Programme conjoint sur les approches transformatives sensibles au genre pour la sécurité alimentaire et la nutrition

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©IFAD/Susan Beccio

Introduction

Les méthodes classiques sensibles au genre ont tendance à traiter en premier lieu les symptômes de la discrimination à l’égard des femmes, par exemple le fait qu’elles ont moins accès aux ressources et aux avantages sociaux, sans prendre en considération les facteurs structurels à l’origine des inégalités femmes-hommes, raison pour laquelle elles n’aboutissent généralement pas à des évolutions durables.

Les normes et les rôles discriminants liés au genre ainsi que les inégalités dans les rapports de force et les structures sociales limitent les aspirations et les débouchés des femmes et des hommes. Ainsi, les femmes sont souvent exclues des processus participatifs et décisionnels. Cela souvent restreint leur autonomie et empêche leurs besoins spécifiques d’être pris en compte, tandis que les hommes subissent le poids des attentes strictes et irréalistes en matière de masculinité, qui débouchent parfois sur des comportements et des mécanismes de survie dangereux.

Pour que l’égalité des sexes devienne une réalité, il faut que les programmes et initiatives de développement adoptent des approches transformatives sensibles au genre.

 

Approche transformative sensible au genre

L’approche transformation sensible au genre est un maillon de la chaîne (du continuum) des approches de genre.

Elle vise à examiner activement les causes profondes des inégalités entre femmes et hommes, qui sont ancrées dans des structures sociales et des institutions inéquitables, à les remettre en cause et à les transformer.

En ce sens, une telle approche vise à remédier aux déséquilibres dans les dynamiques et les rapports de force, aux normes et rôles rigides de genre, aux pratiques préjudiciables, aux inégalités inscrites dans les règles officielles et officieuses ainsi qu’aux cadres juridiques et politiques sans distinction de genre ou discriminants, qui créent et perpétuent les inégalités entre hommes et femmes. Ce faisant, elle cherche à éradiquer les formes systémiques de ces discriminations en créant ou en renforçant des normes, des dynamiques et des systèmes équitables, à l’appui de l’égalité des sexes.

L’approche transformative sensible au genre s’oppose aux relations qui désavantagent les femmes et aux normes et pratiques discriminantes, généralement favorables aux hommes. Elle vise aussi à faire évoluer les normes et pratiques discriminantes à l’égard des hommes, qui peuvent les amener à se sentir dépassés.

 

Méthodes transformatives sensibles au genre

Les méthodes transformatives sensibles au genre sont une série d’approches, de stratégies et d’outils participatifs visant à encourager chez les femmes et les hommes une réflexion et un examen critiques des rôles dévolus à chacun, des normes de genre et des rapports de force qui les opposent.

Elles encouragent la réflexion personnelle, la prise de conscience et la génération de nouvelles connaissances tirées de cycles d’action et de réflexion qui se succèdent et se répètent.

Ces méthodes encouragent femmes et hommes, filles et garçons, à faire évoluer leurs relations, les possibilités qui se présentent à elles et à eux et les ressources consacrées aux unes et aux autres en remettant en question les causes profondes de la discrimination de genre, notamment les normes contraignantes de genre, les attitudes et les comportements discriminants, le déséquilibre des rapports de pouvoir et des structures sociales, économiques et politiques (lois, politiques et règlements) qui créent et renforcent les inégalités entre hommes et femmes. Elles incitent aussi les garçons et les hommes de tous âges, à adopter des masculinités positives.

Ces méthodes sont applicables à l’échelle des individus, des ménages, des communautés, des groupes ou organisations, ou à plusieurs échelons simultanément. Elles peuvent être inscrites dans des programmes techniques sectoriels, avec l’objectif de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ainsi que d’améliorer les résultats globaux en matière de développement.

Dans le contexte de la sécurité alimentaire, de la nutrition et de l’agriculture durable, les Clubs Dimitra de la FAO, le Système d’apprentissage interactif entre les sexes, les Dialogues communautaires, les Parcours de transformation Promundo, l’Analyse et l’action sociales de CARE et le programme Nurturing Connections de Hellen Keller International figurent parmi les méthodes les plus connues.

Le 'Recueil de 15 bonnes pratiques', publié en 2020 dans le cadre du Programme conjoint, présente des méthodesR transformatives sensibles au genre qui ont donné de bons résultats dans différents contextes. Ce recueil met en évidence les bonnes pratiques et les expériences qui contribuent à susciter des changements positifs en matière de genre, au service de la sécurité alimentaire, d’une meilleure nutrition et d’une agriculture durable.

