consiste essentiellement à transférer les civelles transparentes ou pigmentées d'aval en amont dans un même cours d'eau. La Finlande et la Suède ont par le passé importé des civelles transparentes.

Les anguilles jaunes importées par la Finlande provenaient principalement du Danemark jusqu'à ce que ce pays interdise leur exportation. En Suède, des anguilles jaunes, d'une longueur souvent comprise entre 35 et 45 cm, sont prélevées sur les captures commerciales du détroit d'Oresund et de la côte ouest. Depuis quelques années, on élève à des fins de repeuplement des anguilles de taille intermédiaire dans une station utilisant de l'eau chauffée. Depuis 1960, on repeuple le lac Vanern, le plus grand lac de Suède, avec de petites anguilles jaunes prises au piège dans des barrages situés en aval du lac. On utilise la même méthode sur le Shannon en Irlande où l'on capture sur une échelle à civelles des anguilles jaunes d'une longueur allant jusqu'à 40 cm.

En Allemagne, la demande annuelle de civelles transparentes est de l'ordre de 7 tonnes; ces civelles proviennent de l'Ems ou sont importées de France. Environ 40 tonnes d'anguilles jaunes sont utilisées chaque année pour le repeuplement, dont 50 pour cent à peu près dans les eaux du Schleswig-Holstein.

Les quantités relativement importantes de civelles transparents qui ont été introduites en Finlande au cours des années 60 ont entraîné une augmentation spectaculaire des captures qui sont passées de 9 tonnes en 1976 à 63 tonnes en 1980.

Au vu des statistiques, il semblerait, en ce qui concerne l'Allemagne, que l'intensification du repeuplement depuis plusieurs années ait été dans l'ensemble sans effet sur les captures d'anguilles. En fait, on pense que les stocks d'anguilles sont sans doute en augmentation de façon générale ou, du moins, qu'ils sont restés stables et que le tassement des captures est dû à la diminution de l'effort de pêche; il y a en effet beaucoup moins de pêcheurs et de pêcheries que par le passé.

En Irlande, les captures commerciales dans le Shannon et ses affluents augmentent assez régulièrement depuis quelques années grâce au repeuplement. En 1980, elles ont été plus de deux fois supérieures à ce qu'elles étaient en moyenne au cours des années 60, à un moment où les effets du programme de transport des civelles ne pouvaient encore se faire sentir. Durant la même période, les captures d'anguilles jaunes par unité d'effort dans le Lough Derg, le lac situé le plus en aval, ont augmenté de 62 pour cent.

En Suède et en Pologne, il est manifeste que l'intensification du repeuplement a eu un effet direct sur les rendements. En Pologne, on a étudié 454 lacs afin de déterminer quels étaient les types de lac les mieux adaptés aux anguilles; pendant 24 ans (1950–73), on a réuni des données morphométriques et écologiques ainsi que des données sur l'aménagement des anguilles. L'équation que l'on en a tirée montre clairement que les lacs relativement peu profonds avec des berges bien aménagées sont ceux qui se prêtent le mieux à l'aménagement des pêcheries d'anguilles.

On a proposé différents taux pour le repeuplement des eaux avec les civelles transparentes et les anguilles jaunes. En Suède, on recommande d'utiliser 100 civelles transparentes ou 20 anguilles jaunes par hectare pour repeupler les lacs à productivité moyenne ou élevée et 25 civelles transparentes ou 5 anguilles jaunes par hectare pour les lacs à faible productivité. En Pologne, les taux que l'on préconise sont fonction de la typologie des lacs: 64,4 civelles dans les “lacs à vendaces” pour produire 1 kg de captures commerciales et 45,5 civelles dans les “lacs à sandres” pour obtenir la même production. Compte tenu des chiffres disponibles concernant le taux de repeuplement et les captures dans le Lough Neagh, on a proposé pour l'Irlande un taux de 350 civelles transparentes à l'hectare. Pour cela, il faudra transporter chaque année 9 tonnes de civelles transparentes.

Il est très difficile d'évaluer le taux de survie des anguilles utilisées pour le repeuplement. Il n'existe pratiquement aucune information sur le nombre d'anguilles entrant dans les cours d'eau sans obstruction. Par ailleurs, il est difficile de déterminer avec précision le nombre d'anguilles jaunes utilisées pour l'empoissonnement.

Malgré ces difficultés, on a estimé quel était le nombre d'anguilles à utiliser pour le repeuplement pour obtenir telle ou telle quantité d'anguilles de taille marchande. En Finlande, le repeuplement avec des anguilles jaunes a permis de capturer, par des méthodes ordinaires de pêche, des quantités correspondant à 27,4 pour cent du nombre des anguilles utilisées. Le traitement au roténone de lacs repeuplés a permis d'obtenir au bout de neuf ans un taux de survie de 72 pour cent dans un cas et de 20 pour cent dans un autre. Dans le lac où le taux de survie était élevé, la croissance était faible puisque le poids moyen des spécimens capturés n'était que de 60 grammes. A l'opposé, dans le lac où le taux de survie était faible, les anguilles avaient une taille raisonnable, leur poids étant en moyenne de 600 grammes. La production totale de la Finlande est de 72 kg d'anguilles commercialisables pour 1 000 unités de repeuplement. En Pologne, les captures d'anguilles - pêche commerciale et pêche récréative confondues - sont en moyenne de 1 kg pour 11,7 civelles de repeuplement.

Les taux de capture en Allemagne correspondent à un rendement de 7, 9–12 pour cent pour les civelles transparentes dans le lac de Constance, de 1, 24-6, 55 pour cent dans quatre rivières de Haute-Franconie et à un taux de survie de 50 pour cent pour les alevins dans les lacs du Schleswig-Holstein. On estime à 15 pour cent le taux réel de survie des anguilles en Pologne, compte tenu d'un repeuplement naturel de 0,5 kg/ha. Pour le Lough Neagh, on n'indique que le poids des captures; toutefois, on peut estimer qu'un kilogramme correspond à quatre anguilles commercialisables, ce qui donne un rendement annuel de 2,5 millions d'unités. Comme le taux de repeuplement est de 13,8 millions d'unités par an, on peut évaluer le taux de survie à 18 pour cent.

Si l'on considère que les statistiques halieutiques sous-estiment toujours la production réelle des cours d'eau, on peut être sûr que les chiffres relatifs au rendement à l'hectare représentent des minimums. Dans les lacs du Schleswig-Holstein, le rendement de la pêche commerciale est de l'ordre de 5–15 kg/ha, son rendement maximal étant de 25 à 50 kg. Dans le Lough Neagh, les rendements sont d'ordinaire compris entre 15 et 20 kg/ha, le maximum enregistré étant de 26 kg. En Pologne, on estime que les captures de la pêche recréative sont 2,6 fois plus importantes que les captures commerciales et le rendement réel se chiffre à 4,6 kg d'anguilles à l'hectare pour l'ensemble des eaux intérieures; toutefois, on signale des rendements pouvant aller jusqu'à 60 kg/ha dans certains lacs.

On dispose de très peu de chiffres concernant le rapport entre le taux de repeuplement à l'hectare et le rendement en kg à l'hectare. Les données figurant dans les documents présentés au Symposium sont récapitulées dans le tableau l ci-après.

Tableau I

Nombre de civelles transparentes utilisées pour le repeuplement et captures d'anguilles de taille marchande dans différents lacs et cours d'eau européens

  Civelles transparentes nombre/haCaptures kg/ha
Allemagnecours d'eau4804.5
lacs2462.4
IrlandeLough Neagh35415–20
lacs du Shannon3401.4
Polognelacs (chiffres approximatifs)1007.0

Les plus forts rendements seraient ceux des lacs polonais, les plus faibles ceux du Shannon, où le taux de repeuplement est presque aussi élevé que dans le Lough Neagh. Les chiffres concernant la Pologne et l'Allemagne représentent une moyenne pour un certain nombre de lacs. En Pologne, on a observé une corrélation entre les taux de repeuplement et le rendement, l'effort de pêche restant constant.

Dans les bras morts du Rhin, les pêcheurs à la ligne capturent de 10 à 24,6 kg d'anguilles à l'hectare, c'est-à-dire 10 fois plus que les pêcheurs professionels, ce qui permet de penser que la faiblesse des rendements annuels tient au fait que les méthodes de pêche sont inadaptees et non que les stocks sont insuffisants.

Dans plusieurs des documents présentés, on examine l'interaction entre les anguilles et d'autres espèces. On indique que les anguilles sont des prédateurs des écrevisses et des jeunes truites mais, dans les pays du nord, on trouve des cours d'eau qui sont excellents pour les écrevisses et les truites et qui sont bons aussi pour les anguilles. On a dit que celles-ci provoquaient une réduction des populations de cyprinidés, de brochets et de tanches alors que l'intensification des captures de poisson commun peut améliorer le rendement des anguilles. Si l'on utilise trop d'anguilles pour le repeuplement, on retarde la croissance et la taille des anguilles se réduit. En Irlande, on a noté que, là où il y a les plus fortes concentrations d'anguilles les stocks d'autres espèces sont eux aussi satisfaisants. En Finlande, on estime que le repeuplement avec des anguilles n'a aucun effet négatif.

On a mentionnée la possibilité de transmission de maladies par les civelles transparentes, notamment en ce qui concerne la nécrose pancréatique infectieuse. On a isolé dans les civelles transparentes le virus qui provoque cette maladie et la Suède a décidé à la suite de cette découverte d'interdire les importations de civelles en provenance de France. On a créé une station de quarantaine qui permet d'isoler les civelles et d'éliminer celles qui pourraient être malades.

On a calculé la rentabilité du repeuplement en anguilles en Finlande. Après correction pour tenir compte de l'inflation, on constate qu'une dépense de 82 000 marks pour le repeuplement, rapporte 600 000 marks en captures - soit à peu près sept fois les sommes engagées.

En ce qui concerne le repeuplement en anguilles, on peut donc résumer la situation de la façon suivante:

Malgré l'intervalle très long (neuf ans et plus) le taux de survie est élevé: on signale de source sure une anguille marchande et plus pour dix civelles transparentes.

Les taux recommandés pour le repeuplement sont variables, d'environ 100 civelles transparentes à l'hectare jusqu'à 300–350 (maximum pour les eaux productives).

En général, les plus forts rendements en poids d'anguilles marchandes à l'hectare correspondent aux taux les plus élevés de repeuplement. Il semblerait que, dans de nombreux cas, l'effort de pêche n'ait pas été suffisant pour tirer pleinement parti de cette amélioration des stocks.

Rien ne permet de dire que l'amélioration des stocks d'anguilles a un effet préjudiciable sur les captures d'autres espèces. En général, les anguilles consomment la nourriture qui n'est pas totalement utilisée par les autres espèces. Par ailleurs, le prédatisme des anguilles semble n'avoir aucun effet, ou très peu, sur le rendement de celles-ci.

On peut ne conclure que l'amélioration des stocks d'anguilles est avantageuse pour tous les pêcheurs. Il nous faudra maintenant évaluer plus précisément les systèmes de repeuplement et de récolte afin de pouvoir concevoir des programmes qui permettent de répartir au mieux les jeunes anguilles.

(c) COREGONES (P. Tuunainen) (Documents No. 9, 10, 11, 12, 13, 42)

Introduction

Le Symposium a été saisi de quatre rapports sur les corégones (9–12). Ces rapports examinaient le rôle, les résultats et la rentabilité du repeuplement des eaux finlandaises avec Coregonus lavaretus ainsi que la croissance et la production de C. muksun et C. peled utilisés pour repeupler un petit lac forestier de Finlande. Deux autres rapports (13 et 42) examinaient le cas des corégones parmi d'autres espèces introduites ou utilisées pour le repeuplement en Finlande. Ces rapports ne concernent qu'une petite partie de l'aire de répartition des corégones et un petit nombre seulement des poissons de cette espéce. Des pays importants tels que le Canada, la Pologne ou l'Union soviétique n'ont pas soumis de rapport au Symposium. Toutefois, les rapports qui ont été présentés contiennent diverses informations sur des recherches et expériences menées dans ces pays.

Dernièrement, on a repeuplé les cours d'eau finlandais avec les corégones suivants: C. pidshian, C. lavaretus, C. oxyrhynchus, C. muksun, C. peled et C. albula. Dans la plupart des cas, on a utilise du frai; toutefois, en 1980, on a aussi employé 27 millions d'alevins d'automne.