 

Programmation transformative sensible au genre

Ce type de programmation consiste à intégrer l’approche transformative sensible au genre dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des projets et des programmes.

Il s’agit de faire évoluer les rapports entre hommes et femmes au niveau des individus et des systèmes mais aussi dans toutes les sphères de la vie, qu’elles soient formelles ou formelles. La programmation transformative sensible de genre repose sur des interventions qui visent à répondre à des besoins pratiques, propres aux femmes ou aux hommes (par exemple pour ce qui est des connaissances, des compétences, de l’accès aux ressources productives), et aux intérêts stratégiques des unes et des autres (notamment le pouvoir de décision, la position ou le statut dans la société) en faisant évoluer les capacités d’action, les relations et les structures sociales.

Si l’on veut mener des activités de développement transformative sensible au genre, il faut que les agences de développement elles-mêmes réfléchissent à ces questions et se transforment de l’intérieur. Elles doivent pour cela aller au-delà du renforcement des capacités et de l’apprentissage interne et s’appliquer à changer les attitudes, à faire évoluer les modèles mentaux, les valeurs et les croyances en leur sein. Un engagement politique au plus haut niveau est aussi nécessaire.

Afin d’aider les organismes des Nations Unies ayant leur siège à Rome et leurs partenaires à concevoir et à mettre en œuvre des activités en faveur de l’égalité des sexes susceptibles d’aboutir à des changements concrets et durables, le Programme conjoint a mis au point une théorie du changement applicable à la programmation transformative sensible au genre. 

Cette théorie est actuellement mise à l’épreuve sur le terrain et sera révisée en fonction des résultats et des conclusions des activités du Programme conjoint menées à l’échelle des pays.

 

Terminologie

  • Normes de genre (sous-groupe de normes sociales): règles informelles et attentes sociales communes qui déterminent et attribuent à chaque identité de genre (masculine/féminine) des rôles, des comportements, des responsabilités et des attentes acceptables sur le plan social. Parce qu’elles pèsent sur ce qui est considéré comme socialement acceptable et adapté pour les hommes et pour les femmes, elles ont une influence directe sur les choix, les libertés et les capacités de chaque personne. 
  • Masculinités: différentes façons d’être et d’agir, valeurs et attentes socialement construites liées au fait d’être et de devenir un homme dans une société, un lieu et une époque donnés. Les masculinités s’appliquent principalement aux hommes et aux garçons au sens biologique, mais elles ne sont pas déterminées par la biologie et ne sont pas le propre des hommes.*
  • Masculinités équitables de genre (ou positives): masculinités favorables à l’autonomisation des femmes et à l’égalité des sexes, qui remettent en question les structures patriarcales et les dynamiques de pouvoir défavorables aux femmes.*

  • Masculinités restrictives (ou toxiques): masculinités qui confinent les hommes à leur rôle traditionnel de groupe dominant, faisant obstacle à l’autonomisation des femmes et à l’égalité des sexes.*

 

*Source: OCDE. 2021. Man Enough? Measuring Masculine Norms to Promote Women’s Empowerment, Social Institutions and Gender Index, publication de l’OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6ffd1936-en.

Le saviez-vous?

Les approches transformatives sensibles au genre:

  • visent à supprimer les obstacles structurels à l’égalité des sexes et à remettre en question la répartition des ressources et des tâches entre hommes et femmes;
  • permettent de comprendre la rigidité des normes et des rôles de genre, les déséquilibres des dynamiques de pouvoir et les structures sociales discriminantes afin d’y réfléchir, de les remettre en question et de les faire évoluer;
  • visent à favoriser des relations femmes-hommes plus équitables dans les ménages, les communautés et les organisations et à faire avancer la position relative des femmes et des filles dans la société;
  • facilitent le dialogue, la confiance et l’évolution des comportements à différents niveaux (individu, ménage, communauté, et systèmes ou institutions);
  • passent par l’application de méthodes pédagogiques participatives et d’apprentissage par l’expérience;
  • tiennent compte du fait que les femmes subissent souvent des formes de discrimination multiples et croisées; et
  • mobilisent explicitement les hommes et les garçons pour en faire des alliés du changement et des défenseurs de l’égalité des sexes.