Importance de l'espèce

Sans entrer dans le détail de la taxonomie des corégones il est clair que, même si les eaux sont les mêmes, les résultats seront très différents selon l'espèce introduite. Les résultats de l'introduction de frai de C. peled et de C. lavaretus dans le réservoir Lokka (Laponie finlandaise) en fournissent de bons exemples (Mutenia, 1982). Les captures de C. peled utilisé pour le repeuplement représentaient de 9 à 12 pour cent des captures totales alors que le chiffre correspondant était inférieur à 2 pour cent pour C. lavaretus. Cela montre que, même pour des espèces très proches les unes des autres, les conditions ecologiques ou les niches peuvent être différentes.

Il y a parfois eu hybridation entre espèces locales et espèces introduites ou entre diverses espèces introduites, ce qui a donné naissance à des stocks différents des deux stocks originaux. Ce phénomène important n'est pas traité dans les documents présentés au Symposium; toutefois, d'autres études (par exemple, Heikinheimo-Schmid, 1982) montrent clairement qu'il peut par exemple avoir une influence sur l'utilisation de la nourriture par les poissons blancs et, donc, sur la production.

Les résultats des opérations de repeuplement effectuées avec du frai ou des alevins d'espèces déjà présentes dans un lac montrent que l'utilisation d'alevins risque de réduire le stock original alors que l'emploi de frai est d'ordinaire sans effet sur ce plan.

Importance de la taille du poisson utillisé pour le repeuplement

Les résultats du repeuplement avec des larves nouvellement écloses comparés à ceux obtenus avec des alevins d'un été confirment les avantages de ces derniers. Pour les pêcheurs, le rendement variait entre 0 et 15 kg par millier de larves dans neuf lacs alors qu'il était compris entre 2 et 187 kg par millier d'alevins dans huit lacs (9 et 10). Par ailleurs, l'accroissement de la taille des poissons utilisés pour le repeuplement réduisait les risques d'échec total.

En Finlande, on n'a utilisé de jeunes poissons blancs de plus d'un été pour le repeuplement que dans un petit nombre de cas et les résultats n'ont pas encore été publiés. Des poissons blancs adultes ont été transférés en Finlande au 19ème siècle et, dans la moitié des petits lacs forestiers où ces transplantations ont été faites, ils sont devenus l'espèce la plus importante dans les captures. Les transplantations n'ont complètement échoué que dans trois des 58 lacs étudiés. Sur le cours de l'Oulujoki, le repeuplement de 109 petits lacs forestiers avec du frai de poisson blanc a permis des recaptures dans 91 lacs, une reproduction naturelle dans 56 lacs et n'a échoué que dans 18 lacs.

Importance de l'environnement

Pour que le repeuplement ou l'introduction de nouvelles espèces réussisse, il faut que l'environnement physique et chimique soit approprié. Des facteurs physico-chimiques influencent la biocénose d'un lac de plusieurs manières. A quelques exceptions près, les facteurs abiotiques ne causent pas normalement une grosse mortalité de larves de poisson blanc dans le nord de la Finlande mais des conditions défavorables risquent de retarder la croissance. La mortalité naturelle des alevins d'un été dans les lacs peut être beaucoup plus élevée le premier automne que les années suivantes (11), ce qui tient sans doute, en moins en partie, à des facteurs physico-chimiques différents de ceux existant dans les aleviniers. Les résultats de l'introduction de larves de poisson blanc ont en général été très médiocres dans le sud de la Finlande si on les compare à ceux obtenus dans le nord du pays. La seule exception est l'introduction de frai de C. oxyrhynchus dans le lac Pyhajarvi, dans le sud-ouest de la Finlande, avec des captures annuelles de plus de 100 tonnes. On a observé la même tendance en cas de transplantation de poisson blanc adulte mais on n'en connaît toujours pas les raisons.

Quelle que puisse être l'importance des facteurs abiotiques, on a consacré davantage d'attention à l'influence des facteurs biotiques: nourriture, prédateurs, compétition interspécifique et intraspécifique pour la nourriture, effets de la pêche sur les stocks. Dans l'un des deux lacs peuplés de C. muksun et C. peled, la production de zooplancton utilisable au stade trophique suivant était estimée à environ 400 kg/ha de juin à septembre (12). Les grandes espèces étaient plus abondantes que dans l'autre lac où la production de zooplancton n'était que de 130 kg/ha. Le repeuplement des deux lacs a été de 140 alevins de poisson blanc à l'hectare. Dans le lac le moins productif, la nourriture des deux espèces de poisson blanc était en grande partie la même, d'où forte concurrence et, partant, un faible taux de croissance et une forte mortalité naturelle. Dans le lac le plus productif, la production réelle de poissons correspondait à 70 pour cent de la productivité théorique, calculée à partir de la production de zooplancton; ce pourcentage était encore plus élevé dans le lac le plus oligotrophe. Lorsque la concurrence alimentaire était faible, le poisson blanc préférait les grandes espèces de zooplancton. La conclusion est que beaucoup des écosystèmes lacustres du nord de la Finlande ont des niches vacantes pour le poisson blanc par suite de la surexploitation des stocks et des dommages occasionnés aux zones les plus favorables à la reproduction et à la ponte par la construction d'installations hydro-électriques, la régulation du niveau des lacs, le dragage des cours d'eau, etc. C'est que ce qui explique les rendements particulièrement élevés obtenus avec des alevins d'un été.

Les relations entre le poisson blanc et les vendaces ont été examinées dans deux cas. Dans le premier cas, on a constaté que les vendaces étaient l'espèce dominate, ce que l'on avait déjà noté dans de nombreuses études antérieures. Dans le second, on a observé qu'une augmentation même très forte de la population de vendaces avait très peu d'influence sur le rendement du repeuplement avec des alevins de poisson blanc. Salojarvi estime que la concurrence alimentaire interspécifique n'existe dans ce cas que durant le premier été et que l'on peut l'éviter en utilisant des alevins au lieu de frai. Néanmoins, il faudrait réunir davantage de renseignements à ce sujet.

Importance de la pêche

L'importance de la pêche n'est mentionnée qu'en ce qui concerne la diminution de la concurrence alimentaire interspécifique et intraspécifique. Son influence sur l'abondance des prédateurs reste obscure.

Observations sur la production de poisson blanc

En général, on a obtenu une production beaucoup plus élevée en repeuplant les pièces d'eau avec des alevins de poisson blanc qu'avec du frai. Dans le nord de la Finlande, le rendement moyen par millier d'alevins était de 120–150 kg alors qu'il n'était que de 2–4 kg pour le frai (minimum - 0; maximum - 15 kg).

Des informations sur le rendement et la biomasse des lacs du nord de la Finlande ont également été fournies. Dans un cas, la biomasse de C. lavaretus provenant du repeuplement avec des alevins était estimée à 6,1 kg/ha et le rendement annuel à 1,6 kg/ha. Dans un autre cas, on a noté des rendements de 0,9–3,3 kg/ha. En ce qui concerne les petits lacs forestiers finlandais (11), on a obtenu un rendement net théorique de 4 kg/ha par an pour C. peled et de 2 kg/ha pour C. muksun dans un même lac, où il y avait également des stocks abondants de perches, de brochets et de gardons. Dans un autre lac, où la population de brochets était très réduite et celle de perches assez peu abondante, le rendement net théorique était estimé à 31 kg/ha par an pour C. peled et à 23 kg/ha pour C. muksun. On a donc souligné l'importance du prédatisme, notamment d'Esox lucius, cause d'une forte mortalité naturelle chez le poisson blanc.

Importance du repeuplement en poisson blanc pour la pêche

Le repeuplement des eaux avec du poisson blanc améliore la situation de l'emploi - production d'alevins - et le développement de la pêche crée des activités supplémentaires dans les zones déprimées, assurant une augmentation du revenu, un accroissement des possibilités de loisirs, le maintien de l'infrastructure sociale et la conservation des stocks de poisson (9).

Compte tenu de l'influence du repeuplement sur les captures de poisson blanc et du coût de la pêche, le bénéfice net en cas de repeuplement avec des alevins peut varier de 30 à 60 pour cent environ des investissements et même plus.

En Finlande, la demande de poisson blanc est très importante, ce qui a permis à la pêche commerciale de se développer sur les lacs qui s'y prêtent. Le poisson blanc est également très recherché par l'autoconsommation. On comprend dès lors l'importance du programme de repeuplement en poisson blanc qui a été lancé en Finlande (27 millions d'alevins en 1980).

Autres aspects du repeuplement en poisson blanc

Les rapports ne traitent pas d'un autre aspect du repeuplement avec les poissons blancs, à savoir l'accumulation de métaux lourds et de pesticides dans le poisson. L'expérience finlandaise montre que, parmi les espèces utilisées pour repeupler les eaux naturelles, les corégones contiennent en général moins de méthyl-mercure que les poissons prédateurs. On a prouvé récemment que le méthylmercure était le contaminant le plus dangereux dans les poissons des eaux naturelles de Finlande et on a limité en particulier la pêche commerciale du brochet, de la perche et de la lotte parce que leur chair contenait un pourcentage excessif de ce produit dans beaucoup de pièces d'eau. Il faut donc aussi tenir compte de la qualité alimentaire du poisson blanc lorsque l'on évalue l'importance du repeuplement des eaux avec ce poisson.

Références supplémentaires

Heikinheimo-Schmid, O., 1982 (About the food of whitefish in a natural and regulated lake.) Riista-ja kalatalouden tutkimus-laitos, Monistettuja julkaisuja, (4): 1–64 (in Finnish)

Mutenia, A., 1982 (A reservoir is not a lake.) Suomen Luonto, vuosikirja, (1981): 62–4 (in Finnish)

(d) DEBAT GENERAL

Les participants de plusieurs pays ont confirmé l'inutilité manifeste de repeupler les eaux avec du frai et des alevins de brochets. On en a conclu que cette pratique ne se justifiait ni du point de vue économique ni du point de vue écologique, bien que le peuplement avec des brochets puisse être utile dans les rares cas où se produisent au printemps des modifications imprévisibles et fréquentes du niveau de l'eau.

Des opinions divergentes ont été formulées en ce qui concerne l'effet du repeuplement en anguilles sur les populations d'autres espèces vivant dans les mêmes eaux. Ainsi, la Suède a observé une grave diminution des populations d'écrevisses qui peuvent disparaître complètement après un repeuplement intensif en anguilles. En Irlande, on a note que les anguilles déterraient et mangeaient les oeufs de saumon, ce qui permet de mettre en doute les observations selon lesquelles le repeuplement en anguilles n'aurait aucun effet sur les salmonidés.

A propos de l'introduction de carpes chinoises dans le Danube, Hoicik a indiqué que l'on pêchait régulièrement dans ce fleuve de grosses quantités de carpes de roseau, de carpes à grosse tête et de carpes argentées. Vu les conditions assez similaires qui existent dans le Danube et dans l'Amour et le Yangtze d'où proviennent ces carpes, ces trois espèces devraient pouvoir se reproduire; bien que l'on n'ait pas encore pu prélever de frai en raison de la force du courant, certains signes permettent de penser qu'il y a effectivement reproduction, ne serait-ce que sporadiquement, dans la Tisza et le Danube. On capture également ces trois espèces dans le delta du Danube, en Roumanie, et on estime que ces poissons, même si certains d'entre eux se sont échappés des installations d'aquaculture intensive qui existent dans la région, sont, pour un grand nombre, des poissons qui résultent de la reproduction au-delà des Portes de Fer et qui ont été entraînés en aval. On est en train d'étudier ce problème.

L'introduction du gardon en Irlande s'est révélée néfaste car ce poisson concurrence la truite qui est plus recherchée. La propagation continue de cette espèce par les pêcheurs qui l'utilisent comme appât montre de quelle manière on risque, par ignorance ou négligence, de disséminer un poisson indésirable. L'aménagement des pêches en Irlande vise en grande partie à éliminer le gardon et à le remplacer par la truite de mer. Malheureusement, le gardon que l'on a introduit était porteur d'un trématode dangereux pour les poisson indigènes. Par ailleurs, on risque de propager des espèces indésirables mélangées involontairement à des juvéniles ou à du frai d'espèces similaires. C'est ainsi que Carassius auratus gibelio s'est propagé en Yougoslavie en même temps que la carpe.

SESSION 2: REPEUPLEMENT - LA TRUITE DE MER

(G.J.A. Kennedy)
(Documents No. 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 25)

Les documents présentés au Symposium font apparaître les différentes méthodes utilisées pour optimiser le rendement du repeuplement en truites de mer compte tenu des problèmes qui sont souvent particuliers à chaque pays en ce qui concerne le type et la qualité de l'eau. On peut parvenir à un accord assez large dans certains domaines de recherche; en revanche, dans d'autres, il apparaît impossible d'adopter une stratégie générale pour toute l'espèce, eu égard par exemple aux exigences des différentes races locales. Les principaux aspects des documents sont examinés ci-après.

Taille optimale des truites pour le repeuplement

Dans les documents qui traitent de cette question, on s'accorde en général à reconnaître que plus les truites sont grandes et meilleurs sont les rendements. En Norvège on a constaté que tout accroissement de 3 centimètres de la taille mayenne des truites utilisées pour le repeuplement multipliait par deux le rendement des poissons de deux ans; d'autres expériences de repeuplement menées en été ont montré que le rendement des poissons de deux ans (13–16 cm de longueur) était de 3 à 12 fois supérieur à celui des poissons d'un an (5–6 cm de longueur) (14). Dans les grands lacs irlandais, on a noté la même différence, les poissons de un an ayant un rendement nul pour les pêcheurs (17). Toutefois, leur rendement était positif dans les lacs plus petits mais, dans ce cas, le génotype du poisson était plus important que les légères différences de taille (environ 2.5 cm). Ce facteur ne jouait pas pour les poissons de deux ans, la taille au moment du repeuplement étant plus importante que le génotype dans les grands lacs irlandais. Parmi les autres auteurs qui ont abordé cette question, Marchant et Moreau (16) indiquent que les meilleurs rendements (jusqu'à 90 pour cent) ont été obtenus avec des truites d'alevinier de taille réglementaire mises à l'eau durant la saison de pêche dans des zones très exploitées par les pêcheurs. Toivonen et al. (20) recommandent une taille minimum de 18–25 cm pour le repeuplement; Williams (25) note que le repeuplement d'eaux polluées avec des truites de taille réglementaire n'est guère profitable.

Epoque optimale du repeuplement

Cette question a été examinée dans le détail. On s'accorde en général à reconnaître que le rendement est nettement supérieur si l'on repeuple les cours d'eau et les lacs au printemps au lieu de le faire en automne. A l'appui de cette thèse, on présente quatre expériences qui ont été faites dans les lacs et cours d'eau norvégiens; ce phénomène tiendrait au fait que beaucoup de poissons mis à l'eau à l'automne meurent de faim en hiver. Toutefois, on a enregistré de meilleurs rendements et un taux de survie plus élevé avec des truites d'alevinier de deux ans mises à l'eau au printemps qu'avec des truites d'un an mises à l'eau en automne dans des lacs irlandais malgré l'abondance des organismes benthiques en automne. L'absence en surface d'organismes susceptibles de nourrir les truites à cette époque de l'année a peut-être une certaine influence. Au Pays de Galles, la plupart des truites utilisées pour le repeuplement avaient une consommation alimentaire en baisse durant les 40–50 jours suivant leur mise à l'eau et on a donc recommandé que celle-ci ne se fasse pas en automne pour que les truites n'abordent pas l'hiver dans un état de moindre résistance (15 et 21). En France, les truites d'alevinier ont une croissance plus rapide que les truites sauvages après une perte de poids initiale consécutive à leur mise à l'eau, peut-être parce qu'elles mangent davantage. Toutefois, on a également observé de très faibles rendements avec des truites de taille égale ou inférieure aux normes légales mises à l'eau en automne par rapport au rendement des truites mises à l'eau au printemps mais ce phénomène a été attribué au déplacement vers l'aval plutôt qu'à la mortalité. En Finlande, le repeuplement de printemps a donné de bien meilleurs résultats que celui d'automne (19, 20). Aucune distinction n'est faite à ce sujet pour le Danemark; toutefois, on continue à pratiquer régulièrement le repeuplement d'automne pour faciliter l'évaluation du recrutement naturel par pêche à l'électricité (18).

Races des truites utilisées pour le repeuplement

On a étudié les différences existant entre les truites d'alevinier et les truites sauvages, aussi bien en ce qui concerne leur résistance qu'en ce qui concerne leur survie après les opérations de repeuplement. On a constaté que les truites sauvages d'un an avaient un taux de survie nettement supérieur à celui des truites d'élevage d'un an dans les petits lacs irlandais (17); en revanche, lorsque l'on mettait des truites de deux ans appartenant aux deux catégories dans des lacs plus grands, leur taille au moment du repeuplement était plus importante que le génotype.

On estime que les truites d'alevinier ont la “chair molle” et sont moins vives que les truites sauvages, ce qui explique que leur taux de survie soit faible dans un environnement étranger où règne la compétition. Les expériences réalisées montrent que peu de truites d'alevinier sont aussi résistantes que les truites sauvages (16). On pense que les techniques d'élevage font disparaître la sélection naturelle et qu'il faudrait désormais s'efforcer de sélectionner des truites résistantes pour le repeuplement. De même, on a suggéré pour le Danemark de sélectionner pour le repeuplement des races optimales de truites sauvages locales qui peuvent être supérieures aux truites d'alevinier d'origine inconnue (18). Les truites d'alevinier tendent à conserver une couleur argentée très longtemps après le repeuplement, ce qui attire peut-être les prédateurs (15,21). En Norvège, on procède déjà à la sélection de différentes races de truites et l'on a constaté que la survie de chacune d'entre elles variait dans de très fortes proportions en fonction du type d'eau dans laquelle on les met (14).

Déplacements des truites de repeuplement

Ces déplacements sont plus ou moins importants. Dans les cours d'eau du Pays de Galles, la majorité des truites de repeuplement se déplacent de moins de 1 km, généralement vers l'aval (15, 21 et 25). Les déplacements sont plus importants dans les cours d'eau à débit rapide que dans les eaux plus profondes où le courant est moins fort. En Norvège, les migrations des truites de repeuplement sont “en général très courtes” (14). En Finlande, on a capturé des truites de repeuplement à 100 km en aval du point où elles avaient été mises à l'eau - même quand il n'y avait pas de pollution au point de départ et c'est pourquoi on déconseille de mettre des truites de mer dans des lacs dont elles sont susceptibles de s'échapper (19). En France, le faible rendement des truites mises à l'eau à l'automne six mois avant l'ouverture de la pêche est attribué à un déplacement de “plusieurs kilomètres” vers l'aval (16). A ce sujet, on a également noté que le frai qui n'avait pas acquis de territoire avait tendance à se déplacer vers l'aval pendant dix jours environ après son émergence, essentiellement la nuit. On n'a pas déterminé la distance de dispersion du frai. Au Danemark, la dispersion du frai et des autres truites de repeuplement serait limitée (18) et l'on s'efforce de parvenir à une répartition aussi large que possible afin d'utiliser au mieux la capacité totale de production.

DEBATS

Les débats ont porté essentiellement sur trois aspects fondamentaux et interdépendants: avantages comparés des truites sauvages et des truites d'alevinier, compétition apparente entre la truite de mer et la truite arc-en-ciel, migration des truites de repeuplement. En France, on attache moins d'importance à l'effet immédiat du repeuplement, par exemple à l'augmentation du taux des captures, qu'à l'implantation durable des truites dans les cours d'eau. L'utilisation de mâles pour le repeuplement donne de médiocres résultats mais permet finalement l'installation de populations qui résistent aux captures et qui survivent mieux dans l'environnement naturel. On a également indiqué qu'il fallait acclimater le poisson ou choisir des races ayant des caractéristiques génétiques leur permettant de résister à une capture trop facile par les pêcheurs ou par d'autres prédateurs; en revanche, on considère en général aux Etats-Unis qu'il est préférable d'avoir beaucoup de truites d'alevinier vulnérables pour la pêche plutôt qu'un plus petit nombre de truites sauvages. En Norvège, il est nécessaire d'utiliser des truites d'alevinier faute de truites sauvages; ces truites d'alevinier peuvent être acclimatées et assurent un accroissement constant des captures. Par contre, aux Pays-Bas, le repeuplement continuel des eaux saumâtres avec des truites arc-en-ciel pendant plus de 14 ans n'a pu compenser la diminution continue des taux de capture constatés après le peuplement initial.

La diminution des captures dans d'autres endroits est peut-être due en partie à la migration des truites loin du site de repeuplement. Cela est vrai notamment lorsque le poisson est transféré d'un réseau à un autre et tend à retourner à son réseau original, tendance que l'on peut combattre en acclimatant le poisson pendant un mois environ avant de le lâcher. La migration est également un phénomène courant chez les truites arc-en-ciel; une grande partie des truites arc-en-ciel introduites à l'origine étaient sans doute de l'espèce migratrice “tête d'acier”. En tout état de cause, il vaut sans doute mieux distinguer entre les besoins de repeuplement des réseaux fermés et ceux des cours d'eau et lacs qui sont ouverts et permettent la migration.

La compétition apparente de la truite de mer et de la truite arc-en-ciel, qui a tendance à être favorable à la première dans des conditions naturelles, n'est peut-être pas en fait une véritable compétition et les deux espèces peuvent coexister sauf si leur densité est excessive.

SESSION 3: REPEUPLEMENT - LE SAUMON

(H.J. Egglishaw) (Documents No. 22, 23, 24)

Introduction

L'étude des facteurs ayant une influence sur la croissance, la survie et la production de jeunes saumons à partir du frai naturel a beaucoup progressé ces derniers temps de sorte que l'on peut définir plus clairement les programmes d'amélioration des stocks. On dispose aujourd'hui de techniques pour suivre et évaluer les résultats des programmes d'aménagement et l'on voit apparaître des rapports sur différents projets nationaux. En outre, on a publié des données globales concernant la propagation des saumons et des questions connexes. On citera notamment le document technique de la CECPI sur “la diagnose écologique des rivières à saumon” (Cuinat et al., 1975) un rapport sur la propagation en Angleterre et au Pays de Galles (Harris, 1978) et un guide sur l'enrichissement des cours d'eau publié par le gouvernement canadien (Comité de recherche sur l'enrichissement des cours d'eau, 1980). Egglishaw et al. (1982) publieront sous peu un guide consacré au repeuplement.

L'amélioration des stocks de saumons peut exiger l'application de plusieurs techniques mais suppose en général un programme d'empoissonnement avec des juvéniles.

Epoque du repeuplement

En règle générale, le repeuplement artificiel des eaux en saumons pour l'amélioration de la pêche devrait avoir l'un des objectifs suivants:

  1. Etendre l'aire de production des tacons. D'ordinaire, le repeuplement se fait en amont des obstacles qui empêchent ou gênent la remontée des poissons frayants et l'opération doit être répétée chaque année. Dans certains cas, il est possible de peupler artificiellement un cours d'eau qui ne contient pas de stock naturel de saumons pour des raison géographiques.

  2. Repeupler un cours d'eau que les saumons ont fui sous l'effet de la pollution ou d'autres facteurs. L'opération doit se poursuivre jusqu'à la constitution d'une population de poissons frayants.

  3. Compléter la production naturelle dans les cas où des études ou observations détaillées ont montré qu'elle était inférieure à la capacité des eaux (par exemple, à cause d'un recrutement insuffisant). L'opération doit se poursuivre jusqu'à l'apparition d'une population importante de saumons frayants.

  4. Maximiser la production de tacons en utilisant au maximum les zones d'alevinage. Pour cela, il faudrait des connaissances et des techniques plus spécialisées, par exemple pour accroître le taux de développement des oeufs et des larves grâce à une alimentation en eau chaude ou pour échelonner le repeuplement au cours d'une même saison; cette opération devrait être répétée chaque année.

Il faudrait également envisager d'autres techniques d'aménagement pour accroître les stocks de saumons dans les cours d'eau: aumenter le taux de survie du frai, transférer des poissons frayants venant d'autres zones, améliorer les conditions existant dans les cours d'eau (par exemple, améliorer la qualité de l'eau, éliminer les obstacles, construire des échelles à saumon, améliorer le lit du cours d'eau, etc.). Un assez grand nombre de publications ont été consacrées à ces questions (par exemple, Berg, 1964; Ducharme, 1972; Hunt, 1969; Jones et Howells, 1975; Netboy, 1968; Smart, 1965; White et Brynildson, 1967). Il faut se rappeler que, bien que l'on trouve dans les mêmes eaux de jeunes saumons et truites et d'autres espèces de poissons, il existe une certaine séparation spatiale (Elson, 1967; Symons et Heland, 1978; Egglishaw et Shackley, 1982; Kennedy et Strange, 1982) et il convient de connaître le type d'habitat préféré par les saumons de différentes tailles pour concevoir de bons projets d'amélioration des stocks.

Stades de croissance pour le repeuplement - avantages et inconvénients

Les oeufs de saumon peuvent être utilisés lorsqu'ils viennent d'être fécondés ou après quelques semaines d'incubation, au stade des oeufs embryonnés. Il faut les enterrer, soit directement (Sedgwick, 1960) soit dans des boîtes (Vibert, 1949; Egglishaw et al., 1982) dans le gravier qui recouvre le lit de la rivière. Il ne faut pas utiliser ni manipuler les oeufs entre ces deux stades sous peine d'une énorme mortalité. Les oeufs peuvent être conservés dans un alevinier jusqu'à l'éclosion du fretin que l'on mettra à l'eau sans avoir eu à le nourrir; on peut aussi nourrir le fretin plus ou moins longtemps avant de le mettre à l'eau ou attendre que le saumon ait un an ou soit devenu un tacon avant de l'utiliser pour le repeuplement (auquel cas sa vie en eau douce aura presque atteint son terme).

(i) Oeufs venant d'être fécondés

Avantages: On n'a pas besoin d'alevinier.

Inconvénients: Il faut choisir soigneusement le site en évitant les zones sujettes à l'érosion ou à l'envasement de même que celles qui risquent de s'assécher. Les oeufs doivent être enterrés dans les vingt-quatre heures qui suivent la fécondation; les conditions dans le cours d'eau ne sont pas alors toujours favorables. On a observé de faibles taux de survie jusqu'à l'apparition du fretin.

(ii) Oeufs embryonnés

Avantages: On dispose de trois semaines environ pour les utiliser, selon la température, ce qui permet de choisir les meilleurs sites et les meilleures conditions. Ils sont assez résistants et peuvent être manipulés sans danger. Les taux de survie jusqu'à l'apparition du fretin sont en général élevés. On les enterre souvent dans des boîtes pour les protéger.

Inconvénients: Il faut choisir le site avec grand soin. Il est nécessaire de disposer d'aleviniers, ce qui rend l'opération plus coûteuse.

(iii) Alevins non nourris

Avantages: Permet d'éviter les grosses pertes qui se produisent dans certains cours d'eau avec les oeufs et au début du stade larvaire (alevins). Ce système est plus simple et demande moins de temps que le repeuplement avec des oeufs; une équipe de trois personnes peut mettre à l'eau 70 000 alevins par jour (contre 35 000 oeufs). On peut répartir au mieux les alevins sur le lit de la rivière.

Inconvénients: L'opération doit se faire à un moment précis, lorsque la pigmentation est bien développée et que le sac vitellin est presque résorbé. Les pertes seront très importantes si elle se fait trop tôt (le courant emportera les alevins vers l'aval) ou trop tard (les alevins mourront de faim). Il faut des installations supplémentaires pour le développement des larves, d'où une augmentation des coûts. L'opération doit se faire lorsque le débit est faible.

(iv) Utilisation de fretin nourri et de saumons d'un an

Avantages: L'opération peut se faire pratiquement à n'importe quel moment à la condition que le débit ne soit pas trop fort. Dans certaines zones, la mortalité est ainsi moins forte que si l'on utilisait des oeufs ou des alevins non nourris.

Inconvénients: Il faut des aleviniers très importants et il faut par ailleurs nourrir le poisson. Les coûts de production sont donc élevés.

(v) Repeuplement avec des tacons

Avantages: Le taux de survie, du stade de l'oeuf au stade du tacon, est satisfaisant lorsque les conditions d'hygiène sont bonnes. De grandes quantités peuvent être produites sur une superficie relativement limitée. Cette méthode peut être utile pour préserver les stocks dans les cours d'eau où les frayères sont médiocres ou endommagées. Elle peut être nécessaire pour les projets de sélection.

Inconvénients: Il faut des aleviniers parfaitement équipés. Il faut alimenter et soigner comme il convient le poisson. La mortalité est élevée après le lâcher. Les tacons d'élevage ont un taux de survie plus faible que les tacons sauvages et il est fréquent que le rendement en adultes soit médiocre. Les tacons, notamment ceux d'élevage, ne sont pas très résistants en général et il faut donc les manipuler avec délicatesse (24). Il est parfois difficile de produire des tacons ayant les meilleures chances de survie.

(vi) Obtention du frai et des alevins

On peut les acheter ou capturer des adultes qui fourniront oeufs et laitance. Les méthodes de capture et de conservation ont été décrites par Fort et Brayshaw (1961), Clay (1961), Piggins (1967) et Struthers (1982). Les poissons exigent beaucoup de soins dans les réservoirs ou étangs pour éviter les maladies (Piggins, 1972). Si l'on dispose des installations nécessaires, on peut envisager des projets de sélection à long terme (Calaprice, 1973) visant à améliorer la qualité des adultes provenant du repeuplement (Piggins, 1967; Peterson, 1971). Si l'on importe des oeufs et du fretin d'autres réseaux hydrographiques, on court le risque de propager des maladies virales et d'introduire des poissons n'ayant pas la composition génétique voulue (Moller, 1971). La meilleure politique consiste à utiliser des oeufs ou du fretin provenant du même réseau hydrographique ou, à défaut, d'un cours d'eau avoisinant.

Survie et croissance des saumons de repeuplement

(i) Evaluation

Il faut suivre l'évolution des programmes d'amélioration des stocks afin de pouvoir y apporter les modifications nécessaires et adopter les techniques les plus efficaces. Lorsque l'on repeuple des cours d'eau avec des oeufs ou du frai, on peut procéder à des estimations des populations à la fin de l'été ou à l'automne afin de déterminer les taux de survie et de croissance. Pour estimer le nombre de juvéniles présents dans une section de cours d'eau, on isole celle-ci avec des filets et on capture le poisson prisonnier en le paralysant à l'électricité. Normalement, on peut appliquer la méthode de pêche à l'électricité en quatre étages. La dispersion du frai durant la première saison de croissance est assez limitée: d'ordinaire, il ne s'éloigne pas de plus de 300–400 m en aval du site de repeuplement et de 100 m en amont. L'estimation de la population dans plusieurs sections du cours d'eau permet de déterminer le nombre total des survivants (Egglishaw et Shackley, 1973). On peut capturer de gros saumoneaux et tacons durant leur migration vers la mer en plaçant un piège en un point approprie du cours d'eau. Dans certains cas, on capture la totalité du banc, dans d'autres, seulement une partie et, dans ce dernier cas, des expériences de marquage et de recapture sont effectuées pour déterminer le nombre total des migrants.

(ii) Survie

Si on utilise des oeufs fraîchement fécondés, le taux de mortalité est en général élevé avant l'apparition du frai, peut-être parce que les crues hivernales endommagent les oeufs; en conséquence, on obtient un faible nombre de saumons d'un an et de tacons. Si les conditions sont particulièrement rigoureuses, les frayères artificielles risquent d'être complètement détruites (23). Les oeufs embryonnés, enterrés directement dans le lit de la rivière ou dans des boîtes, permettent d'obtenir des taux de survie beaucoup plus élevés, identiques à ceux que l'on obtient avec l'alevin non nourri (Egglishaw et Shackley, 1980) (23). En utilisant des oeufs embryonnés, on a obtenu pendant 3 ans un taux de survie de 17,5–19,4 pour cent jusqu'au stade du frai à la fin de l'été dans un cours d'eau d'Irlande du Nord (23), de 11,1–14,8 pour cent jusqu'au stade du frai en automne dans un cours d'eau écossais (Egglishaw et Shackley, 1980) et de 10,3 pour cent jusqu'au stade du frai un an plus tard en Irlande du Nord (Kennedy et Strange, 1981). La survie du frai dépend de plusieurs facteurs et notamment de la densité du repeuplement et de la présence de truites et de saumons plus âgés. Les taux de mortalité instantanée (M par jour) du frai utilisé pour repeupler des affluents de la Tummel (Ecosse) durant la première saison de croissance étaient de 0,0068–0,0125 pour 2,0–3,5 m2 et, d'ordinaire, de 0,012–0,014 pour 5 m2 (22). Pour le frai mis dans un autre cours d'eau, productif, à 3,6–29,3 m2, le rapport M par jour durant la première saison de croissance et la densité initiale du repeuplement (Dp) est exprimé par la formule M = 0,00637 + 0,00444 log10Dp (Egglishaw et Shackley, 1980).

On a utilisé des oeufs embryonnés pour repeupler un cours d'eau d'Irlande du Nord (avec une densité globale de 6,2 m2) qui contenait aussi des truites et des saumoneaux et on a constaté que le taux de survie n'était même pas la moitié de celui obtenu en l'absence de ces poissons (23). Toutefois, la présence de saumons de plus de un an n'a pas accru la mortalité des poissons de moins d'un an dans les affluents repeuplés de la Tummel où les populations de truites étaient faibles (22).

Le taux de survie des saumons de repeuplement diminue lorsqu'il y a beaucoup de frai de truites (23). Egglishaw et Shackley (1977) ont observé que le taux de mortalité des saumons sauvages durant leur première année était fonction de leur densité au début de la saison et, plus encore, de la densité combinée des saumons et des truites. Les taux de mortalité (M par jour) des saumons utilisés pour repeupler les affluents de la Tummel l'année suivant leur première saison de croissance étaient de 0,0014–0,0039, c'est-à-dire faibles par rapport à ceux des populations naturelles (22).

(iii) Croissance

La croissance des juvéniles est fonction de la densité des populations, des températures, des ressources alimentaires et de la présence d'autres poissons. Egglishaw et Shackley (1980) ont constaté que le poids moyen (Wo, g) des saumons utilisés pour repeupler un cours d'eau après la première année de croissance était inversement proportionnel à la densité de population (DoNo m2) et à la biomasse (B1, g m2) des saumons de plus d'un an présents dans le cours d'eau, ce qui donne la formule suivante: log10 Wo = 0,6584-0,0558 Do - 0,0352 B1. Le frai de saumon était plus gros. (moyenne 62 mm) dans une section dont on avait enlevé tous les poissons que dans une autre section contenant des truites et des saumoneaux (moyenne 52 mm) (23).

Manipulation et transport des tacons

L'élevage des tacons s'est beaucoup développé ces dernières années de même que les recherches visant à améliorer méthodes et techniques. Les tacons d'élevage ont un taux de survie plus faible que les tacons sauvages: on connaît certains des facteurs dont dépend la survie de ces derniers; en revanche, on connaît beaucoup moins bien ceux qui ont une influence sur les tacons d'élevage. L'évolution biologiques et la migration des tacons sauvages sont déclenchées par des facteurs écologiques qui incluent vraisemblablement la recherche des meilleures conditions de survie. Les tacons d'élevage sont parfois mis à l'eau á un stade qui est loin d'être optimal et dans des conditions défavorables. En outre, leur taux de mortalité risque d'être élevé par suite de leur manutention et de leur transport jusqu'au lieu de repeuplement. Soivio et Virtanen (24) ont étudié les effets physiologiques du transport sur des tacons de la Baltique transplantés de quatre établissements piscicoles situés à l'intérieur du pays et mis à l'eau à proximité de la côte finlandaise. Des échantillons ont été prélevés juste avant le transport et après cinq jours de récupération en eau douce sur le site de repeuplement. La valeur de l'hématocrite (15–23 pour cent de moins) et la concentration d'hémoglobine étaient inférieures après le transport de même que la concentration de glucose dans le plasma (6–75 pour cent de moins), la teneur du foie en glycogène (25–29 pour cent de moins) et la teneur des muscles en lipides. Cette réduction de la capacité de transport de l'oxygène par le sang et des réserves énergétiques est caractéristique des états de stress. Le transport n'a pas eu d'effet trop marqué sur les réserves énergétiques, parce que les poissons sont conservés dans l'eau salée, ce qui réduit la dépense d'énergie pour l'osmorégulation, et qu'ils sont nourris durant la phase de récupération. Les tacons présentaient toujours des déséquilibres physiologiques cinq jours après le transport; pour réduire la mortalité ultérieure, il faudrait les lâcher à un stade critique, minimiser leur etat de stress et prévoir une période de récupération sur le site de repeuplement pendant laquelle on les nourrira.

DEBATS

On a souligné qu'il était capital de mesurer les caractéristiques physiochimiques des tacons pour connaître leur etat de santé. Ces données pourront être mises en corrélation avec les données relatives aux taux de retour.

On a souligné que l'amélioration des stocks de tacons en amont d'obstacles naturels ou artificiels n'est pas toujours souhaitable car les saumons adultes que l'on obtient sont incapables de revenir à leur habitat original en eau douce et risquent de rester en aval de l'obstacle. Toutefois, ce repeuplement peut être utile si le fond de la rivière est très endommagé et s'il n'y a pas de possibilité d'éclosion naturelle.

Le transport peut avoir une influence sur la survie des alevins; des tranquillisants sont parfois utilisés pour réduire la mortalité durant le marquage, le transport ou le stockage sur de longues périodes.

Références supplémentaires

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